Instant articles de facebook : aubaine ou piège pour la presse en ligne?

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Instant articles de facebook : aubaine ou piège pour la presse en ligne?"


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Le 12 mai dernier, Facebook a introduit Instant Articles dans son application mobile. Cette nouvelle fonctionnalité permet aux utilisateurs de consulter des articles de presse directement


dans l’application sans avoir à la quitter pour visiter le site de l’éditeur. Pour le moment, Instant Articles est uniquement disponible pour iPhone mais le sera également bientôt pour les


smartphones sous Android. Neuf sites de trois pays participent au lancement du projet (_New York Times_, _The Atlantic_, _NBC News_, _National Geographic_ et _BuzzFeed_ aux États-Unis, _The


Guardian_ et _BBC News_ en Grande Bretagne, _Der Spiegel_ et _Bild_ en Allemagne) et l’idée à terme est de généraliser le format. Cette innovation conduit à s’interroger sur les enjeux que


représente Facebook pour les éditeurs de presse et pour le journalisme en général. FACEBOOK AU CŒUR DE L’INFORMATION EN LIGNE > D’un point de vue technique, Instant Articles est un 


exploit D’un point de vue technique, Instant Articles est un exploit. À partir du code HTML ou du flux RSS des sites recensés, Facebook est capable de reproduire la mise en page des éditeurs


sur un format adapté aux supports mobiles afin que le lecteur ait l’impression de visiter leurs sites respectifs, alors qu’en fait il se trouve toujours à l’intérieur de l’application de


Facebook. L’outil est conçu pour rendre « l’expérience utilisateur » très agréable et faire en sorte que celle-ci soit la plus intuitive possible. Facebook semble donc être en passe de


réussir là où la plupart des éditeurs rencontrent des difficultés : adapter l’information journalistique multimédia et interactive aux supports mobiles à interface tactile et la rendre


attrayante. L’INFOMÉDIATION SOCIALE DE L’ACTUALITÉ > Le type de sources partagées par les utilisateurs de Facebook est > en partie conditionné par leurs préférences politiques En


effet, Facebook est le spécialiste de l’_infome´diation sociale _de l’actualité2. Cette activité implique trois composantes : premièrement des plateformes numériques de sociabilité, qui


doivent remplir les conditions d’un réseau socionumérique ; deuxièmement, des communautés ou des regroupements ponctuels d’internautes qui désirent partager et commenter des contenus


d’actualité. Enfin, des éditeurs et producteurs de _news_ qui tentent de favoriser le partage de leurs contenus sur des services comme Facebook et Twitter en mettant en place tout une


panoplie des dispositifs (pages et profils spécifiques, boutons de partage, incitations diverses etc.). Les caractéristiques particulières (notamment techniques et économiques) de chaque


plateforme imposent un certain nombre de contraintes d’usage. Il en découle un type spécifique de dispositif d’infomédiation qui fait l’objet d’une « activation » et d’une appropriation


particulière de la part des internautes et des éditeurs en fonction de déterminants divers : caractéristiques socioéconomiques et culturelles, objectifs poursuivis, contextes d’usage3. C’est


ainsi, par exemple, que le projet Algopol a montré récemment que le type de sources partagées par les utilisateurs de Facebook est en partie conditionné par leurs préférences politiques. Le


même constat vaut également pour Twitter comme on a pu le montrer au sujet de l’attentat de Charlie Hebdo. Le résultat de cette interaction triangulaire entre des contenus, des plateformes


de partage et des groupes d’usagers en contexte constitue un processus d’infome´diation sociale. Ce qui sert a` mettre en contact une offre hétérogène et pléthorique d’information disponible


sur le web et une demande éclatée de la part des publics diversifiés est bien l’interaction entre usagers individuels intermédiée _via_ des algorithmes propriétaires et structurants. Cette


interaction génère des flux de trafic vers les sites d’information qui, comme on l’a vu plus haut concernant Facebook, pèsent de plus en plus sur leur audience, faisant ainsi partie


intégrante de l’économie du journalisme en ligne. Des logiques techniques, souvent optimisées pour l’exploitation commerciale, et des dynamiques sociales riches, s’entremêlent ainsi pour


produire des espaces de communication complexes. POURQUOI HÉBERGER LE CONTENU ? Cependant, le lancement d’Instant Articles confirme un tournant dans la stratégie de Facebook amorcé en 2014


avec la refonte du module vidéo facilitant l’hébergement de ce type de contenu directement sur sa plateforme et utilisant _l’auto-play_. Ce changement a été couronné de succès puisqu’il a


contribué à augmenter sensiblement le taux de visionnage de vidéos sur Facebook et a consacré ce dernier comme un concurrent sérieux de YouTube. En effet, avec Instant Articles, comme avec


la vidéo, Facebook veut pousser les éditeurs à lui confier directement l’hébergement ainsi que les conditions de publication de leurs contenus. UNE VOLONTÉ HÉGÉMONIQUE Mais l’objectif


central et inavoué pour Facebook est d’accroitre le temps de connexion des internautes à ses propres services. Dans l’idéal ils n’auraient jamais à sortir de son périmètre, ce qui


permettrait à Facebook de maximiser leur monétisation. Il s’agit là d’un fantasme assez ancien de l’histoire des réseaux informatiques qui date des années 1980. En effet, les premiers


acteurs privés de l’informatique connectée comme Prodigy ou Compuserve avaient mis en place des services en ligne où les utilisateurs étaient censés trouver tout ce dont ils avaient besoin :


des services de communication interpersonnelle (e-mail, tchat, forum) et du contenu (catalogue téléphonique, horaires, journaux etc.). Dans les années 1990 et 2000 ce modèle de portail a


été reproduit par les fournisseurs d’accès. Aujourd’hui encore, d’ailleurs, les sites d’actualité des principaux fournisseurs d’accès comme Orange et Free hébergent des contenus produits par


des tiers, essentiellement des agences de presse mais également des médias. Il s’agit souvent d’accords « trafic contre contenu » liant les médias aux portails. C’est aussi le cas de


fournisseurs de services internet comme MSN et Yahoo!. L’ensemble de ces acteurs représente une part non négligeable de l’audience du journalisme en ligne. Mais la puissance de frappe de


Facebook est autrement plus grande. LA POSITION AMBIGUË DES ÉDITEURS Comme face à Google, les éditeurs de sites d’information se trouvent dans une position ambiguë qui peut être résumée par


le concept de _coopétition_. Ils établissent avec les infomédiaires des relations mi compétitives, mi coopératives, caractérisées par une dépendance mutuelle mais inégale qui rend difficile


la définition d’une stratégie cohérente. En effet, les éditeurs ont besoin de Facebook, comme de Google ou d’Apple, pour avoir accès aux publics extrêmement nombreux qui utilisent leurs


services. Mais, dans le même temps, ces multinationales oligopolistiques captent une part très importante de revenus générés par le journalisme en ligne au détriment des éditeurs qui


financent sa production. Ainsi, Google et Facebook à eux seuls représentent par exemple plus de la moitié du marché publicitaire en ligne de la Grande Bretagne. Le rapport de force entre


infomédiaires et éditeurs apparaît dès lors comme très inégal. La preuve en est que nombre d’éditeurs se voit imposer des méthodes de travail et même des choix éditoriaux par les exigences


des géants du web . Pour rassurer les éditeurs, Facebook a pris les devants en consultant ses partenaires au moment du développement d’Instant Articles et en répondant à leurs principales


demandes. Ainsi, Facebook dit partager toutes les données d’audience générées par les articles hébergés avec les éditeurs. Mieux, il permet l’utilisation par ces derniers des systèmes de


mesures tiers comme comScore, Omniture et Google Analytics directement sur sa propre plateforme. Dans Instant Articles, il est également possible aux éditeurs d’intégrer des publicités dont


ils récolteront la totalité de revenus. > Les marques qui avaient construit leur modèle d’audience en > symbiose avec Facebook se sont trouvés piégées Néanmoins il existe un précédent


inquiétant : les modifications dans l’algorithme du _News Feed_ ont eu comme résultat, à plusieurs reprises et pour certains éditeurs de sites, la chute de ce que Facebook appelle l’_Organic


Reach_, à savoir le trafic « naturel » généré par le partage de liens vers leurs pages. Pour compenser cette chute Facebook a proposé aux éditeurs d’investir dans le _Paid Reach_, c’est à


dire l’acquisition payante d’audience et d’engagement (_likes_, _shares_, etc). De cette façon les marques qui avaient construit leur modèle d’audience en symbiose avec Facebook se sont


trouvés piégées : soit elles continuaient comme avant, actant la baisse de trafic en provenance de Facebook, soit elles dépensaient des sommes importantes pour se rendre visibles auprès


d’internautes déjà abonnés à leurs pages. L’ÉTAT DE DÉNI DE FACEBOOK > Facebook sera-t-il tenté d’exercer sur Instant Articles un > contrôle strict de ce qui est visible et ce qui ne 


l’est pas ? Ce précédent illustre bien le danger pour les éditeurs de dépendre d’un canal de distribution puissant comme Facebook. D’autant plus que celui-ci modifie régulièrement son


algorithme pour favoriser ou pour pénaliser telle ou telle catégorie de sites en fonction de ses propres critères et intérêts. Si le format Instant Articles se généralise, doit-on s’entendre


à une concentration de l’attention des utilisateurs de Facebook auprès d’un nombre réduit de contenus produits par des partenaires triés sur le volet ? C’est déjà ce qui est arrivé sur


Google News au fur et à mesure que les éditeurs les plus puissants ont conclu des accords privilégiés avec la société de Mountain View. Facebook sera-t-il tenté d’exercer sur Instant


Articles un contrôle strict de ce qui est visible et ce qui ne l’est pas comme il le fait déjà sur de nombreux contenus ? C’est une possibilité si le format se généralise et si Facebook a


les mains complètement libres de toute régulation extérieure. Ce qui est sûr c’est que le pouvoir des acteurs oligopolistiques de l’internet sur le journalisme se renforce sans cesse au


point d’influencer désormais notre vision du monde. Or Facebook, comme Google par le passé, demeure pour l’instant dans ce que George Brock qualifie d’ « état de déni » : il refuse de


reconnaître le pouvoir que lui confère sa position afin de ne pas assumer les responsabilités afférentes. Mais cette position n’est pas tenable à terme. RÉFÉRENCES Nicole B. ELLISON, Charles


STEINFIELD, Cliff LAMPE, « Connection Strategies: Social Capital Implications of Facebook-enabled Communication Practices », _New Media & Society_, vol. 13, no. 6, 2011, pp. 873-892.


Nikos SMYRNAIOS, Bernhard RIEDER, « Social infomediation of news on Twitter: A French case study », _Necsus, the European Journal of Media Studies_, 2(2), 2013, pp. 359–381. -- Crédit photo 


: Service de presse de Facebook * 1Il s’agit d’un échantillon de sites qui utilisent les services de Parse.ly. * 2Nikos SMYRNAIOS, Bernhard RIEDER, « Social infomediation of news on Twitter:


A French case study », Necsus, the European Journal of Media Studies, 2(2), 2013, pp. 359–381. * 3Nicole B. ELLISON, Charles STEINFIELD, Cliff LAMPE, « Connection Strategies: Social Capital


Implications of Facebook-enabled Communication Practices », New Media & Society, vol. 13, no. 6, 2011, pp. 873-892.


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