Quand la « data » joue au football

Theconversation

Quand la « data » joue au football"


Play all audios:

Loading...

Comment quantifier le foot ? Toute tentative de définition, de production et d’organisation des données dans ce domaine suppose de répondre à quelques questions, par exemple : Qu’est-ce


qu’une passe, en football ? On peut facilement imaginer qu’il y a une façon consensuelle de considérer qu’une passe est tentée, qu’une passe est réussie. Il est moins évident à définir


qu’une passe est décisive (c’est-à-dire qu’elle entraîne un but). Jusqu’à ce que les ligues de football essayent d’harmoniser leurs définitions, les passes comptées comme « décisives » ici


ne l’étaient pas forcément là. En France, vous pouviez dribbler toute l’équipe adverse et faire une passe lumineuse qui ne laisse plus à l’attaquant qu’à pousser mollement le ballon aux


fonds des filets : si jamais l’attaquant la contrôlait avant de marquer, alors votre passe n’était pas décisive. Alors qu’en Angleterre, vous pouviez passer dans votre propre surface un


ballon approximatif de deux mètres à un partenaire qui s’en allait dribbler toute l’équipe adverse avant de marquer : vous étiez l’avant-dernière personne à avoir touché le ballon, votre


passe était décisive. Deuxième question : Qu’est ce qu’un centre ? On imagine bien qu’il faut, pour qu’une passe soit considérée comme un centre, qu’elle parte d’une certaine zone sur les


côtés du terrain, et arrive dans une autre. Mais quelle zone exactement ? PARAMÈTRES OBSERVABLES Troisième question : qu’est-ce qu’un dribble ? Tous ces concepts sont propres au football,


ils sont aisément compris, discutés, évalués par des centaines de millions de gens qui s’intéressent au football dans le monde entier. Mais comment les transformer en paramètres observables,


en « données » qui seront ensuite exploitées par des armées d’analystes ou de statisticiens ? Comment définir « objectivement » (ou plutôt, pour ne pas employer de gros mots épistémiques, «


 de manière consensuelle ») ce qu’est un dribble, et ce qu’est un dribble réussi, de manière à ce que cette définition produise un paramètre qui soit précis, mesurable, reproductible, et


standardisé ? Ce n’est pas impossible, mais c’est loin d’être évident, d’autant plus que de nombreux analystes produisent des statistiques sur les joueurs ou les équipes qui dribblent le


plus ou le mieux, sans pouvoir répondre à ces questions. Certains disent que la « donnée brute » est un oxymore, d’autres que la « donnée » est bien mal nommée et devrait s’appeler « obtenue


 ». Ils veulent tous signifier qu’il est spécieux de faire des analyses quantitatives sans s’interroger d’où viennent les « données », en football comme ailleurs. CHOIX DE DÉFINITIONS La « 


donnée » est d’abord pensée : imaginer un paramètre (la passe, le tir, l’_expected goal_, le _ball movement point_ »), c’est avoir une certaine idée de comment représenter le match (ou la


saison), et le concept de ce paramètre est déjà une certaine vision du football, qui va être traduite et va performer. Définir la « donnée » n’est pas neutre non plus : définit-on le dribble


topologiquement par un espace gagné balle au pied ? Par des adversaires « éliminés » ? Ces choix de définitions ne donneront pas la même valeur aux joueurs rapides et aux joueurs


provocateurs. Mesurer la donnée n’est pas non plus facile. Qui s’en charge ? Des entreprises dont le business model est lié à une divulgation partielle de leurs méthodes (pour créer un


produit d’appel) et un secret global (en situation concurrentielle). Avec quels choix techniques ? La multiplicité de témoins humains enregistreurs ? Ou bien fait-on appel à de la détection


vidéo informatisée ? Comment la reproductibilité est-elle gérée ? Enfin, comment standardiser ? Comment arriver à un consensus scientifique si la production de données provient d’entreprises


concurrentes ? Et comment ensuite les rendre intelligibles, accessibles, donc performatives ? Toutes ces questions ne signifient pas que ces méthodes sont illusoires et sans intérêt. Elles


sont au contraire d’autant plus intéressantes ! Au-delà d’une opposition naïve entre technophilie béate et technophobie grincheuse, toutes ces questions sont importantes à déconstruire dans


toute tentative d’analyse de production scientifique, mais elles sont passionnantes dans le cas du football. LA DONNÉE DU FOOT AU CŒUR DE PLUSIEURS INDUSTRIES En effet, le football est au


cœur d’enjeux économiques et culturels uniques. Le football, un peu comme la publicité, est une version caricaturale de notre société. Par exemple, observer ce qui se passe dans les tribunes


des matches du Beitar Jérusalem en dit long sur l’agressivité de la société israélienne, mais comprendre les Ultras de l’Hapoël Tel-Aviv permet de le nuancer. Plus près de nous, les


politiques de répression des ultras du foot en France sont, de l’aveu même des politiques, un laboratoire de la répression en général. Pour rester dans notre sujet, la « donnée » dans le


football est au cœur de plusieurs industries. Le marché du football lui-même (les transferts de joueurs, le marché des spectateurs…) n’en représente qu’une partie : d’un côté, l’industrie


audiovisuelle est au cœur de ces enjeux par sa façon même de définir le spectacle qu’est le match de football télévisé. De l’autre, (et non sans lien), l’industrie du pari sportif est


structurellement liée à la quantification des probabilités et donc à l’utilisation industrielle de la donnée. Le discours du besoin d’objectivité et de rationalité est typique d’un « régime


de promesse technoscientifique ». Comme pour les nanotechnologies par exemple, il s’agit de rendre inéluctable des choix techniques scientifiques et industriels. Mais la gouvernementalité de


la donnée n’est pas le monopole d’un pouvoir unique, mais le lieu d’affrontements et d’intérêts divers et toutes ces questions scientifiques sont aussi des questions économiques, et


politiques. Or le football, contrairement au baseball ou au basketball, par la nature même du jeu, se prête plus difficilement à la quantification. Il résiste à la donnée par sa complexité


physique, tactique, stratégique et psychologique. Le domaine des _football analytics_ est aujourd’hui dans un régime d’« adolescence » par rapport aux sports qui sont les « success stories »


de la donnée, comme le baseball. Quand un milliardaire américain achète le Liverpool FC, un des plus gros clubs de la planète, parce qu’il a été séduit par la _success story _hollywoodienne


de _Moneyball_, il veut reproduire naïvement une belle histoire de baseball dans le football et son échec provoque les moqueries. Quand un entrepreneur dans l’industrie du pari sportif


achète le Brentford FC, modeste club de Championship loin de l’actualité sportive internationale, les entremêlements entre le pari sportif, l’analyse de performance, le marché des joueurs


sont à prendre au sérieux… pour comprendre comment se mettent en place les relations complexes entre « données » et football. Il s’agit de science, il s’agit d’économie, il s’agit de


politique, il s’agit de culture.


Trending News

Impressionnant : Snapchat invente l'Upside Down en réalité augmentée pour Stranger Things 2 - Numerama

Netflix et Snapchat se préparent à lancer une opération marketing inédite pour la seconde saison du hit de l’été dernier...

Page non trouvée

404 Page non trouvée...

VIDEO De quoi j’me mêle : Sugar Sammy s'exprime sur l'affaire Copycomic et étrille les humoristes visés

Ce samedi 14 mars dans De quoi j’me mêle, l'humoriste québécois Sugar Sammy a été interrogé sur les histoires de plagiat...

"Orage de cytokine" : ce phénomène inflammatoire qui survient en cas d’aggravation du Covid-19

Environ 7 jours après l'apparition des premiers symptômes du Covid-19, un phénomène appelé "orage de cytokine" se manife...

Smartphones géants : le choc des titans

Que valent les Sony Xperia Z Ultra et Samsung Galaxy Mega, deux smartphones à écrans géants ? MINI-TABLETTES OU SMARTPHO...

Latests News

Quand la « data » joue au football

Comment quantifier le foot ? Toute tentative de définition, de production et d’organisation des données dans ce domaine ...

L'Hommage aux héros, "tout sauf un DDay Land" selon l'un des metteurs en scène

Serge Denoncourt, d'abord, une question de vocabulaire. L'hommage aux héros, c'est quoi ? Un parc mémoriel ? Un DDay Lan...

Actualités du jour | europe 1

Europe 1 Musique Retrouvez dès maintenant Europe 1 Musique ! sur l’application iOS et Android d’Europe 1, sur Amazon Ale...

Nicolas cage incarnera "tiger king" dans une série télévisée

Cette série, dont Nicolas Cage sera aussi le producteur exécutif, comportera huit épisodes, et s’intéressera à la vie de...

À kerlaz, une résidence privée dans les anciens locaux de l’ime

L’ancien Institut Médico-Éducatif (IME) de la Clarté, propriété de l’association Championnet à Kerlaz, était vide depuis...

Top