Comment la crise souligne les faiblesses des extrêmes

Theconversation

Comment la crise souligne les faiblesses des extrêmes"


Play all audios:

Loading...

La lutte contre la pandémie du Covid-19 a mis au premier plan de l’agenda public toute une série de thèmes : la désorganisation de la puissance publique, la fermeture des frontières, le


contrôle strict des flux migratoires, les effets pervers de la mondialisation, la supposée incurie de l’Union européenne, la mise en œuvre de mesures autoritaires… Tous ces sujets sont,


depuis des décennies, au cœur des programmes et des projets des forces nationalistes et populistes qui ont connu un certain succès lors des dernières élections européennes de juin 2019. En


France, la liste du Rassemblement national emmenée par Jordan Bardella était arrivée en tête avec 23,3 % des suffrages exprimés devant la liste de la majorité dirigée par Nathalie Loiseau


(22,4 %). La brusque montée en puissance de toutes ces thématiques, reprises au plus haut niveau dans la plupart des pays européens par les forces de gouvernement qu’elles soient de gauche,


de droite ou d’ailleurs, pourrait ouvrir des perspectives de développement aux forces extrêmes qui véhiculent, depuis de longues années, nombre de ces enjeux. LA MONDIALISATION DANS LE


VISEUR Depuis plus d’une décennie, les populismes nationaux tiennent un discours très hostile à la mondialisation. Cette orientation est au cœur de toutes les dénonciations populistes


qu’elles viennent de la droite ou de la gauche. Marine Le Pen (alors Front national, désormais Rassemblement national) s’est posée en dernier recours de la « mondialisation affreuse » lors


de la dernière élection présidentielle de 2017. Jean‑Luc Mélenchon (La France Insoumise) n’a jamais été en reste sur ce créneau et vitupérait la « mondialisation esclavagiste ». UN BOUC


ÉMISSAIRE IDÉAL L’appel à une sortie de la mondialisation ou à une maîtrise étroite de celle-ci est un des thèmes centraux de la rhétorique populiste. Or, depuis trois mois, la « 


mondialisation heureuse » n’est pas au rendez-vous. Elle montre qu’elle est très imparfaite et qu’elle peut dysfonctionner gravement. Au-delà des déséquilibres économiques et sociaux qu’elle


peut charrier, la mondialisation fait maintenant découvrir qu’elle est le vecteur de la diffusion d’une épidémie dans tous les continents à partir de son foyer originel de Wuhan au cœur de


la Chine continentale. Après cet épisode où l’on a pu constater que la propagation du virus était étroitement articulée à l’intensité des voyages aériens, la mondialisation ne fait plus


l’objet de doutes mais de peurs liées au péril humain qu’elle peut engendrer. Déjà, fin janvier 2020, 55 % des Français interrogés dans le baromètre de confiance politique de Sciences Po


estimaient que « la France doit se protéger davantage du monde d’aujourd’hui », réinterrogés début avril ils étaient 65 % à penser de même. Pourtant, en dépit des craintes ravivées devant la


mondialisation dans le contexte pandémique actuel, les leaders des forces populistes et antimondialistes, en France et à l’étranger, ne semblent pas pour l’instant bénéficier de cette


situation potentiellement favorable. ASSEOIR UNE IMAGE ALTERNATIVE CRÉDIBLE Ni Marine Le Pen, ni Jean‑Luc Mélenchon, ni Matteo Salvini chef de la Ligue en Italie, ni Jörg Meuthen, leader de


l’AfD ou Sarah Wagenknecht patronne d’Aufstehen en Allemagne, ni Geert Wilders responsable du Parti pour la liberté aux Pays-Bas, ni Norbert Hofer, président du FPÖ en Autriche, ni Santiago


Abascal, dirigeant de Vox en Espagne ne semblent profiter de la crise sanitaire et des dérèglements économiques et sociaux qu’elle engendre. Les extrêmes politiques, qui sont souvent les


symptômes des crises majeures que les sociétés traversent, ont besoin également d’avoir une image d’alternatives crédibles, susceptibles de mieux résoudre ces crises que ne le font les


traditionnelles forces de gouvernement de droite ou de gauche. Depuis quelques années, les extrêmes ont ici et là participé au pouvoir (Italie, Autriche, Espagne, Finlande, Slovaquie…) et


n’ont pas laissé forcément d’impérissables souvenirs de leur capacité gouvernante. Au-delà de l’Europe, les victoires de Donald Trump aux États-Unis et de Jair Bolsonaro au Brésil ne se


soldent pas par une gouvernance sereine et sérieuse de nombre d’enjeux publics au premier rang desquels la santé. Avec la crise sanitaire, le retour de la confiance dans les experts est


incontestable et de facto étouffe la voix ou plus exactement le crédit des leaders populistes et démagogues. Ainsi selon le sondage IFOP pour No Com, 5-6 mai 2020, 79 % des personnes


interrogées font confiance aux experts scientifiques pour assurer efficacement leur rôle dans la crise sanitaire du coronavirus. UN MANQUE D’EXPERTISE La réputation de ces derniers n’est pas


fondée sur l’expertise, plus encore elle s’accommode volontiers de l’approximation, des foucades et d’une litanie de condamnations sans appel. Après avoir accusé, le 30 mars, le


gouvernement « de mentir sur absolument tout, sans exception », Marine Le Pen, le 8 mai, déclare « Quand tous les mensonges du gouvernement seront mis les uns après les autres, on


s’apercevra que, probablement, c’est le gouvernement qui a le plus mal géré cette crise et de surcroît a fait preuve de mépris à l’égard de la population ». Ce noviciat et même cet


amateurisme, à l’heure où l’opinion exige une certaine maîtrise de « professionnels », handicapent fortement les extrêmes politiques coutumiers de la protestation tous azimuts mais peu


familiers de l’exercice du pouvoir et du bon fonctionnement de l’appareil d’État. Si, en France, une minorité de Français (44 %) fait « confiance au gouvernement pour faire face efficacement


au coronavirus » (sondage IFOP/JDD des 14 et 15 mai) ils sont encore moins nombreux à le faire chez les électeurs de Marine Le Pen (24 %) ou de Jean‑Luc Mélenchon (24 %). Cette défiance


particulière ne rend pas pour autant les leaders extrémistes plus crédibles dans leur gestion éventuelle de la crise. Interrogés les 29 et 30 avril par l’IFOP pour _le Journal du dimanche_,


20 % seulement des personnes interrogées pensent que Marine Le Pen « ferait mieux qu’Emmanuel Macron si elle était au pouvoir aujourd’hui » (ils étaient 26 % en novembre 2018 et 27 % en


octobre 2019). C’est encore moins de Français (15 %) qui considèrent que le leader de la France insoumise ferait mieux que le Président (ils étaient 20 % en novembre 2018 et 17 % en octobre


2019). Au-delà de leurs seuls soutiens directs (sympathisants du Rassemblement national ou de la France insoumise) ces leaders n’ont aucune capacité de conviction quant au talent de


gouvernement qu’on leur prête. La crise du Covid-19 a même plutôt contribué à éroder cette capacité déjà faible. LA COLÈRE NE SUFFIT PAS Ainsi, l’expression des colères et des inquiétudes


qui nourrissent les dynamiques protestataires des formations extrémistes ne suffit pas à créer mécaniquement une confiance alternative en ces mouvements. Les solutions économiques dont elles


sont porteuses (et en particulier un protectionnisme très étroit), des éthiques de conviction qui ne laissent que peu de place à l’éthique de la responsabilité. Dans une conférence sur le


politique, le sociologue allemand Max Weber disait : > « Toute activité orientée selon l’éthique peut être > subordonnée à deux mondes différents et irréductiblement > opposés. D’un


 côté l’éthique de conviction repose sur des > principes supérieurs auxquels on croit, de l’autre l’éthique > de la responsabilité prend en compte les effets concrets que l’on > 


peut raisonnablement prévoir. » L’absence souvent de pratiques de pouvoir et de gestion de collectivités, l’imprécation qui tient parfois lieu de conviction, sont autant d’éléments qui


inquiètent des citoyens à la recherche d’un « sérieux gouvernemental » et d’une expérience de la chose publique. Ce « plafond de verre » de la respectabilité gouvernante semble encore tenir


et empêche que la passion extrémiste saisisse un nombre croissant d’électeurs. Au début de la crise du Covid-19, lors du premier tour des élections municipales, le 15 mars, le Rassemblement


national qui était loin de présenter partout des listes n’a rassemblé qu’un modeste 2,3 % des suffrages, la France insoumise n’en attirant qu’un encore plus modeste 0,4 %. En revanche, huit


des douze listes conduites par des maires sortants du Rassemblement national ont été réélues dès le premier tour ce qui montre indirectement la capacité désinhibitrice de la dimension


gestionnaire lorsqu’elle a pu se développer pendant six ans de mandat. Partout ailleurs, le Rassemblement national n’a gagné aucune commune et était même souvent en perte de régime par


rapport aux élections municipales de mars 2014. La crise du Covid-19, parce qu’elle touche à la vie, a renforcé l’attente d’esprit de sérieux de la part des décideurs publics. Or, les


extrêmes semblent encore manquer de cette « gravitas » dont parlaient les Anciens et qui sied mal aux leaders forts en gueule des formations extrémistes.


Trending News

Page introuvable

Page introuvable La page demandée n'existe pas. Vous pouvez accéder à la home page en cliquant ici. Moteur de recherche...

Dominique fackler et clément malherbe

Les matinales de radio à la loupe Comment sont structurées les émissions de matinales de radio ? Qui invitent-elles ? De...

Quelles questions facebook nous pose-t-il?

André Gunthert, enseignant-chercheur à l'EHESS, est spécialiste des cultures visuelles et des cultures numériques F...

Comment percer dans les médias sans être passé par une école de journalisme

Il est tout à fait possible d'intégrer une rédaction sans passer par l'un des 14 cursus reconnus par la profes...

Ces créatures aquatiques repérées dans la seine

Un phoque dans la Seine, voilà de quoi défrayer la chronique. Pourtant, la présence de ce mignon petit animal n'a p...

Latests News

Comment la crise souligne les faiblesses des extrêmes

La lutte contre la pandémie du Covid-19 a mis au premier plan de l’agenda public toute une série de thèmes : la désorgan...

Restoration hardware, l'enseigne américaine de meubles de luxe arrive sur les champs-élysées

Restoration Hardware (RH) remplacera l'ancienne boutique Abercrombie & Fitch au bas des Champs-Élysées. La marq...

Certification périodique des professionnels de santé

A QUI S’ADRESSE CETTE CERTIFICATION ? Que vous soyez professionnel de santé salarié ou exerçant en tant que libéral, ce ...

« gilets jaunes » : gabin formont, retour sur un an de vécu

Capture d'écran d'un reportage de l'émission Quotidien consacré à Gabin Formont, créateur de Vécu, le méd...

Eric ciotti : l'affaire théo et la “violence des racailles”

Eric Ciotti : l'affaire Théo et la “violence des racailles” - Valeurs actuelles Accueil » Société » Eric Ciotti : l...

Top