Le programme des expositions de la Biennale de Nice

LA BIENNALE DE NICE DÉPLOIE UNE MYRIADE D’EXPOSITIONS SUR LA MER

Elle met la mer en boîte. Mais aussi en sachets, en tubes, l'enferme dans des boîtes en bois ou le tiroir d'une console. On l'ouvre, et c'est la mer. Une carte postale

parfois s'y noie ou du sable y repose. Ce satané plastique, aussi, dansant dans les boules à neige qu'elle réalise, qui sont donc des boules à eau, polluées comme la mer le sera de

plus en plus si on ne fait rien. Autant de messages d'alerte, aussi poétiques qu'ironiques, sur la « domestication » en marche, par l'homme, de l'océan. Anne-Laure

Wuillai, diplômée des Beaux-Arts de Paris, installée à Nice, crée, au sein de cette grande halle qu'on appelle Le 109, dans un atelier-laboratoire. Alambics, solutés, caddies remplis de

ses échantillons de mer dûment étiquetés côtoient les crayons de couleur, les pinceaux et les pigments dont l'artiste teinte, parfois, ses prélèvements, façon de moquer notre cliché de

_« la mer bleue »_.

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Son exposition « La Quadrature du cercle », au palais Lascaris, est l'une des 11 qui, jusqu'à l'automne, à l'occasion de la 6e Biennale des arts de Nice, combinées à un

parcours d'œuvres contemporaines installées à travers la ville, convoquent l'imaginaire de la mer, en écho à la Conférence des Nations unies sur les océans, qu'elle accueille,

la fameuse Unoc-3, où va s'écrire l'avenir de ce territoire aussi fascinant que menacé par la suractivité humaine.

Sous le titre « La Mer autour de nous », emprunté à la biologiste marine Rachel Carson, c'est une véritable constellation d'événements artistiques mariant l'art à l'océan

qu'ont conçue, à la demande de Christian Estrosi, Jean-Jacques Aillagon, commissaire historique des Biennales des arts de Nice, et Hélène Guenin, ancienne directrice du Mamac et

actuelle directrice de la fondation Yves Klein. _« Protéger les océans, c'est d'abord apprendre à les regarder, à les comprendre et à ressentir l'urgence de leur sauvegarde 

»,_ confie le maire de la ville. D'où l'ambition affichée, pour les deux commissaires, de _« dévoiler les différentes facettes de notre relation à l'océan »_ en associant les

grands établissements culturels de la ville et deux fondations qui aiment mêler l'art et la science, Tara Océan et TBA21.

Au musée d'Archéologie, on plonge ainsi dans l'épopée des grandes campagnes de fouilles sous-marines, en collaboration avec l'Unesco et le Drassm (Département des recherches

archéologiques subaquatiques et sous-marines), à la découverte du superbe masque de Silène, dont la barbe semble faite de tentacules de bronze.

Au musée Matisse, c'est le lien profond de ce dernier à la Méditerranée qui est étudiée de façon inédite par son directeur, Aymeric Jeudy, dans une exposition regorgeant de

chefs-d'œuvre prêtés par les plus grandes institutions du monde. Un festival de motifs envoûtants, avec ses baigneuses, sirènes, algues, étoiles et autres _« bêtes de la mer », _comme

disait l'artiste de _La Vague_, peintes, sculptées ou découpées dans la couleur. Avec, toujours, ces fenêtres par où la mer scintille, horizon et berceau, tout à la fois, d'un art

éperdument aquatique et édénique. _« J'ai toujours adoré la mer et maintenant que je ne peux plus aller nager, je me suis entouré de l'océan »_, écrivit-il. On y pensera.

À la villa Masséna, avec l'exposition « Nice, du rivage à la mer », c'est « l'invention du rivage » chère à Alain Corbin que réexplore Jean-Jacques Aillagon (lui-même

appartenant au club très fermé de ceux qui se baignent tous les jours et par tous les temps), en nous contant le roman d'une ville qui longtemps tourna le dos aux vagues avant

d'accepter leurs caresses. L'occasion de méditer sur la peau séchée d'un « ange de mer », ce requin gracieux qui donna son nom à la baie des Anges mais qui a disparu de Nice.

L'heure de rappeler, aussi, ces mots de Paul Valéry, figure tutélaire de l'exposition, qui souhaitait, dès les années 1930, que se développe _« une conscience de plus en plus nette

et complexe de la fonction de cette mer privilégiée _[la Méditerranée, NDLR]_ dans le développement des idéaux et des ressources de l'homme »_. _« Notre époque excessive gagnerait à ne

pas l'oublier », _ajoutait-il.

Et c'est précisément pour conjurer le piège de l'oubli et développer davantage cette prise de conscience devenue vitale que la manifestation convie une escouade d'artistes

contemporains, tel Ugo Schiavi, qui déploie au 109 une installation tentaculaire sur les abysses, mais aussi l'explorateur photographe Laurent Ballesta, au musée Charles-Nègre. Certains

ont été invités à concevoir des œuvres qui essaiment dans l'espace public.

C'est le cas de Laure Prouvost, inspirée par la figure et les métamorphoses du poulpe, et de Nicolas Floc'h, qui s'attache à évoquer le Gulf Stream, ses gyres, ses sinuosités,

par la lumière des néons : l'océan nous éclaire. Le duo Choi + Shine, lui, présente un oursin monumental ajouré comme de la dentelle, réalisé en fil de pêche. Un matériau qui incarne

autant un moyen de subsistance pour des millions d'habitants des littoraux que les dérives écologiques de cette activité.

À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre _« Tous ces artistes nous racontent aussi d'autres façons de considérer la mer et notre rapport au vivant, _conclut Hélène Guenin, _en liaison

avec les grands sujets qui seront débattus pendant l'Unoc, qu'il s'agisse de l'effondrement de la biodiversité ou de la question de l'exploration des grands fonds,

dans un moment crucial où le rapport prédateur à la nature fait son grand retour. »_ La mer autour de nous, certes. Mais mieux encore, devant nous, attendant que nous soyons, enfin, au

rendez-vous.

Biennale des arts et de l'océan, « La Mer autour de nous », Nice, jusqu'à octobre 2025.