« guerre civile » : à crépol et romans-sur-isère, des journalistes locaux en première ligne
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Thomas Brenier, Saléra Benarbia, Julien Combelles et Jérémy Perraud, journalistes à l'agence de Romans-sur-Isère du « Dauphiné Libéré ». © Illustration : Sylvain Martini Après la mort
de deux jeunes dans un bal et devant une boîte de nuit, à un an d’intervalle, les journalistes du « Dauphiné Libéré » ont dû faire face à quantité de rumeurs, de fantasmes et
d’instrumentalisation politique. Reportage dans la Drôme. Mathieu Deslandes Publié le 06 mars 2025 Au soir du jeudi 31 octobre 2024, ils ont atterri au Klub 80, à Chavannes, dans la campagne
drômoise. Une quinzaine de copains réunis pour célébrer, en même temps qu’Halloween, le vingt-troisième anniversaire de l’un d’entre eux. Le lendemain était férié, puis ce serait le
week-end, la nuit pouvait être belle. Quand il sort avec ses amis, Thomas Brenier, 22 ans, déteste qu’on dise qu’il est journaliste. Dans le cas contraire, il passe sa soirée à devoir
confirmer ou infirmer les rumeurs de la semaine. Impossible de décompresser. Dans sa bande, formée sur les terrains de foot et les bancs du lycée, ceux qui ont un avis à donner sur
l’actualité sont aussi ceux qui s’informent le moins, alors mieux vaut éviter. Et puis, le jeune homme le sait d’expérience, il se trouve toujours quelqu’un pour faire le procès des médias
qui, c’est bien connu, _« disent de la merde »_. Il en est fatigué d’avance. Cette nuit-là, pourtant, son métier l’a rattrapé. Un pote paysagiste _« toujours au courant de tout »_ est venu
le trouver. _« Tu sais ce qui se passe au Seven ? »_ Le Seven, ils auraient pu y être, c’est bien plus à la mode que le Klub 80, mais ils ne se voyaient pas rouler jusqu’à Saint-Péray, à la
sortie de Valence. _« Il paraît que ça a tiré »_, a repris le paysagiste en quête de confirmation. _« J’en sais rien, tu vois bien que je travaille pas »_, a opposé Thomas Brenier, décidé à
s’amuser encore un peu. Mais le cœur n’y était plus. BAL D’HIVER En rentrant chez lui, à l’aube, il ne lui a pas fallu longtemps pour identifier des témoins. _« Tout le monde se connaît,
l’info tourne toute seule », _explique le jeune journaliste. Il a prévenu ses collègues — la petite équipe qui constitue l’agence du _Dauphiné Libéré_ de Romans-sur-Isère. Ils se sont fait
raconter : une première détonation entendue dans la file d’attente, sur le parking de la boîte de nuit, qui passe pour un pétard ; puis un chargeur entier vidé sur la foule. Ici, un vigile
est blessé. Là, un client s’effondre, une balle dans la tête. Il s’appelait Nicolas Dumas, il avait 22 ans. _« C’était un pote »_, dit Thomas Brenier. Et un joueur en vue du Rugby club
romanais-péageois, détail perçu ici comme un impossible coup du sort, un an après la mort d’un premier joueur du club, Thomas Perotto, poignardé à 16 ans lors du traditionnel _« bal d’hiver
» _de Crépol. > « Là, pour la première fois, ça m’a tordu les boyaux » Quand ce meurtre a eu lieu, _« j’ai cru que la France allait craquer », _se souvient la journaliste Saléra Benarbia,
51 ans. Nommée cheffe de l’agence de Romans-sur-Isère deux semaines plus tôt, après deux décennies passées à Grenoble, il lui a semblé que _« la guerre civile allait éclater »_. Une guerre
opposant les ruraux des villages environnants aux habitants de La Monnaie, ce quartier de Romans qui, depuis quarante ans, concentre toutes les difficultés — et un paquet de fantasmes. _«
Des actualités difficiles, j’en ai couvert, _dit la journaliste. _Mais là, pour la première fois, ça m’a tordu les boyaux. »_ RAGE ET CHAGRIN Guidée par la rage et le chagrin, attisée par
les déclarations intempestives du procureur de la République, instrumentalisée par une partie du personnel politique et les médias du groupe Bolloré, la rumeur voulait que _« des Arabes de
La Monnaie » _aient organisé une descente à Crépol pour y _« planter du Blanc »._ Si l’enquête a démenti ce scénario, deux équipées de militants identitaires ont déferlé à Romans, décidés à
en découdre avec tout un quartier. Pendant des semaines, la situation est restée électrique. Aujourd’hui, les préventions subsistent et _« deux pays coexistent sans accepter de se rencontrer
», _estime Saléra Benarbia. Symptômes, à ses yeux : le score élevé de la liste menée par Jordan Bardella lors du scrutin européen de juin 2024, puis l’élection d’un député d’extrême droite,
Thibaut Monnier, un mois plus tard, _« qui a capté la colère »_. Juchée sur sa trottinette électrique, Saléra Benarbia parcourt des rues ponctuées de chaussures monumentales — hommage à
l’industrie qui fit autrefois la prospérité de Romans. Elle fréquente cette ville depuis toujours — elle y a grandi, et trois de ses dix frères et sœurs y sont restés — mais elle ne la
reconnaît plus. Elle a l’impression que _« les gens ne font plus société »_, et que les journalistes sont les derniers citoyens susceptibles de pouvoir parler à n’importe qui. Consciente que
cela leur confère une responsabilité particulière, elle est habitée par un fantasme : que son journal contribue à recoudre le tissu local. 28 000 LECTEURS PAR JOUR Installée dans une
ancienne agence de la Caisse d'épargne, son équipe compte trois rédacteurs, un éditeur, et une assistante qui coordonne la production d’une batterie de correspondants. Alors que
Romans-sur-Isère compte 33 000 habitants, l’édition papier du_ Dauphiné_ touche encore 28 000 lecteurs par jour dans la zone _« Romans et nord Drôme »_, et suscite à peu près autant de
visites quotidiennes sur le site du journal. L’outil reste puissant. Pour être audible, et pour émousser les haines fondées sur l’ignorance, la journaliste est convaincue que _« tout le
monde »_ doit figurer dans ses pages. Les mains à hauteur des yeux, elle pivote vers la gauche, puis vers la droite :_ « Il faut avoir une vision à 360. » _Depuis qu’elle en a pris la
responsabilité, la _« 26D »_ (le code de cette édition dans la nomenclature du _Dauphiné_) s’est quelque peu défaite de ses réflexes légitimistes et colle moins qu’avant à l’agenda
municipal. Sur le terrain, raconte Saléra Benarbia, on lui demande encore parfois si les articles de son journal_ _sont relus par la mairie avant publication. Patiemment, elle répète que _Le
Dauphiné_ n’a de comptes à rendre à personne, que ses journalistes ne sont ni pour ni contre la maire (divers droite) Marie-Hélène Thoraval, qu’ils sont là pour raconter ce qui se passe.
Elle a proposé à la directrice d’une maison de quartier un temps d’échange avec les habitants pour _« commencer à déconstruire les fantasmes sur les médias »_. Reste à trouver le moment
opportun. _« Ici, _constate-t-elle,_ beaucoup de gens ont l’impression que les journalistes font partie d’un autre monde. Le monde des gens qui travaillent. »_ LES « MAMANS DE LA MONNAIE »
Ce matin, son téléphone a sonné. _« On m’a dit que vous étiez quelqu’un qu’on pouvait appeler… »_, a hasardé une voix de femme, qui s’est présentée comme_ « une maman qui était présente au
bal » _de Crépol. Juste après la mort de Thomas Perotto, elle n’était pas prête à témoigner. La journaliste va la rencontrer. _« Si le courant passe, elle nous fera confiance pour d’autres
sujets »,_ veut croire Saléra Benarbia._ _Il y a quelques semaines, elle a donné la parole à _« des mamans de La Monnaie »_, accusées après chaque fait divers de ne pas_ « tenir » _leurs
enfants. Elle a aussi discuté avec des adolescents du quartier. Elle leur a demandé pourquoi certains d’entre eux portaient des couteaux. _« C’est normal, c’est comme d’avoir un portable »_,
a lancé un jeune homme. Elle a essayé de l’alerter sur le fait qu’il prenait le risque de tuer en se battant avec une lame plutôt qu’avec ses poings. L’ado : _« Sans couteau, c’est moi qui
risque d’être tué. »_ La journaliste n’a pas su quoi répondre. Elle souffle : _« Ils ont une vision du monde d’une noirceur… C’est noir café serré. »_ À d’autres, qui se plaignent du
racisme, elle dit :_ « À part notre âge, on est pareils. Je m’appelle Saléra Benarbia, tu vois ? Alors OK, y a du racisme, mais qu’est-ce qu’on fait de cette situation ? » _Elle leur
rapporte ce qu’elle entend dans les villages : les jeunes ruraux se sentent abandonnés, eux aussi._ « Ils ont les mêmes aspirations_,_ ils attendent que leur place dans la société soit
reconnue »_, observe-t-elle. Jour après jour, elle bricole et redéfinit son métier, désormais persuadée qu’un journal local doit_ « dépasser sa mission d’information »_ et _« faire du lien
»_. À l’approche du premier anniversaire de la mort de Thomas Perotto,_ Le Dauphiné _a relayé le désir d’un collectif d’habitants de La Monnaie d’organiser une marche en compagnie
d’habitants de Crépol. Le projet a scandalisé certains Crépolois, jugeant l’initiative prématurée. Il a été repoussé. De leur côté, _« pour retisser des liens »_, des éducateurs sportifs du
club de rugby ont proposé d'initier à leur sport des adolescents de La Monnaie. _« Un an après Thomas, on remercie les jeunes de La Monnaie !!! »_, ont tonné les réseaux sociaux un peu
partout dans le pays. > _« La fachosphère s’empare de ces histoires à une vitesse > hallucinante »_ Depuis l'attentat de 2020, au cours duquel un réfugié soudanais armé d’un
couteau a tué deux passants et blessé cinq autres personnes dans le centre-ville de Romans-sur-Isère, les journalistes du _Dauphiné_ doivent composer avec cette réalité : les drames qui se
déroulent sur leur territoire rencontrent un écho national. _« La fachosphère s’empare de ces histoires à une vitesse hallucinante »_, souligne Julien Combelles, 52 ans. Ancien photographe,
il a le contact facile, et pêche une poignée d’infos à chaque comptoir où il s’attarde. Mais il suffit que_ « les réseaux sociaux »_ orientent la lecture d’un événement, que_ « les télés
descendent de Paris », _qu’elles redoublent de récits biaisés (parfois mensongers) conformes aux attentes des _« têtes d'affiches de CNews »_ pour que tout s’effondre. À chaque fois,
l’hostilité envers _« les médias »_ reprend le dessus et les localiers rament pour regagner la confiance de leurs concitoyens. Au printemps 2024, en débarquant à La Monnaie après la mort de
Zakaria Tabti, un adolescent de 15 ans tué d’un coup de couteau alors qu’il s’interposait dans une bagarre, Julien Combelles a été pris à partie par_ « des gamins » _du quartier._ « Dégage,
on veut plus te voir ! » _Il a fallu l’intervention du trésorier de la mosquée pour éviter que la situation ne dégénère. À force d’écumer le terrain, il se trouve souvent un interlocuteur
pour plaider sa cause. Quand Nicolas Dumas est mort, Julien Combelles a croisé un cousin du jeune homme, qui s’est effondré sur son épaule. Le journaliste a partagé sa peine et son
impuissance, puis le cousin l’a conduit chez les parents endeuillés. Le jour de la marche blanche organisée par la famille, le père de Nicolas Dumas a fait passer le message, désignant le
journaliste du _Dauphiné : « Lui, vous le touchez pas, vous le laissez travailler. »_ REPÈRES En janvier 2025, la réputation de neutralité du _Dauphiné_ a été menacée de l’intérieur : le
patron du groupe Ebra, propriétaire du journal, a été épinglé par Mediapart pour avoir _« liké »_ sur LinkedIn des posts de personnalités d’extrême droite. Cinq jours plus tard, les
journalistes de Romans-sur-Isère ont accueilli la démission de Philippe Carli avec soulagement._ « Ça montre qu’il y a encore des repères, _estime Saléra Benarbia, _on n’est pas chez
Bolloré. » _Le lendemain, Marie-Hélène Thoraval était l'invitée de Sonia Mabrouk, sur CNews et Europe 1. La maire de Romans y a exposé sa vision : _« Les attaques au couteau relèvent
d’un caractère culturel » ; « généralement ; on retrouve les mêmes typologies d’auteurs derrière ces faits […], bien souvent des personnes qui ne sont pas, entre guillemets, “Français de
souche”, mais qui vont avoir […] un lien avec l’islam. »_ _« La parole des mecs bourrés du PMU, maintenant, elle est partout », _constate le reporter Jérémy Perraud, 34 ans. Lui qui a grandi
dans un petit village se souvient suffisamment de son appréhension de la différence et du vaste monde pour entendre la peur qui couve sous tant de déclarations à l’emporte-pièce. Mais,
certains jours, les journalistes drômois ne savent plus très bien où_ « mettre le curseur »_ : est-il normal de relayer des propos haineux ? Comment traiter les discours d’extrême droite qui
se répandent dans l’espace public ? Quand la fatigue s’installe, que l’aigreur et le découragement pointent, Jérémy Perraud médite les accords toltèques : _« Que votre parole soit
impeccable » ; « Quoi qu’il arrive, n’en faites pas une affaire personnelle » ; « Ne faites pas de suppositions » ; « Faites toujours de votre mieux »_. Posé au pied du canapé de la
rédaction, il a noté ces maximes sur un tableau Velleda. Présentatrice d’une émission quotidienne sur CNews et Europe 1, rédactrice en chef à _Paris Match_, cette journaliste ultra-loyale
expose désormais ses opinions.
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