Si j’avais été face à maître jacques isorni…

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UN PEU DE « JUSTICE-FICTION », POUR S’IMAGINER EN FACE D’UN BRILLANT AVOCAT : MAÎTRE JACQUES ISORNI. LE BILLET DE PHILIPPE BILGER. ------------------------- Comme magistrat, il m’était


arrivé de croiser Maître Jacques Isorni et même de requérir dans un procès où il était prévenu, avec trois autres personnalités, pour apologie de crime concernant une tribune qui vantait


l’action du maréchal Pétain. Je connaissais évidemment son implication de défenseur dans plusieurs « procès historiques », que ce soit par exemple celui du susnommé ou celui de Robert


Brasillach condamné à mort et fusillé. Puis-je, pour ce dernier, me permettre de renvoyer à mon livre _20 minutes pour la mort_ ? Ce qui a suscité mon envie d’écrire ce billet de « 


justice-fiction » est la mine que constitue le _Isorni – Les procès historiques_ de Gilles Antonowicz devenu au fil des années le spécialiste aussi bien de Jacques Isorni que de Maurice


Garçon sur lequel il ne cesse de projeter une lumière passionnante sur tous les aspects d’un talent multiple. Une citation de Jacques Vergès en particulier, m’a intéressé parce qu’elle se


rapportait au rôle de l’avocat et de l’avocat général à la cour d’assises et que, selon Gilles Antonowicz , elle expliquait bien « la patte » et la démarche de Jacques Isorni. « _Défendre,


c’est présenter avec les mêmes faits qui servent de support à l’accusation, une autre histoire tout aussi fausse et tout aussi vraie que la première… Et sur le plan esthétique au moins, les


chances sont du côté de la défense. Chargé de défendre, puisqu’il parle au nom de la société, les idées et les valeurs de la majorité, le procureur est condamné à faire du roman de gare.


Tandis que l’avocat de la défense, contraint à chaque coup de rechercher d’autres règles, atteint parfois au chef-d’œuvre_ ». A LIRE AUSSI : LIZZO ACCUSÉE PAR TROIS FEMMES DE COULEUR DE


HARCÈLEMENT ET DE DISCRIMINATION Je pourrais voir dans cette supériorité prêtée à l’avocat une sorte d’inévitable corporatisme, le réflexe naturel d’un représentant éminent – quoique discuté


– de cette profession. En même temps il me serait facile de montrer comment Jacques Vergès a choisi parfois les causes les plus difficiles non parce qu’elles seraient les plus belles mais


en raison du fait que, qualifiées de désespérées, elles permettaient à l’avocat de ne jamais être jugé. Combien de fois n’a-t-il pas annoncé des révélations et des coups d’éclat qui n’ont


jamais eu lieu… Il a souvent été meilleur hors des procès que durant leur cours ! Omar Raddad ne serait pas le plus mauvais exemple de cette carence… Jacques Isorni, incomparable sur le plan


de la verve, de la fougue et du courage intellectuel et judiciaire, n’a cependant rien à voir avec ce qui est soutenu par son confrère Vergès. Certes il a aussi plaidé dans de terribles


affaires où le décret de condamnation était pris avant l’heure. Pour Robert Brasillach notamment, sa défense, aussi exaltée et convaincue qu’elle ait été, était vouée à demeurer un brillant


exercice sans la moindre espérance de succès. Le sort n’aurait en rien été modifié même si Jacques Isorni, résidant sur le même palier que l’avocat général Reboul, n’avait pas été d’une


certaine manière limité, entravé par cette proximité et cette familiarité. C’est surtout la vision de l’avocat général, telle que décrite par Jacques Vergès, qui me semble totalement fausse,


caricaturale. Non seulement par rapport à la conception que j’en avais et à ma pratique qui tentait le moins médiocrement possible de correspondre à mon idéal mais aussi, j’en suis sûr, si


on considère aujourd’hui la manière dont la plupart des accusateurs publics exercent leur fonction. Prétendre que l’avocat général aux assises en serait réduit à faire « du roman de gare »


est une absurdité alors que précisément il est le seul protagoniste, au cours des audiences, qui dispose de l’immense liberté de pouvoir récuser la fiction. Avocat de tous les citoyens, il


n’a d’autre maître que lui-même et ses propos, son discours, ses réquisitions ont la chance de ne pouvoir être dictés que par sa perception exclusive et évidemment évolutive des débats.


L’accusateur qui se laisserait aller aux stéréotypes serait impardonnable. Il se priverait de la fabuleuse opportunité de l’oralité et de l’incomparable apport, par rapport au dossier de


papier, de l’effervescence et du désordre stimulant des mille joutes, questionnements et réponses, de quelque côté qu’ils viennent, qui irrigueront la justice criminelle. A LIRE AUSSI : NOUS


SOMMES TOUS JUGES! Ni roman et encore moins de gare alors que l’accusateur n’est tenu par rien d’autre que par le devoir passionnant de se plonger au coeur de la fournaise de ces journées


dont il devra bien se garder de définir l’issue avant l’heure, ce qui serait le moyen le plus sûr et le plus calamiteux pour manquer l’objectif de la vérité : condamnation, acquittement de


l’innocent ou acquittement motivé par le doute. Il n’a pas de roman à proposer puisque la réalité dont il a la charge sera infiniment plus bouleversante, dans tous les cas, que la fiction


même la plus achevée. L’avocat général est la personne la plus libre dans le procès criminel s’il parvient en plus à ne jamais tomber dans cet écueil de trop concéder au personnage et trop


peu au professionnel, trop au narcissisme et trop peu à l’authenticité. Quel que soit le talent de l’avocat, qui aura évidemment une incidence sur l’arrêt futur, il accomplit une belle


mission. Mais il est ligoté par le mandat ou la subtile injonction qui émane de l’accusé. Au mieux, sa liberté sera surveillée. Pour l’avocat de la partie civile, l’assujettissement sera


encore pire : rien de plus totalitaire que l’emprise d’une famille tragiquement meurtrie. Alors, si revenant en arrière, aux assises, je m’étais retrouvé face à Maître Isorni, au moment


capital de la confrontation de nos verbes, je n’aurais pas inventé le mien mais j’aurais admiré le sien. Et nous aurions attendu ensemble le verdict. Vous venez de lire un article en accès


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