Médicament : pour une analyse plus réaliste des conflits d’intérêts | terra nova
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1 – Une réforme rendue nécessaire par le scandale du Médiator La loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé a été votée par l’Assemblée
nationale à la suite du scandale du Médiator et des nombreux rapports qu’il a suscités. 1 – LE SCANDALE DU MÉDIATOR Le vote de la loi intervient dans un contexte particulier, lié au scandale
du Médiator. La prescription de ce médicament aurait provoqué le décès de 500 à 2 000 patients. Révélée hors des circuits administratifs de pharmacovigilance, cette défaillance a conduit à
identifier de nombreux dysfonctionnements, qui ont jeté le trouble sur la régulation du médicament, sur son indépendance et sur celle des experts associés, notamment des experts médicaux. La
réforme s’inscrit dans la continuité de celles qui ont été engagées à partir de la fin des années 1980 en France comme à l’échelle européenne, dans un contexte alors marqué par le scandale
du sang contaminé, d’une part, et par l’organisation du marché intérieur européen du médicament, d’autre part. 2 – LE CONTEXTE D’ENREGISTREMENT EUROPÉEN Depuis le début des années 1990, les
médicaments font l’objet de procédures de régulation s’articulant à un double niveau, communautaire et national, notamment en matière d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Une
procédure dite « centralisée » donne compétence à la Commission européenne pour autoriser la mise sur le marché de médicaments après avis favorable de l’Agence Européenne du Médicament
(EMEA), qui procède à l’expertise technique de l’efficacité et de la sécurité des médicaments sur des bases « strictement scientifiques ». Cette autorisation donne accès aux marchés de
l’ensemble des Etats membres. Une procédure décentralisée offre à chaque Etat la possibilité de délivrer des autorisations de mise sur le marché sur son propre territoire, après avis d’une
autorité nationale chargée de l’expertise de l’efficacité et de la sécurité. Ces autorisations peuvent ensuite faire l’objet de reconnaissances mutuelles de la part d’autres Etats membres,
indépendamment de la procédure centralisée. Après l’Autorisation de mise sur le marché, chaque Etat dispose d’une compétence exclusive quant aux conditions de prise, remboursement et de
détermination des prix des médicaments, libres ou administrés selon les types de produits et les Etats membres. 3 – LE CONTEXTE D’ENREGISTREMENT FRANÇAIS En France, l’enregistrement des
médicaments est largement administré. En simplifiant, il comprend trois phases : l’autorisation de mise sur le marché (AMM), la détermination du taux de remboursement et la fixation de prix
administrés. L’autorisation de mise sur le marché est délivrée après une évaluation scientifique réalisée soit par l’EMEA dans la procédure centralisée, soit par la Commission d’autorisation
de mise sur le marché rattachée à l’AFSSAPS (nouvellement ASMPS, Agence de sécurité du médicament et des produits de santé dans le nouveau texte de loi). Le taux de remboursement par la
Sécurité sociale est déterminé après avis de la Commission de la transparence, rattachée à la Haute Autorité de Santé. La décision est de la compétence du directeur général de l’Union
nationale des caisses d’assurance maladie. Enfin, le prix facial du médicament est fixé par le ministre de la Santé après négociation avec l’industrie par un comité interministériel, le
Comité économique des produits de santé (CEPS), présidé par un magistrat de la Cour des comptes. La séparation des missions confiées de manière séquentielle à ces instances est justifiée par
la nécessité de séparer aussi nettement que possible l’évaluation « purement scientifique » d’appréciations économiques plus générales, relatives au remboursement et au prix. Destinée à
isoler l’évaluation thérapeutique pour la protéger d’influences externes, cette séparation s’est révélée impuissante à éviter la manifestation répétée d’intérêts économiques inappropriés.
Elle mérite d’être questionnée et amendée. 2 – UN TEXTE GLOBALEMENT CONSERVATEUR ET INSUFFISANT… Le texte de loi accorde une importance particulière à : une transparence accrue et une
surveillance plus complète des liens d’intérêts, une gouvernance plus claire en matière de régulation du médicament, notamment pour l’autorisation de mise sur le marché et la police
sanitaire, une meilleure information et une protection renforcée des consommateurs, le doute devant désormais jouer en leur faveur plutôt qu’au bénéfice des innovations. Pour garantir une
meilleure transparence des liens d’intérêt, la réforme introduit en particulier plusieurs principes : la mise en place de déclarations publiques d’intérêts reposant sur un modèle unique pour
toutes les institutions intervenant dans le champ de la santé (experts, personnels des agences et de l’administration, associations de patients notamment) et assorties de sanctions en cas
de dissimulation, la responsabilisation des institutions dans la gestion et le contrôle des conflits d’intérêts à travers la création de cellules de déontologie, l’illégalité des décisions
prises par une commission où siégerait une personne ayant déclaré des liens d’intérêts, la publication des conventions passées entre les entreprises pharmaceutiques et les parties prenantes
(professionnels de santé, associations de patients, fondations, organes de presse spécialisée, sociétés savantes, sociétés ou organismes de conseil), la transparence des débats et des
décisions des commissions consultatives, la limitation du nombre de membres des commissions et de leur mandat. Malgré des progrès en matière de transparence, le texte de loi ne modifie qu’à
la marge l’organisation des procédures d’enregistrement. Il maintient une séquence de décision défavorable au régulateur, se fonde sur une interprétation restrictive des conflits d’intérêts
et maintient une conception positiviste des rapports entre science et société, fondée sur la fiction d’une séparation entre éléments scientifiques, économiques et sociaux. Cette conception,
qui avait prévalu lors de la création des agences sanitaires, a été prise en défaut par le scandale du Médiator. 1 – DES PROGRÈS EN TERMES DE TRANSPARENCE ET DE SÉCURITÉ Le texte de loi
complète la régulation des médicaments en rééquilibrant les pouvoirs en faveur du régulateur, d’une part, du consommateur, d’autre part. Il renforce les mécanismes de vigilance et étend ces
principes aux dispositifs médicaux. Il peut à ce titre être salué comme une évolution positive. Cantonné au secteur du médicament et des dispositifs médicaux, il n’apporte cependant pas de
véritables réponses aux DIFFICULTÉS DE GOUVERNANCE ET DE RÉGULATION DU SYSTÈME D’AGENCES SANITAIRES , dont les logiques dépassent ces seuls secteurs. Même cantonné au médicament et aux
produits de santé, il ne modifie pas substantiellement les principes de l’enregistrement, qui conservent son caractère séquentiel, moyennant quelques changements de compétences et de
dénomination. En ce sens, la réforme constitue UNE RÉPONSE A MINIMA à la crise de la régulation du médicament provoquée en France par le scandale du Médiator. 2. 2 – LE MAINTIEN D’UNE
SÉQUENCE DE DÉCISION DÉFAVORABLE AU RÉGULATEUR La réforme maintient le caractère séquentiel des décisions publiques d’enregistrement en conservant la séparation entre une évaluation
prétendument « purement scientifique » (dans le cadre de la délivrance de l’AMM) et une évaluation prenant en compte des aspects économiques (remboursement et prix). Etant donnée la
complexité des enjeux économiques présents dès les premières phases d’enregistrement, cette séparation paraît illusoire. Elle tend curieusement à considérer l’autorisation de mise sur _ _ le
marché comme relevant d’une appréciation « purement scientifique » plutôt qu’également économique. Elle ne prend pas en compte l’existence de stratégies programmées de diffusion des
innovations, dont les conséquences, au moins sanitaires, devraient pouvoir être appréciées d’emblée, c’est-à-dire dès la phase d’autorisation de mise sur le marché. Le maintien d’une
séparation de principe n’est pas neutre : il favorise l’accès au marché des médicaments quels que soient leurs conditions réelles d’usage et leur prix ultérieur (qui, par construction
délibérée, ne peuvent être ni connus ni raisonnablement estimés par le régulateur lors de l’autorisation de mise sur le marché). Cette séparation place le régulateur dans une position de
relative ignorance au moment de la décision stratégique de délivrance d’une AMM. Cette séparation place aussi le régulateur dans une position défavorable lors des deux séquences ultérieures
(fixation du niveau de remboursement et du prix). Une fois l’autorisation de mise sur le marché acquise, souvent à l’échelle communautaire et en tout état de cause à partir de critères
purement techniques, limiter le remboursement équivaut pour les pouvoirs publics à réserver l’accès d’un médicament aux seuls patients capables de se le payer. De même, refuser les prix
demandés par l’industrie revient à risquer que le médicament, pourtant autorisé au vu de son efficacité et de sa sécurité, ne soit finalement pas commercialisé. Ces situations peuvent
s’avérer problématiques pour des médicaments innovants, souvent très onéreux, destinés à lutter avec une efficacité variable contre certains cancers ou maladies orphelines par exemple.
Rarement mises à exécution, ces menaces planent dans le cours de la procédure, notamment dans les phases de négociation des prix. 2. 3 – LE MAINTIEN D’UNE CONCEPTION INDIVIDUELLE DES LIENS
D’INTÉRÊTS En se contentant de transparence, la réforme consacre une conception individuelle des conflits d’intérêts. Elle oblige à rendre publics les liens d’intérêts des experts, afin
d’éviter les conflits ultérieurs. Elle oblige aussi les industriels à rendre publics les financements de toute partie prenante (professionnels, associations de patients…). Mais la
communication « brute » de ces éléments ne peut dispenser d’une analyse circonstanciée des dynamiques économiques et sociales dont elles ne sont que l’expression la plus tangible.
L’existence des liens d’intérêts ne doit pas seulement être appréciée du point de vue d’éventuels conflits d’intérêts entre un individu et les missions d’évaluation qui lui sont confiées.
Ils doivent être analysés dans une PERSPECTIVE PLUS LARGE ET PLUS RÉALISTE , afin d’éclairer le régulateur sur les conditions effectives d’accès au marché des médicaments. 2. 4 – LE MAINTIEN
D’UNE SÉPARATION DISCUTABLE ENTRE SCIENCE ET SOCIÉTÉ Le texte de loi entérine une nouvelle fois l’idée d’un cloisonnement entre l’évaluation scientifique des aspects thérapeutiques et la
prise en compte plus générale des aspects économiques et sociaux. Avec le scandale du Médiator, le mythe rassurant d’une séparation de principe entre la science et la société a volé en éclat
: en cherchant à isoler l’évaluation « purement scientifique » de son contexte économique et social, au nom d’un souci affiché d’éviter les interférences, on a simplement laissé dans
l’ombre de puissants intérêts économiques, qui ont pu exercer leurs influences d’autant plus librement, et parfois même de manière occulte. Les aspects thérapeutiques, économiques et sociaux
de l’évaluation des médicaments ne doivent plus être abordés séparément, de manière séquentielle et disjointe, comme c’est aujourd’hui le cas. Leur appréciation doit être mieux intégrée
dans la chaîne d’évaluation. Ces différents aspects doivent être analysés ensemble, dans le respect de leurs spécificités respectives. 3 – TROIS PROPOSITIONS PROGRESSISTES Nous proposons des
pistes de réformes susceptibles d’inspirer la discussion en cours du projet de loi. Nous laissons de côté une transformation de la séquence de décision qui exigerait des modifications en
profondeur du texte et une évolution parallèle des règles communautaires. Ces pistes de réformes sont fondées sur deux principes, et sont susceptibles d’être mises en œuvre immédiatement :
dépasser une conception individuelle et restrictive de la notion de conflit d’intérêts, qui pourrait être éclairée à une échelle collective au terme d’analyses mobilisant des études de
sciences sociales, notamment économiques, intégrer la prise en compte de ces éléments dans la séquence de décision, en évitant de les mobiliser en fin de processus et de manière peu
systématique, comme c’est aujourd’hui le cas. Ces principes conduisent à proposer D’ENRICHIR LES COMPÉTENCES QUE LA LOI CONFIE AUX CELLULES DÉONTOLOGIQUES créées auprès des instances
d’expertise. En plus de leur mission proprement « déontologique », exercée à destination d’experts sollicités à titre individuel, ces cellules seraient dotées d’une capacité d’analyse des
conflits d’intérêts fondée non seulement sur des données individuelles mais aussi sur l’évaluation circonstanciée de données relatives aux entreprises et aux marchés sur lesquels elles
opèrent. PROPOSITION 1 : ENREGISTRER LES ENTREPRISES PHARMACEUTIQUES S’inspirant de l’exemple américain, le projet de loi prévoit que les entreprises devront communiquer au régulateur
l’ensemble des liens d’intérêts dans lesquels elles sont impliquées, tant auprès des individus que d’organisations professionnelles ou d’associations de patients par exemple. Nous proposons
que cette déclaration soit faite dans le cadre d’une procédure d’enregistrement des entreprises pharmaceutiques, complétant les procédures d’enregistrement des seuls produits. Outre les
liens d’intérêts, les entreprises documenteraient des données complémentaires permettant au régulateur d’apprécier de manière réaliste le contexte d’enregistrement et les stratégies de
développement projetées, dont dépendent les conditions réelles de prescription ainsi que leur incidence économique et sanitaire. Des éléments non seulement thérapeutiques mais aussi
économiques et sociaux (marketing, analyse financière…) pourraient être collectés auprès des entreprises. Le caractère confidentiel de ces éléments devrait être protégé au même titre que les
données techniques et scientifiques déjà transmises au régulateur. PROPOSITION 2 : CRÉER DES CELLULES D’ANALYSE DES LIENS D’INTÉRÊTS Nous proposons de compléter les missions que la loi
confie aux Cellules déontologiques appelées à intervenir auprès des instances d’expertise. Ces cellules pourraient acquérir une compétence en matière d’analyse des liens d’intérêts, et
changer dès lors de dénomination. Cette analyse des conflits d’intérêts donnerait lieu avant chaque évaluation à un rapport circonstancié mobilisant notamment des informations transmises par
les entreprises dans le cadre des procédures d’enregistrement. En plus des éléments de déclaration, une analyse circonstanciée des liens d’intérêts serait jointe au dossier d’enregistrement
dès la phase d’AMM. Les cellules d’analyse des conflits d’intérêts auraient vocation à travailler de manière coordonnée dans le cadre d’un réseau animé par une institution pilote. Cette
institution pourrait être la Haute Autorité de santé en raison de son indépendance et des compétences qu’elle a acquises en matière de veille déontologique et d’évaluation socio-économique.
PROPOSITION 3 : CRÉER UNE FILIÈRE D’ÉVALUATION SOCIO-ÉCONOMIQUE AU SEIN DU SYSTÈME D’AGENCES SANITAIRES Nous proposons de tirer les conclusions d’une absence de séparation stricte entre
aspects thérapeutiques, économiques et sociaux en instituant le principe d’une évaluation socio-économique des produits de santé. Cette évaluation complèterait en particulier l’analyse des
conflits d’intérêts. Le recours à ce type d’évaluation est recommandé par l’IGAS et a donné lieu à des initiatives dans certaines agences. Les démarches d’évaluation socio-économique
pourraient être organisées à l’échelle du système d’agences, à travers (a) l’extension d’un recours explicite à l’évaluation socio-économique dans les instances d’expertise, (b) une liaison
organique entre les services d’évaluation socio-économique et les Cellules d’analyse des liens d’intérêts, © une organisation coordonnée de l’évaluation socio-économique sous la
responsabilité d’une institution pilote, afin de favoriser échanges et mutualisations d’expertise dans le champ de la santé.
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