Pour l’abrogation de la double peine | terra nova

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DE QUOI LA DOUBLE PEINE EST-ELLE LE NOM ? DIFFÉRENCES AVEC L’EXPULSION La décision d’expulsion est une prérogative de l’administration pour éloigner les personnes étrangères dont le


comportement est considéré comme contraire aux intérêts de l’Etat : si « leur présence constitue une menace grave pour l’ordre public ». Cette notion ne permet pas de définir précisément ce


qu’est l’atteinte à l’ordre public : partant, elle est sujette à débat, à l’instar de nombreux concepts flous invoqués pour justifier l’éloignement des étrangers. Des protections ont été


édifiées en faveur de certaines catégories de personnes étrangères mais seuls les mineurs sont absolument protégés. Leur efficacité n’est donc pas totale.  Sauf en cas d’urgence absolue,


l’arrêté est pris après avis d’une commission composée de deux juges de l’ordre judiciaire et d’un de l’ordre administratif ; l’avis ne lie pas l’autorité administrative. L’arrêté


d’expulsion peut à tout moment être abrogé par l’autorité qui l’a pris. Historiquement, cette mesure a visé tour à tour des opposants politiques tels Daniel Cohn-Bendit en 1968, des


syndicalistes immigrés dérangeants, et des étrangers délinquants. Elle a aussi, pendant un certain temps, servi à refouler les étrangers en situation irrégulière : en 1980, la « Loi Bonnet »


a fait de l’entrée ou du séjour irrégulier un motif d’expulsion au même titre que la menace à l’ordre public, ce qui éleva le nombre d’expulsions de 3000 / 3500 à environ 10 000 . La


reconduite à la frontière n’était qu’une modalité d’exécution forcée des mesures d’expulsion, modalité qui restait relativement rare. Depuis 1981, une distinction juridique existe entre


l’expulsion pour motifs d’ordre public et l’éloignement pour irrégularité du séjour. Aujourd’hui, les expulsions pour motifs d’ordre public concernent quelques centaines de cas par an, alors


que les reconduites à la frontière touchent plusieurs dizaines de milliers de personnes. La loi du 29 octobre 1981, dite « Loi Questiaux », unifiant la répression des infractions à la


législation sur les étrangers (avant elle, le séjour irrégulier était passible d’une simple contravention de 5 e classe devant le tribunal de police) avait en effet transformé la reconduite


à la frontière en peine. C’est ainsi qu’entre 1981 et 1986, les condamnations des chefs d’infraction à la législation sur les étrangers incluaient, à titre de peine complémentaire, cette


mesure. Elle était prononcée après un débat contradictoire et public. Lorsque la juridiction pénale ne prononçait pas la reconduite à la frontière, l’étranger bénéficiait, de plein droit,


d’un titre temporaire afin que soit entreprise la démarche d’une éventuelle régularisation. Une sécurité était donc garantie. Mais progressivement, les tribunaux se sont mis à prononcer en


nombre des reconduites à la frontière, y compris avec exécution provisoire. L’effet de protection s’est donc estompé. On constate ainsi comment l’attention s’est progressivement focalisée


sur l’irrégularité du séjour et comment la gestion des flux migratoires a commencé à instrumentaliser « la machine judiciaire ». DIFFÉRENCES AVEC L’IRTF Créée par la loi du 16 juin 2011 dite


« loi Besson », l’interdiction de retour sur le territoire français est une mesure administrative prise par le préfet qui peut viser les étrangers faisant l’objet d’une OQTF . Cette


interdiction de retour peut avoir une durée maximale de cinq ans. L’IRTF entraîne automatiquement un signalement de la personne aux fins de non-admission dans le système d’information


Schengen (SIS) et entraîne l’impossibilité pour l’étranger de revenir dans tout l’espace Schengen pendant la durée de sa validité. Cette nouvelle mesure particulièrement opaque, « le


bannissement administratif », est incomprise par les étrangers qui la subissent et la vivent comme une peine . L’étranger peut demander l’abrogation de la mesure sous certaines conditions,


dont celle de résider hors de France (sauf s’il y est incarcéré ou assigné à résidence). L’ITF, UNE PEINE AU MÉPRIS DE L’ÉGALITÉ DEVANT LA LOI Distincte de la décision administrative de


l’IRTF, l’interdiction du territoire français est une décision judiciaire. Elle est prise : par une juridiction pénale, tribunal correctionnel, s’agissant de sanctionner un délit, ou une


cour d’assises, s’agissant de sanctionner un crime ; en complément d’une peine principale, c’est alors une peine complémentaire ; ou à titre de peine principale, ce qui est rare ; c’est


ainsi qu’en 2011, 244 ITF ont été prononcées à titre principal par les tribunaux français . Elle interdit à la personne condamnée d’être présente sur le territoire français pendant une durée


limitée ou définitive. Elle entraîne de plein droit la reconduite à la frontière. L’étranger faisant l’objet d’une telle peine, à titre de sanction complémentaire, peut en demander le


relèvement auprès de la juridiction pénale qui l’a prononcée. Pour que cette demande soit recevable, la personne doit se trouver hors du territoire français, sauf si la personne est


incarcérée ou si elle fait l’objet d’une assignation à résidence. Ainsi, il n’est pas possible d’introduire cette demande si la personne est placée en rétention. Ne sanctionnant que les


étrangers, cette peine est discriminatoire par nature. Faut-il le rappeler : l’interdiction du territoire français prononcée contre un national, le bannissement, est une mesure dont ont


notamment été l’objet les membres de la famille royale. Elle a été abrogée en 1872. HISTORIQUE DE LA DOUBLE PEINE DU TRAFIC DE DROGUE AU SÉJOUR IRRÉGULIER L’interdiction du territoire a été


introduite dans notre droit par la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite des substances


vénéneuses, pour certaines infractions à cette législation. Cette mesure ne fit pas vraiment débat. Dans bien des esprits, elle visait de gros trafiquants de passage, sans attache sur le sol


français. Avant ce texte, seule l’expulsion administrative permettait d’éloigner un étranger. Progressivement, l’ITF – qui était donc indexée au trafic de stupéfiants – a étendu son


application aux règles d’entrée et de séjour en France. Ce fut le tournant de la loi Questiaux (voir plus haut). Concernant dans un premier temps les seuls cas de récidive, le champ de cette


peine a ensuite été étendu par la loi du 3 janvier 1985 et, surtout, par la loi du 9 septembre 1986 (suppression de la condition de récidive et allongement de la durée maximale de


l’interdiction du territoire). Ce glissement progressif a pris sa source aux débuts des années 1980, peu après l’élection de François Mitterrand, lequel, rappelons-le, a permis par la


circulaire du 11 août 1981 la régularisation massive de plus de 130 000 personnes . Deux mois plus tard, en parallèle à cette ouverture historique, un dispositif législatif s’était mis en


place, qui fut le point de départ de logiques d’éloignement et d’enfermement des étrangers allant crescendo. Ainsi, quand le premier Centre de rétention administrative (CRA) a été créé en


1984 pour mettre fin à l’entassement d’étrangers clandestins dans les caves des commissariats et les dépôts insalubres, rien ne laissait présager que cette amélioration à court terme des


conditions d’enfermement allait ouvrir la porte à une forme d’industrialisation gestionnaire de masse. Pourtant, ont ainsi été institutionnalisés des lieux de privation de liberté contrôlés


par la police qui n’ont cessé de s’étendre. L’EXTENSION MASSIVE DU DOMAINE DE L’ITF PAR LE NOUVEAU CODE PÉNAL ET LES LÉGISLATIONS POSTÉRIEURES Avec l’entrée en vigueur du nouveau code pénal


en 1994, l’Interdiction du territoire a pu être prononcée pour plus de 200 infractions, au-delà de celles visées par le code du travail ou l’ordonnance du 2 novembre 1945 : crimes contre


l’humanité, tortures et actes de barbarie, violences et agressions sexuelles, trafic de stupéfiants, proxénétisme, certains cas de vols, d’extorsions et de recels, destructions dangereuses


pour les personnes, atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, terrorisme, participation armée à un attroupement, à une manifestation ou à un groupe de combat, atteintes à l’action de


la justice et à la confiance publique… Cette liste a été étendue par des lois postérieures . Ainsi, à partir de 1994, peut-on raisonnablement parler de justice à deux vitesses et de


discrimination fondée sur la qualité d’étranger : On bascule dans le champ de la stigmatisation et du traitement spécifique. LA FAUSSE ABOLITION DE LA DOUBLE PEINE DE 2003 : UNE OCCASION


MANQUÉE La société civile s’est émue des conséquences humaines de la « double peine » : au début des années 2000, de nombreuses associations et syndicats en ont demandé l’abrogation. En


2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, annonçait sa décision de l’abroger. Cette volonté aussi soudaine que stratégique fut alors fortement influencée par le député Étienne


Pinte, touché par l’affaire Bouchelaleg et par le film de Bertrand Tavernier sur les grévistes de la faim lyonnais . Certes, le renforcement des catégories dites protégées a permis de


réduire de plus de moitié le nombre de prononcés des ITF , mais trois ans plus tard, la loi du 24 juillet 2006 limitait déjà le champ des protections absolues et relatives instituées par la


loi du 26 novembre 2003. Malgré quelques effets positifs, la loi dite « Sarkozy » n’a pas constitué une réelle suppression de ce qu’il est commun de nommer « la double peine ». Loin de


mettre un terme aux ITF, elle a instauré un système complexe encore en vigueur en 2013. Parallèlement, au fil des ans, la durée maximale de la rétention légale n’a jamais cessé de


s’allonger, même si elle reste inférieure à la plupart de celles des autres pays de l’Union européenne Elle a triplé entre le retour de la droite en 2002 et la loi dite « Besson » du 18 


juillet 2011, passant au cours de cette période de 15 à 45 jours. Quand le ministère de l’Intérieur annonce le « score » des reconduites à la frontière réalisé sur une année, il faut


multiplier a minima par deux, voire plus certaines années, pour apprécier le taux de passage par les Centres de rétention administrative (CRA). L’ITF AUJOURD’HUI LES PROTECTIONS Dans le même


esprit que les dispositions applicables à l’expulsion, mais sans lien avec le quantum de la peine principale prononcée, les textes distinguent des catégories partiellement protégées (de


protection « relative ») et des catégories protégées (de protection « quasi – absolues »). Seuls les mineurs se trouvent sous une réelle protection « absolue ». Font l’objet d’une protection


absolue, et ne peuvent donc faire l’objet d’une ITF : les étrangers justifiant résider en France habituellement depuis l’âge de treize ans ; les étrangers résidant régulièrement en France


depuis plus de vingt ans ; les étrangers résidant en France depuis plus de dix ans et mariés depuis au moins quatre ans à un ressortissant français ou avec un étranger lui-même en France


depuis l’âge de treize ans, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation et que la communauté de vie n’ait pas cessé ; les étrangers résidant


régulièrement en France depuis plus de dix ans et parents d’un enfant français résidant en France, s’ils subviennent effectivement à son entretien et son éducation ; les étrangers dont


l’état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences graves et qui ne peuvent pas bénéficier d’un traitement effectif dans leur pays


d’origine. Ces personnes – excepté les mineurs – peuvent faire l’objet d’une interdiction du territoire dans l’hypothèse d’une condamnation pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la


nation ou à la défense nationale, pour terrorisme, fausse monnaie… Font l’objet d’une protection relative, c’est-à-dire uniquement devant le tribunal correctionnel, cette protection ne


jouant pas devant la cour d’assises : Les étrangers père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, s’ils subviennent effectivement à son entretien et son éducation ; Les


étrangers mariés depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation, que la communauté de


vie n’ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; Les étrangers justifiant résider habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s’ils ont été,


pendant toute cette période, titulaires d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ; Les étrangers résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s’ils


ont été, pendant toute cette période, titulaires d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ; Les étrangers titulaires d’une rente d’accident du travail ou de maladie


professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %. En ces cas, le tribunal ne peut prononcer l’interdiction du territoire


français que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l’infraction et de la situation personnelle et familiale de l’étranger. L’examen et la pratique du dispositif


attestent que ces protections sont de fait très relatives . La preuve des situations de faits est bien difficile à rapporter pour nombre d’étrangers ayant vécu dans la clandestinité, même


par périodes. Ainsi, des personnes arrivées sur le sol français depuis des décennies peuvent se voir condamner à des ITF alors qu’elles n’ont strictement aucune attache avec « leur pays


d’origine ». Arrivées jeunes en France et ayant subi successivement des peines de prison légères, elles ne se trouvent pas sous le bénéfice des protections faute de résidence _ habituelle_


pendant la durée requise. Certes, il n’est pas anormal que les périodes d’incarcération – contraintes – ne soient pas comptabilisées dans la durée du séjour en France, mais chaque


incarcération rompt la continuité du séjour et agit comme une sorte de « remise du compteur à zéro ». La terre originaire s’éloigne toujours plus, tant culturellement qu’affectivement. LES


INFRACTIONS SANCTIONNÉES En 2010, 39 % des condamnations prononçant une ITF à titre de peine complémentaire visaient comme infraction principale l’entrée ou le séjour irrégulier d’un


étranger en France, alors passible d’un an d’emprisonnement et de trois ans d’ITF. Soulignons à ce propos que, selon le ministère de l’Intérieur, entre 1998 et 2002, 90 % des étrangers en


situation irrégulière étaient entrés sur le territoire français de façon légale, l’illégalité de leur situation n’intervenant qu’à l’expiration de leur titre de séjour, après un refus de la


préfecture de leur renouveler ce titre. Si la récente loi du 30 décembre 2012 a, sous la contrainte de la jurisprudence de la Cour de justice européenne en application de la « directive


retour », dépénalisé le séjour irrégulier, cette dépénalisation est très relative. Notamment, en l’état actuel du droit, le maintien sur le territoire malgré la mise en œuvre des mesures


d’éloignement – opposition passive ou active à celles-ci – ou le retour sur le territoire après l’exécution de celles-ci sont passibles d’emprisonnement et d’une ITF pouvant aller, selon


l’infraction commise, jusqu’à dix ans. Au fil de ces trente dernières années, la double peine s’est installée progressivement et parallèlement à une dégradation du droit au séjour,


constituant ainsi le bras judiciaire de la maîtrise de l’immigration. L’ITF n’est plus seulement réservée aux auteurs de crimes ou de délits graves sans attaches en France mais sert de plus


en plus à accompagner une politique de contrôle des frontières et de restriction de l’immigration. Ainsi, les magistrats de l’ordre judiciaire sont placés dans une logique de gestion des


flux humains : cette véritable dévaluation de leur mission constitutionnelle constitue un dommage sérieux pour la démocratie. À chaque retour de la gauche au pouvoir depuis la crise


pétrolière, des mesures d’assouplissement tangible du droit des étrangers ont toujours été prises. Une année après l’élection de François Hollande à la magistrature suprême, il est grand


temps d’affirmer la fidélité à ces valeurs. Cela suppose notamment de résister à une évolution des discours sur le thème de l’immigration, périlleuse pour ces valeurs. REPRÉSENTATIONS 


MENTALES ET RÉALITÉS LA SURREPRÉSENTATION CARCÉRALE DES ÉTRANGERS Depuis des années, d’abord au Front National, puis à présent chez des représentants d’autres partis politiques, la


surreprésentation des étrangers incarcérés (18 % d’étrangers dans la population carcérale, 8 % dans la société « du dehors » ) est fréquemment invoquée pour requérir un durcissement de la


législation, notamment sur les ITF . Or, ce chiffre mérite d’être analysé à plusieurs niveaux. Tout d’abord, ce n’est un secret pour personne, la prison concerne dans son immense majorité


les franges les plus démunies de la population. Ainsi, la situation socio-économique des étrangers n’est-elle pas sans lien avec leur présence derrière les barreaux. Ensuite, l’importance du


contentieux de l’immigration conduit en prison des personnes qui n’ont commis d’autre délit que des infractions à la législation sur les étrangers (la dépénalisation n’étant que relative,


voir plus haut). La clandestinité administrative conduit à des infractions au code du travail et au code de la route (défaut de permis de conduire, absence d’autorisation de travail) et bien


d’autres encore (vente à la sauvette). On constate par ailleurs que si les étrangers sont sous-représentés parmi les auteurs de crimes par rapport aux nationaux, ils commettent en général


des délits provoquant une réaction rapide de la police. Enfin, les inégalités de traitement judiciaires concernant les étrangers sont légion : interpellations avec dérives de contrôles au


faciès, taux de comparution immédiate plus élevés (59 % des étrangers sont écroués dans le cadre d’une comparution immédiate contre 45 % des Français), proportion plus importante de mise en


détention provisoire (90 % d’étrangers, contre 73 % des Français), sanctions – à délit et mode de jugement égaux – en moyenne plus lourdes. Ces chiffres attestent d’une forme de « 


surconsommation pénale » des étrangers, pour reprendre les termes d’Emmanuel Blanchard. Ils nous amènent à retourner l’argument de M. Garraud en questionnant plutôt le fonctionnement de nos


institutions, au lieu de stigmatiser des catégories dangereuses, parentes contemporaines des classes dangereuses du 19 e siècle : cette surreprésentation n’est-elle pas la preuve d’un


fonctionnement discriminant de la justice et des institutions ? LA CRISE ÉCONOMIQUE ET LA MAÎTRISE DE L’IMMIGRATION Il ne s’agit pas ici de se lancer dans une vaste analyse de notre


politique d’immigration. On ne peut toutefois s’empêcher de s’interroger sur sa pertinence, sur son coût et son efficacité par rapport au but visé, lui-même sujet à caution chez maints


économistes. – LE COÛT DES RECONDUITES À LA FRONTIÈRE Comme on le constate au regard de histoire de l’ITF, la législation pénale évolue en parallèle avec les objectifs de maîtrise de


l’immigration. Il est temps de faire les comptes de la « politique du chiffre » et de les mettre en rapport avec sa pertinence économique. À l’occasion de l’examen du projet de loi de


finances pour 2009, le sénateur Pierre Bernard-Reymond avait effectué une évaluation du coût total de la politique de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière. Il


avait additionné des dépenses relatives au fonctionnement des centres de rétention administrative (CRA), aux frais d’éloignement (billets d’avion, de train ou de bateau), à la prise en


charge sanitaire et sociale dans les centres de rétention et à l’exercice des droits des personnes qui y sont placées. En ajoutant les coûts de garde et d’escorte des CRA (mais pas des


locaux de rétention administrative), il évaluait alors à 415,2 millions d’euros le coût des reconduites à la frontière. En ramenant cette somme au nombre de personnes concernées (19 800 


personnes en 2008), le coût était ainsi évalué à 20 970 euros par personne reconduite. M. Bernard-Reymond soulignait toutefois que ce coût ne prenait pas en compte les services des


préfectures compétents dans ce domaine, l’aide juridictionnelle attribuée aux personnes retenues, ainsi que le coût des contentieux devant les juridictions liés à la rétention administrative


et à la reconduite à la frontière. Les dommages et intérêts que certains avocats peuvent obtenir pour leur client pour le préjudice subi du fait de la rétention ou de l’éloignement


injustifiés n’étaient pas comptabilisés non plus. Enfin, les coûts de la rétention dans les zones d’attente aéroportuaires, en particulier à Roissy – Charles de Gaulle et à Orly, n’étaient


pas inclus dans l’évaluation. A l’occasion de cette démarche parlementaire, l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) avait souligné que de nombreux


étrangers étaient retenus pendant quatre jours dans les zones d’attente alors qu’il était évident que, compte tenu de la fragilité des motifs ayant conduit la police à les retenir, le juge


des libertés et de la détention allait les libérer . Cette évaluation, si elle peut être affinée, peut être comparée à l’étude menée par les économistes membres du groupe de chercheurs « 


Cette France-là », qui estimaient le coût par personne reconduite à 25 000 €. Elle avait été contestée par Brice Hortefeux, alors ministre de l’Intérieur, qui avait divisé ce coût de moitié.


Si l’on ne tient compte que du chiffre de 20 970 € par reconduite et qu’on le met en lien avec le nombre de reconduites de 2012 (36 822), on obtient la somme de plus 772 millions d’euros.


Les efforts budgétaires d’une nation reflètent ses priorités politiques et ses priorités de valeur. Sait-on assez que la France consacre moins d’argent (budget rapporté au pourcentage du


PIB/habitant) à sa justice que l’Azerbaïdjan, la Moldavie ou la Géorgie ? C’est ce que révèle le cinquième rapport d’évaluation des systèmes judiciaires en Europe publié par la commission du


Conseil de l’Europe pour l’efficacité de la justice (CEPEJ). Et si l’on se penche à présent sur le budget, stricto sensu, de la Justice française (spécialement hors pénitentiaire), il est


d’un peu plus de 3 milliards d’euros, pour la même année 2012. Ne constate-t-on pas un hiatus de fond entre les deux dépenses ? – APPORTS ÉCONOMIQUES DE L’IMMIGRATION Par ailleurs, les


études économiques récentes attestent de l’apport de l’immigration – y compris familiale – dans l’économie française. La dernière en date, menée par Hippolyte d’Albis, Ekrame Boubtane et


Dramane Coulibaly, met en évidence un « taux d’élasticité positif et significatif ». Cela signifie que pour la période considérée (1994–2008), lorsque le taux de migration (nombre de


migrants rapporté à la population totale) augmentait de 1 %, alors le PIB par habitant augmentait lui d’environ 5 euros par personne et par an. À l’unité, cette somme peut sembler faible,


mais multipliée par les 67 millions d’habitants de l’Hexagone, on obtient un gain de 300 millions d’euros. À une époque de grande fragilité de l’économie de notre pays, où l’on n’a jamais


autant discouru sur l’évaluation de l’efficacité de la puissance publique et sur la nécessité d’une transparence de la dépense publique, il est plus que temps de dissiper le flou qui entoure


le coût comme l’efficacité de notre politique d’immigration, en réalisant un audit comptable de celle-ci. LA STIGMATISATION DE L’ÉTRANGER, L’IDENTITÉ NATIONALE Sous le quinquennat


précédent, une dialectique de la loyauté et du mérite s’est développée en hostilité ouverte aux résidents extra-européens, avec un lexique que l’on retrouve à présent y compris dans des


zones auparavant préservées de l’hémicycle. Cet imaginaire, s’il prend ses racines dans le pire de l’histoire politique française des années 1930, s’est fortement amplifié tout au long du


dernier mandat de Nicolas Sarkozy. Jamais les personnes en situation irrégulière, entre 200 000 à 400 000 selon les sources, n’avaient fait l’objet d’une telle obsession dans le langage


gouvernemental. À fortiori, les étrangers condamnés à des peines de prison assorties d’éloignement sont aujourd’hui passés dans le hors-champ, hors vue, hors débat. 5. COMMENT ABOLIR LA


DOUBLE PEINE TOUT EN PROTÉGEANT LE TERRITOIRE DANS LE RESPECT DE NOS PRINCIPES Pour des raisons de dignité comme de justice, il est indispensable d’abolir la double peine. Cela seul


permettra de respecter une stricte égalité devant la loi pénale, conformément à la Déclaration des droits de l’homme de 1789. MÊME DANS LES CAS DE CRIMES, S’ILS SONT SANS RAPPORT AVEC LA


SÛRETÉ NATIONALE, IL N’Y A AUCUNE RAISON QU’UN ÉTRANGER ET UN NATIONAL N’ENCOURENT PAS LA MÊME PEINE. En toute logique, pour rétablir le droit commun, il conviendrait d’ INSTALLER TOTALEMENT


L’ÉLOIGNEMENT DANS LE CHAMP ADMINISTRATIF , tout en prévoyant un encadrement très strict de l’expulsion. Celle-ci doit être une mesure exceptionnelle réservée aux atteintes aux intérêts


fondamentaux de la Nation, dont il faut se garder d’une interprétation extensive ; elle ne doit pas frapper un étranger ayant en France ses attaches personnelles ou familiales et elle doit


être prononcée après un avis conforme de la commission d’expulsion, les recours devant être tous suspensifs. Ceci permettrait une clarté accrue entre les deux sphères judiciaire et


administrative. Dans ce rééquilibrage entre le bras judiciaire et le bras administratif, il convient parallèlement de réformer la loi Besson du 18 juillet 2011, qui diffère l’intervention du


juge judiciaire cinq jours après le placement en rétention. Il est indispensable d’inverser la chronologie car le contrôle, primordial, de l’atteinte à la liberté doit advenir avant le


contrôle de la régularité. Tout le droit de l’éloignement doit, au reste, faire l’objet d’une remise à plat en conformité avec nos valeurs et nos principes. La dépénalisation plus que


limitée du droit des étrangers comme la retenue de 16 heures spécifiquement réservée aux étrangers en séjour irrégulier ne sont pas de nature à satisfaire cette attente, bien au contraire.


CONCLUSION L’abrogation de la double peine permettrait de restaurer la justice dans son rôle, celui de l’égalité de tous devant la sanction. La France a traversé une période lourde de


conséquences en matière de vivre ensemble. Dans quelques années, l’on sera capable de mesurer combien la période 2002 – 2012 a été régressive et xénophobe. Après l’effondrement des valeurs


républicaines, accéléré par le pouvoir précédent, porté à son paroxysme lors de l’été 2010 avec la proposition de déchéance de nationalité française pour les naturalisés, le gouvernement


actuel gagnerait à donner un signe fort de l’alternance en matière de droit des étrangers. Aucun acte fort n’a été posé par le gouvernement actuel attestant une volonté profonde de


reconstruire le tissu social entre nationaux, immigrés et Français issus de l’immigration. À l’inverse, les reconduites à la frontière ont augmenté et davantage de camps de Roms ont été


démantelés que durant l’été 2010, quand Manuel Valls réagissait alors ainsi : « On désigne des populations à la vindicte, on crée une immense confusion, on jette les Français les uns contre


les autres, (…) on est en train, une nouvelle fois, de réveiller cette peur qui existe et qui est ancestrale à l’égard des gens du voyage, c’est tout à fait insupportable ». Parmi les


promesses de campagne du candidat François Hollande, ni les récépissés de contrôle d’identité, ni le droit de vote aux élections locales (promesse électorale de François Mitterrand dès 1974 


!) n’ont encore été mis en œuvre. Quant au code d’entrée et du séjour des étrangers, sa logique reste identique, exception faite de quelques mesures initiées par le Ministre de l’Intérieur.


Or, ce n’est pas avec des circulaires que s’écrit la politique quand il est question de droit mais avec des lois. Poursuivons donc une logique à long terme qui restaure foi au politique en


renvoyant dans le passé les outils juridiques d’une justice à deux vitesses.


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