Loppsi2 : le rappel à l’ordre du conseil constitutionnel | terra nova

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13 articles de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, ont été censurés par le Conseil constitutionnel le 10 mars 2011. Les


dispositions censurées, dans un ensemble législatif sans réelle cohérence et à but essentiellement démonstratif, le sont au nom de principes essentiels de droit, et non pour des motifs de


détail. Parmi les principes essentiels rappelés par le Conseil constitutionnel, la spécificité du droit pénal des mineurs a été réaffirmée : les « peines planchers » pour les mineurs, ainsi


que le dispositif permettant au procureur de faire convoquer par un officier de police judiciaire un mineur devant le tribunal, sans que le juge des enfants soit préalablement saisi, ont été


censurés. La dimension régalienne de la sécurité a été rappelée : la possibilité prévue dans la loi de conférer à des policiers municipaux la qualité d’agent de police judiciaire pour


réaliser des contrôles d’identité, l’exploitation d’un système de vidéosurveillance par des personnes privées, ainsi que le principe d’un fonds de concours alimenté par les assureurs ont été


censurés, au motif de la primauté de l’action de l’État en la matière. Enfin, l’interdiction de la construction de salles d’audience dans les Centres de rétention administratifs et la


censure de la disposition permettant aux préfets de procéder à l’évacuation forcée d’installations illicites sur des terrains sont l’occasion pour le Conseil constitutionnel de réaffirmer la


primauté de la justice.   La censure opérée par le Conseil constitutionnel remet globalement en question la politique gouvernementale visant à désigner certaines populations comme


criminogènes, identifiant le concept abstrait d’insécurité à des populations et territoires donnés. Dans ce contexte, il convient de réaffirmer les principes d’efficacité et de respect du


droit. L’évaluation de l’action policière, la prévention de la délinquance et le renforcement de la qualité des procédures, en approfondissant le travail commun entre magistrats et


enquêteurs, doivent être les axes forts d’une autre politique de la sécurité.       Par sa décision du 10 mars 2011[1] rendue sur saisine de 60 députés et sénateurs derrière Jean-Marc


Ayrault et Jean-Pierre Bel, le Conseil constitutionnel a censuré 13 articles de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, avec


une motivation d’une exceptionnelle sévérité pour la majorité, dont certains choix sont « manifestement inappropriés ».   Faute de mieux, le gouvernement a indiqué dans la presse que cela ne


« l’empêchait pas de travailler ». Néanmoins, le coup est rude car des dispositions essentielles ont été censurées, non pour des motifs mineurs ou des erreurs de procédure, mais sur le


fondement de la réaffirmation de principes de droit essentiels. C’est un véritable rappel à la Constitution que les juges de la rue de Montpensier ont adressé à propos de sujets aussi


essentiels que la place du privé dans le domaine de la sécurité, à propos de la vidéo surveillance, la justice pénale des mineurs, le principe de la nécessité des délits et des peines, les


pouvoirs de police exceptionnels des préfets, les missions confiées à la police municipale, l’utilisation de certains fichiers au regard du respect de la vie privée, ou encore les conditions


de travail des juges dans les audiences foraines.   Au delà des motifs de la censure (cf. _infra_), la méthode employée par le gouvernement pour préparer ce texte est aussi en cause. Autant


la LOPPSI 1 voulait s’inscrire dans une forme de cohérence, d’où sa dénomination de loi d’orientation, appuyée sur une logique de tolérance zéro vis-à-vis de certains actes de délinquance,


sur une forte augmentation des moyens et des recrutements massifs de gendarmes et de policiers - aujourd’hui volatilisés dans la RGPP –, autant la LOPPSI 2 a été condamnée par le Conseil


constitutionnel pour ce qu’elle était, une loi électorale de circonstance, accumulation de mesurettes prises au hasard de faits divers, ne répondant qu’aux symptômes des enjeux soulevés,


sans la moindre idée de cohérence, sans vision globale de la délinquance, ramenée à la menace intérieure diffuse de groupes isolés… La censure des inconstitutionnalités vient parachever ce


ratage.   Plus que jamais, face à une vision électoraliste et court-termiste de la majorité sur le sujet de la sécurité, dont l’inefficacité est désormais avérée, il faut défendre une autre


politique en la matière : évaluation des méthodes et des besoins des forces de police ; renforcement des moyens de prévention ; restauration des liens justice-police ; réforme des missions


et des rapports entre tous les acteurs concernés : polices, justice, éducation, insertion…     1 – FACE AUX INCOHÉRENCES DU PROJET DE LOI, LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A RÉAFFIRMÉ DES


PRINCIPES ESSENTIELS 1. 1 – UN FOURRE-TOUT HÂTIF Dès sa conception, la LOPPSI 2 portait en elle les germes de sa censure. Alors même que la RGPP aura, au moment du rendez-vous présidentiel


de l’an prochain, fait diminuer le nombre de policiers et de gendarmes à un niveau inférieur à ce qu’il était en 2002, la LOPPSI 2, dénommée ainsi pour rappeler dans l’esprit des troupes le


bon souvenir des budgets augmentés de la LOPPSI 1, avait dès sa naissance un objet essentiellement démonstratif. Le gouvernement voulait rappeler aux forces de l’ordre démoralisées par la


course aux chiffres qu’elles continuaient à faire l’objet de toutes les attentions gouvernementales.   La LOPPPSI 2, qui ne comportait aucune disposition d’ordre budgétaire et se résumait


dès l’origine à un catalogue de mesures sans ligne directrice commune, a été notamment construite suite aux multiples rapports de préfets et de policiers évoquant chacun dans leur domaine


particulier un problème spécifique auquel il était suggéré une réponse spécifique.   Le discours de Grenoble s’est inscrit dans cette logique, et la LOPPSI a servi de navire pour embarquer


bon nombre de cavaliers législatifs sans lien entre eux. De fait, cette loi s’est transformée en une incarnation de l’approche post-discours de Grenoble, servant à établir des dispositifs


législatifs destinés à dénoncer des catégories de populations jugées intrinsèquement productrices de délinquance et qu’il convenait donc de traiter. Ce sont ces dispositifs fourre-tout que


le Conseil constitutionnel a choisi de censurer en priorité par la réaffirmation de principes essentiels de droit.   1. 2 – UNE CENSURE EN FORME DE RAPPEL SÉVÈRE À LA CONSTITUTION Parmi les


principes essentiels rappelés par le conseil constitutionnel, trois sont particulièrement significatifs :   - LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A RÉAFFIRMÉ CLAIREMENT LA SPÉCIFICITÉ DU DROIT PÉNAL


DES MINEURS.Alors que la LOPPSI 2 prévoyait dans son article 41 la possibilité pour le procureur – qui, rappelons-le n’est toujours pas une autorité judiciaire au sens de l’article 5 § 3 de


la Convention européenne des droits de l’homme car il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard de l’exécutif- de faire convoquer par un officier de police judiciaire un mineur


devant le tribunal, sans que le juge des enfants soit préalablement saisi, le Conseil constitutionnel a jugé que le dispositif proposé ne garantissait « pas que le tribunal disposera


d’informations récentes sur la personnalité du mineur lui permettant de rechercher son relèvement éducatif et moral », et qu’il méconnaissait donc les exigences constitutionnelles en matière


de justice pénale des mineurs. Même sanction pour les « peines planchers » pour les mineurs (art. 37-II). C’est un revers majeur pour le gouvernement et les sécuritaires de la majorité,


acharnés à s’attaquer à la spécificité du droit pénal des mineurs, qui ne tiendrait pas compte du fait que les jeunes seraient adultes plus tôt. Plus encore, en évoquant les exigences


constitutionnelles de la justice pénale des mineurs, le Conseil constitutionnel protège à l’avenir le statut spécifique des mineurs de toute future législation.   - LE CONSEIL A RÉAFFIRMÉ LA


DIMENSION RÉGALIENNE DE LA SÉCURITÉ. Alors que le rapport annexe à la loi s’étend sur les partenariats, notamment avec les « acteurs institutionnels intéressés par les problématiques de la


sécurité », le Conseil constitutionnel les ramène à leur juste valeur en rappelant la primauté de l’action de l’Etat en la matière. Ainsi, l’article 92, qui prévoyait la possibilité de


conférer à des policiers municipaux la qualité d’agent de police judiciaire pour réaliser des contrôles d’identité, a été censuré au motif qu’ils relevaient du maire, et non de l’autorité


judiciaire dont l’article 66 prévoit qu’elle dirige et contrôle la police judiciaire.   De plus, l’article 18, qui offrait la possibilité à des personnes privées d’exploiter un système de


vidéosurveillance sur la voie publique, a succombé au principe que cette mission de police administrative ne pouvait relever que d’un agent public. Cette décision doit désormais freiner les


ardeurs du ministère de l’Intérieur envers les caméras et leur privatisation… Enfin, toujours dans le même ordre d’idée, il est intéressant de voir que le juge constitutionnel s’est saisi


d’office – pour le censurer – du principe d’un fonds de concours alimenté par les assureurs, et dont ils auraient pu contrôler l’usage, alors même qu’il était destiné à financer la police


technique et scientifique. Là encore, c’est une disposition clef qui disparaît. C’est également une architecture incohérente qui disparaît, où, faute de moyens, l’Etat concédait à des


acteurs municipaux ou privés des compétences régaliennes, en les incitant à les reprendre par un partage du pouvoir de décision.   - LE CONSEIL A RÉAFFIRMÉ LA PRIMAUTÉ DE LA JUSTICE,


essentiellement au travers de deux dispositions censurées.   Le Conseil constitutionnel a d’abord interdit la construction de salles d’audience dans les Centres de rétention administratifs,


mesure déjà expérimentée au grand dam des avocats et des magistrats, que la loi devait permettre d’étendre. Les mots choisis méritent d’être cités : les centres de rétention sont « des lieux


de privation de liberté », non ouverts au public. Le juge en a déduit que « en prévoyant que la salle d’audience dans laquelle siège le juge des libertés et de la détention peut être située


au “sein” de ces centres, le législateur a adopté une mesure qui est manifestement inappropriée à la nécessité, qu’il a rappelée, de “statuer publiquement” ». Il est assez rare que le


Conseil constitutionnel qualifie un choix du législateur de « manifestement inapproprié ». Les conséquences de cette décision sur la loi actuellement en cours d’examen par le Parlement, qui


repousse à cinq jours l’intervention du juge des libertés et de la détention, pourraient être importantes.   L’autre disposition censurée devait permettre aux préfets de procéder à


l’évacuation forcée d’installations illicites sur des terrains dès lors que cette occupation présentait un grave risque pour la salubrité, la sécurité et la tranquillité publique. Cet


article avait une double intention : d’un côté offrir aux préfets la possibilité d’expulser plus facilement des campements illégaux de gens du voyage, mais surtout leur permettait d’agir


virilement face à la construction illégale sur des terrains privés, activité très souvent pratiquée par des gens du voyage en sédentarisation. La loi créait ainsi une procédure d’ordre


public destinée de manière claire à biaiser la procédure normale d’infraction au droit de l’urbanisme déjà existante. Le contentieux passait ainsi du juge pénal a priori au juge


administratif a posteriori, le tout dans un délai restreint ne lui permettant certainement pas de se prononcer en toute connaissance de cause. Nul doute qu’une telle disposition légale


aurait fait l’objet d’une utilisation intensive dans les départements du sud de la France touchés par la crise du logement, où bon nombre de personnes résident à l’année dans des campings ou


des habitations sommaires… Dans ce domaine également, il faudra donc que les maires, plutôt que d’appeler leur sous-préfet, en passent par des politiques actives de logement… On peut certes


regretter que le Conseil constitutionnel n’ait pas adopté ce raisonnement lorsqu’il a été saisi d’une QPC relative au dispositif très comparable existant pour les gens du voyage (QPC


n°2010–13 du 9 juillet 2010)… mais il est vrai que c’était avant que la polémique de l’été dernier éclate…    2 – LE REJET DE LA LOPPSI 2 ENTRAVE LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE DE MISE EN


CAUSE DE POPULATIONS DÉSIGNÉES COMME CRIMINOGÈNES 2. 1 – LE MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR RENVOYÉ A SES ÉTUDES DE DROIT CONSTITUTIONNEL   Le Conseil constitutionnel a clos, par sa décision du 10 


mars, la séquence médiatique ouverte à l’été 2010 à Grenoble et St Aignan. Pour la première fois, la lutte contre l’insécurité avait franchi alors une barrière ; il ne s’agissait plus de


lutter contre l’insécurité – en tant que concept abstrait – mais de répondre à des menaces, au sens que donnent les militaires à ce terme, identifiées et territorialisées. Dans un cas, les


Roms, Gitans et gens du voyage avaient fait les frais de la mise en spectacle, dans l’autre les « jeunes dealers des cités » avaient été désignés comme concept délinquant par nature, auquel


une réponse d’ordre public limitée à certains quartiers devait s’imposer, la réponse judiciaire étant forcément défaillante.   Dans les deux cas, les dispositifs essentiels ont été censurés.


Le Conseil renvoie le gouvernement à son obligation de faire la loi sans que celle-ci soit une rustine de l’action policière, étrangère au droit, et oblige la place Beauvau à inscrire son


action dans le cadre constitutionnel. Il est également possible d’espérer que cette décision incite le gouvernement à éviter la législation spectacle en matière de sécurité, procédé dont il


est friand mais qui a été clairement désavoué et qui jusque là n’a fait la preuve de son efficacité qu’en matière de création de peurs et d’inquiétudes.    2. 2 – DÉFENDRE UNE AUTRE


POLITIQUE DE LA SÉCURITÉ Après cette décision, il est important de réaffirmer les principes progressistes qui combinent efficacité et respect du droit, ainsi que de nouvelles priorités en


matière de sécurité.   La désignation de populations, de catégories de populations, n’est que le pis-aller d’une absence de vision, qui résulte d’une dénonciation de la « culture de l’excuse


 ». La délinquance n’est pas un acte collectif, mais une défaillance individuelle. Bien évidemment, personne n’a jamais cherché à excuser un délinquant, et la sanction pénale ne se discute


pas ; il suffit de relire le rapport Bonnemaison pour s’en convaincre. Néanmoins, il existe des causes à la délinquance, multiples, variées, individuelles, et les ignorer au profit de la


simple revendication d’une peine condamne à ne pas les combattre et à accepter comme normale la commission de l’acte et sa récidive. La prévention de la délinquance devra donc être un axe


fort de la politique future, là où aujourd’hui 60% du Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance finance la vidéosurveillance.   Ensuite, quand la LOPPSI 2 voit dans le magistrat


le danger à contourner, le travail commun entre magistrats et enquêteurs devra s’approfondir pour renforcer la qualité des procédures, laquelle est la seule garantie d’une décision pénale


de qualité, incontestable. L’opposition sciemment entretenue pour des motifs électoralistes entre enquêteurs et magistrats dessert la cause de la lutte contre la délinquance.   Enfin, tout


travail devra commencer par la mise en œuvre de deux principes largement ignorés par la LOPPSI 2, mais largement pratiqués à l’étranger, que ce soit aux Etats-Unis, au Canada, ou au


Royaume-Uni : l’évaluation de l’action policière et les modalités de responsabilité du policier ou du gendarme sur le territoire dont il a la charge. ------------------------- [1] Décision


n°2011–625 DC du 10 mars 2011 (www.conseil-constitutionnel.fr)


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