Vers un nouveau contrat social pour la télévision publique | terra nova
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Pour les téléspectateurs, les chaînes publiques sont-elles si différentes des chaînes privées ? La réponse est nette : ils sont 68 % à répondre par l’affirmative, pourcentage en hausse de
huit points par rapport à 2005. Ce sont les programmes qui incarnent avant tout cette différence, suivis par le volume de publicité et le mode de financement. Mais l’expression de cette
appréciation suffit-elle pour autant à garantir l’adhésion des téléspectateurs à leur télévision publique ? Face à la mutation brutale qui transforme aujourd’hui le paysage audiovisuel
mondial, à l’explosion de la consommation d’images , et dans un contexte qui questionne à moyen terme l’existence même de la notion de chaîne, quels peuvent donc être la place et le rôle
d’un service public de l’audiovisuel qui a vu le jour après la Seconde Guerre mondiale ? C’est cette dynamique entre une confiance malgré tout persistante et une distance croissante qui
permet d’envisager l’idée d’un nouveau contrat social, entre la télévision publique et ses spectateurs, sous l’angle de la nécessité et de la pertinence : nécessité pour renouveler les
conditions d’existence même de la télévision publique, pertinence dans la mesure où celle-ci répond à certaines attentes et a toujours un rôle spécifique à jouer. Les conditions et
possibilités d’expression de ce rôle dans les transformations contemporaines doivent être au cœur de la réflexion. La BBC, notamment en matière de gouvernance et d’implication du public, est
ici un exemple instructif. Nouer un nouveau contrat social entre France Télévisions et son public, c’est aussi refaire de la télévision publique une institution sociale de la vie
démocratique. Une télévision plus soucieuse de son public ne succombe pas nécessairement à la « dictature » de la demande et au conformisme dans une sorte de moins-disant culturel
généralisé. C’est une télévision qui s’efforce d’impliquer davantage le spectateur et cherche en permanence à repenser son offre à la lumière des grandes mutations sociales et
technologiques, des aspirations et des peurs de l’époque, des problèmes et des modes qui animent ses contemporains… En ce sens, la télévision publique a vocation à contribuer à un travail de
représentation qui, dans toutes les démocraties, excède le cadre étroit de l’exercice électoral-représentatif comme le montrent les travaux de Pierre Rosanvallon. Ainsi comprise, la
télévision fait partie, au côté de beaucoup d’autres, des outils réflexifs par lesquels une société trouve forme et figure à ses propres yeux. Cette ambition ne peut aller sans principes
directeurs et cette étude propose d’en retenir et d’en examiner trois : l’indépendance, la transparence et la dimension collaborative du service public. 1 – La télévision plurielle :
extension des modes de visionnage 1.1 – LE PAYSAGE DE LA TÉLÉVISION Quelles sont les grandes évolutions décelables dans le rapport à la télévision ? La télévision publique est à considérer «
comme un élément particulier d’un système plus large, celui de la télévision en général, lui-même partie intégrante des problématiques globales des médias de masse et des industries du
divertissement, de telle sorte qu’il serait illusoire de vouloir appréhender la télévision de service public en l’extirpant du liquide amniotique dans lequel elle baigne, c’est-à-dire sans «
Penser la société des médias » » . La télévision se trouve ainsi influencée par la transformation radicale du marché cognitif, qui est cette « image qui permet de se représenter l’espace
fictif dans lequel se diffusent les produits qui informent notre vision du monde » . En peu de temps, ce marché a connu une profonde libéralisation : les médias sont de plus en plus en
concurrence, notamment parce que le coût d’entrée sur ce marché, et les dépenses pour générer et diffuser de l’information, ont connu des baisses spectaculaires. En outre, ce marché a fait
face à une véritable révolution de l’offre liée au développement d’Internet. Plus précisément, si la Télévision numérique terrestre (TNT) et le développement des offres de télévision sur
ADSL dans les premières années du siècle ont intensifié le jeu concurrentiel (entraînant une fragmentation de l’audience et une baisse des ressources publicitaires des acteurs historiques),
ils n’en ont pas changé les modes de fonctionnement. Le changement de paradigme auquel faisait référence le rapport Schwartz est plus récent et est dû à la conjonction de plusieurs
phénomènes : La mondialisation permise par l’ouverture de la télévision sur Internet et l’arrivée des offres OTT : la chasse gardée des éditeurs traditionnels est désormais accessible aux «
barbares » et le caractère historiquement local de la télévision est rompu ; la diffusion des programmes audiovisuels peut se faire désormais à l’échelle planétaire, sans passer, comme cela
était le cas auparavant, par des diffuseurs locaux ; l’ouverture sur Internet donne enfin au consommateur l’accès à une offre quasi infinie de contenus. La montée en puissance des usages
mobiles, qu’accompagne la multiplication des terminaux : à côté des téléviseurs, on trouve désormais des tablettes et smartphones, toutes sortes d’appareils qui permettent la consommation
d’images en situation de mobilité et le caractère incontournable et omniprésent des réseaux sociaux. Le « Big data » : l’intrusion de la « donnée » dans le processus de consommation et de
production de programmes désormais à grande échelle, permet non seulement d’affiner la connaissance du consommateur et de ses préférences, mais aussi d‘intégrer celui-ci dans le processus de
production de contenus et sa valorisation. 1.2 – DE NOUVEAUX USAGES Si les comportements des publics plus âgés ne sont pas encore trop affectés par ces bouleversements, il n’en va pas de
même pour les jeunes générations : la consommation d’images est pour eux multi-écrans, personnalisée, mobile, sociale et interactive. La notion de chaîne n’a pour eux plus beaucoup de
pertinence. Pour cette génération, la confusion sémantique qui faisait désigner par le même terme (la télévision) les programmes et le terminal pour y accéder est désormais un non-sens. En
effet, l’accès aux programmes se fait indifféremment sur les plateformes de partage (Youtube, Facebook…), à partir des offres en _ replay_ ou des nouvelles offres sur abonnement (Netflix,
Canal Play), quand ce n’est pas plus simplement via des sites illégaux (Popcorn…). Ces nouveaux usages favorisent l’émergence de la « Social TV » (ou « télévision sociale ») dont l’objectif
est de faire vivre autrement l’expérience du consommateur et de l’impliquer afin qu’il puisse dialoguer, participer, approfondir et commenter son programme avant, pendant et après la
diffusion. Avec la convergence des écrans, la « Social TV » est devenue une opportunité pour les opérateurs d’activer deux leviers : l’audience des programmes et l’effet viral que véhiculent
les réseaux sociaux. En collectant les données des consommateurs, les opérateurs récupèrent des informations précieuses sur leurs profils, ce qui leur permet de mieux préciser leur cible,
de mieux définir leur positionnement et ainsi de s’adresser plus efficacement à leur audience. Ces transformations favorisent un changement de statut pour la parole et les images : elles
deviennent multiples et largement diffusées, c’est-à-dire qu’elles ne sont plus l’apanage des professionnels. Ce qui conduit Dominique Cardon à souligner que le « droit de prendre la parole
en public s’élargit à la société entière » et qu’ « une partie de conversations privées s’incorporent dans l’espace public » . Il n’est sûrement pas question de négliger l’audience actuelle
du public adulte qui constitue encore, et pour un certain temps, le cœur de cible des diffuseurs historiques. Mais il est vital de s’intéresser aux habitudes des plus jeunes et ce pour deux
raisons : Ce sont eux qui constitueront à terme l’essentiel des audiences ; et il est peu probable qu’ils reviennent avec l’âge aux modes de consommation de leurs ainés ; L’effet
d’entraînement peut même jouer à rebours sur le public plus âgé et faire rapidement basculer le secteur audiovisuel dans une autre logique que celle encore à l’œuvre aujourd’hui. 1.3 – LES
GRANDS DÉFIS Ainsi le monde audiovisuel qui est en train de se construire est caractérisé : Par une surabondance des contenus disponibles ; Par une pression concurrentielle croissante et une
mondialisation de l’offre ; Par le pouvoir de marché grandissant des plateformes technologiques, soit généralistes (Apple, Amazon, Google) soit plus spécialisées (Netflix) ; Par une
déstructuration des processus de consommation, et, par contrecoup, des processus de production. Dans ce nouveau paradigme qui émerge, la surabondance des contenus dont la valeur unitaire est
faible ou tend vers zéro, la généralisation de la logique de l’accès, et le caractère dynamique et interactif du processus de consommation (le medium n’est plus le message mais la relation
qu’il permet de nouer et d’auto-entretenir) fait des contenus audiovisuels proposés une commodité gratuite (ou payée forfaitairement), augmentant l’attractivité d’une offre multiforme
caractérisée par la coexistence d’une très grande variété d’applications (modèle conversationnel ou économie de la relation). Les nouveaux acteurs venant pour l’essentiel du monde de
l’Internet, les « barbares », jouent dans cette transformation un rôle essentiel, transformation que l’on peut résumer par une formule empruntée à Alessandro Baricco : « D’habitude, on se
bat pour contrôler les points stratégiques sur la carte. Aujourd’hui, les agresseurs font quelque chose de plus radical, qui va plus en profondeur : ils sont en train de redessiner la carte
» . 1.4 – LE RÔLE DE LA TÉLÉVISION PUBLIQUE DANS UN SECTEUR EN PLEINE TRANSFORMATION Si la technologie n’est pas à l’origine de toutes les transformations évoquées, elle en est un puissant
accélérateur. Les grands acteurs mondiaux qui prennent le pouvoir sont tous en position dominante et en train de changer les règles du jeu. Comme l’enseigne la théorie économique, les
industries de réseaux favorisent la formation d’oligopoles, voire de monopoles, beaucoup plus que le jeu concurrentiel. Ici le problème n’est pas tant celui de la concurrence entre les
acteurs économiques privés que celui du rapport de force entre public et privé qui en découle. Dans ce contexte de montée en puissance de sociétés privées en position dominante, et avec la
multiplication des modes et supports d’usage et l’émergence croissante d’une télévision moins linéaire, quel peut être le rôle d’un service public de l’audiovisuel ? Si les chaînes publiques
et privées sont soumises par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à des obligations d’ordre générales et déontologiques identiques (honnêteté, pluralisme de l’information,
indépendance, etc.), la Cour des comptes rappelle les obligations spécifiques du service public, qui sont moins des normes que la marque d’une identité. Elles concernent des missions «
d’ordre public », des missions culturelles et éducatives et une mission de cohésion sociale : « le concours au débat public et les missions « d’ordre public », qui se traduisent par des
obligations de retransmissions régulières ou exceptionnelles : messages relatifs à la défense nationale et la sécurité de la population ; grandes causes nationales et campagnes électorales
pour France 2, France 3 et France 5 ; communication du gouvernement, expression du parlement, expression des organisations syndicales et professionnelles et information spécialisée (sécurité
routière, institut national de la consommation) pour France 2 et France 3 ; la mission culturelle et éducative, qui se traduit par des volumes et horaires de diffusion imposés afin de
garantir la diversité des genres diffusés et d’en promouvoir certains : obligations portant sur le volume et les horaires de diffusion d’émissions de spectacle vivant, concerts, littérature,
histoire, cinéma et arts, diffusion d’un programme culturel par jour à heure de grande écoute, jeunesse, programmes scientifiques, exigence de diversité des disciplines sportives
représentées ; la mission « sociétale » de cohésion, de représentation de la diversité française et d’accès du plus grand nombre à l’offre télévisuelle, qui induit des obligations par genres
de programmes et par cibles : émissions religieuses (France 2) ; émissions à destination des publics régionaux (France 3) et ultra-marins (RFO), langues régionales (France 3) ; émissions
jeunesse à des horaires adaptés. » Il existe ainsi bien des missions qui sont spécifiques à la télévision publique et qui la distinguent des acteurs privés. Par exemple la mission culturelle
s’incarne aujourd’hui dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) avec de multiples obligations chiffrées sur les nombres de concerts, de retransmissions de théâtre, d’opéras, etc. Plus
qu’une marque, l’intérêt général défendu par les groupes audiovisuels publics est un marqueur. Bien entendu, la logique marchande n’est pas exclusive de l’intérêt général mais elle n’a pas
sa réalisation au cœur de ses objectifs. Les trois missions décrites ci-dessus montrent bien le rôle d’agrégateur de la télévision publique, une façon de « voir ensemble » , pour reprendre
l’expression de Delphine Ernotte consacrée à France 2, même si cette façon de voir ensemble ne signifie plus seulement voir les mêmes contenus au même moment dans la même pièce. La
télévision publique permet à la fois de se regarder et de décrire la façon de se regarder et peut alors être vue à la fois comme un espace de médiation et un acteur industriel en charge de
donner une chance à l’expression de l’intérêt général, à travers ses obligations spécifiques. La médiation des autorités publiques au nom de l’intérêt général apparaît d’autant plus
nécessaire que les débats et échanges autour du numérique, et la télévision n’y fait pas exception, sont marqués par une forte dimension idéologique. Articles, tribunes ou blogs soulignent
cette « révolution » à l’œuvre, décrivent sa « force » ou sa « puissance », applaudissent la « libération » ou la « vraie démocratisation » qu’elle permet au nom de l’individu et de
l’efficacité. Evgeni Morozov critique ce climat intellectuel en rejetant le « solutionisme » à l’œuvre, cette façon de considérer toutes les situations de la vie sociale comme des problèmes
à résoudre ou des processus à améliorer. Il dénonce également ce grand récit colporté autour de « l’Internet-centrisme » qui présente Internet à la fois « comme la source d’une révolution
sociale en cours et comme le modèle à partir duquel il faudrait repenser l’organisation de l’ensemble de la vie sociale. L’ambition totalisante de ce grand récit n’est que la conséquence des
nombreuses simplifications qu’il opère. Il méconnaît les spécificités des différents domaines de la vie sociale, en postulant que les caractéristiques attribuées à « l’Internet » (la
transparence, la décentralisation, l’ouverture, l’innovation constante) peuvent et doivent s’étendre aux sphères politique, artistique, culturelle, etc. » . Plus concrètement, le rapport
Schwartz rappelait que, même si des débats existaient en Europe sur les modes de financement ou la programmation des médias de service public, un consensus s’accorde à dire qu’ils «
poursuivent des objectifs et sont garants de valeurs que ne portent pas nécessairement leurs homologues privés, dont l’objectif, qui naît de leur mode de financement par la publicité ou par
l’abonnement, est de maximiser l’audience et/ou de cibler des catégories particulières de la population. Or les médias de service public ont pour vocation première de s’adresser à l’ensemble
des citoyens. C’est cette vocation qui justifie et rend acceptable le financement collectif des médias de service public » . Mais ce financement collectif, comme plus largement le
consentement à l’impôt, n’est pas à considérer comme un acquis intangible. La question du devenir des chaînes se pose par rapport à l’individualisation de la consommation (de plus en plus
via des terminaux mobiles, de moins en moins par les grilles de programmes), particulièrement marquée pour les jeunes publics, comme on l’a vu précédemment. Cette menace pesant sur la notion
de chaînes ne signifie pas qu’il n’y aura plus de marques. Bien au contraire, si l’audience est fragmentée, la marque reste un facteur de prescription. D’autre part, cette question se pose
dans un contexte où « dans plusieurs pays européens, comme la Grande-Bretagne, se fait jour la thèse selon laquelle la télévision devrait échapper à une perception organique en termes de
chaines publiques opposées aux chaines privées, et que devrait, à l’inverse, prévaloir une conception fonctionnelle en termes de missions de service public qui pourraient, indifféremment,
être confiées aux différentes chaines ». Démontrer son utilité passe en la circonstance par une compréhension de ses atouts et de ses faiblesses, et de l’environnement dans lequel elle
évolue. 2 – Vers un nouveau contrat social pour la télévision publique 2.1 – FRANCE TÉLÉVISIONS : RAPIDE ÉTAT DES LIEUX Il est difficile dans le cadre de cette seule étude de faire un état
des lieux exhaustif de France Télévisions. Nous nous contenterons de pointer rapidement les forces sur lesquelles le groupe peut s’appuyer et ses principales faiblesses, eu égard à
l’évolution du paysage décrite précédemment. Nous clôturerons cette partie en mettant en évidence les principaux défis auxquels le groupe doit faire face et les ambitions qu’il peut
raisonnablement exprimer. FORCES Une image solide, même si elle n’est pas synonyme de dynamisme et d’innovation, comme nous l’avons vu en introduction. Un accent mis sur le digital et les
nouvelles écritures ; l’absence d’actionnaires privés permet à France télévisions d’avoir, en matière de programmes, une politique plus innovante que celle de ses concurrents privés. Les
droits sur des programmes sportifs à envergure internationale (Roland Garros, Tour de France, Jeux Olympiques, championnats du monde d’athlétisme). Le renouveau de la fiction et la qualité
de l’information (journaux télévisés, magazines d’information). FAIBLESSES Une gouvernance tatillonne qui n’assure à France Télévisions ni la liberté ni la souplesse nécessaires en ces temps
de grande transformation. Un contexte budgétaire tendu : en France, les ressources publiques ont diminué de façon constante (baisse de 2 % en euros constants de 2009 à 2013), même si dans
proportions moindres que dans les autres pays européens. C’est l’ensemble des revenus, que ce soit le financement public ou la publicité, qui est en baisse. En outre, l’absence de publicité
après 20 heures décidée en 2009 a conduit à une perte significative de chiffre d’affaires pour le service public français. Une audience en baisse : France Télévisions est victime d’un
phénomène de long terme qui touche pratiquement tous les diffuseurs historiques, qu’ils soient privés ou public, à savoir la baisse régulière de son audience. Cette baisse affecte les grands
« networks » américains comme les chaînes généralistes européennes : en 2014, le public de la chaîne CBS, un des grands “networks” historiques de la télévision américaine, était âgé de 58,7
ans… Une audience vieillissante : l’âge moyen du téléspectateur de France 2 ou de France 3 vieillit (il approche les 60 ans) et on ne décèle aucun signe majeur de renversement de tendance.
Une faiblesse sur les programmes de divertissement et les magazines hors information. DÉFIS ET AMBITIONS Comment le service public de l’audiovisuel peut-il être en phase avec la société
mouvante qu’il a en face de lui et dont il doit représenter la dynamique, la complexité et la diversité ? Comment garder sa place dans un univers dominé par les grandes plateformes
technologiques ? Comment assurer aux productions nationales la qualité et l’audience qui leur permettront d’exister dans le nouveau champ concurrentiel ? Face aux évolutions actuelles (de
moins en moins d’argent public, évolution des usages, prise de pouvoir par les GAFA , le service public est et sera de plus en plus en position de faiblesse s’il cherche à imiter ses
homologues privés. On peut chercher à améliorer son fonctionnement, le rendre plus efficace mais cela ne sera qu’une « opération cosmétique » qui ne peut que faire disparaître temporairement
les rides, le temps que le lifting soit opérant. Le principal n’est pas là. Il est dans l’établissement d’un contrat social d’une autre nature avec le public : expression de la diversité et
de la complexité de la société, fonctionnement selon une logique contributive reposant sur l’apport des forces vives des citoyens. Le statut public n’est de ce point de vue pas un handicap
; non seulement il permet ce positionnement mais il est probablement le seul à le permettre dans la mesure où il n’y a pas de comptes à rendre à des actionnaires préoccupés par la
rentabilité, ce qui ne signifie pas, évidemment, que la télévision publique ne puisse être comptable de son action. 2.2 – LES PRINCIPES INDÉPENDANCE Le système réglementaire qui encadre
l’audiovisuel français a été élaboré il y a une trentaine d’années. Les contraintes qu’il impose aux acteurs, et au secteur public en particulier, ne correspondent plus aux enjeux de ce
début de XXIème siècle. Certes, la « loi du 15 novembre 2013 a redonné au CSA la mission de nommer les présidents des sociétés nationales de programme, pouvoir dont il ne disposait plus
depuis 2009 » . Le CSA étant une autorité administrative indépendante, cela réaffirme en partie l’indépendance de la télévision publique par rapport au pouvoir exécutif et aux alternances
politiques. Et c’est justement cette indépendance qui permet de demander des comptes à hauteur de la liberté donnée. Mais l’Etat a d’autres moyens d’intervenir, et avec précision. Les
missions de service public de France Télévisions sont définies par la loi ; elles sont ensuite déclinées dans un cahier des charges qui comprend 70 articles. Le COM sert, lui, à la fois de «
document stratégique principal pour l’entreprise, et de support contractuel aux engagements réciproques pluriannuels entre l’Etat et France Télévisions » . Il est défini pour une période de
quatre ans, le dernier ayant été en vigueur entre 2011 et 2015. Il avait quatre grands principes directeurs : Fédérer tous les publics grâce à des chaînes aux identités renforcées et à une
offre numérique complète. Placer la création au cœur de la stratégie pour faire partager au plus grand nombre des programmes ambitieux et innovants. Etre exemplaire dans la promotion du
pluralisme et de la diversité. Faire de l’entreprise unique un modèle d’organisation responsable et efficace. Mais il est soumis à de nombreuses révisions par l’Etat, ce qui nuit à la
stabilité du groupe et à l’élaboration, dans la durée, d’une vision stratégique. Un avenant a été signé, en novembre 2013, pour la période 2013–2015. Il « prend acte de la révision de la
trajectoire économique de l’entreprise, dans un contexte marqué par une forte diminution de ses ressources publicitaires et par une contribution à l’effort de redressement des finances
publiques » . Autre élément de contrôle, les indicateurs : s’ils sont précis et mesurables sur une base annuelle, ils sont également au nombre de 70. Or le respect de ces indicateurs
mobilise une grande partie de l’énergie et, même s’ils sont respectés, les résultats ne sont pas forcément atteints. La terminologie anglo-saxonne évoque l’expression « _ hitting the target
but missing the point_ » pour décrire ce type de situation. La finalité du système est perdue de vue. De plus, il ne s’agit pas seulement d’avoir des objectifs mais aussi une autonomie
dans leur réalisation. En outre la notion de tutelle est problématique. Dans un souci de renforcement de l’indépendance de la télévision publique, la notion d’ « actionnaire avisé »
semblerait pertinente. Elle irait de pair avec un changement du mode de gouvernance de France Télévisions en mettant en place un mode de gouvernance basé sur deux institutions. PROPOSITION 1
: UNE NOUVELLE GOUVERNANCE POUR FRANCE TÉLÉVISIONS Le rôle de l’Etat actionnaire est d’abord de définir la valeur apportée par le service public de l’audiovisuel à la communauté nationale
et de définir les grandes orientations stratégiques qui permettent de répondre de manière optimale à la mission ainsi fixée. Pour ce faire, les orientations stratégiques doivent être en
nombre limité (cinq ou six, guère plus) et ne peuvent ni ne doivent se confondre avec l’établissement d’un COM, qui est plus de l’ordre de l’opérationnel et de la responsabilité des
dirigeants de l’entreprise. Pour assurer un pilotage stratégique efficace de l’entreprise, il faut également faire évoluer son mode de gouvernance. Il convient de laisser à l’Etat sa
responsabilité première, à savoir participer à la définition des grandes orientations stratégiques, et confier à la direction de l’entreprise la conduite de ces grandes orientations. Pour ce
faire, nous proposons de mettre en place un mode de gouvernance basé sur deux institutions, avec l’instauration d’un conseil de surveillance et d’un directoire, en remplacement de l’actuel
conseil d’administration. Un conseil de surveillance qui fixe les orientations stratégiques. Il pourrait se rapprocher, par sa nature, du BBC Trust anglais. Le rapport Schwartz rappelait que
ce dernier était « composé d’un président et de onze membres, choisis par le gouvernement et nommés par la Couronne ». Le recrutement des « trustees » fait l’objet d’une annonce publique.
Deux types de profils se détachent. D’une part, des membres qui ont travaillé à la BBC ou dans les médias (mais ne sont plus employés par la BBC au moment de leur nomination, c’est une des
règles) et qui, plus généralement, sont liés aux secteurs de la communication et de la culture. D’autre part, des figures du monde de l’entreprise pour représenter notamment les secteurs des
finances et de l’industrie. La dimension universitaire ou l’engagement au sein d’associations est également mis en avant. Quatre d’entre eux sont censés représenter l’Angleterre, l’Ecosse,
l’Irlande du Nord, et le Pays de Galles. Pour ces membres, il est fondamental d’avoir un ancrage local afin de pouvoir apporter au sein du BBC Trust les spécificités de leur nation
d’origine. Au regard de la composition de l’actuel BBC Trust, on observe un dosage équilibré entre les experts du monde de l’entreprise, de l’éducation et des collectivités. En effet, le
gouvernement veille à ce que ces différentes composantes de la société aient la parole. Ce mouvement d’intégration de nouvelles personnes distanciées de la BBC, comme un possible garant de
l’indépendance des opérations de contrôle du BBC Trust, est à souligner, ce qui n’exclut évidemment pas les critiques . « Le rôle des « trustees » est d’abord de s’assurer du bon emploi des
fonds issus de la redevance mais aussi de valider et de faire évoluer si nécessaire le plan stratégique et aussi de valider la nomination du directeur général de la BBC. La direction de
l’entreprise (BBC Executive) définit les modalités de mise en œuvre de la stratégie. » Monique Dagnaud soulignait l’importante activité du BBC Trust, en matière d’enquêtes et d’évaluations
des attentes du public, afin de s’assurer que le service public réponde toujours à son ambition démocratique originelle : en 2008, il a par exemple « lancé un vaste débat national sur les
missions de la BBC et a défini six objectifs : le soutien de la citoyenneté et de la société civile ; la promotion de l’éducation et de l’apprentissage ; la stimulation de la créativité et
de l’excellence culturelle ; la représentation du Royaume-Uni dans son intégralité ; son ouverture vers le reste du monde et réciproquement ; l’ouverture aux nouvelles technologies et le
leadership dans le basculement vers le numérique. » Un directoire chargé de superviser la gestion de l’entreprise et de mettre en œuvre la stratégie décidée par le conseil de surveillance,
en remplacement de l’actuel conseil d’administration A l’heure actuelle, le Conseil d’administration de France Télévisions n’inclut pas d’organisations de téléspectateurs et s’avère
relativement homogène dans sa composition sociale. Dans le conseil d’administration de la précédente mandature, sur 14 postes ayant un mandat de cinq ans, cinq représentants de l’Etat
étaient dénombrés, contre deux administrateurs pour le Parlement et cinq personnalités qualifiées (par exemple un inspecteur général des finances, une directrice générale des finances
publiques dans une région ; un chercheur était présent, en la personne de Dominique Wolton). Pour que l’audiovisuel public soit vraiment considéré par la collectivité nationale comme un bien
commun, il est nécessaire que cette collectivité soit représentée dans les instances de décision. Ainsi, la réflexion sur un certain pourcentage des membres de ce nouveau directoire et des
droits de vote associés avec pouvoir de veto sur les décisions essentielles attribués à des membres de la société civile doit être ouverte. L’idée qui prévaut à ces deux instances est de ne
pas créer un organisme uniquement dédié aux téléspectateurs, à l’écart de la gouvernance de France Télévisions, mais d’assumer le signal fort consistant à intégrer la société civile dans les
dispositifs essentiels à la réalisation des objectifs du groupe. LA TRANSPARENCE Transparence vis-à-vis des citoyens Cette transparence est d’abord celle qui est due aux citoyens, qui sont
aussi les contribuables de ce service. Le site Internet actuel présente dans sa page consacrée au groupe plusieurs éléments, notamment le conseil d’administration, le comité exécutif, le
rapport annuel ou encore les appels d’offres. Ce partage de l’information peut toutefois être plus exhaustif. PROPOSITION 2 : ETOFFER ET RENDRE PLUS ACCESSIBLES ET LISIBLES AU PUBLIC LES
ÉLÉMENTS STRUCTURANTS DU FONCTIONNEMENT DE CE SERVICE PUBLIC (BUDGET ET ORIGINE DES RECETTES, DÉPENSES ET RÉPARTITION, RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS…) ENCADRÉ 1 : LA TRANSPARENCE VERSION BBC
La BBC publie la totalité de ses dépenses sur son site internet, sur lequel la répartition de la redevance est clairement détaillée : « _ How the BBC collects and uses the licence fee_ » .
Tous les bilans sont en ligne, les dépenses sont expliquées par des schémas très explicites. La répartition de la redevance en pourcentage sur les secteurs de la télévision, de la radio,
d’Internet est ainsi connue. Les dépenses de la chaîne et de la direction sont expliquées et justifiées de la même manière sur le site. Chaque année en juillet, la BBC publie un rapport
annuel qui présente les activités et les résultats de l’année passée . FIGURE 2 : EXEMPLES DE VISUELS
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