Les métamorphoses de la logistique territoriale | terra nova

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INTRODUCTION La logistique contribue aux transformations des sociétés contemporaines et son impact est profond et multiforme sur les territoires. Son rôle est plus visible depuis la pandémie


de COVID-19 mais le secteur s’était imposé depuis longtemps comme facilitateur et facteur de la mondialisation des échanges et de la complexification des chaînes d’approvisionnement. Depuis


les années 2010, la demande logistique connaît des évolutions rapides aux effets parfois contradictoires. Des contextes de récession économique en 2009–2012 ou le durcissement des relations


géopolitiques avec la Chine n’ont pas empêché l’explosion du e-commerce transfrontalier et le succès de sites marchands comme AliExpress, tout en poussant déjà certaines organisations


logistiques à la diversification des sources de matières et de pièces. Au total, la globalisation s’est stabilisée si l’on regarde le commerce mondial de biens en pourcentage du PIB


mondial[1], mais certains secteurs comme les colis ou le transport maritime de conteneurs ont connu une croissance non démentie. La pandémie a encore rebattu les cartes. Elle a modifié les


habitudes de consommation et amplifié les achats en ligne, engendrant des flux de e-commerce encore plus importants et contribuant à la très forte augmentation de l’immobilier logistique,


notamment en périphérie des villes. L’augmentation de la demande mondiale de certains produits (équipements sanitaires, semi-conducteurs, produits alimentaires, énergétiques…) renforcée par


la guerre russe en Ukraine ont accru la pression sur les chaînes logistiques globales. Celles-ci connaissent maintenant presque trois années continues de fortes tensions, marquées par des


manques de capacité, des difficultés de recrutement, des hausses de coûts (carburants) et de prix (les prix du transport maritime de conteneurs ont été multipliés par 3 à 10 selon les cas).


Prenons le seul exemple du groupe Renault[2] : depuis le début de l’année 2020, sept crises ont bouleversé directement et fortement l’approvisionnement en pièces des usines (3000 


fournisseurs et 350 000 pièces) : dans l’ordre, l’application du Brexit, la crise monétaire turque, la pandémie, le blocage du canal de Suez, la crise des composants électroniques, la guerre


en Ukraine suivie du retrait de Russie ; et les confinements totaux ou partiels de Shanghai en 2022. Tout ceci sur fond de réorganisation logistique structurelle pour mettre en œuvre des


engagements environnementaux se traduisant par exemple par un recours accru au transport ferroviaire. La crise climatique est entrée, dans le même temps, dans le débat public. La Convention


citoyenne sur le climat (2019–2020) n’a pas fait l’impasse sur le transport des marchandises et la logistique, objets de plusieurs propositions dont certaines se sont traduites dans la loi


Climat de 2021. Une polémique s’est amplifiée, qui met en cause les entrepôts du e-commerce. La croissance d’Amazon en particulier a nourri les craintes d’une concurrence exacerbée du


commerce en ligne sur les structures commerciales traditionnelles et notamment le petit commerce. Il apparaît pourtant que le petit commerce s’est vu menacé bien avant l’avènement du


e-commerce, avec la multiplication des grandes surfaces dont la croissance des m2 bâtis depuis vingt ans a dépassé très largement celle de la consommation (Institut de la Ville et du


Commerce). Les entrepôts sont par ailleurs accusés de contribuer à l’artificialisation des sols, par les surfaces de plus en plus grandes qu’ils occupent, souvent sur d’anciens terrains


agricoles. Pour contrecarrer ces évolutions, les entrepôts du e-commerce devraient-ils être traités comme des grandes surfaces commerciales et pour cela être soumis aux mêmes réglementations


 ? A l’inverse, les polémiques de l’été 2022 en France relatives aux « dark stores », petits dépôts urbains de la livraison express des produits du quotidien, ont tourné autour de la


nécessité de les considérer comme des entrepôts plutôt que comme des magasins pour pouvoir mieux les interdire en ville[3]. Des débats parlementaires, médiatiques et techniques ont abouti à


une réforme du droit de l’urbanisme commercial qui choisit de renforcer (un peu) la prise en compte des entrepôts de la logistique commerciale, sans les soumettre toutefois aux procédures


d’autorisation d’exploitation. Ces entrepôts ne sont donc pas assimilés en ce sens aux hypermarchés de la grande distribution et ne sont donc pas soumis au « moratoire » sur les grandes


surfaces commerciales[4]. Ils sont en revanche dorénavant mieux décomptés dans les mesures de la consommation des espaces naturels (artificialisation des sols). En cette fin 2022, la


logistique bénéficie ainsi d’une visibilité politique et médiatique tout à fait inédite. Les questions climatiques et la crise sanitaire ont mis à l’agenda des gouvernements et des


entreprises la remise en cause (dans les discours mais pas forcément dans les actions) d’une économie globale fondée sur des échanges mondiaux intenses de produits alimentaires, matières


premières, pièces et produits finis du monde entier vers le monde entier. L’idée d’une régionalisation[5] des approvisionnements est ainsi promue. Ce n’est d’ailleurs pas tant le « 


_re-shoring_ » (rapatriement des sources d’approvisionnement dans le pays ou les pays voisins) que le « _friend-shoring_ » qui est d’actualité : il s’agit de diversifier ses sources


d’approvisionnement pour ne pas être dépendants de pays jugés non amicaux et peu fiables. Certains secteurs stratégiques sont spécifiquement aidés afin de développer l’indépendance nationale


notamment au niveau de certains composants ou de produits (santé, nouvelles technologies). On voit même le retour à la constitution de stocks, jugés stratégiques dans cette nouvelle période


d’événements de pénuries (dont on ne sait pas si elles sont conjoncturelles ou structurelles) de produits intermédiaires, à rebours de la doctrine du zéro-stock jusqu’ici gage d’une bonne


pratique logistique. Aux échelles territoriales plus locales, les questions sociales et environnementales posées par les activités logistiques ont pris de l’ampleur : implantation


d’entrepôts et artificialisation des sols, automatisation des entrepôts et menaces sur l’emploi non qualifié, précarisation des emplois avec le développement de plateformes numériques de


mise en relation entre clients et livreurs auto-entrepreneurs, pollution atmosphérique en ville liée aux véhicules logistiques et notamment aux livraisons du e-commerce, menaces sur le petit


commerce et l’art de vivre urbain avec l’introduction de « dark stores »… Sur les questions de la logistique urbaine, on ne recense pas moins d’une vingtaine de publications de consultants,


d’agences ou de missions gouvernementales depuis 2020. Terra Nova avait exploré il y a quelques années certaines des questions sur la logistique et ses rapports aux territoires et à la


politique publique[6]. Avaient été en particulier analysées les actions pouvant contribuer à des activités logistiques plus respectueuses des conditions de travail et de l’environnement.


Remarquons à ce titre que certaines évolutions sont allées dans le bon sens. L’intervention française sur le « paquet routier » européen a permis d’avancer sur les conditions de concurrence


et les règles sociales du travail des entreprises de transport, avec notamment des règles plus claires sur le détachement des conducteurs étrangers et sur le « cabotage » (la possibilité


pour une entreprise étrangère de faire du transport intérieur de marchandises en France). Des élections professionnelles pour organiser la représentation des auto-entrepreneurs de la


livraison instantanée par des plateformes de mise en relation ont été organisées en mai 2022[7]. Quelque six ans après la conférence nationale sur la logistique de 2015, l’association France


Logistique a enfin été créée et avec elle le Cilog (comité interministériel sur la logistique), qui établit une relation récurrente entre professionnels et pouvoirs publics. La stratégie


nationale sur le fret ferroviaire en 2021 a été globalement saluée par les acteurs de la filière. Une stratégie nationale portuaire l’avait précédée. Les entrepôts sont devenus un objet


d’urbaniste (et même d’architecte). On a vu aussi se développer dans la période récente l’électrification des flottes de véhicules de la logistique (avec cependant une part encore modeste de


5,5% des immatriculations de véhicules utilitaires légers neufs en France en septembre 2022). L’installation des bornes de recharge progresse à travers le territoire et les entreprises


prennent davantage au sérieux l’impact carbone de leurs activités logistiques. Les vélos-cargo et les scooters électriques font leur apparition dans les livraisons du dernier kilomètre. Des


associations internationales comme le Smart Freight Centre[8] ont mis en place des méthodes de calcul des émissions adaptées aux activités de transport et de logistique. Au niveau européen,


la directive Eurovignette a été adoptée après des années de discussion et laisse envisager des progrès sur la tarification des externalités négatives de la circulation des poids lourds. Le


réseau transeuropéen de transport RET-T a été révisé pour que sa coordination et son caractère intermodal soient mieux assurés. Les camionnettes thermiques neuves devraient disparaître de


l’espace européen à l’horizon 2035. Mais tout n’est pas réglé, loin s’en faut. Les questions énergétiques soulevées par les activités logistiques restent considérables. Le transport des


marchandises est l’une des activités dont les émissions de gaz à effet de serre augmentent le plus, même dans des scénarios prospectifs volontaristes[9]. La logistique consomme toujours plus


d’espace à travers la construction et l’exploitation d’entrepôts dont le nombre s’accroît rapidement. Enfin, la question du travail dans le secteur transport/logistique demeure essentielle


et mal traitée. Les métiers de la logistique, dans leur grande diversité, qu’il faut prendre en compte, vont profondément et rapidement changer. Ils sont encore en majorité composés


d’emplois ouvriers, masculins, vieillissants, peu diplômés, mais le high tech et l’emploi qualifié prennent de plus en plus leur place. Ces métiers sont en tension aujourd’hui, avec un


manque d’attractivité partout reconnu lié à des conditions de travail difficiles et des rémunérations faibles. Une vision anticipatrice d’ensemble est donc nécessaire, à la façon dont l’a


fait la plateforme automobile : diagnostic des métiers en croissance, en disparition, en transformation, au-delà des enquêtes de conjoncture sur les recrutements qui ont leur utilité mais


n’ont rien de prospectif. Il nous faut aussi poser la question cruciale de la formation, initiale et continue, à tous les niveaux. La note ci-dessous vise à revisiter ces questions à la


lumière du contexte rappelé ci-dessus et à traiter des nouvelles questions qui se posent aux territoires du fait du développement logistique. 1. CHANGER LES VÉHICULES UTILITAIRES Selon le


ministère de la transition écologique, au 1er janvier 2020, 6 millions de véhicules utilitaires légers (VUL) étaient en circulation dans notre pays dont 78% de camionnettes et 95% de


motorisations diesel (les motorisations alternatives de type électrique ou gaz représentaient à peine plus de 1% du parc). Un quart de ces véhicules a plus de 13 ans et la moitié moins de 8 


ans. Toujours au 1er janvier 2020, 50% des VUL en circulation étaient éligibles aux vignettes Crit’Air 3[10] (23%), 4 (14%) ou 5 (13%) soit des véhicules vieux de plus de onze ans.


L’ensemble de ces données dessine les contours d’un parc de véhicules assez problématique : souvent vétustes et fortement émetteurs de particules fines, de dioxyde d’azote et de dioxyde de


carbone, beaucoup de ces véhicules sont un problème pour le climat et la santé publique. C’est pourquoi il est urgent d’accélérer la transition dans ce domaine et de trouver les leviers pour


produire à grande échelle les changements dont nous avons besoin sans attendre le terme de 2035 retenu par le Parlement européen pour interdire la vente de voitures particulières et de


camionnettes neuves à moteur thermique dans l’ensemble de l’Union européenne. Si la majorité des grandes entreprises de la logistique urbaine ont les moyens de changer leur flotte de


véhicules en faveur de véhicules moins émetteurs de GES et moins polluants et si beaucoup d’entre elles ont déjà engagé des plans et des actions en ce sens (c’est notamment le cas de La


Poste et de ses filiales), ce n’est pas le cas des petites entreprises, des indépendants et des artisans qui utilisent encore bien souvent des véhicules vétustes (48% des utilisateurs de VUL


en France – sans doute moins en zone urbaine – sont des particuliers ou des artisans, toujours selon les données du Ministère de la transition écologique). La situation de ces derniers va


se compliquer singulièrement lorsque, comme le leur demande la loi Climat et résilience d’ici fin 2024, les 33 agglomérations de plus de 150 000 habitants auront toutes mis en place une Zone


à faible émission mobilité (ou ZFE-m) dans leur cœur d’agglomération et que cet espace deviendra de fait (si ces normes sont bien contrôlées, ce qui n’est en France pas généralement le cas)


inaccessible aux professionnels roulant au volant d’utilitaires outrepassant les normes environnementales requises. Des zones non Diesel sont annoncées pour Paris (2024), Grenoble (2025 


pour les poids lourds et VUL), Lyon (2026) et Strasbourg (2028). Les gains attachés au changement du parc des véhicules utilitaires en faveur de solutions plus propres et moins émettrices


sont évidemment très sensibles à la fois du point de vue de la décarbonation de nos économies, de la santé publique dans nos agglomérations (qualité de l’air…) et du confort pour les


livreurs et les habitants (pollutions sonores…). Il reste que, du point de vue des professionnels concernés, changer de véhicule représente un coût significatif que tous ne peuvent pas


assumer à court terme. Beaucoup d’entre eux ont une activité à faible marge qui, en dépit des dispositifs de bonus écologique et de prime à la conversion, ne leur permet pas d’envisager


sereinement l’investissement dans des véhicules souvent plus onéreux et dont le marché de l’occasion est encore peu développé. Pour faire face à cette situation, la puissance publique doit à


la fois créer les conditions réglementaires de la transition écologique dans nos villes et accompagner les agents économiques qu’elle met le plus en difficulté. La première direction de


l’intervention publique concerne le fonctionnement des ZFE-m et autres zones non-diesel. Si l’intervention règlementaire ne peut être l’alpha et l’oméga de la politique en la matière, elle


en reste le socle. Pour que les ZFE-m soient effectives, il faut ainsi qu’elles soient, non seulement décidées et mises en place, mais efficacement contrôlées. Pour cela, il faut se donner


les moyens d’en faire respecter largement les contraintes, étant entendu qu’il ne pourra être question de mettre un gendarme à chaque coin de rue. Les moyens technologiques de contrôle


existent, mais leur usage butte sur des limites juridiques (certaines purement franco-françaises) qu’il faudrait réexaminer à la lumière des bénéfices collectifs tirés d’une mobilité plus


décarbonée. A cette fin, il serait notamment utile de réformer l’article L2213–4–2 du Code général des collectivités territoriales concernant l’usage des caméras LAPI (lecture automatique


des plaques d’immatriculation) afin de les autoriser plus largement en France. Notre pays, contrairement à d’autres en Europe, n’a en effet autorisé ces caméras que très récemment et elles


ne pourront être déployées que sous des conditions très strictes.  Les pouvoirs publics doivent également appuyer des choix de mutations technologiques. Certains de ces choix sont encore


marqués par de fortes incertitudes, mais d’autres le sont beaucoup moins. Les motorisations électriques sont particulièrement adaptées aux véhicules les moins lourds et aux courtes ou


moyennes distances. C’est en particulier le cas des deux roues (scooters, motos de livraison, vélos à assistance électrique…). Dans cette perspective, il semble pertinent que la puissance


publique mette en place un agenda d’éviction progressive des deux roues thermiques comme c’est le cas désormais au niveau européen pour la voiture thermique (2035) mais à plus brève échéance


encore. Cet agenda pourra être modulé en fonction du type de territoire concerné : plus rapide pour les villes et les zones denses, plus progressif pour les zones rurales et peu denses. Les


choix technologiques sont plus incertains et plus controversés concernant les poids lourds. Les solutions technologiques en compétition sont encore controversées : faut-il privilégier les


solutions bio méthane, électriques à batterie, hydrogène… ? A défaut de pouvoir trancher cette question, deux directions peuvent être empruntées. La première consiste à évincer le gaz


naturel véhicules (GNV) d’origine fossile. Le GNV fossile s’est en effet développé ces dernières années en alternative au diesel en particulier dans le domaine des utilitaires (camions,


poids lourds, bus…) : +23% en 2020 par rapport à 2019. Ce nouveau mouvement devrait se faire au profit du gaz vert (bio méthane ou BioGNV) dans un premier temps. Au-delà des bénéfices


écologiques, il présenterait l’avantage d’améliorer notre balance commerciale (le gaz fossile est importé) et de réduire notre dépendance à des régimes autoritaires et facteurs d’instabilité


géopolitique (Russie en particulier). La seconde direction consiste à soutenir la recherche et développement dans les solutions alternatives (électrique à batterie, hydrogène…) dont


l’efficacité reste à consolider. Enfin, au-delà des mécanismes de prime à la conversion et de bonus écologique, les pouvoirs publics doivent s’efforcer d’accompagner les agents les plus


impactés par les impératifs de la transition écologique et notamment ceux que les investissements dans de nouveaux véhicules risque de mettre en difficulté financièrement. Comme l’ont


proposé Pascal Canfin et Thierry Pech[11] dans une note de Terra Nova, l’organisation de négociations à l’échelle nationale entre les représentants des professionnels concernés, les


organismes de crédit, les constructeurs de véhicules utilitaires et les représentants des collectivités territoriales sous l’égide de l’Etat (en l’occurrence ici, soit le nouveau Secrétariat


général à la planification écologique auprès du Premier ministre) pourrait conduire à dessiner un « marché de la transition » où, compte tenu des volumes envisagés sur les années qui


viennent, des économies d’échelle pourraient être réalisées à la fois sur les prix de vente consentis par les constructeurs et sur les taux proposés par les organismes de crédit (moyennant,


le cas échéant, la garantie de l’Etat). Ces économies d’échelle sont naturellement plus substantielles au niveau national qu’au niveau local : c’est la raison pour laquelle il vaut mieux une


négociation au niveau national que trente négociations séparées au niveau local. Ces négociations pourraient déboucher sur des contrats de transition et être en outre l’occasion pour les


parties de planifier le déploiement à grande échelle de nouvelles solutions comme le développement du retrofit à l’instar de ce que proposent déjà Renault et Phoenix mobility sur des


véhicules utilitaires à la Re-Factory de Flins. Naturellement, ces perspectives de développement de l’électro-mobilité appellent une réflexion simultanée – mais pas propre à la logistique


urbaine – sur le déploiement du réseau de bornes de recharge sur le territoire et singulièrement dans les agglomérations. La transition écologique autant que l’efficacité économique


commandent en outre de faire en sorte que les véhicules de la logistique urbaine en circulation soient à la fois mieux remplis et moins nombreux. Des VUL qui circulent à demi-remplis toute


la journée représentent une perte d’efficacité à tout point de vue. Les volumes de marchandises transportées demeurant constant, le revenu global des transporteurs reste globalement stable


mais un effort de mutualisation accrue permettrait de rendre le service en suscitant moins de trajets, donc en utilisant moins d’énergie et en émettant moins de GES. Pour optimiser le


remplissage des véhicules logistiques, les techniques et applications de l’économie collaborative et les plateformes de partage pourraient être davantage sollicitées. Considérant qu’il


s’agit là d’une infrastructure clé de la ville intelligente, les villes et intercommunalités pourraient structurer ce service, soit en délégation de service public soit en gestion directe.


ANALYSE DU RAPPORT DE LA MISSION D’INFORMATION FLASH SUR LES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT À LA MISE EN ŒUVRE DES ZONES À FAIBLES ÉMISSIONS. La commission du développement durable et de


l’aménagement du  territoire  a  confié  à  deux députés, Gérard  Leseul et Bruno  Millienne, une  « mission  flash »  consacrée  aux mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des zones à


faibles émissions mobilité (ZFE-m). La mission a formulé une vingtaine de recommandations pour accompagner les ménages et les professionnels dans cette transition et garantir le succès de


leur mise en œuvre. Le rapport souligne les difficultés rencontrées par les professionnels de la logistique territoriale à acquérir de nouveaux véhicules (VUL et des PL) en raison notamment


d’une offre industrielle encore réduite sur les véhicules poids lourds classés 0 ou 1, d’importants délais de livraisons, ou encore de coûts d’acquisitions élevés. Parmi la vingtaine de


recommandations, plusieurs sont très pertinentes, notamment : – Le développement des aides au retrofit pour les VUL et PL – L’harmonisation des dérogations, des critères et des calendriers


de mise en place des ZFE-m – La mise en place d’un guichet unique de demande et d’obtention des aides nationales et locales – Le renforcement des incitations à l’acquisition de poids-lourds


Crit air 2 (norme Euro 6). En revanche l’aide pour l’acquisition de VUL Crit air 2 ne nous semble pas pertinente, il vaut mieux aider au retrofit électrique ou au développement du marché de


l’occasion sur le segment électrique. Les questions de contrôle des ZFE ne sont pas évoquées alors que ce point est celui qui distingue la France des autres pays européens (voir la mission


flash de 2021 sur les ZFE de l’Assemblée Nationale qui insistait sur ce point). Or un contrôle efficace permet de mieux valider les démarches vertueuses des entreprises de la logistique


engagées dans le verdissement de leurs flottes. D’autres mesures comme « inciter les collectivités d’un territoire à harmoniser les horaires de livraison de manière à éviter la congestion


urbaine » nous semblent  vagues. "Développer des plateformes logistiques aux abords des ZFE-m afin d’assurer le dernier kilomètre de livraison avec des véhicules propres » est bien sûr


intéressant mais risque de coûter cher et la difficulté d’en trouver un financement pérenne est sans doute sous-estimée. 2. DES AVANCÉES SUR LE FRET FERROVIAIRE Les alternatives à la route


sont encore insuffisamment développées dans le champ de la logistique marchande. C’est notamment le cas du rail. La promotion du fret ferroviaire est une antienne des gouvernements qui se


succèdent depuis une quinzaine d’années mais force est de constater que les résultats se font attendre. Après une division par deux en 30 ans, selon le Commissariat général du développement


durable (CGDD), la part modale du fret ferroviaire (9%) reste en effet sensiblement inférieure à ce qu’elle est chez la plupart de nos voisins (35% en Suisse, 32% en Autriche, 20% en


Allemagne, 13% en Italie) ainsi qu’à la moyenne européenne (18%)[12]. Si la substitution rail/route connaît des limites – plus de la moitié (en tonnes) du transport par poids lourd se fait à


moins de 50 km et se prête mal au transfert vers le rail – elle dispose dans notre pays de larges marges de progression qui devront être exploitées dans le futur. En lien avec les acteurs


de la filière réunis au sein de l’Alliance Fret Ferroviaire Français pour le Futur (4F) et avec les conclusions de la Convention citoyenne pour le climat, l’État a pris l’engagement de la


doubler d’ici 2030, c’est-à-dire de rejoindre la moyenne de l’Union européenne. Cet objectif a été inscrit dans la loi Climat et Résilience en 2021. Dans le contexte de la pandémie et de la


crise économique qu’elle a engendrée, l’Etat a d’ores et déjà affecté 4,7 Mds d’euros de son plan de relance au ferroviaire (dont 4,05 Mds d’augmentation du capital de SNCF Réseau pour


soutenir les investissements dans le réseau). Cet engagement se justifie par les « co-bénéfices » associés au ferroviaire en général et au fret ferroviaire en particulier : alors que les


transports représentent 30,1% des émissions françaises de CO2 en 2021 (soit 126 Mt éqCO2 selon les estimations du CITEPA), le rail est une option largement décarbonée (surtout quand, comme


c’est le cas dans notre pays, la production électrique est elle-même largement décarbonée), plus sûre (les accidents sont infiniment plus rares que sur la route), très peu polluante et elle


ne génère aucune forme de congestion (ce qui n’empêche certes pas le réseau ferroviaire de connaître des formes de saturation liées en particulier au nombre limité des sillons disponibles


autour des grandes villes où coexistent transport de marchandises et de voyageurs longue et courte distance). Au total, si l’on tient compte de tous les facteurs (accidentalité, pollution


atmosphérique, gaz à effet de serre, énergie amont, impact sur les habitats naturels, pollution sonore, congestion), un train produit 4 fois moins d’externalités négatives qu’un camion et


répond en outre aux besoins logistiques des entreprises, singulièrement concernant les matières pondéreuses (sidérurgie…) ou dangereuses (chimie…). Dans une étude de Terra Nova à paraître,


Patrice Geoffron et Benoît Thirion montrent que, si l’investissement nécessaire pour développer le fret ferroviaire est très significatif – environ 10 Mds € –, il doit être rapporté au


montant des « co-bénéfices » (sanitaires, écologiques…) qu’il permet de générer : le doublement de la part modale du fret ferroviaire à horizon 2030 permettrait en effet, selon eux, d’éviter


jusqu’à près de 30 Mds € d’externalités négatives entre 2021 et 2040. Et ce, quels que soient les scénarios d’évolution envisagés par ailleurs (relocalisations industrielles entrainant une


hausse du trafic, développement des circuits courts entrainant une baisse du trafic…). Les difficultés et freins à lever sont cependant nombreux. Dans les nœuds ferroviaires, le fret souffre


de la forte priorité accordée au transport de passagers dans l’allocation des sillons. Par ailleurs, le réseau ferré nécessite de coûteux efforts de régénération du réseau ferré et des


investissements de capacité : connexions avec les infrastructures portuaires, plateformes multi-modales de transport combiné, etc. Pour y parvenir, un triple effort est donc nécessaire : a)


Les opérateurs du fret ferroviaire doivent consentir des efforts de productivité et de qualité. SNCF Réseau devra en particulier mieux assurer la disponibilité et la qualité des sillons, ce


qui implique de mieux concilier la réalisation des travaux de régénération du réseau et la circulation des trains sur les axes les plus stratégiques pour le report modal (notamment la nuit),


et de désengorger les nœuds où le fret ferroviaire est aujourd’hui fortement limité par la priorité donnée au transport de passagers. Des investissements capacitaires devront également être


réalisés (pour les interconnexions, les plateformes de transport combiné…). Une partie de ces efforts a déjà été conduite, notamment des opérations d’amélioration et de modernisation des


infrastructures en 2021 (terminaux multimodaux rail-route ou rail-mer, installations terminales embranchées (ITE), voies de services et installations de tri, mise au gabarit sur le réseau


ferré et ports, lignes capillaires fret, etc.) mais ils devront s’inscrire dans la durée pour produire pleinement leurs fruits. b) Les pouvoirs publics doivent également mettre en place des


outils permettant d’internaliser les externalités négatives des transports afin de rendre la solution ferroviaire plus attractive, qu’il s’agisse de revisiter l’option d’une écotaxe poids


lourds (dont on a pu mesurer la sensibilité dans certains territoires depuis la crise des Bonnets rouges en 2013…), de subventionner davantage le fret ferroviaire en utilisant les souplesses


du nouveau cadre européen, ou encore de créer un crédit d’impôt adossé aux externalités négatives évitées par le report modal, comme le proposent P. Geoffron et B. Thirion pour stimuler la


demande en intéressant directement les clients aux bénéfices environnementaux du fret ferroviaire. Pour le transport combiné rail-route, un système de « miles » pourrait être mis en place :


les transporteurs gagneraient des « miles-route » (sous la forme de remboursement d’une partie des frais de carburants) à proportion des distances parcourues sur le rail. Ce système, qui


pourrait être intégré dans l’offre commerciale des opérateurs ferroviaires, inciterait les transporteurs à privilégier plus souvent le rail. c) Le financement des investissements


capacitaires et de régénération requis devra mobiliser des ressources publiques et privées. Publiques : elles pourraient provenir d’arbitrages inter-secteurs plus favorables au fret


ferroviaire et de recettes affectées, comme dans le cas du financement de la Société du Grand Paris. Privées : la taxonomie verte, mais aussi des dispositifs tels que le label Bas-Carbone,


constituent des opportunités pour lever des fonds en faveur du fret ferroviaire. Au côté du rail, le transport fluvial et les infrastructures portuaires peuvent également être développés,


notamment dans une stratégie de complémentarité. Ces modes de transport présentent des avantages proches du fret ferroviaire concernant leurs externalités. La « nouvelle stratégie nationale


portuaire », adoptée le 22 janvier 2021, va dans ce sens en visant notamment la neutralité carbone en 2050 (production et la fourniture multi-énergies propres pour l’approvisionnement en


carburants alternatifs des navires, innovation dans l’économie circulaire au sein des places portuaires, renforcement des mesures d’atténuation et d’adaptation au changement climatique des


ports). 3. ACCROITRE L’ACCÈS AUX DONNÉES DIAGNOSTICS, INDICATEURS ET MODÉLISATION : DES PROGRÈS NÉCESSAIRES Si l’on en croit le _New York Times_ du 4 mars 2021, « environ 2,4 millions de


colis sont livrés chaque jour dans la ville de New York, soit près d’un demi-million de plus qu’avant la pandémie, et les données de la ville montrent que 80 % des livraisons sont destinées


à des clients résidentiels, contre 40 % avant l’épidémie. » Ce qui fait un ratio de 0,23 colis par jour et par personne. Et si l’on en croit _Le Monde_ du 21 janvier 2021, « selon le


directeur de Colissimo, un milliard de colis B2C ont été livrés en France en 2020 » soit 0,04 colis par jour et par personne, c’est à dire six fois moins qu’à New York. Il se peut que les


new-yorkais se fassent livrer six fois plus que les français mais il se peut aussi que les données ne soient pas suffisamment fiables, hypothèse confirmée par une revue de la littérature


scientifique portant sur les données de la logistique du e-commerce[13] qui montrait une diversité trop importante du ratio ‘nombre de livraisons par jour et par habitant’ pour une vingtaine


de villes dans le monde. Le ratio évoluait en effet de 0,001 à Sao Paulo à 0,310 à Shanghai, avec des différences importantes même au sein d’un même pays. Un autre exemple de bizarrerie


statistique était donné par le bilan carbone de la Ville de Paris dans sa partie « transport de marchandises ». Une comparaison des deux années 2004 et 2014 avait été faite par la Ville[14],


montrant une baisse de 18% des émissions de CO2 liées au transport des marchandises entre 2004 et 2014, correspondant à une baisse de 10% pour le transport routier et de 23% pour le


transport aérien et une hausse de 8% pour le transport fluvial et ferroviaire (ces deux derniers étant marginaux). La Ville de Paris se félicitait de la bonne orientation de la trajectoire


engagée pour atteindre l’objectif municipal de réduction de 25% des émissions logistiques en 2020 et attribuait une partie de ce succès aux actions publiques menées pour rendre la logistique


parisienne plus durable. Or les résultats affichés semblent plutôt exprimer les problèmes méthodologiques liés aux évaluations des bilans carbone territorialisés du transport de


marchandises[15]. Remarquons surtout, pour dédouaner la municipalité parisienne de ces limites méthodologiques, qu’elle n’est pas la seule ville à rencontrer, qu’il n’existe pas de base de


données fiables ni même de méthode de collecte de données abordable sur le plan financier. Cette mise en évidence de problèmes sur la façon dont sont produites les statistiques de la


logistique et de ses impacts sur les territoires n’est pas anecdotique. De bons indicateurs permettent d’établir des diagnostics qui donnent ensuite la possibilité d’adopter des politiques


adaptées. Mais précisément pourquoi les territoires et les collectivités locales devraient-ils obtenir des indicateurs sur la logistique ? En quoi cela les regarde-t-il alors qu’il s’agit


d’une activité privée dont les nécessités d’optimisation font qu’ils traitent déjà et de plus en plus leurs propres données ? Acquérir une information régulièrement actualisée des phénomènes


logistiques permet en fait aux territoires d’accomplir plusieurs choses : améliorer la gestion du trafic et la planification des infrastructures par la modélisation et la simulation


d’impacts de nouvelles mesures, évaluer les effets d’une politique de logistique durable, faciliter la décarbonation du fret par le calcul de bilans carbone. Cela permet de faire des


analyses coût-bénéfice de politiques publiques telles que la mise en place de zones à faibles émissions en en identifiant les impacts positifs et négatifs sur les entreprises ; et de fournir


des informations aux professionnels du transport pour qu’ils se situent par rapport à des indicateurs moyens du secteur comme la part des véhicules propres dans les flottes de véhicules de


livraison. Il est donc indispensable de mieux connaître les activités logistiques. DE NOUVELLES SOURCES D’INFORMATION À IDENTIFIER Il serait faux de dire que l’on ne connait rien à


l’activité logistique. Il existe des bases de données et des outils dont certains sont anciens. Les enquêtes TRM (transport routier de marchandises) sont effectuées depuis plusieurs


décennies en France par sondage auprès des entreprises de transport et sont maintenant codifiées au niveau européen[16]. Plus ponctuelles mais très détaillées sont les enquêtes TMV


(transport de marchandises en ville) faites par le Laboratoire Aménagement, Economie, Transports à Lyon. Des observatoires de la logistique se mettent en place dans les régions[17] et


devraient être complétés par un observatoire national, en cours de structuration. Du côté de l’analyse de l’immobilier des entrepôts et centres logistiques, les sources traditionnelles


d’information sont relativement satisfaisantes, que ce soit à partir de la base des permis de construire et des autorisations d’urbanisme (Sitadel) ou du fichier national des établissements


(SIRENE). De nouveaux types d’entrepôts comme les « _dark stores_ » (voir chapitre IV) échappent cependant à ces bases de données, lorsqu’ils ne sont pas officiellement recensés comme


entrepôts, ce qui est fréquent. Du côté de la mobilité, en revanche, les méthodes anciennes restent très insuffisantes comme l’ont montré les quelques exemples en introduction :


sous-estimation des véhicules utilitaires légers, dont l’usage réel en France est mal connu (la dernière enquête remonte à 2011[18]), absence de prise en compte des deux-roues motorisés, de


plus en plus importants dans les livraisons urbaines ; et, enfin, mauvaise intégration dans les enquêtes du trafic lié au e-commerce, ce qui est paradoxal pour une activité entièrement


intermédiée par voie numérique. Y a-t-il de nouvelles sources de données à explorer ? Nous proposons quelques pistes ici, notamment des méthodes prometteuses déjà utilisées dans des pays


européens voisins. Elles incluent : * Les données des opérateurs télécoms et les traces GPS. * Les données des professionnels : transporteurs, e-commerçants, plateformes numériques de


livraison. * Les données municipales, comme celles qui sont issues d’outils de contrôle du trafic et du stationnement ou de nouvelles applications publiques destinées aux livreurs, ou les


informations issues de services de mobilité comme les vélos en libre-service. Nous allons les examiner une par une mais auparavant signalons la mise en accès libre (_open access_) d’un


certain nombre de données publiques classiques, comme celles des circulations relevées par les boucles d’induction magnétique sur la chaussée. Le Centre d’études et d’expertise sur les


risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) offre dorénavant un « dataviz » permettant d’obtenir des indicateurs de trafic routier de poids-lourds. Mais cette source


souffre de segments routiers manquants (littéralement, car plusieurs routes ou parties de routes et autoroutes ne sont pas instrumentées, notamment en zone urbaine). Le faible taux de


remplacement des boucles endommagées et la disparition programmée à plus ou moins long terme de ces équipements ne permettent pas par ailleurs de compter à l’avenir sur ce type de ressource.


Un autre dataviz du ministère de l’Écologie propose aux villes françaises d’évaluer le nombre de véhicules utilitaires légers (les poids-lourds ne sont pas inclus) concernés par les zones à


faibles émissions (http://dataviz.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/ZFEShinyAppv3/), en les présentant par classe de Crit’Air. Ils permettent aux villes qui mettent en place une


ZFE d’évaluer les parts des véhicules qui seront concernés mais ce sont les véhicules immatriculés dans une zone qui sont recensés et non pas les véhicules qui y circulent de façon effective


et cette différence a une grande importance pour les véhicules de la logistique, car les transporteurs livrant dans une ville sont rarement enregistrés dans cette ville. Les résultats


présentés en ligne par le dataviz ne sont donc pas suffisamment représentatifs. DONNÉES DES OPÉRATEURS TÉLÉCOM ET TRACES GPS Les transporteurs, comme tout un chacun, ont un téléphone et


laissent des traces de leurs passages, correspondant aux données de géolocalisation de leurs smartphones, qui peuvent être collectées régulièrement par l’intermédiaire d’applications


mobiles. Il est cependant compliqué, à partir d’une masse globale de données de géolocalisation, d’en identifier ce qui relève des véhicules de la logistique. A titre d’illustration de ces


difficultés, une étude réalisée par Roland Berger et Kisio sur les origines-destinations du trafic empruntant le périphérique parisien[19] montrait un important trafic entre l’établissement


public territorial Grand-Orly Seine Bièvre et le reste de la région francilienne, territoire dominé par le marché de gros de Rungis ainsi qu’un grand parc logistique (Sogaris Rungis),


générateurs de trafics importants de poids-lourds. Or l’interprétation des résultats de l’étude était concentrée sur les déplacements des personnes utilisant leur véhicule particulier. La


méthode avait certes inclus des tests permettant d’identifier une part d’environ 10% de poids-lourds dans l’ensemble des véhicules mais sans pouvoir les spatialiser. Il est en fait difficile


d’identifier les camions parmi les données globales de trafic des véhicules. Des recherches sont en cours pour reconnaître, à travers leurs « comportements » spatiaux, les véhicules de


transport de marchandises parmi tous les véhicules en mouvement, mais il n’y a pas encore de solution facile. DONNÉES DES CHRONOTACHYGRAPHES, DES _ON-BOARD UNITS_ ET DES PASSAGES DE PÉAGES


Plusieurs sources potentielles déjà anciennes de données sur les trafics de poids-lourds existent, mais sont peu exploitées pour la connaissance, la prédiction et la modélisation, pour des


raisons de protection de la vie privée ou du secret commercial. La loi impose par exemple la présence d’un chronotachygraphe dans les poids-lourds. Celui-ci enregistre différentes


informations relatives au véhicule de façon numérique sur une période d’un an : identification du véhicule, des temps de conduite et de repos du conducteur, de la vitesse instantanée par


seconde sur chaque 24 heures. On a vu que le registre des immatriculations est utilisé pour la présentation d’informations dans plusieurs dataviz du ministère des Transports[20] offrant des


indications mais qui sont par nature statiques et potentiellement trompeuses. Les passages de péages peuvent également donner des états réguliers du trafic poids lourds, mais par nature ils


ne le font que pour les portions du territoire concernées. DONNÉES MUNICIPALES Les données des caméras permettant la lecture automatique des plaques d’immatriculation (LAPI ou _Automated


Number Plate Recognition_, ANPR, en anglais), mises notamment en place dans beaucoup de villes européennes pour contrôler l’application des zones à faibles émissions, sont une source


potentielle d’indicateurs réguliers de la circulation des poids-lourds et véhicules utilitaires légers dans les grandes villes. Elles sont loin d’être complètes : les recueils ne concernent


généralement pas les véhicules étrangers non plus que la sortie des véhicules des zones réglementées. La France n’a autorisé ces caméras que récemment (article L2213–4–2/III du code des


collectivités territoriales issu de la loi d’orientation des mobilités). Elles ne pourront être déployées que sous des conditions très strictes : seuls 15% des véhicules au total peuvent


être contrôlés chaque jour et surtout, pour notre sujet, toutes les données devront être détruites immédiatement après vérification des plaques d’immatriculation. Les données seront donc « 


perdues » pour des traitements ultérieurs éventuels (analyse des flux, modélisation). Aux Pays-Bas au contraire, l’utilisation des données des caméras ANPR est effective depuis quelques


années et sera accélérée dans le cadre de la mise en place de zones ZECL (_Zero Emission City Logistics_) dans les plus grandes villes néerlandaises à l’horizon 2025. A noter que l’usage de


ces données a été restreint depuis l’introduction du Règlement européen sur la protection des données (RGPD) en 2019. Tout doit dorénavant passer par un tiers de confiance (_National Data


Warehouse_) mais globalement ces données restent accessibles, pour des usages macro, aux chercheurs et aux municipalités. Le type du véhicule, sa norme Euro (et donc son âge et niveau de


pollution), sa marque, sa taille sont ainsi récupérés, permettant de suivre l’évolution des parcs. Les données en _open access_ comme celles des services publics de vélos en libre-service


dans les villes, très utilisés par les livreurs en France, peuvent aussi constituer des sources d’information potentielles. Pour le moment, cependant, la plupart des services de VLS ne


proposent en accès public que des données consolidées sur les stations (nombre de vélos entrants et sortants), sans les détailler au niveau de chaque vélo ni a fortiori de chaque


utilisateur, interdisant donc la possibilité d’identifier des « comportements de livreurs » (utilisation intensive et successive de vélos au cours d’une journée). A Barcelone, l’application


municipale AreaDUM rendue obligatoire depuis 2015 impose aux livreurs de s’identifier dès lors qu’ils commencent une opération de chargement ou déchargement sur la voie publique. Ils ont


alors 30 minutes pour effectuer l’opération. Cette réglementation permet à la municipalité de récupérer des informations en temps réel sur le nombre et le lieu des opérations de livraison.


Les données disponibles en accès libre, bien sûr anonymisées, sont les suivantes : zone de livraison, type de véhicule, type d’activité, jour et heure. Barcelone est ainsi l’une des rares


villes en Europe qui, au moment du premier confinement lié à la pandémie de COVID-19, avaient des informations précises sur l’impact en temps réel des événements sanitaires sur le système


logistique. DONNÉES DES OPÉRATEURS DE TRANSPORT ET DE E-COMMERCE Le partage de leurs données par les opérateurs logistiques, les e-commerçants ou les applications numériques de livraison est


souvent identifié comme une voie prometteuse de connaissance au niveau de la recherche ou de la stratégie de logistique urbaine des collectivités territoriales. Il suscite d’ailleurs des


demandes multiples et considérées comme beaucoup trop fragmentées et intrusives par les entreprises auxquelles elles s’adressent. Pour l’instant, des partenariats individuels se montent,


couverts par des conventions organisant au cas par cas l’usage et la diffusion des informations. Ces efforts, au total, ne représentent pas un échantillon suffisamment représentatif de


l’ensemble des flux : ils permettent par exemple de bien connaître un secteur (la messagerie des colis par exemple), pour une période de temps donnée et un territoire particulier. Mais ils


ne permettent pas d’avoir une vue d’ensemble des flux et de leur évolution. Les entreprises restent de toute façon fortement réticentes à fournir leurs données, clés de leurs modèles


économiques aujourd’hui. Dans les villes néerlandaises, ces partenariats ont été récemment développés et élargis à la suite de la mise en place de l’objectif national de zones logistiques à


zéro émission (voir plus haut) d’ici 2025. Certaines villes ont déjà mis en place un plan de partage d’indicateurs (et non pas de données, nuance qui a son importance pour les entreprises).


A Rotterdam, le système de labellisation Ecostars (attribution d’une, deux ou trois étoiles aux logisticiens en fonction de leurs performances environnementales) inclut le partage


obligatoire d’une liste d’indicateurs par tous les transporteurs qui veulent être labellisés. Des chartes sont aussi signées avec les opérateurs mais un premier bilan[21] a montré que seules


5 entreprises sur 69 signataires de la charte de Rotterdam avaient commencé à organiser le transfert d’informations quantitatives auprès de la municipalité. CONCLUSION ET PROPOSITIONS POUR


AVANCER Les données à collecte « automatique » et bon marché comme les traces GPS ou les normes Euro issues des plaques d’immatriculation ne seront certes jamais suffisantes pour bien


connaître le secteur de la logistique. Elles permettent de connaître les types de véhicules mais pas les types de marchandises transportées, par exemple. De leur côté, les données des


entreprises, même si elles sont plus riches, resteront difficiles à collecter. Et même si des entreprises du numérique comme UberEats fournissaient toutes les informations relatives aux


livreurs qui travaillent pour elles, comme l’âge, le lieu du domicile, les qualifications…, permettant d’analyser la sociologie de ces nouveaux livreurs (voir chapitre V), il manquerait des


éléments importants correspondant à leur statut de travail : les livreurs des plateformes sont nombreux à louer des comptes, lorsqu’ils sont mineurs par exemple ou n’ont pas de papiers. Des


enquêtes sur le terrain resteront donc toujours nécessaires pour caractériser des métiers, des trajectoires sociales, des conditions de travail. En revanche, de nouvelles méthodes de


collecte ont un rôle à jouer pour l’établissement d’indicateurs globaux de l’activité logistique dans les territoires, qui restent indispensables pour identifier des politiques, les orienter


et les évaluer. C’est tout particulièrement important pour le calcul d’indicateurs de bilan carbone, la logistique étant une source importante et croissante d’émissions. Or plusieurs


obstacles aujourd’hui, certains spécifiques à la France, freinent la mise en place de méthodes simples et peu coûteuses permettant de suivre les flux et de construire des scénarios


d’évolution. Pour promouvoir ces nouvelles méthodes, nous proposons de nous aligner sur certaines pratiques européennes et de procéder à quelques réaménagements du cadre législatif et


réglementaire. Il faudrait en premier lieu lever les obstacles franco-français à l’utilisation potentielle de données publiques existantes. Cela mènerait notamment à supprimer le troisième


paragraphe de l’article L2213–4–2/III du code des collectivités territoriales pour permettre à la recherche et aux villes d’utiliser les données des futures caméras LAPI. Il faudra garantir


des garde-fous techniques sur la protection des données personnelles, mais les exemples étrangers (Pays Bas, Espagne, Suède) montrent que des tiers de confiance (_National Data Warehouse_


aux Pays-Bas) peuvent jouer un rôle tout à fait satisfaisant à cet égard. Des guides techniques permettant de mettre en place des accords avec les logisticiens et e-commerçants sur la


question des données et des indicateurs doivent ensuite être mis à disposition des territoires, recensant et évaluant notamment les expériences étrangères et les quelques expériences


françaises. Ils devront être élaborés avec les organisations professionnelles concernées. Les territoires, des régions aux municipalités, seront plus crédibles et plus forts s’ils demandent


d’une même voix un certain nombre d’indicateurs aux professionnels au lieu de multiplier les initiatives isolées auprès d’entreprises qui ont le sentiment d’être submergées de requêtes


locales. Une dernière proposition concerne l’observatoire de la logistique en cours de constitution au niveau national : à cet observatoire s’ajoutent un certain nombre d’autres initiatives


relatives à des observatoires régionaux, à l’observatoire de la logistique urbaine, à l’observatoire de la logistique portuaire…. Ces efforts devraient converger vers un outil mieux


coordonné, voire centralisé, mieux doté en responsables et en expertise de suivi et de traitement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La mise en œuvre d’un tel outil doit enfin mieux


prendre en compte l’ensemble des acteurs territoriaux et leurs associations, à tous les niveaux territoriaux (Régions de France, France Urbaine, GART). 4. DÉCARBONER LE TRANSPORT DE FRET Le


transport représente entre 20 % et 30 % du total des émissions de gaz à effet de serre selon les pays européens, sans compter les émissions liées à la construction et à l’entretien des


infrastructures, des véhicules et des batteries, la production et fourniture d’énergie, etc. À l’échelle de l’Union européenne à 27, le transport est désormais la première source d’émission


de gaz à effet de serre, devant la production d’énergie et l’industrie. Il doit donc occuper une place importante dans les politiques de décarbonation de l’économie et de la société.


ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE EN EUROPE (UE 27) PAR ACTIVITÉ, 1990 – 2020


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