Face à la désertification industrielle : investir dans l’avenir | terra nova
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La France est-elle sur le point de devenir un désert industriel ? L’évolution de notre industrie cette dernière décennie est particulièrement inquiétante. Les statistiques réunies à
l’occasion des Etats généraux de l’industrie sont sans appel. Un chiffre clé : la part de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée marchande a reculé de 22% en 1998 à 16% en 2009.
La zone euro subit un déclin similaire, mais à un rythme moins rapide : la part de l’industrie n’a reculé que de trois points, de 25% à 22%. Les conséquences sont majeures. L’industrie
représente 80% des échanges extérieurs, ce qui explique l’effondrement de la balance commerciale française de +25 milliards d’euros en 1997 à –50 milliards aujourd’hui, soit un déficit
commercial de 2.5 points de PIB. Surtout, beaucoup d’emplois ont été détruits. La part de l’industrie dans la population active est passée de 16 % en 2000 à 13 % en 2008, soit une
diminution de 500 000 emplois. Dans ce contexte industriel déprimé, la crise économique a eu des effets ravageurs : plus de 400 000 emplois supprimés depuis début 2008, soit une baisse de
près de 15% des effectifs, pourtant déjà fortement comprimés au cours des années précédentes. La désindustrialisation de la France et de l’Europe est-elle une fatalité face à l’émergence
du monde asiatique ? La situation outre-Rhin montre que non : l’Allemagne a connu un essor remarquable sur la période, son industrie passant de 25% à 30% de la valeur ajoutée, avec une
augmentation de l’emploi industriel et la restauration spectaculaire de son commerce extérieur, qui avait plongé dans le rouge au début des années 2000 et qui se retrouve aujourd’hui
excédentaire à +250 milliards d’euros, soit le niveau exceptionnel de 8% du PIB. Comment les Allemands ont-ils pu accumuler de tels succès industriels ? Ils ont mené depuis douze ans, sous
les gouvernements de Gerhard Schröder puis d’Angela Merkel, une politique extrême et continue de baisse des coûts de production, dans une logique de compétitivité-prix : gel des salaires
nominaux pendant sept ans, baisse des charges sociales (et suppression corrélative des prestations sociales de l’Etat-providence), transfert de charges sociales sur trois points de « TVA
sociale » (ce qui est l’équivalent d’une dévaluation compétitive en taux de change fixe). Dans ces conditions, faut-il répliquer en France la politique Schröder-Merkel de
compétitivité-prix ? Ce serait une erreur : cette politique n’est ni efficace, ni juste, ni soutenable. La politique Schröder-Merkel a certes restauré les échanges extérieurs allemands –
et à quel niveau, on vient de le dire, au point d’être la principale source avec la Chine des « déséquilibres globaux » soulignés par les institutions internationales, G20 et FMI en tête.
Mais le mercantilisme ne fait pas une politique économique. L’objectif de toute politique économique, c’est la croissance. Or sur ce point, les résultats allemands sont tout simplement
mauvais, avec une croissance en berne sur la période : elle est de 0,8% en moyenne sur les années 2000–2009 contre 1,5% pour la France. L’Allemagne ne s’est quasiment pas développée sur la
période. Et deux fois moins que la France : 7 années sur 10, la croissance allemande a été inférieure à la croissance française. L’explication est simple : l’amélioration des exportations a
été gagée sur la dégradation de la demande interne, du fait de la rigueur salariale et de la suppression de prestations sociales, avec un effet nul sur la croissance globale – la baisse de
la croissance interne a annulé la hausse de la croissance externe. _Voir le tableau sur la note version PDF, p. 2._ Certes, l’Allemagne a connu une forte poussée de croissance en 2010 :
+3.6%. Mais il s’agit d’un rebond conjoncturel qui vient compenser la violente récession subie par l’Allemagne en 2009 (-5 %) – récession dont l’ampleur très supérieure à la France
s’explique par l’exposition de l’industrie allemande à la mondialisation, la rendant plus vulnérable à la chute du commerce international de 2009 suite à la crise financière. La politique
économique allemande n’est pas efficace, elle pose aussi un problème politique majeur. Elle revient à dire aux Allemands : « nous avons une bonne idée pour vous, nous allons vous appauvrir,
et lorsque vous serez suffisamment pauvres, vous serez compétitifs dans la mondialisation ». De fait, le pouvoir d’achat des Allemands a baissé sur la période. Le PIB/habitant allemand était
de 15% supérieur à la France à la fin des années 1990, il est inférieur aujourd’hui. Les Allemands étaient plus riches que nous il y a dix ans ; ils sont aujourd’hui plus pauvres. Enfin,
la politique allemande pose un problème de soutenabilité européenne. Car l’amélioration de la compétitivité allemande ne s’est pas faite par rapport aux pays émergents : le déficit
commercial bilatéral de l’Allemagne par rapport à la Chine continue à se creuser, à –30 milliards d’euros. Les différentiels de coûts sont trop importants (rapport salarial de l’ordre de 1 à
20, productivité globale des facteurs supérieure de 60% en Chine) et ce n’est pas 3% de TVA sociale qui peuvent inverser la tendance. L’amélioration de la compétitivité allemande a été
gagée sur les pays à structures de coûts similaires, singulièrement la France : plus de 50% de la restauration de la balance commerciale s’explique par la dégradation bilatérale de la
balance commerciale française. Plutôt que d’aller capter une part du grand gâteau de la croissance mondiale aujourd’hui entre les mains de l’Asie, l’Allemagne vient récupérer les miettes de
la croissance européenne à la table de ses voisins. Au total, cette politique n’est pas la bonne. La France doit pourtant suivre l’exemple allemand : non pas la stratégie de
compétitivité-prix Schröder-Merkel de ces dix dernières années, mais la stratégie de compétitivité-qualité sur laquelle est fondée le modèle allemand. L’Allemagne ne vend pas à l’étranger
des produits à bas coûts : elle vend des produits et services à forte valeur ajoutée – automobiles haut de gamme, machines-outils, produits pharmaceutiques, production d’énergies
renouvelables… D’autres pays suivent cette politique avec succès : les grands pays les plus avancés comme les Etats-Unis (la Californie), le Japon, la Corée mais aussi de « petits » pays
comme la Finlande, la Suède, le Danemark ou le Canada (« petits » pays où, malgré l’absence de masse critique, notamment sur la recherche, émergent des groupes innovants de taille mondiale :
Nokia, Palm Pilot, Blackberry…). Une telle stratégie nécessite de mettre ses marges de manœuvre et son énergie politique, non pas dans la baisse des coûts de production, mais dans la
hausse de la valeur de la production, la montée en gamme. Cela nécessite d’investir dans l’économie de la connaissance : enseignement supérieur, recherche, innovation industrielle (dans les
secteurs de croissance : énergies décarbonées, mobilité du futur, ville de demain, biotechnologies et sciences du vivant, société numérique …). Les sommes à mobiliser sont très
importantes. Pour l’enseignement supérieur, seulement 40% d’une classe d’âge sort diplômée du secondaire en France, contre plus de 60% pour les pays les plus avancés : nous mettre à niveau
nécessite de faire passer notre effort éducatif dans le supérieur de 1.5% à 3% du PIB, soit 1.5 point par an. De même, il faudrait hisser notre effort de recherche de 2% du PIB actuellement
à 3%, standard international de référence, soit un autre point de PIB. Le déficit en investissements industriels innovants se chiffre à au moins 20 milliards d’euros par an, soit un point de
PIB là encore. Au total, c’est donc un effort d’investissement dans l’avenir de près de 70 milliards d’euros par an (3.5 points de PIB) qu’il faut générer. Comment faire ? La commission
Juppé-Rocard sur les investissements d’avenir (le « grand emprunt ») a montré la voie. Elle a abouti à un programme d’investissement de 35 milliards, mais sur une seule fois. Or le
sous-investissement de la France est chronique. C’est pourquoi Terra Nova propose un programme d’investissement annuel – un « grand emprunt par an », de l’ordre de un à deux points de PIB,
inscrit dans un programme budgétaire spécifique, qui ne soit pas soumis aux arbitrages budgétaires annuels. Naturellement, l’essentiel de l’effort d’investissement doit être fait par les
entreprises. Elles investissent peu car le taux de profitabilité est médiocre. Une solution serait, par exemple, de baisser le taux d’impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis.
Stratégie de compétitivité prix ou stratégie de compétitivité-qualité : voilà le choix central que doit faire la France. Le diagnostic est le même : l’industrie française décline, les
salaires industriels ne sont pas compétitifs dans la mondialisation eu égard à leur productivité. Mais les réponses sont opposées : baisser les salaires ou augmenter la productivité,
c’est-à-dire la qualification. Stratégie _low cost _contre stratégie de qualité. Deux politiques industrielles opposées. Deux visions de l’avenir différentes.
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