Marine le pen, le front national et la laïcité : une référence à géométrie variable | terra nova
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La dernière élection présidentielle française a montré le succès de Marine Le Pen. Forte d’un score de 17,9% des voix (soit 6,4 millions d’électeurs), elle est devenue une figure importante
de la vie politique française. Avec un député, et un autre membre de Rassemblement Bleu Marine, son parti, la troisième force politique du pays, est de nouveau représenté à l’Assemblée
nationale. Ce succès découle pour partie de la stratégie de Marine le Pen. Celle-ci a en effet insisté sur le refus de l’« islamisation de la France » , avec la campagne contre le halal, qui
s’est ponctuellement substitué à la critique de l’immigration, en même temps qu’elle a développé un discours nouveau de défense de la laïcité, dans une approche qui ne privilégie plus la
référence au christianisme en tant que norme . Nous proposons donc dans ce texte une analyse de ce discours, qui nous conduira à relativiser la construction faisant du musulman et de l’islam
un ennemi, en particulier dans les couches populaires. En effet, si le « choc des civilisations » est un thème porteur chez les militants d’extrême droite, en particulier chez les plus
radicaux, il passe au second plan dans les couches populaires, derrière les préoccupations économiques : l’immigré y est avant tout rejeté, selon nous, pour des raisons de concurrence
économique, c’est-à-dire au nom de ce que le Front national nomme la « préférence nationale ». Ceci dit, comme nous le verrons, il ne faut pas nier l’existence d’un racisme latent : une
enquête de l’IFOP pour Le Monde montre que pour « 97% des électeurs méditerranéens et 95% de ceux du quart nord-est adhèrent ainsi à l’idée qu’“il y a trop d’immigrés en France” » . 1 – LE
FRONT NATIONAL, LE REJET DE L’AUTRE ET LE PEUPLE Le populisme d’un Jean-Marie Le Pen procédait d’une révolte contre le partage des acquis sociaux, durement obtenus sur le long terme, avec de
nouveaux venus – les immigrés, estimant qu’ils ne les méritent pas. Il s’agit donc d’une manifestation d’un « chauvinisme de l’État-providence », pour reprendre l’expression de Pascal
Perrineau . Ce discours « rencontre un grand écho dans les milieux ouvriers déstabilisés par la concurrence des travailleurs étrangers et l’amenuisement des ressources de l’État-providence »
. Cette forme de populisme rejette donc la solidarité entre des membres d’une société disparate, éclatée. En ce sens, le Front national doit être vu comme un « ethno-populisme », pour
reprendre l’expression d’Erwan Lecœur . Le Front national a donc attiré un électorat particulier, touché par la précarité, ou qui a peur de la subir, notamment dans les zones en voie de
désindustrialisation du Nord et de l’Est de la France . Il recrute enfin, dans le sous-prolétariat du monde rural, composé principalement d’ouvriers souvent chassés des villes ou de la
proche périphérie par les prix de l’immobilier, et qui subissent de plein fouet la fracture territoriale . Ce profil est très prégnant parmi les primo-accédants à la propriété qui ont quitté
la banlieue et arrivent dans les zones rurales avec le réflexe d’un vote frontiste développé au contact de l’insécurité. Depuis le milieu des années 1980, ces régions connaissent une forte
augmentation du vote Front national. Ce parti a commencé à séduire le monde ouvrier à partir de 1986 (entre 1984 et 1986, la part de vote ouvrier pour le FN est passé de 8% à 19%), avant de
l’attirer massivement à compter de 1995 , donnant naissance à ce que Pascal Perrineau a appelé le « gaucho-lepénisme » et Nonna Mayer l’« ouvriéro-lepénisme ». En effet, « ce discours
correspond effectivement [aux attentes des classes populaires] selon les sociologues Philippe Guibert et Alain Mercier : quel que soit leur vote (FN, PS, UMP, etc.), les électeurs des
classes populaires partageraient deux préoccupations à cette période : le désir d’un retour à un ordre structurant la société, avec des règles et des lois fermement appliquées, et une
restriction des flux migratoires » . Selon Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard, « il s’agit de mettre en relation la crise du référent de la lutte des classes, l’adhésion courante dans les
milieux populaires aux valeurs hiérarchiques traditionnelles (travail, famille, patrie – selon un triptyque utilisé à l’extrême droite depuis un siècle) et l’ethnicisation des problèmes
économiques et sociaux ». En outre, les classes populaires, ne sentant pas leurs revendications sociales prises en compte par les politiques, ont alors investi le champ idéologique
identitaire comme une thématique de compensation, voire comme une volonté de réduire l’accès au travail, l’emploi se raréfiant. Ces deux points ont été cernés tôt et avec acuité par
l’extrême droite. Ces thématiques ont été largement encouragées à cette époque par des stratèges d’extrême droite comme Jean-Yves Le Gallou, à l’origine avec Yvan Blot du concept de «
préférence nationale », rebaptisé en 2011 en « priorité nationale ». Jean-Yves Le Gallou a joué un rôle théorique, une influence intellectuelle importante mais discrète à compter des années
1980. Dès le début des années 1970, alors membre à la fois du GRECE, du Club de l’Horloge (dont il est le cofondateur en 1974 avec Yvan Blot) et du Parti républicain, il condamna
l’immigration de masse, selon lui destructrice des peuples. La décennie suivante, Le Gallou est l’un des premiers à théoriser cette « préférence nationale » et à la combiner aux discours
mixophobes issus de la Nouvelle Droite des années 1970. Dès lors, il va anticiper les positions identitaires et soutenir l’idée d’une immigration zéro, solution selon lui face à l’« invasion
» que serait l’immigration. Cette évolution a donc permis au Front national d’investir le rôle de « porte-parole » des « Français d’en bas », substituant le marqueur identitaire de race à
celui de classe : « La conjoncture économique et sociale, caractérisée par un niveau de chômage élevé, une désindustrialisation rapide et une forte dépendance des sociétés privées les plus
performantes par rapport aux capitaux étrangers, produit, surtout parmi les classes moyennes et populaires, un mécontentement réel par rapport à la mondialisation libérale et au
désengagement de l’État, caractérisé notamment par les coupes dans le service public et les privatisations ». De fait, Marine Le Pen récolte 29% des votes des ouvriers. Peut-on dire pour
autant que les classes populaires ont basculé massivement vers l’extrême droite ? Cela est plus compliqué. S’il est vrai que le vote frontiste est élevé chez les ouvriers (29% environ),
c’est aussi un électorat qui s’est réparti entre plusieurs candidats (27% d’entre eux ont voté pour le candidat socialiste, François Hollande, 11% pour le candidat du Front de Gauche,
Jean-Luc Mélenchon et 19% pour le président sortant, Nicolas Sarkozy). En revanche, d’un point de vue anthropologique, les milieux analysés développent un discours fortement structuré : ils
condamnent la mondialisation, condamnation qui se double d’un refus des sociétés ouvertes, magistralement analysé en 1945 par Karl Popper , c’est-à-dire des démocraties libérales en
opposition aux « sociétés fermées » d’où est évacué l’« Autre ». Nous sommes en présence d’une culture ouvrière, populaire , qui s’exprime parfois par un sentiment d’appartenance à un groupe
sans conscience de classe (en effet, il existe encore des ouvriers ayant une conscience de classe, mais qui votent néanmoins pour le Front national), par une valorisation du « nous » et par
un rejet des « autres », sans autre forme d’idéologie. Il s’agit donc d’une volonté de repli « entre soi », entre « mêmes » et s’articulant avec un rejet de l’« Autre », provoquée par la
mondialisation néolibérale. Ce sentiment communautaire/affinitaire pouvait être contenu, jusqu’au milieu des années 1980, par les partis et syndicats ouvriers, et se trouver transcender par
un discours politique. Depuis cette époque, ce n’est plus le cas. Le « sens commun » partagé par ces classes populaires en crise d’identité, du fait de l’effacement de ses repères
traditionnels notamment produit par le monde du travail, fait que la qualité de « français » s’est substitué à l’ancienne qualification « d’ouvrier ». De ce fait, certains, au sein de ce
parti, prônent un « nationalisme social ». 2 – LE COMBAT CONTRE « L’ISLAMISATION DE LA FRANCE » Si le Front national a beaucoup insisté sur les réponses économiques et politiques à donner à
la mondialisation, il n’en reste pas moins qu’il a aussi intégré, à l’instar des autres partis populistes européens, la thématique identitaire . Celle-ci s’exprime prioritairement par un
discours altérophobe à l’égard des populations musulmanes, analysé dès 1993 par l’équipe de Pierre Bourdieu où nombre des témoignages de Français expriment la sensation d’être exilé chez
soi. De fait, « le national-populisme concentre ses attaques sur le danger musulman, l’islam étant assimilé à une religion fanatique et expansionniste. Ce discours présente les flux
migratoires en provenance du monde musulman comme une invasion du continent européen par l’Union européenne, partie prenante du projet “mondialiste” de destruction des identités nationales.
Généralement, l’islam est perçu comme une menace pour l’identité européenne en raison de son incompatibilité avec les valeurs culturelles et politiques du continent ». Ainsi, en 2012, le
Front national a porté plainte auprès du procureur de la République de Nanterre « pour tromperie sur la marchandise parce que les Français consommeraient de la viande halal sans le savoir »
. Comme nous l’avons dit précédemment, le combat contre l’islam a remplacé le rejet des immigrés. Avec Marine Le Pen, nous sommes passés du biologique au culturel : l’immigré est rejeté non
plus au nom d’arguments raciaux, mais dorénavant au nom d’arguments civilisationnels (incompatibilité supposée de la culture/civilisation arabo-musulmane à la culture/civilisation
européenne/occidentale). Ainsi, elle s’est attaquée aux prières de rue, à ce qu’elle appelle les « mosquées cathédrales » et aux produits halal, expressions selon elle de l’incapacité des
arabo-musulmans à s’intégrer. Toutefois, il est important de préciser dès à présent qu’une partie de la thématique antimusulmane provient d’un groupe d’extrême droite, le Bloc identitaire.
En effet, la critique du halal, des prières de rue sont des thèmes qui proviennent de la nébuleuse identitaire, que le Front a repris après la campagne « saucisson pinard », organisée par le
Bloc identitaire au printemps 2010. L’objectif premier de cette opération était de dénoncer l’occupation de l’espace public par des croyants musulmans . Il s’agissait en effet, de montrer
d’une manière provocatrice le phénomène des prières de rue dans le quartier parisien de La Goutte d’Or, notamment autour de la rue Myrrha. La condamnation de l’islam y était associée à une
défense des produits de « nos terroirs » : le vin et les produits charcutiers, en particulier parce que les musulmans ne consomment ni vin, ni charcuterie. Cette thématique a été reprise par
Marine Le Pen : aux journées d’été de son parti en 2011, la nouvelle présidente frontiste a déclaré que « l’arrivée massive, en un temps très bref, vingt ou trente ans, de femmes et
d’hommes ayant pour une très grande majorité une culture très différente de la nôtre rend toute assimilation inopérante, voire impossible » . Cette vision catastrophiste est un classique de
la rhétorique frontiste, comme l’a montré Cécile Alduy, mais aussi une eschatologie, une cosmologie cohérente depuis la présidence de Jean-Marie Le Pen : « la fin du monde, ou plutôt de la
France, est annoncée à longueur d’années. Jean-Marie Le Pen est le prophète des visions apocalyptiques : barbarie, anarchie, fléaux, et “torrents de sang” émaillent ses textes. Marine Le Pen
se contente de rationaliser le vocabulaire millénariste dont elle hérite. Plutôt que de “décadence” aux connotations moralisantes rébarbatives, elle opte pour un lexique socio-économique,
en suivant la même thématique du déclin : “délitement”, “dégradation”, “disparition”, et surtout “destruction”, avec son lot de verbes sinistres – “casser”, “fracasser”, “saper”, “violer”.
La violence surdétermine le discours lepéniste et structure les rapports humains, conformément à une vision hobbésienne de la société ». Et les populations musulmanes, nouveau bouc
émissaire frontiste depuis le 11 septembre 2001, participeraient largement, selon les élites frontistes, à ce déclin. Toutefois, ce type de discours était déjà présent au sein du Front
national, avec les positions défendues par Bruno Mégret. Dès 1989, il lance une revue doctrinale intitulée Identité, considérant que la chute des régimes communistes entérinait un
basculement géopolitique. Il affirmait que « l’affrontement politique principal n’est plus celui du socialisme marxiste contre le capitalisme libéral », mais « celui des tenants du
cosmopolitisme contre les défenseurs des valeurs identitaires » . Le discours idéologique frontiste se radicalise alors. Bruno Mégret y cloue au pilori la « volonté de déracinement ethnique,
volonté de métissage culturel » du « système » qui utiliserait l’immigration pour assurer une « colonisation ». Son discours complète utilement les thèses de Le Gallou et Blot sur la «
préférence nationale ». Avec Mégret, le Front national devient une expression de la « Résistance ». En 1991, il fait connaître « 50 propositions sur l’immigration ». Il propose, entre
autres, une vague de dénaturalisation car « l’identité française est liée au sang ». Cependant, Mégret verra, plus globalement, son projet de reformulation idéologique entravé par
Jean-Marie Le Pen, mais il est vrai que cette reformulation avait aussi pour finalité de prendre la direction du parti… Toutefois, la rupture aura d’autres raisons comme la « dérive
monégasque », la tendance de Jean-Marie Le Pen à déraper, la stratégie de celui-ci pour le parti, etc. Malgré tout, la stratégie de Bruno Mégret d’édulcoration/reformulation sera intégrée
par plusieurs personnalités qui le suivirent, mais avant de retourner plus tard au Front national. Ce sont ces personnes que nous retrouvons dans l’entourage de Marine Le Pen. 3 – LE FRONT
NATIONAL ET LA LAÏCITÉ Contrairement à plusieurs partis populistes européens, le Front national préfère défendre la laïcité, ou du moins une conception particulière de la laïcité, voire une
« laïcité falsifiée » selon l’excellent mot de Jean Baubérot , au détriment de la défense du christianisme. Ainsi, Marine Le Pen souhaite inscrire dans la Constitution la non-reconnaissance
des communautés. Cela était l’un de ses thèmes de campagne lors de la présidentielle de 2012. Ainsi, dans un entretien donné en 2012 au journal Le Monde , elle affirmait que « la laïcité est
une valeur non négociable, comme la liberté. À chaque fois qu’on l’a laissée s’ affaiblir , on a créé le terrain de revendications nouvelles. » Il s’agirait donc de combattre le
communautarisme, et les signes religieux ostentatoires dans la rue : « Il est évident que si l’on supprime le voile, on supprime la kippa dans l’espace public » . Dans cet entretien, elle
s’oppose également aux pratiques alimentaires, visant explicitement les nourritures halal et/ou casher. Toutefois, si elle condamne les prières de rue des musulmans, elle ne le fait pas pour
celles des catholiques intégristes, qui se sont bruyamment manifestés lors des manifestations contre le « mariage pour tous ». De fait, cette stratégie lui permet d’échapper en outre à
l’accusation de xénophobie, quand bien même son parti proposait, dans son programme de 2012, le rapatriement des immigrés au chômage depuis plus de trois mois. Cette particularité se
retrouve dans d’autres formations politiques extrémistes de droite, telles le Bloc Identitaire. De fait, la présidente du Front national possède beaucoup de traits communs avec les
responsables des partis populistes européens, tels Geert Wilders ou Oskar Freysinger. Comme ces derniers, elle est bien dans son époque ; elle prône l’égalité entre les hommes et les femmes
; elle défend l’avortement bien qu’elle condamne l’ « avortement de confort » ; enfin, elle se montre assez favorable aux homosexuels. À l’instar de ceux-ci, c’est au nom de la défense de
ces mœurs occidentales et « libérales » qu’elle condamne l’islam, supposé être par essence obscurantiste, réactionnaire, rétrograde et machiste. Sylvain Crépon, lors de son Enquête sur le
nouveau front national , a montré que des jeunes militants homosexuels ont rejoint ce mouvement par « hédonisme sécuritaire », pour reprendre l’expression forgée par Gaël Brustier et
Jean-Philippe Huelin ; ces militants se sentant menacés par l’homophobie des jeunes d’origine arabo-musulmane. La présence d’homosexuels autour de Marine Le Pen a gêné de vieux militants du
parti comme Roger Holeindre : « Elle ne s’est entourée que de pédés […]. Moi je suis pour les quotas dans la vie, et là le quota a été dépassé puisque dans son entourage direct il y a 10 ou
20 types homosexuels dont beaucoup sont en ménage entre eux » . Ces nouveaux militants ont remplacé le vieux discours extrémiste de droite par un autre, ouvertement antimusulman. Ces
positions correspondent au nouveau discours, soigneusement républicanisé et laïcisé, de la présidente du Front, même si Marine Le Pen prend soin de toujours distinguer la religion musulmane
des dérives fondamentalistes. Toutefois, cette nuance n’est pas comprise par certains militants qui font preuve d’un discours ouvertement islamophobe. Nous pouvons donc légitimement nous
demander si le recours à la laïcité est une réelle évolution discursive ou un simple artifice substituant la rhétorique anti-islam au discours anti-immigrés des années précédentes. Ses
propos énoncés dans l’entretien paru dans Le Monde montrent ouvertement que sa laïcité recouvre une xénophobie à peine voilée. Ceux-ci avaient déjà été énoncés en 2010 : « Je réitère qu’un
certain nombre de territoires, de plus en plus nombreux, sont soumis à des lois religieuses qui se substituent aux lois de la République. Oui, il y a occupation et il y a occupation
illégale. J’entends de plus en plus de témoignages sur le fait que, dans certains quartiers, il ne fait pas bon être femme, ni homosexuel, ni juif, ni même français ou blanc » Cette
référence à l’islam et à sa supposée dangerosité renvoie également à une vieille thématique frontiste, persistante dans le temps : celle de l’ennemi intérieur, cinquième colonne d’un « parti
de l’étranger ». Toutefois, entre les premières années du Front national et aujourd’hui, cet ennemi intérieur a changé : nous sommes passés du péril communiste au péril musulman. Le premier
à avoir basculé de l’un vers l’autre fut Philippe de Villiers, en faisant campagne contre « l’islamisation de la France » en 2005 . Nous pouvons aussi nous poser la même question quant à sa
conversion aux valeurs républicaines, d’autant qu’elle souhaite toujours inscrire la préférence nationale dans la Constitution, ce qui est anticonstitutionnel. En outre, il faut tenir
compte du fait que ce « national-populisme » représente auprès de l’électorat, notamment populaire, le parti de l’« anti-postmodernité », c’est-à-dire le refus du communautarisme et de la
société fragmentée. En effet, ce parti rêve d’une France défendant l’État-providence, contre ce que nous pouvons appeler le « règne des fragments et mémoires ». Dans un pays comme le nôtre,
structuré historiquement par le culte des valeurs unitaires depuis l’Ancien Régime, la sociologie postmoderne est massivement perçue comme une décadence. Enfin, nous devons aussi tenir
compte de la volonté du parti frontiste de se « dédiaboliser » : ce parti tente de se distancier de l’image de parti aux membres violents qui est accolé depuis le début des années 1980 .
Durant longtemps, le militant frontiste fut assimilé à l’« homme de violence », au sens défini par Birgitta Orfali : « L’homme de violence est ainsi dénommé car c’est la notion de lutte, de
combat qui retient toute son attention. L’opposition violente à tout adversaire (individu ou groupe) le caractérise. L’antagonisme, le conflit sont les lieux par excellence qui définissent
ce type ». Il s’agit donc de policer, d’encadrer les militants frontistes. Le glissement vers la défense de la laïcité et de la République est aussi une façon de se donner une nouvelle
image. D’ailleurs, le Front national mariniste s’est inspiré des partis populistes du nord de l’Europe pour faire glisser son discours de la stigmatisation des immigrés au rejet de l’islam.
Cela permet d’édulcorer un discours tout en continuant à rejeter l’Autre, et de lier in fine rejet de l’islam et dénonciation de l’immigration vue comme une contre-colonisation islamique. En
outre, comme l’écrivent Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard, « ce qui est dénoncé derrière “l’islamisation” n’a que peu à voir avec l’islam mais beaucoup avec l’état de nos sociétés
atomisées socialement, culturellement, économiquement, où chacun se fait sa vision solitaire du monde en hybridant des normes et idées éparses L’islamophobie promet de réunifier un espace
national présenté comme disloqué en cités de non-droit et en communautés au bord de la sécession ». CONCLUSION Le retour de l’État, la critique du libéralisme économique, la référence à la
République, thème de plus en plus important pour le FN à compter de la fin des années 1990 , les références à la Résistance, aux hussards noirs de la République, et à la laïcité, font du
Front national, pour une partie de la population, « le plus laïc » des partis, avec une islamophobie assumée, qui plaît à son électorat. Ce parti, à l’instar des autres tendances de
l’extrême droite (et aussi à l’instar des autres partis nationaux-populistes européens), ne voit pourtant dans l’islam que les extrémistes ; les deux se confortant par le biais d’une
construction en miroir qui les radicalise et les renforce mutuellement. Nous sommes donc d’une certaine façon dans une logique de guerre, à laquelle l’opinion publique n’est pas insensible.
Face à la mondialisation, ce type d’attitude peut-il s’étendre ? C’est là un débat politique, mais il ne faut pas oublier que le rejet de l’islam est très partagé par les formations
extrémistes de droite françaises, celles-ci ayant intégré à la fois le « choc des civilisations » et la quête identitaire. Toutefois, cette analyse est contestée. Ainsi, Jean-François Bayart
critique à la fois les analyses proposées par Samuel Huntington sur le supposé « choc des civilisations » que nous serions en train de vivre et l’existence d’une « identité nationale »
ethniquement définie . Déjà en 1992, Guy Hennebelle avait montré, dans son Tribalisme planétaire, que les « États parfaitement homogènes ne se comptent que sur les doigts des deux mains ;
l’hétérogénéité culturelle, religieuse, linguistique, ethnique est en effet partout la règle ».
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