Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? | terra nova

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Partout en Europe, la social-démocratie est en crise. Elle ne gouverne plus que dans 6 pays sur 27. Elle n’a pas pu capitaliser politiquement sur la Grande Crise de 2008.   Comment expliquer


cette désaffection politique ? Il y a, bien sûr, la crise idéologique. Le modèle de société porté par la social-démocratie – l’économie sociale de marché, autour de la construction de


l’Etat-providence – n’est plus compatible en l’état avec le nouveau monde globalisé. Il doit être refondé.   Mais il y a une autre raison à la crise de la social-démocratie. Elle a trait à


la sociologie électorale : la coalition historique qui a porté la gauche depuis près d’un siècle, fondée sur la classe ouvrière, est en déclin. C’est vrai en France, comme dans le reste de


l’Europe et aux Etats-Unis.   UNE COALITION HISTORIQUE EN DECLIN LA FIN DE LA COALITION OUVRIERE Depuis le Front populaire en 1936, la gauche en France (socialiste, mais surtout communiste)


a accompagné la montée en puissance du monde ouvrier. La victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981 leur est intimement liée : la classe ouvrière est à son apogée


démographique (37% de la population active) et vote massivement à gauche (72%, soit +20 points par rapport à la moyenne nationale). Autour de ce cœur ouvrier s’est constituée une coalition


de classe : les classes populaires (ouvriers, employés) et les catégories intermédiaires (le cadres moyens).   Ce socle historique de la gauche se dérobe aujourd’hui, à partir d’un double


mouvement.   D’abord, le rétrécissement démographique de la classe ouvrière : après un siècle d’expansion, la population ouvrière se contracte rapidement à partir de la fin des années 1970,


pour ne plus représenter que 23% des actifs aujourd’hui – soit pour la gauche une chute de 40% de son socle électoral. Ce phénomène, corollaire de la désindustrialisation du pays, est


amplifié par la dévitalisation du sentiment de classe : seul un quart des ouvriers se reconnaissent dans la classe ouvrière. L’explication est à trouver dans la recomposition interne du


monde ouvrier. Le nombre d’ouvriers non qualifiés a fortement décru, au profit des ouvriers qualifiés, mieux rémunérés, qui accèdent à la société de consommation, et qui se reconnaissent


davantage dans les classes moyennes. Par ailleurs, les ouvriers de l’industrie ne représentent plus que 13% des actifs : deux ouvriers sur cinq travaillent dans le secteur tertiaire, comme


chauffeurs, manutentionnaires ou magasiniers. Ces ouvriers des services, qui travaillent dans l’isolement, ne bénéficient plus de l’identité ouvrière : le collectif de travail de l’usine, la


tradition syndicale, la fierté du métier.   Second mouvement : les ouvriers votent de moins en moins à gauche. L’érosion est continue depuis la fin des années 1970 et prend des allures


d’hémorragie électorale ces dernières années. Au premier tour de l’élection présidentielle, le différentiel de vote au profit de la gauche entre les ouvriers et la moyenne de l’électorat


passe de +15 points en 1981 à 0 en 2002 : il n’y a plus de spécificité du vote ouvrier. Pire, le candidat Lionel Jospin n’a rassemblé que 13% des suffrages ouvriers : les ouvriers ont moins


voté socialiste que l’ensemble des Français (16%). Au second tour de la présidentielle, le vote ouvrier passe de 72% en 1981 à 50% en 2007 : pour la première fois de l’histoire


contemporaine, les ouvriers, qui ne votaient déjà plus à gauche au premier tour, ne votent plus à gauche au second.   A L’ORIGINE DU DIVORCE : UN CHANGEMENT DE VALEURS Historiquement, la


gauche politique porte les valeurs de la classe ouvrière, tant en termes de valeurs socioéconomiques que culturelles. Elle est la porte-parole de ses revendications sociales et de sa vision


de l’économie : pouvoir d’achat, salaire minimum, congés payés, sécurité sociale, nationalisation des grandes entreprises, encadrement des prix… Et l’une comme l’autre restent relativement


conservatrices sur le plan des mœurs, qui demeurent des sujets de second plan par rapport aux priorités socioéconomiques.   A partir de la fin des années 1970, la rupture va se faire sur le


facteur culturel. Mai 68 a entraîné la gauche politique vers le libéralisme culturel : liberté sexuelle, contraception et avortement, remise en cause de la famille traditionnelle… Ce


mouvement sur les questions de société se renforce avec le temps pour s’incarner aujourd’hui dans la tolérance, l’ouverture aux différences, une attitude favorable aux immigrés, à l’islam, à


l’homosexualité, la solidarité avec les plus démunis. En parallèle, les ouvriers font le chemin inverse. Le déclin de la classe ouvrière – montée du chômage, précarisation, perte de


l’identité collective et de la fierté de classe, difficultés de vie dans certains quartiers – donne lieu à des réactions de repli : contre les immigrés, contres les assistés, contre la perte


de valeurs morales et les désordres de la société contemporaine.   Malgré cette discordance sur les valeurs culturelles, la classe ouvrière continue au départ de voter à gauche, qui la


représente sur les valeurs socioéconomiques. Mais l’exercice du pouvoir, à partir de 1981, oblige la gauche à un réalisme qui déçoit les attentes du monde ouvrier. Du tournant de la rigueur


en 1983 jusqu’à « l’Etat ne peut pas tout » de Lionel Jospin en 2001, le politique apparaît impuissant à répondre à ses aspirations. Les déterminants économiques perdent de leur prégnance


dans le vote ouvrier et ce sont les déterminants culturels, renforcés par la crise économique, « hystérisés » par l’extrême droite, qui deviennent prééminents dans les choix de vote et


expliquent le basculement vers le Front national et la droite.    UNE DYNAMIQUE IDENTIQUE DANS L’ENSEMBLE DU MONDE OCCIDENTAL La France ne fait pas exception. Partout en Europe, en Amérique


du Nord, en Australie, la coalition historique de la gauche, centrée sur la classe ouvrière, s’efface. Même dans les pays où existe un lien institutionnel, via les syndicats, entre la classe


ouvrière et la gauche politique, le vote ouvrier déserte la gauche : Grande Bretagne, Allemagne, Suède. La social-démocratie perd sa base électorale.     UNE NOUVELLE COALITION EN VOIE DE


STRUCTURATION LE NOUVEL ELECTORAT DE LA GAUCHE : LA FRANCE DE DEMAIN Si la coalition historique de la gauche est en déclin, une nouvelle coalition émerge. Sa sociologie est très différente :


  1. Les diplômés. Ils votent plus à gauche que la moyenne nationale (+2 points en 2007). Le vote à gauche est désormais corrélé positivement au niveau de diplôme : plus on est diplômé,


plus on vote à gauche ; moins on est diplômé, plus on vote à droite.   2. Les jeunes. C’est le cœur de l’électorat de gauche aujourd’hui : +11 points par rapport à la moyenne nationale au


second tour de la présidentielle, en 2007 (58% contre 47%). L’orientation politique du vote est très fortement corrélée à l’âge : le vote à gauche baisse avec l’âge ; et les séniors votent


massivement à droite – ils ont donné une avance de 30 points à Nicolas Sarkozy contre Ségolène Royal (65–35). S’il y a un facteur âge (on est idéaliste à 20 ans, et on devient plus


conservateur en vieillissant), il y a surtout un facteur générationnel : les nouvelles générations votent de plus en plus à gauche.   3. Les minorités et les quartiers populaires. La France


de la diversité est presqu’intégralement à gauche. L’auto-positionnement des individus révèle un alignement des Français d’origine immigrée, et plus encore de la deuxième génération, à


gauche – de l’ordre de 80–20. On retrouve des scores de cette ampleur dans les bureaux de vote des quartiers populaires, et encore de 62–38 dans les zones urbaines sensibles.   4. Les


femmes. Nous vivons un renversement historique : l’électorat féminin, hier très conservateur, a basculé dans le camp progressiste. En 1965, l’électorat féminin a assuré la victoire du


Général de Gaulle ; François Mitterrand l’emportait chez les hommes. En 1981, les femmes votent encore 7 points de moins à gauche que les hommes (49% contre 56% au second tour). En 2007,


pour la première fois, elles votent plus à gauche que les hommes, de 2 points (49–47)). La transition vers la gauche se poursuit à vive allure. En 2010, aux élections régionales, cet écart


atteint désormais +7 points (58–51).   La nouvelle coalition de la gauche n’a plus rien à voir avec la coalition historique : seuls les jeunes appartiennent aux deux. L’identité de la


coalition historique était à trouver dans la logique de classe, la recomposition en cours se structure autour du rapport à l’avenir. La nouvelle gauche a le visage de la France de demain :


plus jeune, plus féminin, plus divers, plus diplômé, mais aussi plus urbain et moins catholique . Elle est en phase avec la gauche politique sur l’ensemble de ses valeurs.   Contrairement à


l’électorat historique de la gauche, coalisé par les enjeux socioéconomiques, cette France de demain est avant tout unifiée par ses valeurs culturelles, progressistes : elle veut le


changement, elle est tolérante, ouverte, solidaire, optimiste, offensive. C’est tout particulièrement vrai pour les diplômés, les jeunes, les minorités . Elle s’oppose à un électorat qui


défend le présent et le passé contre le changement, qui considère que « la France est de moins en moins la France », « c’était mieux avant », un électorat inquiet de l’avenir, plus


pessimiste, plus fermé, plus défensif.   Le facteur socioéconomique joue aussi. Car la France de demain réunit avant tout les « outsiders » de la société, ceux qui cherchent à y rentrer,


notamment sur le marché du travail, mais n’y parviennent que difficilement : les jeunes, les femmes, les minorités, les chômeurs, les travailleurs précaires. Ils ont du mal car ils sont la


principale variable d’ajustement face à la crise d’une société d’« insiders » qui, pour préserver les droits acquis, sacrifie les nouveaux entrants. Ces « outsiders » ont besoin de l’aide de


la puissance publique pour surmonter les barrières qui se dressent devant eux : ils ont besoin d’un Etat qui les aide à s’émanciper, à briser le plafond de verre. Ils sont soutenus par les


plus intégrés (les diplômés), solidaires de ces « exclus » par conviction culturelle.     LES LIMITES DE LA NOUVELLE COALITION La nouvelle gauche qui émerge en France est la même que celle


qui se dessine partout en Europe. Elle ressemble de près à la coalition qui a porté Barack Obama au pouvoir en 2008. Avec une différence d’importance : elle n’est pas majoritaire.   La


nouvelle coalition électorale de la gauche présente trois faiblesses structurelles :   1. Une dynamique démographique limitée. Les minorités constituent une population en expansion mais au


poids démographique faible : seuls 5% des Français ont deux parents immigrés ; on peut estimer à 15% les Français issus de la diversité. Rien à voir avec les Etats-Unis, où la part des


minorités atteint près de 30%. Surtout, les jeunes sont une population déclinante en France, alors que c’est le contraire aux Etats-Unis.   2. Une coalition électorale en construction. Le


nouvel électorat de gauche vote, élection après élection, de plus en plus à gauche. C’est une excellente nouvelle pour la gauche, pour l’avenir. Cela souligne a contrario une faiblesse


actuelle de la coalition : elle ne fait pas le plein. C’est vrai pour les diplômés, qui votent encore faiblement à gauche. Pour les jeunes : ils votent moins à gauche qu’aux Etats-Unis : ils


donnent 16 points de plus à Ségolène Royal face à Nicolas Sarkozy en 2007 (58/42) contre 34 à Barack Obama face à John McCain (67/33). Mais c’est surtout chez les femmes que la gauche


française ne fait pas encore le plein : elles ne donnent que 2 points de plus à Ségolène Royal par rapport aux hommes en 2007 (48/46), +5 points aux élections régionales de 2010, contre +12 


points à Barack Obama (56/44).   3. Une abstention élevée. Les jeunes et les minorités votent moins que la moyenne nationale : respectivement –7 points pour les 18–24 ans et –4 points pour


les zones urbaines sensibles (mais –34 dans les quartiers populaires) en 2007. Leur participation s’effondre dans les élections de faible intensité politique (européennes, régionales,


cantonales).   Face à cette nouvelle coalition de gauche, la recomposition radicale du paysage politique français fait émerger deux blocs électoraux :   L’ÉLECTORAT DE DROITE, CENTRÉ SUR LES


SÉNIORS   L’électorat de droite n’a guère changé ces dernières décennies : les séniors, les indépendants (artisans, commerçants), les agriculteurs, les catholiques. Lui aussi devient plus


clivant : sa propension à voter à droite se renforce. Il est en opposition avec les valeurs de gauche dans toutes ses composantes, tant socioéconomiques que culturelles, et parfois de


manière radicale comme les agriculteurs ou les séniors (sur les valeurs culturelles).   Les séniors constituent le cœur de l’électorat de droite. Ils votent, on l’a vu, massivement à droite.


Ils ont un taux de participation record : plus de 90% en 2007. Et il s’agit d’une catégorie en expansion démographique importante : elle représentait 27% de la population en 2005, elle


représentera 38% en 2030. D’où un problème majeur pour la gauche : peut-elle gagner sans le vote des séniors ?   L’ÉLECTORAT INTERMÉDIAIRE, UN NO MAN’S LAND INCERTAIN ET INSTABLE   Cet


électorat regroupe tous les éléments du salariat : ouvriers, employés (la coalition historique de la gauche), professions intermédiaires, classes moyennes supérieures. Historiquement, la


hiérarchie du salariat dictait l’orientation politique : plus on était en bas de l’échelle, plus on votait à gauche, et inversement. Ouvriers, employés, professions intermédiaires, classes


moyennes supérieures s’étageaient selon une ligne politique linéaire, du plus à gauche au plus à droite. La logique de classe, hier principale grille de lecture électorale, s’est aujourd’hui


brouillée. Toutes ces catégories se retrouvent à peu près au même niveau dans le rapport de forces droite/gauche. Leur vote est incertain. Il pourrait même s’inverser si les tendances, très


rapides, se poursuivent : des classes moyennes supérieures votant le plus à gauche (comme les diplômés) jusqu’aux ouvriers votant le plus à droite.   L’électorat intermédiaire est divisé


sur les valeurs : une partie le rattache à la gauche, l’autre à la droite. La grille de lecture pertinente oppose classes populaires et classes moyennes. Les classes populaires (ouvriers et


employés) ont des valeurs socioéconomiques qui les rattachent à la gauche (Etat fort et protecteur, services publics, sécurité sociale) et des valeurs culturelles conservatrices (ordre et


sécurité, refus de l’immigration et de l’islam, rejet de l’Europe, défense des traditions…). La division est inversée pour les classes moyennes (professions intermédiaires et classes


moyennes supérieures) : des valeurs culturelles de gauche mais des valeurs socioéconomiques de droite.   L’électorat intermédiaire pose un double enjeu à la gauche : la classe ouvrière


a-t-elle définitivement basculé ? Et quelle stratégie électorale adopter pour cet électorat, terrain de bataille privilégié, par son incertitude et sa mobilité, de l’affrontement


droite/gauche ?   QUELLE STRATEGIE ELECTORALE POUR 2012 ? LA STRATEGIE CENTRALE « FRANCE DE DEMAIN » : UNE STRATEGIE CENTREE SUR LES VALEURS L’élection de 2012 se déroule dans une période de


mutation profonde du paysage politique : la structuration d’hier est affaiblie mais n’a pas encore disparu ; celle de demain émerge mais ne s’est pas encore pleinement déployée. Cela laisse


le champ à plusieurs options stratégiques.   Une ligne de conduite incontournable est toutefois de s’adosser à son nouvel électorat « naturel » : la France de demain. C’est d’autant plus


nécessaire que la perspective d’un « nouveau 21 avril » représente un risque réel : le niveau électoral inédit du Front national et la fragmentation du camp progressiste menacent la gauche


d’une élimination au premier tour de l’élection présidentielle. Il sera donc vital de rassembler son camp au premier tour.   Il n’est pas possible aujourd’hui pour la gauche de chercher à


restaurer sa coalition historique de classe : la classe ouvrière n’est plus le cœur du vote de gauche, elle n’est plus en phase avec l’ensemble de ses valeurs, elle ne peut plus être comme


elle l’a été le moteur entraînant la constitution de la majorité électorale de la gauche. La volonté pour la gauche de mettre en œuvre une stratégie de classe autour de la classe ouvrière,


et plus globalement des classes populaires, nécessiterait de renoncer à ses valeurs culturelles, c’est-à-dire de rompre avec la social-démocratie. Le parti travailliste néerlandais (PvdA) a


tenté une telle rupture sous la direction de Wouter Bos. Se définissant comme un parti de classes, le parti des classes populaires, et non de valeurs, il a accompagné son électorat dans le


conservatisme culturel pour se positionner « anti-immigration », « anti-Europe », et « anti-impôts », basculant ainsi de la social-démocratie au social-populisme. L’échec électoral a été


cuisant : le PvdA a terminé à 13% aux dernières élections locales, entraînant le remplacement de Wouter Bos par Job Cohen, maire d’Amsterdam, qui a repositionné le parti dans la mouvance


sociale-démocrate.   Quelle stratégie la gauche doit-elle adopter pour faire le plein de son nouvel électorat naturel ?   Elle doit opter pour une stratégie de valeurs. L’électorat « France


de demain » les partage. Il y a des marges de manœuvre. Les élections régionales de 2010 ont montré que le vote à gauche des femmes, des jeunes, des diplômés progressent plus fortement que


la moyenne de l’électorat. Pour accélérer ce glissement tendanciel, la gauche doit dès lors faire campagne sur ses valeurs, notamment culturelles : insister sur l’investissement dans


l’avenir, la promotion de l’émancipation, et mener la bataille sur l’acceptation d’une France diverse, pour une identité nationale intégratrice, pour l’Europe.   La gauche doit également


privilégier une stratégie de mobilisation. La « France de demain » vote fortement à gauche mais vote peu. Il est toutefois possible d’améliorer son taux de participation : les jeunes ou les


minorités ne sont pas des abstentionnistes systématiques, ils votent par intermittence. L’objectif est donc de les mobiliser : cela passe par une campagne de terrain (porte-à-porte, phoning,


présence militante sur les réseaux sociaux et dans les quartiers…), sur le modèle Obama.   Une telle stratégie, sous les hypothèses du rapport, pourrait ramener 2.500.000 voix à la gauche


au second tour, de quoi effacer les 2.200.000 d’avance obtenus en 2007 par Nicolas Sarkozy. Toutefois, le résultat demeurerait serré.   LA STRATEGIE COMPLEMENTAIRE AVEC LES « CLASSES


MOYENNES » L’électorat « France de demain » est le nouveau mole central à partir duquel la gauche doit rayonner pour constituer une majorité. L’électorat à conquérir – l’électorat


intermédiaire – est divisé en deux : classes moyennes et classes populaires. La coalition « France de demain » les intègre déjà en partie et doit chercher à s’élargir aux deux. Mais la


stratégie n’est pas la même selon que l’on cible les classes populaires ou les classes moyennes.   Une stratégie d’élargissement vers les classes moyennes se justifie sur un triple plan.


C’est la plus compatible avec la stratégie « France de demain » : elle permet de faire campagne sur les valeurs culturelles, sur lesquelles les classes moyennes sont en phase avec la gauche,


et qui sont la priorité du nouvel électorat de gauche. C’est un électorat disponible : les professions intermédiaires, les plus nombreuses (23% de l’électorat total, contre 15% pour les


classes moyennes supérieures) et en expansion, ont voté 14 points de mieux pour la gauche aux régionales par rapport à la présidentielle (contre +7 points en moyenne), ce qui constitue


l’évolution la plus spectaculaire vers la gauche sur la période. Cela consiste, enfin, à s’appuyer sur une tendance naturelle : les classes moyennes évoluent vers la gauche.   Une telle


stratégie est toutefois risquée. Cet électorat n’a pas de tradition de vote à gauche : il demeure versatile tant qu’il n’a pas été fidélisé. Agrégeant des réalités différentes, il est


composite, donc difficile à unifier. Il nécessite une adaptation du discours de gauche sur les questions économiques et sociales. Sur la fiscalité par exemple : les classes moyennes, par


rapport aux classes populaires, se caractérisent notamment par l’accumulation d’une petite épargne sur le cycle de vie, qu’elles veulent protéger et transmettre.    LA STRATEGIE


COMPLEMENTAIRE AVEC LES « CLASSES POPULAIRES » C’est la tentation naturelle de la gauche, qui ne peut se résoudre, pour des raisons historiques, à perdre les classes populaires. La gauche


doit dès lors axer sa campagne sur les priorités économiques et sociales, où elles sont en phase, et faire oublier ses convictions culturelles, notamment sur l’immigration et l’islam.   Une


telle stratégie présente des atouts. Elle est en phase avec la conjoncture, qui place les réponses à la crise économique au cœur des priorités des Français. Et les classes populaires


représentent toujours une part très importante de l’électorat : encore 23% pour les ouvriers et surtout 30% pour les employés, en expansion, soit au total plus de la moitié de l’électorat.


La gauche y a des fidélités historiques, entretenues par un dense réseau d’élus locaux de terrain. Surtout, une partie de sa nouvelle base électorale, la « France de demain », appartient aux


classes populaires : les Français issus des quartiers, les jeunes déclassés, les minorités…   Mais c’est une stratégie difficile. Elle va à contre-courant : les tendances sont au


basculement des classes populaires à droite. Elle est compliquée à articuler avec la stratégie centrale vers l’électorat « France de demain » : elle nécessite de ne pas faire campagne sur


les questions culturelles, alors qu’elles sont le ressort principal de ce dernier électorat ; et même sur le facteur socioéconomique, les propositions à développer ne sont pas les mêmes,


entre la demande de protection des « insiders » fragilisés (protection des statuts, des droits sociaux) et la demande d’assistance des « outsiders ». Elle se heurte désormais à un obstacle


de taille : le nouveau Front national. En voie de dédiabolisation, et donc bientôt fréquentable, le FN de Marine Le Pen a opéré un retournement sur les questions socioéconomiques, basculant


d’une posture poujadiste néolibérale (anti-Etat, anti-fonctionnaires, anti-impôts) à un programme de protection économique et sociale équivalent à celui du Front de gauche. Pour la première


fois depuis plus de trente ans, un parti entre à nouveau en résonnance avec toutes les valeurs des classes populaires : protectionnisme culturel, protectionnisme économique et social. Le FN


se pose en parti des classes populaires, et il sera difficile à contrer.   Toutefois, il est possible d’identifier au sein des classes populaires des sous-catégories plus aisées à raccrocher


à la gauche. Il y a d’abord les précaires, les chômeurs, les exclus : ceux-là votent à 70% à gauche – le problème de la gauche se situe avec les classes populaires au travail, qui sont en


CDI mais qui ont peur du déclassement. Il y a ensuite les jeunes ouvriers : ils sont d’origine étrangère (maghrébine) et donc sensibles aux enjeux culturels liés à l’immigration et


l’intégration, mais ils sont très peu nombreux dans cette période de désindustrialisation accélérée. Il y a surtout les employées. Il s’agit à l’inverse d’un contingent électoral très


important (77% des employés sont des femmes, soit 5.8 millions d’électeurs). Elles votent anormalement à droite : +7 points par rapport aux employés hommes en 2007. C’est un angle mort du


discours politique de gauche, ouvriériste, dont l’imaginaire est associé au travailleur homme à l’usine. Les employées sont pourtant sensibles aux orientations de la gauche : travaillant à


temps partiel subi, souvent pauvres, éprouvant des conditions de travail pénibles en l’absence de couverture syndicale forte, en détresse du fait de situations personnelles souvent


difficiles (célibataires avec enfants à charge), ces salariées précarisées ont beaucoup de points communs avec les « outsiders » exclus du marché du travail, qui sont au cœur de l’électorat


de gauche.   LA CONQUETE DES SENIORS : UNE STRATEGIE IMPOSSIBLE ? Certains à gauche envisagent cette stratégie, avec une idée simple. Ségolène Royal a fait un score très dégradé chez les


séniors en 2007 : 35%. Avec seulement 43%, elle aurait gagné la présidentielle. En partant de si bas, avec un président sortant qui les a agacés, un programme plus adapté et un candidat plus


en phase, il devrait être facile de récupérer ce retard.   Rien n’est moins sûr. Les séniors ont des valeurs frontalement opposées à celles de la gauche. Ils ont toujours voté à droite et


leur vote à droite se renforce. En empochant le sursaut à gauche de cet électorat aux régionales (+3 points par rapport à l’évolution moyenne), la gauche récupèrerait moins de 500.000 voix


sur un différentiel de 2.2 millions en 2007.   Le profil du candidat pourrait permettre d’améliorer les résultats de la gauche. Les séniors sont très sensibles à la crédibilité et à


l’autorité du candidat. Par ailleurs, la « triangulation » sur les questions de sécurité ferait sens. C’est la priorité politique de cet électorat, or la question de sécurité s’est détachée


des autres questions culturelles pour devenir de plus en plus consensuelle dans tous les électorats : la gauche peut donc se l’approprier sans s’aliéner son électorat de base. Les


déterminants sociologiques ne sont pas, tant s’en faut, les seuls facteurs explicatifs du vote.   Il y a les déterminants politiques : le profil du candidat ; le projet ; l’unité de son camp


politique. Il y a aussi les déterminants conjoncturels : le niveau de rejet du parti au pouvoir et du candidat sortant ; les évènements d’actualité qui impactent les perceptions de


l’électorat.   Mais le lien entre ces déterminants politiques et conjoncturels avec les déterminants sociologiques est essentiel pour former une stratégie victorieuse. A cet égard, la gauche


se présente en 2012 avec des choix cruciaux à réaliser.  


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