Convention citoyenne pour le climat : quelques enseignements pour l’avenir | terra nova

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Convention citoyenne pour le climat : quelques enseignements pour l’avenir | terra nova"


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INTRODUCTION D’octobre 2019 à juin 2020, 150 citoyens tirés au sort ont travaillé collectivement et élaboré des propositions pour permettre à notre pays de réduire ses émissions de gaz à


effet de serre. C’est la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Le Président de la République leur a répondu le 29 juin 2020, et le Gouvernement prépare actuellement un projet de loi sur


la base de ces propositions. Le mandat de la Convention prévoit que les 150 citoyens se réunissent une dernière fois pour répondre au gouvernement tant sur le calendrier de mise en œuvre


que sur le fond. Les travaux sont donc encore en cours. Pourtant, d’autres conventions citoyennes sont d’ores et déjà annoncées par des présidents de régions, des maires… Une réforme du


Conseil économique, social et environnemental (CESE), en cours d’examen au Parlement, lui permettrait notamment d’organiser de nouvelles conventions citoyennes. Des initiatives analogues ont


été prises à l’étranger dans le sillage de l’expérience française (Royaume-Uni, Écosse, Espagne…). Des entreprises commencent, elles aussi, à s’intéresser à ce type d’exercice pour faire


délibérer leurs salariés ou dialoguer avec certaines de leurs parties prenantes. Ce mouvement prend place dans un contexte plus large : dans un récent rapport , l’OCDE recensait déjà 25 


consultations citoyennes à travers le monde en 2019 puis 30 à 40 en cours ou annoncées depuis octobre 2019. Toutefois, quand on examine de plus près ces différentes expériences, il apparaît


que les mots de « convention » ou de « conférence » recouvrent des pratiques très inégales. Si l’on ne veut pas dénaturer les conventions futures ou en faire de simples outils de


communication consistant à saupoudrer de la délibération citoyenne sur des processus de décision qui n’en tiendront aucun compte, et si, comme on le suggère dans notre pays, ces conventions


futures doivent s’inspirer de la CCC, il est essentiel de mettre en exergue ses premiers enseignements. C’est l’objet de ce papier. Nous proposons d’abord de situer les principales


singularités de l’expérience française. Si elle s’inscrit dans la continuité d’initiatives passées, elle s’en distingue aussi par la nature de son mandat et par la forme de sa gouvernance,


deux caractéristiques qui nous semblent devoir être reproduites à l’avenir. Nous envisageons ensuite quelques-unes des questions qu’elle a dû résoudre pour arriver à ses fins. Elles prennent


souvent la forme de dilemmes, dont il est raisonnable de penser qu’ils affecteront aussi les expériences futures. Nous ne sommes pas certains que les solutions retenues pour la CCC puissent


être simplement dupliquées à l’avenir, mais nous pensons utile de les avoir à l’esprit quand on s’engage sur ce chemin. Enfin, nous proposons de retenir quelques principes généraux qui,


selon nous, devraient impérativement animer les conventions futures. Nous pensons qu’ils mériteraient d’être formulés dans la loi pour être à l’avenir opposables aux organisateurs comme aux


commanditaires devant les juridictions compétentes. S’il peut être légitime d’expérimenter avant de codifier, l’innovation exigeant certaines libertés, il serait plus difficile d’admettre


que les prochains exercices se déploient en l’absence de tout cadre légal, surtout si les conventions citoyennes sont appelées à prospérer et à produire des effets politiques et normatifs,


même indirects. Or celui-ci reste à construire, comme ont pu le faire remarquer plusieurs observateurs de la Convention. Avant de poursuivre, précisons que ce premier bilan est loin d’être


exhaustif. Certaines questions ont été délibérément laissées de côté. On pense notamment à tout ce qui touche à la publicité des débats et à ses limites, à ce qui pourrait être imaginé pour


faire participer plus largement la société à cet exercice, ou encore aux relations et complémentarités entre représentation élue et délibération citoyenne. Ces questions ne seront ici


qu’effleurées et devront donner lieu à des analyses ultérieures. De même, nous ne nous prononcerons pas sur le processus de suivi des décisions et des concertations mis en place par


l’exécutif à l’issue de la publication des propositions de la CCC, auquel les membres de la Convention ont été invités à s’associer et qui est toujours en cours au moment où nous écrivons.


Enfin, ce papier ne cherche pas à savoir si le Gouvernement et le Président de la République ont honoré leurs engagements : il est tout simplement trop tôt pour en juger. 1. LA SINGULARITÉ


DE LA CONVENTION CITOYENNE FRANÇAISE 1.1. CRISES, TIRAGE AU SORT ET DÉLIBÉRATION Les conventions citoyennes se distinguent d’autres instruments de la démocratie participative par leur


dimension fortement délibérative. Participatives, elles le sont bien sûr en ce qu’elles sollicitent la participation directe de citoyens tirés au sort. Délibératives, elles le sont cependant


plus encore, parce qu’elles reposent fondamentalement sur la discussion ouverte entre ces citoyens sur la base d’une information de qualité et avec l’objectif de formuler des propositions .


En effet, il ne s’agit pas ici de recueillir l’opinion spontanée des citoyens sur une question donnée mais, dans un mouvement inverse, de faire en sorte que les citoyens eux-mêmes, à la


lumière d’une information plurielle et diversifiée, débattent ensemble et se mettent d’accord sur des propositions à soumettre aux décideurs publics. Comme les conférences de consensus, ces


conventions cherchent à répondre à une question que le suffrage ne sait pas résoudre : quelle est, non pas l’opinion majoritaire sur un problème, mais celle qui résulte d’un jugement informé


 ? Autrement dit, que proposent les citoyens quand ils ont pris la peine et le temps de s’informer et de délibérer ensemble ? Le scrutin est individuel et délibérément aveugle aux


motivations des électeurs ; le fruit d’une délibération citoyenne résulte, lui, d’un processus d’instruction collective des problèmes. La CCC n’est pas, de ce point de vue, une innovation


radicale. Elle a notamment des précédents notables à l’étranger, dans des formats et sur des sujets très variés, comme on le verra plus loin. On pense notamment aux expériences canadiennes


(en Colombie-Britannique en 2004 ou en Ontario en 2007) et aux exemples irlandais, qui ont souvent servi de référence aux initiateurs de la CCC . Même en France, le modèle n’est pas


parfaitement inédit : au-delà des conférences de consensus qui y ont vu le jour depuis 1998 (sur les OGM, la vaccination…) dans un genre assez différent, des conventions citoyennes


régionales ont également été organisées en mars 2019 dans le cadre du Grand Débat national (comparables dans le principe mais très éloignées dans la méthode et l’aboutissement des travaux).


Quelles raisons poussent le politique à faire appel à des « citoyens-délibérants » _ _ tirés au sort pour élaborer collectivement des recommandations sur un sujet donné ? Car c’est bien le


pouvoir politique qui, au moins dans les cas qui viennent d’être cités, a pris l’initiative de convoquer de telles assemblées temporaires (en général, le Gouvernement ou le Parlement, ou


comme ce fut le cas en France, le chef de l’État ). Les circonstances ont bien sûr leur part à cette motivation. Comme dans l’expérience islandaise de 2011 (la « révolution des casseroles 


»), les assemblées irlandaises font suite à la crise financière de 2008 et aux bouleversements politiques qu’elle a engendrés. De même, en France, l’initiative de la CCC prend forme à la


suite du mouvement des Gilets jaunes, qui naît d’un refus de l’augmentation des taxes sur les carburants automobiles mais se prolonge par une forte critique du système représentatif (avec la


revendication du Référendum d’initiative citoyenne en particulier). Dans chacun de ces cas, une crise majeure est venue secouer les équilibres politiques en place, voire les soubassements


du régime, poussant les responsables à rechercher de nouvelles sources de légitimité ou de nouveaux chemins de consensus. Mais les circonstances n’expliquent pas tout. Et, d’une certaine


façon, elles ne font que mettre en exergue certaines fragilités structurelles des démocraties représentatives : aux représentants du peuple issus de l’élection, régulièrement décrits dans


les moments de crise comme une petite élite repliée sur elle-même et essentiellement soucieuse de sa perpétuation, on a souvent opposé le peuple lui-même dans sa diversité. S’est alors


développée l’idée que la représentation ne réalisait que très imparfaitement la promesse démocratique d’un gouvernement « du peuple, par le peuple et pour le peuple » (article 2 de la


Constitution), voire qu’elle la trahissait. Pour répondre à cette insatisfaction, on a régulièrement promu, sinon la recherche d’un « auto-gouvernement plus effectif », du moins celle d’un «


 régime représentatif plus attentif à la société », plus perméable aux « exigences d’implication et d’intervention » des citoyens . Les conventions citoyennes donnent forme à cette quête .


Elles font entendre la voix de celles et ceux que l’on entend rarement dans les institutions représentatives, ou que l’on cantonne au seul rôle d’électeurs. Le recours au tirage au sort est


le vecteur déterminant de cette ambition : contrairement à l’élection, il garantit en effet que n’importe qui peut accéder à ces assemblées, y compris des citoyens habituellement éloignés de


la chose publique. Il revivifie du même coup l’idée selon laquelle le pouvoir du peuple est « le pouvoir propre à ceux qui n’ont pas plus de titre à gouverner qu’à être gouvernés  ». Il


rappelle également la promesse contenue dans l’article 6 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen : « Tous les citoyens ont droit de concourir _ personnellement, ou


par leurs Représentants_ , à [la] formation [de la loi] » (nous soulignons). En faisant appel au travail d’une délibération informée, ces conventions vont cependant au-delà d’une ambition


purement participative. Elles cherchent à accueillir le raisonnement et le jugement des citoyens, considérant qu’il est susceptible de compléter celui des élus : les citoyens évaluent en


effet chaque option non seulement à la lumière d’informations générales, d’expertises ou d’intérêts constitués, mais aussi à l’aune de leur expérience pratique et personnelle, mettant en


exergue des difficultés et des attentes que trop souvent les représentants et l’exécutif négligent. Ce sont à la fois une réflexion collective et une compétence d’expérience qui se croisent


dans l’exercice citoyen du jugement délibératif. L’expérience française menée entre juillet 2019 et juin 2020 (dont neuf mois de travail pour les citoyens réunis à sept reprises entre


octobre et juin ) est exemplaire des motivations et caractéristiques qui viennent d’être évoquées et que l’on retrouve dans la plupart des exemples étrangers. Elle s’en distingue toutefois


par la nature de son mandat et l’organisation de sa gouvernance. C’est en cela qu’elle est réellement innovante. 1.2. LE MANDAT La lettre de mission du Premier ministre donne mandat à la CCC


 de « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990 ». Et


il poursuit : « Au terme de ses travaux, elle adressera publiquement au Gouvernement et au Président de la République un rapport faisant état de ses discussions ainsi que de l’ensemble des


mesures législatives et réglementaires qu’elle aura jugées nécessaires pour atteindre l’objectif  ». Le Président de la République avait, lui, annoncé le 25 avril 2019 : « Ce qui sortira de


cette convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du Parlement soit à référendum soit à application réglementaire directe . » Pour résumer, il était donc demandé aux


membres de la Convention : de se saisir de la lutte contre le réchauffement climatique dans son ensemble et non de questions ou de controverses sectorielles ; de formuler des propositions


structurantes et non une vision générale ; de travailler dans un esprit de justice sociale et non avec la seule focale de la transition écologique ; et de proposer des mesures ayant une


forme juridique aboutie (« mesures législatives ou réglementaires ») et non de simples recommandations. Dernière caractéristique du contrat unissant le politique et les membres de la CCC :


le commanditaire s’engageait à soumettre aux instances démocratiques légitimes les propositions issues de leurs travaux sans les déformer (« sans filtre »). Aucune de ces caractéristiques


n’est parfaitement inédite, mais leur étroite combinaison marque l’originalité et l’ambition singulière de l’expérience française. Commençons par l’engagement politique. Parce qu’elle


apportait aux citoyens la garantie de leur utilité, cette promesse du « sans filtre » fut certainement l’une des clés de leur mobilisation, tant lors du recrutement que dans la suite du


processus (il faut souligner la remarquable assiduité avec laquelle ses membres ont suivi les débats ). Les membres de la CCC se sont sentis investis d’une mission : ils ont intériorisé le


sentiment d’une responsabilité. La promesse présidentielle (réitérée et précisée lors de sa participation en janvier 2019 à l’une des sessions de la CCC) s’est avérée également décisive dans


l’attention publique accordée aux travaux de la Convention par les médias, les parties prenantes ou le grand public. Dans les expériences étrangères, le commanditaire a également pris des


engagements à l’égard des assemblées citoyennes, mais ils ont souvent pris des formes assez différentes et surtout plus vagues. Seule la _ Citizens’ Assembly on Electoral Reform_ , organisée


en Colombie-Britannique (Canada) en 2004, avait un horizon comparable à celui de la CCC : ses 160 citoyens devaient proposer une réforme électorale que le Gouvernement de la province


s’engageait à transmettre sans filtre aux électeurs par voie référendaire . En Irlande, pour la seconde assemblée, le Gouvernement s’était engagé à répondre à chacune des recommandations que


les citoyens lui adresseraient et à publier le calendrier de mise en œuvre d’un référendum, sous réserve cependant de sa propre approbation des recommandations. Il y avait donc un « filtre 


». L’autre composante essentielle du contrat passé avec les citoyens réside dans la question qui leur est posée et la nature de la réponse qui est attendue d’eux. Dans la plupart des


expériences antérieures, que ce soit en France ou à l’étranger, il était demandé aux membres soit de trancher une controverse constituée (OGM, droit à l’avortement…), soit d’exprimer une


vision générale sur un sujet ou de formuler les grands principes susceptibles d’organiser une politique ou une révision constitutionnelle. Il est beaucoup plus rare que l’on demande à des


citoyens tirés au sort de définir les voies et moyens d’une politique publique dans son ensemble. Et, plus rare encore, qu’on sollicite de leur part des propositions ayant une forme


juridique aboutie, c’est-à-dire qu’on les mette pratiquement en situation de « prélégiférer ». Seule l’assemblée constituante islandaise de 2010–2013 semble avoir porté un mandat aussi


ouvert et ambitieux, même si le projet de doter une communauté politique d’une nouvelle Constitution peut paraître à la fois plus fondamental et moins technique que celui de définir la


politique climatique d’un pays. Dans d’autres cas, comme en Irlande, la seconde convention devait répondre à de multiples questions sur des sujets sans rapport direct les uns avec les autres


 : la légalisation de l’avortement, le vieillissement de la population, le changement climatique, ou encore les réformes du référendum et sur le Parlement . On le voit, certaines de ces


questions étaient très larges et, compte tenu du temps souvent très limité qui leur était consacré, appelaient des réponses de nature assez générale. D’autres étaient au contraire très


précises et au cœur de controverses sociétales relativement structurées : celles-ci n’appelaient pas un effort particulier de propositions et d’imagination politique, mais plutôt un


arbitrage des citoyens. Il ressort de l’expérience française que l’on peut demander à une assemblée de citoyens tirés au sort d’élaborer des propositions normatives visant à réformer assez


précisément une politique publique. Quoi que l’on pense des propositions de la CCC, son rapport final atteste que, en neuf mois et sept sessions de travail , les « 150 » ont rendu pour une


large partie de leurs travaux une copie conforme au terme de leur mandat . Contrairement à une opinion encore très répandue, il n’est donc ni nécessaire ni souhaitable de cantonner ce type


d’initiative à de « petits sujets de société », comme on l’entend parfois, ou à un pur exercice d’arbitrage sur des controverses constituées. Si l’on veut prendre la démocratie délibérative


au sérieux, il faut au contraire montrer aux citoyens qu’on sollicite leur intelligence collective sur des enjeux qui comptent et sur lesquels la construction d’un consensus collectif n’a


rien d’évident. Pour cela, aussi, il est essentiel que le commanditaire prenne des engagements clairs sur les débouchés du travail. Rien ne serait plus étranger à ces enseignements que de


reproduire l’exercice sur des sujets de moindre importance et dans le cadre d’un contrat qui ne préciserait pas clairement son issue politique. LE CLIMAT AU CŒUR DES CONVENTIONS CITOYENNES


Les enjeux climatiques sont de plus en plus souvent soumis à l’appréciation de conventions citoyennes. Ce sujet mobilise notamment par sa dimension existentielle. De nombreux citoyens de la


CCC ont ainsi indiqué qu’ils avaient accepté de participer « pour leurs petits-enfants ». C’est également un sujet transversal qui interroge les modes de vie et qui permet aux citoyens de


faire des propositions concrètes dans différents secteurs. Enfin et surtout, c’est un sujet qui, parce qu’il débouche assez rapidement sur de profondes transformations de nos choix


quotidiens, de nos façons de produire et de consommer, appelle la construction de larges consensus collectifs que les institutions représentatives traditionnelles peinent à définir seules.


En effet, si la conscience environnementale grandit dans la population, les politiques climatiques divisent et sont régulièrement l’objet d’oppositions voire de confrontations entre la


population et les décideurs publics, conduisant parfois à une impasse. Souvenons-nous en France de la crise des Gilets jaunes en 2019 mais aussi de celle des Bonnets rouges sur l’écotaxe en


2013. C’est pourquoi plusieurs gouvernements et parlements européens ont retenu la question climatique pour donner matière à une convention citoyenne. Ainsi, dans la foulée de l’expérience


française, l’Écosse et l’Espagne ont annoncé des conventions analogues, et le Royaume-Uni vient d’achever la sienne. 1.3. LA GOUVERNANCE LA SECONDE SINGULARITÉ DE LA CCC RÉSIDE DANS


L’ORGANISATION DE SA GOUVERNANCE. Alors que la plupart des expériences étrangères se caractérisent par une gouvernance relativement légère, la CCC a été dotée par ses initiateurs d’un large


comité de gouvernance. En Écosse comme en Irlande, une personnalité qualifiée présidait la Convention en s’appuyant sur un secrétariat pour en organiser les travaux. Cette personnalité était


parfois membre à part entière de la Convention, comme en Colombie-Britannique où le président était le 161 e membre de l’assemblée. En Irlande, la présidente, par ailleurs juge à la Cour


suprême et nommée dans cette fonction par le Gouvernement, était la 100 e membre. Elle réunissait autour d’elle un _ Steering Group_ avec un secrétariat et d’autres membres de la Convention


élus pour y siéger . Ce groupe se réunissait une fois par mois pour superviser le programme de travail et valider les intervenants. En outre, la présidente a activement participé à la


rédaction des propositions en interprétant la volonté des citoyens, le résultat final devant faire l’objet d’un consensus entre elle et l’assemblée. Dans le cas français, non seulement les


débats de la Convention n’étaient pas présidés par une seule personnalité extérieure, mais ils n’étaient pas présidés du tout : ce sont les animateurs qui étaient chargés de veiller au bon


déroulement des séances de travail. L’organisation générale de la Convention était supervisée par un comité de gouvernance qui ne prenait pas part aux débats, se contentant d’introduire et


de conclure les sessions par la voix de ses coprésidents et du rapporteur général . Ce comité réunissait 17 personnalités  : deux coprésidents, un rapporteur général, des experts du climat,


de la démocratie participative, du champ économique et social, deux représentants du ministère de la Transition écologique et solidaire ainsi que deux membres de la convention tirés au sort


parmi les volontaires . Nommés _ intuitu personae_ , les membres de ce comité y siégeaient et s’y exprimaient à titre personnel et non au titre d’une organisation. « Autonome dans


l’accomplissement de ses missions  », le comité était indépendant à la fois du pouvoir politique et du CESE qui accueillait la Convention. Lors de réunions hebdomadaires, ce comité était


chargé d’assurer le pilotage de la Convention, d’élaborer son programme et ses méthodes de travail, et de protéger l’indépendance et le respect de la volonté de la Convention. Cette


composition plurielle a permis qu’aucune de ses composantes ne soit en situation d’hégémonie ; la controverse était présente au sein du comité. De surcroît, les décisions étaient prises par


consensus et de façon collégiale obligeant chacun à argumenter, à convaincre les autres, et les coprésidents à rechercher, en cas de désaccord, une voie de compromis. Rapidement, il a été


décidé d’associer aux réunions les représentants du consortium d’animateurs, sans toutefois leur permettre de prendre part aux décisions puisque leur rôle était de mettre en œuvre les


objectifs fixés par le comité de gouvernance. Ils ont néanmoins grandement contribué à l’élaboration des programmes de travail et ont apporté une expertise professionnelle de haut niveau.


Enfin, le dialogue entre le comité de gouvernance et les membres de la Convention se voulait constant. Deux d’entre eux participaient à l’ensemble des réunions, et une plateforme Internet


réservée aux conventionnels leur permettait d’interpeller le comité de gouvernance. Ce dispositif était renforcé par un collège de trois garants nommés par les présidents de l’Assemblée


nationale, du Sénat et du CESE. Leur rôle était de « surveiller » le comité de gouvernance, de veiller au respect des grands principes régissant l’exercice, de certifier et proclamer les


résultats des votes et de faire office de recours pour les citoyens en cas de contestation d’une décision. Ils ont également joué un rôle de conseil du comité de gouvernance lorsque celui-ci


rencontrait une hésitation de nature déontologique. Cette organisation peut bien sûr prêter le flanc à la critique. Ainsi, certains observateurs ont mis l’accent sur un excès de formalisme


et de règles, où ils voyaient une marque de « l’esprit français » par opposition à des pratiques anglo-saxonnes plus libres et laissant plus de place à la spontanéité du débat. Il reste


qu’elles ont permis de se prémunir assez efficacement contre divers risques d’influence : influence de la gouvernance sur les citoyens (en séparant rigoureusement l’organe de gouvernance de


l’organe délibérant) et influences extérieures sur la gouvernance (la diversité de ses membres et les équilibres numériques de sa composition protégeant l’ensemble). Certains ont d’ailleurs


pu s’étonner que les organisateurs aient encouragé les citoyens à aller en dehors du cadre de la CCC, rencontrer des acteurs. Cela était au contraire interdit dans le cadre de certaines


expériences étrangères. La gouvernance de la CCC a également poussé à mettre en débat de façon consciente et délibérée des choix de méthode et de procédure qui, ailleurs, ont parfois été


laissés à la libre appréciation des animateurs et/ou d’une présidence personnelle alors même qu’ils peuvent avoir des conséquences importantes sur le cours de l’exercice. C’est pourquoi nous


pensons que les conventions citoyennes futures devraient impérativement être dotées d’une gouvernance comparable, tant dans sa structure que dans ses principes. 2. PROBLÈMES, DILEMMES ET


SOLUTIONS Outre cette singularité organique, ce sont ses choix méthodologiques face à différents problèmes qui caractérisent l’expérience française. Pour chacun de ces choix, plusieurs


options étaient envisageables avec une incidence considérable sur le résultat final. Nous en exposons quatre ici : la composition du panel, la structuration des travaux, le lien avec


l’expertise et l’usage du vote. À chacun d’eux correspond un ou plusieurs dilemmes, que nous nous efforçons de mettre en exergue. Car nous sommes convaincus que, si certaines des réponses


apportées à ces difficultés sont spécifiques à la CCC, ces difficultés, elles, se présenteront à nouveau dans le futur. 2.1. LA COMPOSITION DU PANEL Le 25 avril 2019, le Président de la


République annonce que la CCC réunira 150 citoyens tirés au sort. Le Premier ministre précise, deux mois plus tard, dans sa lettre de mission, que ces citoyens doivent être à la fois tirés


au sort et « représentatifs de la diversité de la société française ». L’exécutif souhaite cumuler les vertus du hasard et celles de la représentativité. Chacune de ces deux commandes


soulève des difficultés particulières : sur quelle base organiser le tirage au sort ? Comment définir des critères de représentativité ? Mais surtout leur conjugaison ne va pas de soi :


comment le tirage au sort pourrait-il accoucher seul d’une assemblée représentative ? Comment articuler une légitimité liée au hasard et une légitimité liée à la représentativité ? Pour


surmonter ces dilemmes, plusieurs difficultés ont dû être résolues. TOUT D’ABORD, IL A ÉTÉ DÉCIDÉ QUE LE TIRAGE AU SORT SERAIT RÉALISÉ SUR LA BASE DE NUMÉROS DE TÉLÉPHONE et non de listes


électorales comme pour les jurés d’assises. Les garants du Grand Débat national avaient fait le même choix pour les conférences citoyennes régionales quelques mois plus tôt . Les listes


électorales présentent en effet l’inconvénient d’exclure les personnes non ou mal inscrites, soit plus de 9,5 millions de Français en 2014 qui ne s’expriment pas lors des scrutins. Au


contraire, la génération aléatoire de numéros de téléphone est plus inclusive et offre l’avantage d’une prise de contact rapide et facile. Entre août et septembre 2019, Harris Interactive a


ainsi puisé dans un répertoire de 300 000 numéros de téléphone construit de façon aléatoire pour passer des appels et proposer à celles et ceux qui décrochaient de participer à la CCC. Ce


tirage au sort répondait à la première exigence du Président de la République, mais n’assurait pas que le collectif serait représentatif de la diversité de la société française. Il fallait


pour cela définir DES CRITÈRES DE SÉLECTION À LA LUMIÈRE DESQUELS CERTAINS CITOYENS TIRÉS AU SORT ET VOLONTAIRES POUR PARTICIPER POURRAIENT ÊTRE FINALEMENT REFUSÉS. Il faut souligner que la


représentativité recherchée ne pouvait pas être de nature statistique : rapporté à une population de 67 millions d’individus, un échantillon de 150 est trop étroit pour cela. Mais, puisqu’il


s’agissait de rendre compte de la diversité sociale et non de majorités d’opinion, on pouvait rechercher une représentativité de nature descriptive, pour ne pas dire figurative,


c’est-à-dire reproduire dans l’assemblée les principaux équilibres sociodémographiques observés dans la population générale. Encore fallait-il pour cela déterminer les indicateurs jugés les


plus structurants pour décrire la société française d’aujourd’hui. Comment déterminer ce qui caractérise le mieux la position sociale d’un individu ? Le comité de gouvernance a finalement


retenu 6 critères : le sexe, l’âge , le niveau de diplôme, la catégorie socioprofessionnelle/CSP, le type de territoire (pôle urbain, communes isolées, quartiers prioritaires de la politique


de la ville…) et la région de résidence (Ile-de-France, Occitanie, etc.). Ce faisant, il a fait l’hypothèse que la position sociale d’un individu ne pouvait pas être définie par deux ou


trois indicateurs simples (âge, sexe et CSP, par exemple), mais par une multiplicité de facteurs parmi lesquels devaient intervenir également le niveau de diplôme (un assez bon lecteur de


beaucoup d’autres inégalités) et la situation sur le territoire (identifiée à deux critères différents). Et il aurait été tentant d’en ajouter d’autres comme le revenu, le patrimoine ou le


type de mobilité si la taille de l’échantillon final n’avait rapidement borné l’exercice. La multiplicité des critères et les discussions qui ont accompagné leur définition témoignent de la


difficulté à fixer la description de la société actuelle, singulièrement au lendemain d’un mouvement comme les Gilets jaunes, qui avait suscité d’intenses débats entre une approche assez


classique des inégalités sociales et une approche plus géographique et territoriale. Pour chacune des catégories retenues, le comité de gouvernance s’est fixé un objectif correspondant aux


équilibres connus en population générale. Ainsi, la CCC a réuni 26 % de citoyens sans diplôme ou ayant uniquement le CEP ou le BEPC, 8 % d’habitants de la région Grand Est, 11 % d’habitants


issus des QPV, etc . À l’arrivée, les citoyens d’abord tirés au sort formaient une « France en miniature », combinant ainsi la sélection par le hasard et la sélection sur critères de


représentativité. La représentation de certaines catégories a toutefois dérogé à la règle. Ce fut le cas pour les citoyens ultramarins, les personnes en très grande précarité et les


agriculteurs, soit onze membres au total. Concernant les ultramarins , il s’agissait d’alléger certaines difficultés pratiques (déplacer des personnes de Guyane ou de Mayotte pour cinq


sessions de trois jours chacune risquait d’en dissuader plus d’un). Concernant les personnes en très grande précarité, il était hasardeux d’imaginer toucher et convaincre par téléphone des


femmes et des hommes sans domicile fixe et/ou vivant dans des conditions extrêmement difficiles . Concernant les agriculteurs, enfin, ce sont des métiers pour lesquels l’engagement de venir


régulièrement à Paris pouvait être problématique, et la probabilité de contacter un agriculteur était faible via le tirage au sort . À l’inverse, le comité de gouvernance n’a pas souhaité


exclure des actifs issus de secteurs particulièrement émetteurs de gaz à effet de serre (chauffeurs routiers, pilotes de ligne, etc.). Ainsi, il a fait le choix de ne pas exiger du citoyen


une forme de neutralité axiologique et d’assumer qu’il venait de quelque part, portant parfois les intérêts de sa profession, et possédant éventuellement des convictions politiques. Cette


question de l’attitude politique se pose toutefois plus particulièrement vis-à-vis du sujet traité. Comment pouvait-on s’assurer que le plenum ne serait pas composé d’une écrasante majorité


d’individus acquis à la cause de la lutte contre le réchauffement climatique alors même que la participation à la Convention reposait sur le volontariat et qu’elle était de fait plus


susceptible de motiver les convaincus ? Pour déjouer cette difficulté, on aurait pu intégrer un critère supplémentaire : l’examen préalable du positionnement sur la question du réchauffement


climatique. Au Royaume-Uni, ce point a été retenu comme un critère de recrutement et, au final, 17 % des membres recrutés se déclaraient pas très ou pas du tout préoccupés par la question,


soit une proportion conforme à ce qui était observé dans la population générale. En France, même si certains citoyens se sont auto-déclarés, lors de la première session, « climatosceptiques 


», ce n’était pas un critère de sélection. Une étude menée par des chercheurs de l’École d’économie de Paris permet de comparer les positions des membres de la CCC (lors de la première


session de travail) et celles d’un échantillon représentatif de 1 003 Français . À la question « Dites combien la protection de l’environnement est importante pour vous, sur une échelle de 1


 à 10 », 25 % répondent 10 dans l’échantillon national contre 45 % dans la Convention, une différence sensible. Toutefois, on observe des résultats globalement similaires sur la gravité du


changement climatique : 76 % des membres de la CCC considèrent que ses conséquences seront extrêmement pénibles contre 71 % de la population française, soit un écart qui se tient dans la


marge d’erreur inhérente à un échantillon aussi réduit que celui de la CCC . Par ailleurs, le soutien à certaines mesures est assez similaire dans les deux groupes : 87 % des membres de la


CCC considèrent très ou assez souhaitable de favoriser l’usage de véhicules peu polluants ou partagés, contre 79 % de la population française. Ou encore, 71% des Français affirment qu’ils


voteraient oui à un referendum sur l’interdiction de la publicité des produits polluants, une des mesures phares de la CCC. Intégrer un critère d’attitude face aux enjeux climatiques, à


l’instar de ce qu’ont fait les Britanniques, permettrait toutefois de contourner le biais de sélection. Mais cela poserait un certain nombre de questions méthodologiques et notamment celle


de l’enquête ou du sondage sur lesquels se baser pour sélectionner les candidats. Une autre façon de contourner le biais de sélection introduit par le volontariat serait de rendre


obligatoire la participation à la convention, comme pour les jurés d’assises. Une telle obligation n’existe nulle part à l’étranger et soulève d’autres problèmes : comment conduire une


délibération dynamique et productive avec des personnes qui ne souhaitent pas être là et qui potentiellement contestent le processus lui-même ? Et comment mesurer l’appétence au débat, à la


participation ? Cela ne conduirait-il pas à dénaturer la participation citoyenne que de l’imposer à des gens qui la rejettent ? En outre, il nous semble que cela ne pourrait être mis en


place que si les conventions étaient parfaitement inscrites dans le cadre institutionnel et encadrées par la loi. Cette question du positionnement préalable ou du volontariat est cruciale.


Sur un enjeu comme le réchauffement climatique, la conflictualité n’est pas telle dans notre pays qu’il soit impossible de réunir un panel correctement représentatif sans plus de précautions


 ; les enquêtes de ces douze derniers mois soulignent même la préoccupation croissante des Français à ce sujet. Mais qu’en serait-il d’un sujet plus technique ou beaucoup plus clivant ?


Comment s’assurer que les participants ne soient pas en grande majorité des partisans de tel ou tel camp ou que seules les populations les plus qualifiées se sentent légitimes à traiter un


sujet particulièrement complexe ? Il s’agit ici de s’assurer de la représentativité non seulement géographique et sociologique mais également idéologique du public recruté. Quels


enseignements retenir de ces premiers choix ? Premièrement, il nous semble que le tirage au sort par génération aléatoire de numéros de téléphone est une méthode robuste et plus inclusive en


tout cas que le tirage au sort sur les listes électorales. Deuxièmement, si l’on veut contrôler le biais éventuel lié au volontariat, nous pensons utile d’ajouter aux critères de sélection


un indicateur d’attitude sur le sujet retenu. Troisièmement, si l’on veut mettre les citoyens en situation de produire un consensus normatif susceptible de prendre forme de loi


ultérieurement, il importe qu’ils soient représentatifs de la diversité sociale. Pour cela, les volontaires issus du tirage au sort doivent faire l’objet d’une sélection sur la base de


critères sociodémographiques pertinents sans toutefois les figer dans la loi. 2.2. LA STRUCTURE DES TRAVAUX Il était initialement prévu que la Convention rende ses conclusions au début du


mois de février 2020, soit en quatre mois et cinq sessions. En raison d’abord des grèves de décembre 2019, puis du confinement à partir de la mi-mars, ses travaux se seront finalement étalés


sur neuf mois, auront compté sept sessions de trois jours et de multiples activités entre les sessions. La question n’en restait pas moins délicate : comment permettre à 150 citoyens non


experts d’acquérir les connaissances nécessaires en un temps record pour faire à l’exécutif, quelques mois plus tard, des propositions de « mesures législatives et réglementaires »


susceptibles de réduire « d’au moins 40 % nos émissions de gaz à effet de serre » dans la décennie, et le tout « dans un esprit de justice sociale » ? Cela impliquait un puissant processus


de montée en compétences des citoyens. Il fallait non seulement que chacun assimile les mécanismes de l’effet de serre et les facteurs d’émissions des gaz à effet de serre, mais aussi qu’il


ait en tête l’état des politiques publiques sur la question, les blocages qu’elles peuvent rencontrer, le poids des contributions exigées de chacun (État, entreprises, ménages…), les


implications d’une exigence de justice sociale dans la répartition des efforts, etc. De surcroît, pour formuler des propositions de nature législative ou réglementaire, les membres de la CCC


devaient se familiariser avec les leviers et les contraintes de l’action publique. Un premier travail a donc consisté à proposer un socle d’informations commun , puis une segmentation


générale du sujet en cinq grands thèmes correspondant à la fois aux principales sources d’émissions et à une expérience commune et quotidienne où chacun pourrait faire valoir son capital


d’expériences. À partir de là, deux options étaient envisageables. La première était d’étudier les cinq thématiques les unes après les autres, selon une méthode dite séquentielle, qui avait


eu la faveur des conventions irlandaises. L’ensemble du plenum aurait alors travaillé sur les mêmes sujets et au même rythme : un thème par session avec, à chaque fois, une séquence


d’informations, une séquence de délibération puis une séquence de propositions. C’était l’option la plus égalitaire, celle qui assurait à tous les citoyens de couvrir l’ensemble des sujets.


Elle avait en outre l’avantage de faire vivre les 150 ensemble de bout en bout. Elle achoppait toutefois sur deux difficultés. La première : elle ne laissait pas le temps à des citoyens non


experts d’accumuler suffisamment d’informations pour affronter la complexité des enjeux sur chacun des sujets ; on pouvait même craindre que, l’acquisition des informations étant cumulative,


le premier sujet serait moins bien traité que le deuxième, le deuxième que le troisième, etc. La seconde : comment pouvait-on s’assurer que les décisions prises le premier week-end seraient


cohérentes avec celles du dernier week-end sans que ces dernières soient mécaniquement otages des premières ? Pour surmonter ces difficultés, le comité de gouvernance a fait le choix de


structurer le travail en simultané. Les 150 furent divisés (par tirage au sort) en cinq groupes de travail (« se nourrir », « se loger », « travailler & produire », « consommer » et « se


déplacer ») chacun d’eux étant chargé de se spécialiser sur sa thématique, d’en auditionner les experts et d’en explorer les enjeux avant de formuler des propositions et de les soumettre au


plenum. Cette méthode présentait cependant des inconvénients symétriques de la précédente. Parce qu’elle risquait de scinder la Convention en cinq conventions parallèles , cette division du


travail appelait des contreparties pour faire vivre le groupe des 150 comme un tout. Il fut ainsi décidé qu’à chaque session les groupes de travail partageraient entre eux leurs réflexions


et leurs avancées, qu’ils auditionneraient ensemble un certain nombre de personnalités extérieures et que, au total, entre un tiers et la moitié du temps serait consacré au travail en


plénière. Cela permettait notamment de déceler des incohérences ou des redondances entre les pistes de proposition des différents groupes, mais surtout de préparer la décision finale qui


devait être prise à 150 pour traduire la volonté de la Convention. Ainsi, lors des dernières sessions, les travaux se faisaient essentiellement en plenum pour permettre une appropriation par


tous avant qu’ils se prononcent sur l’ensemble des propositions. Par ailleurs, un sixième groupe réunissant des représentants de chacun des autres groupes devait être chargé de traiter les


questions transversales comme la révision éventuelle de la Constitution ou les questions de financement. Mais il a été rapidement supprimé, à la demande de certains membres qui refusaient


qu’il y ait « plusieurs vitesses » au sein même de l’assemblée. Des volontaires ont finalement élaboré des propositions sur les questions constitutionnelles. Elles ont été travaillées par


tous avant d’être soumises à adoption . Quant au financement des mesures proposées, rappelons au préalable que ce n’était pas un prérequis du mandat écrit initial de la CCC, même si Édouard


Philippe, dans son discours introductif, le 4 octobre 2019, avait insisté sur l’importance de cette dimension. Il nous semblait toutefois que c’était en particulier par les questions de


financement que les citoyens pourraient déterminer l’esprit de justice sociale qu’ils entendaient proposer à l’exécutif : « qui mettre à contribution ? » et « dans quelles proportions ? »


sont en effet des questions cruciales d’équité. Le comité de gouvernance a cependant beaucoup hésité sur la méthode de travail en la matière. Entre expression de préférences, travail à


partir de scénarios élaborés par des experts, groupe de travail dédié, il n’a jamais véritablement trouvé la bonne option. Il nous semble qu’il aurait fallu, sur cette question, procéder en


séquentiel, non en simultané et consacrer un week-end, à l’issue du processus, à ces questions . Notons néanmoins que les citoyens ont, dans leur rapport final, formulé des orientations en


matière financière. En dépit de ses limites, de son exigence procédurale et des risques de fragmentation qu’elle faisait courir à la Convention, la méthode simultanée s’est avérée assez


adaptée à l’étendue du mandat qui lui avait été donné, à l’interdépendance des sujets qu’elle avait à traiter et à la hauteur des compétences qu’il requérait des citoyens. En organisant la


division du travail d’instruction des différents dossiers, elle a également permis aux citoyens d’aller assez loin dans le niveau de détail de leurs propositions. Elle s’est révélée en


revanche peu adaptée à la gestion des questions transversales aux différents groupes. 2.3. LE LIEN AVEC L’EXPERTISE Contrairement à ce que suggère un certain spontanéisme démocratique, la


délibération citoyenne n’est par elle-même porteuse d’aucune vérité révélée. Si elle n’est enrichie par aucun apport extérieur d’informations, elle peut rapidement déboucher sur des


généralités sans grand intérêt, voire tourner au « café du commerce  ». Pour se hisser à la hauteur d’enjeux aussi techniques que ceux du réchauffement climatique, les citoyens doivent


pouvoir aiguiser leur jugement au contact de multiples sources d’information et d’expertise. Mais ces apports extérieurs les exposent dans le même temps à toutes sortes d’influences. C’est


le troisième problème auquel le comité de gouvernance a fait face : proposer aux membres de la Convention une importante palette d’expertises, en veillant à ce qu’ils préservent leur


autonomie. Quoique très large, l’étendue des informations utiles à une délibération éclairée était cependant limitée par quelques bornes. Le mandat de l’exécutif, dont les termes avaient été


communiqués aux citoyens dès leur recrutement, n’appelait pas, par exemple, une discussion sur l’adaptation au changement climatique, mais sur sa limitation, et il pointait les politiques


nationales, et non globales ou européennes. Surtout, il n’interrogeait ni la réalité du phénomène ni ses causes anthropiques, mais les posait comme une donnée de départ. Dès lors, il ne


s’agissait pas de présenter aux citoyens les opinions des climatosceptiques, mais d’abord les principales conclusions du consensus scientifique international. Ce sont ces conclusions que les


membres de la convention se sont appropriées, d’abord en prenant connaissance du « socle d’information », ensuite en auditionnant des experts du climat (climatologues, économistes…). Ces


différentes contributions leur ont également permis de mesurer l’état des politiques climatiques en France et des instruments dont s’est dotée la puissance publique en la matière, des


définitions, des chiffres clés… Beaucoup parlent, encore aujourd’hui, d’une « claque » pour qualifier ce qu’ils ont ressenti en réalisant, lors de cette première étape, la gravité des enjeux


et de la tâche qui était la leur. Outre cette séquence introductive, le comité de gouvernance a souhaité permettre aux citoyens de conserver ce lien avec une expertise scientifique et


factuelle tout au long de leurs travaux. Ainsi, et c’est une autre singularité de la Convention française, un groupe de _ fact-checkers_ _ _ composé d’universitaires bénévoles issus de


plusieurs institutions et venus de différentes spécialités avait pour mission de répondre, le plus rapidement possible, à toutes les questions et demandes de vérification des citoyens . Ils


ont été mobilisés pour vérifier les affirmations lues ici ou là ou celles entendues lors d’une audition. Ils ont, de ce point de vue, constitué une sorte de contre-pouvoir interne face à


l’expertise qui était proposée par ailleurs au sein même de la CCC. Cela était d’autant plus important que les citoyens ont ensuite rencontré ou auditionné près de 130 intervenants issus des


mondes de l’université, de l’entreprise, des ONG, des collectivités territoriales, des syndicats, de l’administration … Ces intervenants étaient sollicités pour partie à la demande des


citoyens, pour partie par le comité de gouvernance pour assurer le pluralisme de l’information. En effet, il s’agissait ici d’enrichir les membres de la Convention par un panorama, non


seulement des connaissances scientifiques disponibles, mais aussi des blocages, des propositions et des initiatives existantes. Ces rencontres ont pris diverses formes : auditions simples


devant le plenum ou en groupe de travail, auditions contradictoires, _ speed dating_ lors de la troisième session …. Enfin, un autre canal d’information venait compléter ce dispositif : une


plateforme de contributions extérieures qui a recueilli plusieurs milliers de contributions de personnes morales ou physiques extérieures à la CCC, contributions qui ont fait l’objet de


synthèses régulières . Forts de ces différents apports, les membres de la CCC ont progressivement élaboré et formalisé leurs propositions. Pour les conseiller dans ce processus, le comité de


gouvernance a mis à leur disposition, à partir du mois de novembre, un « groupe d’appui ». Nommés _ intuitu personae, _ ces quatorze experts ont été choisis pour la diversité et la


complémentarité de leurs profils disciplinaires. Les citoyens, à l’issue de chaque session, pouvaient leur donner mandat pour mettre à l’épreuve leurs idées, chiffrer leurs impacts, procéder


à des comparaisons internationales, etc. Les réponses des experts étaient ensuite soumises aux citoyens, qui décidaient ou non de les prendre en compte. Cette technique du mandat a permis


de cadrer rigoureusement le travail de ce groupe qui agissait à la demande des citoyens et ne devait pas s’en écarter. De manière à éviter l’exposé des convictions personnelles, il leur


était demandé de travailler le plus souvent de façon collégiale et, le cas échéant, d’expliquer leurs divergences. Enfin, la lettre de mission du Premier ministre précisait qu’un « appui


technique et juridique serait mis en place pour assurer la transcription juridique des propositions ». Un « comité légistique » de six juristes a donc été constitué. Il a d’abord aidé les


citoyens à se familiariser avec les grands principes du droit : hiérarchie des normes, contraintes rédactionnelles, élaboration de la loi, institutions compétentes… Ensuite, il a transcrit


le plus fidèlement possible la volonté exprimée par les citoyens dans les termes du droit, là encore de façon collégiale. Ces transcriptions ont été ensuite soumises aux citoyens, qui


avaient la possibilité de rejeter celles qu’ils ne jugeaient pas conformes à leur intention. Dans le rapport final, les transcriptions validées accompagnent le texte initial tel que rédigé


par les citoyens (le lecteur peut ainsi distinguer lui-même la production propre des citoyens, d’une part, et, de l’autre, des transcriptions légistiques jugées fidèles mais qui n’ont pas


été écrites par les citoyens eux-mêmes). L’objectif de ce comité n’était donc pas de transmettre aux citoyens une compétence juridique. Cependant, ces transcriptions permettent aux membres


de la Convention de dialoguer avec le gouvernement aujourd’hui, et demain avec les parlementaires ; ce sont, d’une certaine manière, les garanties du « sans filtre ». L’expertise a donc été


étroitement associée au processus, notamment avec la création du « groupe d’appui ». Les experts ont été mis au service des citoyens, non comme les détenteurs d’une vérité quelconque mais


comme un cabinet de conseillers à l’image des cabinets d’élus ou de responsables politiques. Ainsi, les citoyens, face aux intervenants, au groupe d’appui, au comité légistique ou même au


comité de gouvernance, restaient les décideurs en dernier ressort, et les experts leurs subordonnés. Loin de l’image de personnes peu informées et facilement influençables, les membres de la


Convention ont régulièrement fait valoir leur entière souveraineté, y compris en refusant, voire en congédiant certains points de vue d’experts. La question de la « taxe carbone » est à ce


titre intéressante : trois intervenants extérieurs l’ont successivement présentée comme un outil majeur de la lutte contre le réchauffement climatique, tout en proposant de la réformer pour


la rendre plus juste et pour que ses recettes soient plus directement affectées à la transition écologique. Les membres de la Convention ont refusé d’entrer dans ce débat, estimant que ce


n’était pas à eux de réhabiliter ou de rejeter un instrument qui avait divisé la société quelques mois plus tôt . Cette autonomie face à l’expertise a également permis aux citoyens d’être


parfois plus libres et persévérants que les experts, de ne pas s’interdire a priori, au nom de contraintes législatives ou financières, d’explorer certaines propositions quand les experts


peuvent avoir tendance à s’auto-brider. Au total, la CCC se sera caractérisée par un recours aux experts plus fort et plus intégré que dans la plupart des exemples étrangers. Son mandat


l’imposait pour mettre les citoyens en situation d’exercer un jugement éclairé sur des matières très complexes et assez diversifiées. Le recours aux experts n’était pas une option


facultative pour la CCC, mais une condition de sa réussite. Toutefois, pour ne pas soumettre des citoyens non spécialistes à leur influence directe, il a fallu, non seulement assurer le


pluralisme de ces apports extérieurs, mais structurer méthodiquement la relation aux experts. D’abord, en maintenant une forte hiérarchie entre ces derniers et les citoyens à qui les


procédures donnaient toujours le dernier mot ( _ cf._ le vote d’adoption ou de rejet sur les transcriptions légistiques) et les moyens de rejeter un point de vue ( _ cf._ l’exemple de la


taxe carbone). Ensuite, en faisant vivre la possibilité de recourir à un tiers de vérification ( _ cf._ les _ fact-checkers_ ) et les occasions de confronter différentes lectures d’un


problème ( _ cf._ les vingt-trois auditions contradictoires ). Enfin, en encadrant strictement le travail des experts les plus rapprochés des citoyens grâce aux mandats formulés par les


citoyens eux-mêmes ( _ cf._ le groupe d’appui). 2.4. L’USAGE DU VOTE Le propre des exercices de délibération citoyenne est de privilégier les conditions d’échanges informés, libres et


ouverts, où chacun est susceptible de changer d’avis à la lumière des arguments et des informations reçus. C’est pourquoi les outils d’arbitrage, comme le vote, y sont souvent tenus à


distance. En effet, le vote « crante » les débats : il fait des gagnants et des perdants, antagonise le cas échéant des « blocs » et suscite des stratégies de campagne. Sa pratique régulière


risque d’augmenter la conflictualité des échanges, de réduire la mobilité des opinions et, _ in fine_ , de corrompre l’esprit de la délibération. Néanmoins, le vote présente également des


vertus qui peuvent être très utiles. À bulletin secret, il donne voix aux silencieux, à celles et ceux qui prennent rarement la parole en public. Il ne requiert aucune justification


argumentée et reste aveugle aux motivations des individus. Il contrebalance ainsi le poids de ceux qui parlent « fort » en leur opposant une représentation synthétique de l’assemblée où « 


tout le monde compte et chacun compte pour un », pour reprendre la formule de Bentham. Surtout, le vote permet de décider, d’adopter formellement des positions et de certifier ainsi une


volonté collective ou du moins majoritaire. Pour la CCC, cette information était d’autant plus importante dans la perspective de la promesse du « sans filtre » qu’elle permettait de lester


la proposition de l’adhésion du plenum, et en précisant son niveau. Le dilemme était donc le suivant : comment recourir au vote sans scléroser la délibération ? Pour le surmonter, plusieurs


choix ont été faits : a) ne pas organiser de vote au début des travaux, b) annoncer dès le départ qu’un vote serait organisé à la fin pour valider les propositions et le rapport dans son


ensemble mais en faisant place aux opinions dissidentes, c) structurer une procédure d’amendement pour ne pas uniquement donner le choix entre l’adoption et le rejet. Le comité de


gouvernance a annoncé très tôt qu’un vote serait organisé à la fin du processus pour adopter les propositions de la CCC ainsi que son rapport dans son ensemble. Il a également fait savoir


dans le même temps que ceux qui se trouveraient en minorité lors de ces votes pourraient rédiger des opinions dissidentes (qualifiées d’ « opinions minoritaires »), lesquelles seraient


annexées au rapport . Cette proposition était guidée par le souci de ne pas laisser les minoritaires dans une position de simples « perdants » en reconnaissant la valeur de leurs arguments


et en les faisant connaître au public. Ainsi était-il permis d’espérer que le vote ne déprécierait pas brutalement le principe implicite du processus délibératif. De surcroît, cela


permettait à tous et notamment au législateur de connaître l’ensemble des positions de cette « France en miniature ». Ces deux annonces ont eu plusieurs conséquences pratiques qui se sont


révélées au fur et à mesure du processus. La première fut de sécuriser celles et ceux qui se trouvaient en désaccord avec l’opinion dominante dans les groupes de travail et qui n’avaient pas


toujours l’audace nécessaire pour le manifester . Ils savaient en effet que, le moment venu, ils pourraient prendre leurs distances avec la majorité et faire valoir leurs arguments. D’une


certaine façon, même s’il y eut finalement très peu d’opinions minoritaires annexées au rapport , cette possibilité portait reconnaissance de la valeur des arguments de chacun, quel que fût


son niveau de « popularité ». L’autre conséquence est que, dès la première session, les membres de la CCC savaient qu’à l’issue des travaux et via leur bulletin de vote, ils pourraient faire


le tri dans les propositions et éventuellement en rejeter certaines. Dès lors, il leur paraissait moins nécessaire de les hiérarchiser en amont de ce vote. Ainsi, lors de la troisième


session, le comité de gouvernance a proposé aux membres des différents groupes de travail de prioriser leurs propositions, par un vote par notation. Il s’agissait de pouvoir dégager celles


qui devaient être approfondies en priorité pour leur allouer davantage de temps. Cette procédure n’a pas produit les résultats escomptés, certains jugeant qu’il était trop tôt pour en


décider, d’autres refusant tout simplement d’y participer estimant que toutes les pistes devaient être conservées, d’autres contournant le problème en regroupant les propositions dans des


catégories tellement larges qu’elles permettaient d’en inclure la quasi-totalité ! Les membres de la CCC ont en fait refusé d’entrer dans cette logique d’entonnoir. Dès lors, entre ce refus


et un vote organisé en toute fin de processus, ils pouvaient différer la nécessité de hiérarchiser entre les pistes de travail et relâcher un peu les efforts pour trouver un consensus dans


le cours de la discussion. Ils pouvaient ainsi se consacrer plus librement à l’exploration d’un grand nombre de propositions. Néanmoins, ces propositions élaborées au sein des groupes de


travail devaient être discutées avant d’être soumises au vote du plenum. Évidemment, des temps de débats étaient prévus mais ils n’auraient pas permis de prendre en compte les diverses


positions et d’enrichir encore les propositions si une procédure d’amendement n’avait été annoncée. Ainsi, après la sixième session, cette procédure a permis aux uns et aux autres de


proposer des modifications, des modalités alternatives ou d’ajouter des éléments (par exemple, de nombreux amendements visaient à préciser l’application des propositions dans les territoires


ultramarins). Sous réserve d’être jugées recevables et d’être soutenues par au moins vingt membres , ces propositions d’amendements étaient ensuite soumises au vote de l’ensemble des


membres de la CCC. Mais, là encore, pour que le vote ne se résume pas à l’opposition de camps, des procédures de conciliation ont été mises en place en amont du scrutin pour permettre au


groupe de travail porteur de la proposition et aux citoyens souhaitant la modifier de trouver un terrain d’entente avant le vote sur le fond, ou pour permettre aux porteurs d’amendements


contradictoires de rechercher une solution commune. Sur 57 amendements jugés recevables, 53 ont été adoptés par le plenum. L’ensemble de ces choix a permis de ne pas scléroser la


délibération et a, au contraire, contribué à la richesse et à la diversité du rapport final de la CCC. Inversement, ils expliquent pour partie pourquoi les membres de la CCC n’ont été que


peu sélectifs. Les résultats font clairement ressortir un très fort consensus sur les propositions soumises au plenum : 147 propositions sur 150 ont été adoptées avec des taux d’approbation


entre 85 % et 100 % ; 2 ont été adoptées à moins de 60 % (59,7 % pour la réduction de la vitesse sur les autoroutes et 58 % pour la modification du préambule de la Constitution) ; une seule


a été rejetée (la semaine de 28 heures). Certains commentateurs en ont déduit que les membres de la Convention étaient « manipulés » ou uniformément « militants », voire les deux. C’est


méconnaître la dynamique, non seulement de la délibération, mais aussi du plenum. Et c’est ignorer les diverses significations possibles du « oui ». Le fort niveau d’accord atteint dans le


vote final résulte d’abord de la délibération et du consensus qu’elle a produit. Il aurait été surprenant que les citoyens adoptent du bout des lèvres, voire qu’ils rejettent leurs propres


propositions, issues d’un long travail d’ajustement entre eux et amendées selon leurs souhaits. Il faut rappeler ici que, contrairement aux assemblées parlementaires, la Convention n’était


pas structurée d’emblée en groupes rivaux, que ses membres n’y étaient pas assignés à des collectifs partisans dont les rapports de force se reflètent en général dans le résultat des votes.


Le « oui » des citoyens signifie d’abord « oui, nous sommes d’accord avec nous-mêmes » (et peut-être même pour certains « nous ne voulons pas remettre en cause la Convention et son travail 


»). Deux autres facteurs ont pu jouer dans le sens d’une moindre sélectivité et d’un fort consensus final. Le premier : certains citoyens pouvaient se sentir légitimes à exprimer un avis, à


faire des propositions mais pas nécessairement à trancher de façon assurée et définitive. Leur « oui » pouvait alors signifier « oui, nous voulons que le Parlement _ examine_ cette


proposition », et pas « oui, nous voulons que le Parlement _ adopte_ cette proposition ». D’une certaine façon, cette attitude était cohérente avec la promesse du « sans filtre »,


c’est-à-dire d’une transmission et non d’une adoption a priori (de toute façon, l’exécutif n’est pas le législatif !). Rien n’empêchait alors de transmettre un large éventail de propositions


et de laisser au législateur le soin de trier. Second facteur : le refus de la sélectivité a pu résulter pour partie de la structuration du travail en simultané (voir plus haut) et de la


spécialisation des groupes de travail. En effet, lors du vote, malgré les efforts des animateurs pour permettre la mise en commun des propositions, elles sont restées identifiées à des


groupes. Ainsi, l’approbation des citoyens non-membres du groupe de travail peut aussi s’interpréter comme une manifestation de confiance à l’égard du groupe qui a travaillé pendant


plusieurs mois sur une mesure. Le « oui » peut alors signifier « oui, nous nous en remettons à celles et ceux d’entre nous qui se sont spécialisés sur cette question ». Seule la proposition


sur la réduction du temps de travail a suscité un large débat au sein de la Convention lors de cette session finale avant d’être rejetée par le plenum : différentes visions de la société s’y


sont affrontées avec une grande qualité d’argumentation. Il est également arrivé que le vote soit utilisé pour résoudre des problèmes liés à des circonstances exceptionnelles


(réorganisation de l’agenda, expression de préférences sur des dates, etc.) ou pour valider des choix collectifs imprévus. Il en fut ainsi lorsqu’en avril 2020, au milieu du confinement, la


CCC se réunit de façon dématérialisée pour discuter d’une contribution collective à la stratégie de relance du gouvernement. Certains craignaient en effet que l’accélération du calendrier


des décisions politiques ne permette pas à l’exécutif de tenir compte des propositions de la CCC, lesquelles, en raison des circonstances, n’avaient pas encore pu être adoptées formellement.


Or les mêmes pensaient que certaines de ses propositions combinaient des bénéfices écologiques, économiques et sanitaires particulièrement précieux dans ce contexte. La rencontre


dématérialisée des 3 et 4 avril fut donc consacrée à plusieurs questions : fallait-il que la CCC intervienne dans ce débat ? Si oui, fallait-il qu’elle le fasse en communiquant certaines de


ses propositions encore non adoptées au gouvernement ou bien via une prise de parole plus générale ? Enfin, dans le cas où elle souhaitait communiquer certaines de ses propositions,


lesquelles fallait-il mettre en avant, sous quelle forme, et fallait-il les rendre publiques ? Les différents scrutins qui ont été organisés l’ont finalement conduite à communiquer certaines


de ses propositions à l’exécutif sans toutefois les rendre publiques, et à publier un texte plus général sur la place des politiques climatiques dans le contexte de crise qui s’ouvrait .


Cet épisode a été source de frictions entre les membres de la Convention et le comité de gouvernance, d’une part, et entre les membres de la Convention eux-mêmes, de l’autre. Les prises de


parole visant à s’opposer à une partie des scrutins ou encore à la forme des choix proposés (fallait-il communiquer un résumé des propositions ou bien les décrire dans le détail ?) ont été


assez nombreuses. Mais, au total, les majorités qui se sont dégagées des urnes ont été nettes et sans ambiguïté (à l’exception du vote sur la publicité des propositions ). Ce faisant, le


scrutin manifestait opportunément l’écart entre une minorité parfois très vocale et une majorité plus discrète, en dépit des nombreux efforts déployés par les animateurs pour faire circuler


la parole le plus largement possible. 3. LES GRANDS PRINCIPES DES CONVENTIONS CITOYENNES La Convention citoyenne pour le climat s’est appuyée, on l’a vu, sur de nombreux choix de procédures


qui ont été déterminants pour l’issue de ses travaux. Par ailleurs, l’engagement du commanditaire – dont l’avenir dira à quel point il aura été assumé ou non – incline à penser que cet


exercice peut avoir des conséquences politiques sur les choix ultérieurs du Gouvernement et du législateur : au moment où nous écrivons ces lignes, plusieurs propositions de la CCC ont déjà


donné lieu à de nombreuses décisions politiques ou annonces publiques , et un projet de loi est en préparation. Pourtant, il n’existe à ce jour aucun cadre juridique clair auquel se référer


en cas de contestation du processus . Cette situation de relative anomie, qui peut se comprendre au stade d’une première expérimentation, expose les conventions futures à toutes sortes de


distorsions, voire d’instrumentalisations. Le risque que leur légitimité ait à en souffrir est donc réel. Ce qui pouvait être tolérable dans le cadre d’une première expérience de cette


envergure le sera beaucoup moins la deuxième fois et plus du tout la troisième. Dans quel cadre normatif faut-il inscrire ces exercices ? Cette question ne se résume pas à celle de leur « 


institutionnalisation » : le fait de savoir si elles doivent être confiées au CESE ou à une autre institution est secondaire. La question principale est de savoir quelles règles minimales


elles doivent respecter pour se tenir valablement, quel qu’en soit le cadre. Il ne s’agit pas de codifier leur méthodologie. Celle-ci doit rester souple et adaptable. Les problèmes qu’a dû


surmonter la CCC se poseront dans d’autres termes dans le cadre d’un autre mandat. Il s’agit de dégager les grands principes qui doivent encadrer les prochaines conventions et trouver place


dans la loi. Nous en voyons cinq. LE COMMANDITAIRE : on a vu que le statut et l’engagement du commanditaire sont clés dans la mobilisation des citoyens car ils conditionnent à leurs yeux


comme à ceux du public l’utilité et le sérieux de l’exercice. Pour cette raison, il est essentiel que le commanditaire soit identifié à l’incarnation de l’intérêt général et qu’il prenne un


engagement vérifiable et réaliste sur ce qui sera fait des propositions issues de la convention. Dans cet esprit, les commanditaires potentiels sont l’exécutif, le Parlement ou les


responsables d’exécutifs locaux concernant des exercices eux-mêmes locaux : présidents de régions, de départements ou maires ; d’une manière générale, ceux qui ont la compétence pour mettre


en œuvre les propositions qui peuvent sortir de la convention. De ce qui précède, il résulte que le CESE, qui est une assemblée consultative placée auprès des pouvoirs publics, qui n’exprime


pas la volonté générale et qui n’a aucun pouvoir normatif propre, ne pourrait pas être à l’initiative des prochaines Conventions mais seulement agir dans le cadre d’une saisine du


gouvernement, du parlement ou, le cas échéant, de collectivités locales (à moins d’une initiative citoyenne ). LA REPRÉSENTATIVITÉ : la loi devrait imposer a minima un principe de


représentativité du public auquel peut se conjuguer un exercice de tirage au sort, comme dans le cas de la CCC. La légitimité des propositions dépend en effet étroitement de cette


représentativité. Trop d’exercices de démocratie participative souffrent de mobiliser essentiellement les citoyens déjà les plus mobilisés par la chose publique ou les plus attentifs aux


démarches de participation, c’est-à-dire une fraction de la société qui sait déjà se faire entendre et faire valoir ses préférences et ses intérêts. Selon nous, cette représentativité doit


être à la fois sociologique et géographique et s’appuyer sur des critères qui a minima doivent comporter le sexe, l’âge, le niveau de qualification et le territoire de résidence. Il serait


utile qu’elle tienne compte également de l’attitude par rapport au sujet traité. Faute de pouvoir s’appuyer sur une obligation de participation, ce critère permettrait de contrôler le biais


lié au volontariat, même en cas de tirage au sort. Cette exigence de représentativité ne peut être pleinement effective qu’à la condition de donner à chacun les moyens matériels de


participer. Cela suppose non seulement de prendre en charge les frais d’hébergement et de déplacement mais aussi de prévoir des indemnités, des compensations pour pertes de salaire et


éventuellement des remboursements de garde d’enfant comme cela était prévu dans la CCC. L’IMPARTIALITÉ ET L’INDÉPENDANCE DES ORGANISATEURS : par organisateur, on entend l’instance de


gouvernance de la convention (comité de gouvernance ou comité de pilotage) qui a la charge de l’organisation des travaux et des principaux choix méthodologiques. Nous avons vu que, dans la


convention française, les choix méthodologiques du comité de gouvernance ont pu être déterminants. Il se doit donc d’être impartial par rapport au fond du sujet et de le rester tant dans le


cadre formel qu’informel de la convention. Il est toutefois illusoire d’exiger de chacun des membres de la gouvernance la neutralité axiologique qui peut être attendue d’un juge, surtout


qu’il est utile d’y embarquer des personnes disposant d’une expérience et d’une expertise avérées sur les sujets discutés au sein de la convention, comme c’était le cas avec la CCC. En


l’absence des garanties statutaires dont on entoure les membres d’une juridiction, la distance aux parties s’obtient ici plus aisément par le pluralisme du tour de table. Dans le cas du


comité de gouvernance de la CCC, c’est ce pluralisme qui assurait qu’aucune partie ne puisse se trouver en situation d’hégémonie. L’organisateur doit également être indépendant du


commanditaire. Une fois le mandat passé, il doit disposer d’une autonomie de décision dans l’accomplissement de sa mission, c’est-à-dire pouvoir se déterminer en fonction de l’intérêt de la


Convention et non des préférences du commanditaire. Ainsi, le commanditaire ne peut être l’organisateur et ne devrait pas même pouvoir nommer les membres du comité de gouvernance. A minima,


il devrait partager ce pouvoir de nomination avec d’autres institutions, oppositions politiques ou alors être désigné par une commission inépendante. Dans le cas des conventions organisées à


l’avenir par le CESE, le principe d’impartialité soulève quelques difficultés. Le CESE plaidera certainement que la pluralité règne déjà en son sein, du fait de la grande diversité des


organisations qui y sont représentées (83 au total). Celles-ci pèsent toutefois d’un poids politique très variable dans cette enceinte et ses instances. Il n’est donc nullement garanti que


la domination des organisations les plus fortes ne rejaillisse pas sur les choix d’une gouvernance à l’image des équilibres internes de cette assemblée. En conséquence, il nous semblerait


prudent de s’assurer qu’au moins 50 % des sièges au comité de gouvernance soient occupés par des personnalités extérieures au CESE et que la présidence en soit elle-même confiée à une


personnalité extérieure ou partagée avec elle en cas de coprésidence. Cette précaution permettrait du même coup d’aborder plus sereinement des sujets qui intéressent au premier chef les


organisations représentées au CESE, et singulièrement les partenaires sociaux : le travail, les revenus, la protection sociale, etc. Autant d’enjeux sur lesquels il n’est pas douteux que les


citoyens de ce pays auraient beaucoup à dire. Il est utile de préciser ici à propos de l’impartialité qu’elle doit être à la fois objective et subjective. Autrement dit, l’impartialité ne


peut reposer sur le seul critère de la bonne foi : il faut aussi tout mettre en œuvre pour qu’elle ne donne aucune prise au doute public. Pour cela, il importe que la gouvernance de la


convention soit en permanence sous le contrôle d’un collège de garants qui soient les gardiens des principes proposés ici et qui servent de recours aux membres de la convention ou à


l’extérieur en cas de contestation. Pour garantir leur indépendance, il importe qu’ils ne soient nommés ni par le commanditaire ni par l’organisateur. Nous suggérons qu’ils le soient par


trois juridictions entourées de nombreuses garanties d’indépendance statutaires : la Cour de cassation et le Conseil d’État, la Cour des comptes ou le Conseil constitutionnel. L’ACCÈS À


L’INFORMATION ET SON PLURALISME : les participants doivent bénéficier d’informations précises, fiables et, sinon neutres, du moins suffisamment plurielles et diversifiées pour nourrir un


jugement libre et éclairé. Cela suppose une mobilisation de l’expertise tant des scientifiques que des acteurs du secteur concerné (ONG, entreprises, pouvoirs publics…) et un souci permanent


d’équilibre des interventions extérieures. Il nous semble indispensable que les citoyens puissent se reposer, pour cela, sur un réseau d’experts qui les accompagnent tout au long de leurs


travaux soit pour vérifier les informations qu’ils reçoivent soit pour les aider à chiffrer, comparer leurs propositions, appréhender leur impact, etc. Ce serait donc une erreur d’opposer


citoyens et experts. Un des enseignements qu’il nous faut tirer de la Convention française est au contraire que a) les apports d’expertise sont une condition de réussite de l’exercice, b) il


faut régler finement les relations entre experts et citoyens, c) à ces conditions, la confiance peut être établie et la montée en compétence des citoyens sensiblement accélérée. Par


ailleurs, cette expertise doit pouvoir être spontanée et provenir de personnes morales ou physiques non sollicitées par l’organisateur et/ou les citoyens. Ainsi, l’ouverture de plateformes


de contributions externes peut répondre à ce souci d’une information plurielle tout en contribuant à l’inclusion d’un public plus large. Enfin, dans l’hypothèse où le CESE serait demain


l’opérateur des conventions citoyennes, le principe de pluralisme de l’information commanderait naturellement que la production du CESE (notamment ses avis antérieurs sur le sujet et ceux


qui les ont portés) ne soit pas surreprésentée dans la base d’informations communiquées aux conventionnels. Cette production est déjà le reflet d’un compromis entre les représentants de


plusieurs organisations siégeant au sein de cette institution, elle ne traduit pas des positions tranchées, voire opposées, qui permettraient par leur pluralité de bien comprendre les enjeux


et d’en mesurer les impacts. Par ailleurs, ce compromis ne lui confère pas une neutralité telle qu’elle pourrait être jugée impartiale. Prétendre le contraire reviendrait à biaiser


considérablement l’exercice délibératif. LA TRANSPARENCE : il s’agit ici de répondre à deux enjeux, le contrôle des principes énumérés plus haut par le regard public et l’appropriation des


débats de la convention par le grand public. Le premier suppose de mettre à disposition du public toute l’information reçue par les membres de la convention (documents communiqués,


auditions, liste des experts…) et de donner accès à l’ensemble du dispositif aux observateurs et aux chercheurs spécialistes des questions de participation citoyenne. Le second, une


importante couverture médiatique des conventions et une transparence sur les citoyens eux-mêmes. Sur leur parcours, leur situation sociale et territoriale, mais également sur leurs débats


pour que l’ensemble de la population puisse se saisir des enjeux, y réfléchir et se forger sa propre opinion. Cette transparence rencontre toutefois deux limites. La première concerne la


protection de la vie privée des conventionnels, c’est-à-dire de femmes et d’hommes qui sont dans une situation de représentation temporaire sans y avoir été candidats et qui ne sont pas


rompus aux codes et contraintes de la vie publique. Ainsi, dans le cadre de la CCC, l’état civil des membres de la Convention n’était pas communiqué publiquement par les organisateurs , et


certains citoyens ont explicitement demandé à ne pas être filmés, pris en photo ou ont souhaité que leur patronyme n’apparaisse pas dans le rapport final. Il s’agissait également de les


protéger vis-à-vis des lobbys dont nous craignions les interférences. Pourtant, les lobbys traditionnels, représentants d’entreprises ou de certains secteurs économiques, se sont tenus assez


éloignés des citoyens, par méconnaissance du processus, par sous-estimation de son importance ou peut-être simplement parce qu’ils ne savaient pas exactement comment aborder les citoyens ;


contrairement à certaines ONG, qui sont entrées en contact avec eux de façon régulière et sans beaucoup de scrupules déontologiques. La seconde concerne la sérénité des débats. Quelques


séquences de travail ont été fermées au public et à la presse afin d’assurer une prise de parole plus libre, notamment des citoyens les plus réservés, et de leur permettre d’échanger entre


eux dans les moments les plus décisifs sans craindre le jugement immédiat de la presse. Dans la même logique, les votes ont été organisés à bulletin secret afin de garantir l’expression de


tous. Au total, la transparence doit demeurer la règle, mais peut être tempérée à la lumière de ces deux considérations : la protection de la vie privée d’individus qui ne se sont pas


destinés à la vie publique, d’une part, et la protection de la sérénité des débats, de l’autre. *** Que retenir _ in fine_ de l’expérience de la CCC pour les conventions futures ? Au fil des


développements qui précèdent, nous avons identifié sept enseignements. LE MANDAT : l’expérience de la CCC a montré qu’il pouvait être demandé beaucoup aux citoyens. Ils sont capables,


moyennant des procédures et une méthodologie dont on a vu qu’elles peuvent être complexes, de répondre à une question largement ouverte et d’approcher une forme légistique assez aboutie.


Rien ne suggère donc qu’il faille cantonner l’exercice à des questions plus binaires, à la seule expression de visions générales ou à des enjeux réputés plus « simples », comme on l’entend


encore trop souvent. LA GOUVERNANCE : l’expérience de la CCC a montré, selon nous, qu’il est souhaitable de doter les conventions citoyennes d’une gouvernance propre, structurée, plurielle


dans sa composition et autonome dans ses décisions. L’ingénierie démocratique de ce type de modèle n’a rien de naturel, et il n’est pas prudent de l’abandonner aux habitudes d’animation ou


aux préférences d’une présidence isolée, comme on l’a vu dans plusieurs expériences étrangères. Il est sain par ailleurs de faire des séparations claires d’une part entre la gouvernance et


l’animation des débats, et d’autre part entre la gouvernance et le commanditaire (politique). LA COMPOSITION DE L’ASSEMBLÉE : la combinaison du tirage au sort (parmi des numéros de téléphone


sélectionnés de façon aléatoire) et d’un recrutement sur critères sociodémographiques de représentativité permet de conjuguer les avantages de ces deux méthodes. D’une part, la possibilité


donnée à n’importe qui de participer, de l’autre, l’assurance que le plenum représente correctement la diversité sociale et, du même coup, qu’il est armé d’une charge d’expériences, de


points de vue et d’intérêts suffisamment variés. Dans ces critères de sélection, il nous semble important d’inclure le positionnement préalable des citoyens par rapport à la question posée.


STRUCTURE DES TRAVAUX : une convention citoyenne confrontée à un mandat aussi large et ouvert que celui de la CCC soulève immédiatement la difficulté de la montée en compétence de ses


membres. Entre une méthode séquentielle permettant de tirer tout le monde en même temps vers le haut et une méthode simultanée permettant à des groupes de citoyens de se spécialiser sur une


partie des enjeux, la seconde nous apparaît préférable, moyennant les précautions qui ont été exposées afin de ne pas fragmenter l’assemblée en autant de sous-groupes séparés. L’EXPERTISE :


un fort apport d’expertise extérieure fait toujours courir un risque d’emprise des experts sur les citoyens. Sa nécessité ne fait pourtant pas débat à nos yeux, il vaut mieux courir ce


risque que celui de citoyens sous-informés dont les conclusions tendent alors à une énumération de généralités sans grand intérêt. Les relations entre citoyens et experts ainsi que les


différentes positions d’expertise doivent cependant être soigneusement structurées pour contrôler ce risque d’emprise et assurer que ce sont bien les citoyens qui parlent et qui ont le


dernier mot. Nous avons exposé certaines des précautions procédurales mises en place à cet effet dans le cadre de la CCC. LE VOTE : la pratique du vote est, à certains égards, orthogonale à


la recherche d’un consensus largement inclusif. En outre, elle borne l’exercice d’une délibération libre et ouverte et risque d’en corrompre l’esprit en fabriquant des « blocs »


antagonistes… Néanmoins, parce qu’il est individuel, secret et silencieux sur les motivations de l’électeur, le vote permet de donner la parole aux plus réservés. En outre, il permet de


décider et de certifier la volonté collective du groupe. Pour ces différentes raisons, il ne doit pas être écarté du travail des conventionnels ; il pourrait même être utilisé plus tôt et


plus souvent que cela n’a été le cas dans la CCC. Notamment si son usage s’accompagne – ce qui est souhaitable – de procédures permettant de ne pas réduire les minorités au silence. LES


PRINCIPES : nous croyons enfin qu’un cadre légal est désormais nécessaire pour énoncer les principes généraux qui doivent régir les conventions citoyennes. Qu’une première expérience


d’envergure se soit déroulée en dehors de tout cadre légal de cette nature est inhérent à son caractère d’innovation. Mais qu’une deuxième, une troisième ou une quatrième expérience se


déroulent dans la même anomie risque de soulever de grandes difficultés. Notre conviction est que la sécurisation des prochaines conventions citoyennes passe beaucoup moins par leur


inscription dans telle ou telle institution existante que par l’instauration de quelques grands principes directeurs qui, une fois inscrits dans la loi, seront opposables au commanditaire


comme aux organisateurs futurs : statut et engagement du commanditaire, représentativité des citoyens tirés au sort, impartialité et indépendance des organisateurs, accès à l’information et


pluralisme de celle-ci, transparence du processus. Chacun de ces principes peut soulever de nombreuses discussions mais, parce qu’ils donneront une base légale à d’éventuelles contestations,


ils endigueront de possibles dérives ou dévoiements. Toutes ces préconisations n’ont de sens que si l’on veut donner sa pleine puissance à ce nouvel exercice et si l’on est convaincu que,


loin de déstabiliser la démocratie représentative, il en est un enrichissement. Cette opinion est aujourd’hui très loin de faire l’unanimité. Des commentateurs ont ainsi assimilé la


Convention citoyenne pour le climat à une forme de démocratie directe placée aux antipodes de la démocratie représentative. On a même pu la décrire comme la « mise en scène d’une espèce de


destitution des corps élus au suffrage universel au profit de 150 individus tirés au sort  ». Nous voudrions, pour finir, répondre sur ce point. Les conventions citoyennes n’ont rien à voir


avec la démocratie directe : ici, ce n’est pas le peuple dans son entier qui est directement appelé à dire la loi, comme à l’occasion d’une consultation référendaire, mais simplement un


échantillon de citoyens qui sont invités à délibérer et à proposer. Les conventions citoyennes relèvent plutôt en ce sens d’une démocratie représentative d’un nouveau type, complémentaire à


nos yeux du système électoral-représentatif. Certes, les conventionnels ne sont pas élus, mais ils représentent d’une certaine façon leurs concitoyens. D’une part, parce que leur assemblée


est représentative au sens descriptif du terme, elle leur _ ressemble_ . D’autre part, parce qu’on leur confie temporairement une fonction de nature normative, il leur est en effet demandé


de préfigurer, après en avoir délibéré, les normes, les dispositifs et les moyens susceptibles de structurer une politique publique. Cette fonction les rapproche assurément des


parlementaires. Mais proximité ne signifie pas rivalité, encore moins antagonisme. Ce sont en effet les représentants élus qui ont seuls le dernier mot pour discuter et voter la loi,


conformément à la lettre de la Constitution. C’est d’ailleurs le sens de l’une des conclusions de la CCC. Lors de la dernière session, ses membres devaient se prononcer sur l’opportunité de


demander ou non l’organisation d’un (ou plusieurs) referendum(s) sur leurs propositions. À cette occasion, trois arguments complémentaires se sont fait entendre contre le référendum : 1) la


crainte d’un vote de type plébiscitaire, 2) la crainte que la campagne référendaire ne permette pas aux Français, sur le fond comme sur la forme, de s’informer suffisamment (en tout cas pas


autant que les conventionnels) pour faire un choix éclairé, 3) la volonté de transmettre l’immense majorité de leurs propositions au Parlement afin que les parlementaires « prennent leurs


responsabilités » et affrontent les éventuelles oppositions. Le plenum a finalement considéré que le peuple français ne devait être consulté directement que sur 3 propositions sur 149 : les


deux propositions de révision de la Constitution et celle demandant d’inscrire le crime d’écocide dans le droit français. Pour le reste, il s’en est remis au législateur.


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