Un « second génocide » au rwanda : retour sur un débat complexe

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Il faut être reconnaissant à la spécialiste du génocide au Rwanda Claudine Vidal pour avoir proposé un échange serein sur un thème aussi grave que le génocide qu’aurait commis le Front


patriotique rwandais (FPR) contre les Hutus. En réalité, Claudine Vidal ne s’exprime pas tant sur le contenu du livre de Judi Rever, mais sur ses objectifs, sa finalité. Elle trouve que


l’articulation entre enquêtes et preuves à finalité judiciaire, dans ce livre comme dans d’autres publications, pose problème : il s’agit, dit-elle, d’un « réquisitoire au sens juridique du


terme : la description des massacres est conduite de façon à établir la qualification de génocide. » Avant de revenir sur cette question méthodologique, voyons comment Claudine Vidal aborde


le contenu du livre. Elle n’exprime nulle part son désaccord sur les faits. Elle dit même que ceux-ci étaient connus dans leurs grandes lignes et que le livre n’apporte donc pas de


révélations, mais recueille de nouveaux éléments. Elle ne dit pas non plus que le livre ne montre pas que le FPR aurait commis un génocide contre les Hutus, même si elle utilise le terme « 


massacres » lorsqu’il s’agit des crimes dont les Hutus ont été victimes. Enfin, elle ne conteste pas que les crimes du FPR sont restés impunis. DES NOUVELLES DONNÉES FONDAMENTALES Je pense,


cependant, que Claudine Vidal sous-estime l’importance des nouvelles données fournies par Judi Rever. Basées sur de nombreux entretiens avec des anciens – y compris des repentis – du FPR, de


deux rapports jusqu’ici restés secrets du bureau « Enquêtes spéciales » du Tribunal pénal international sur le Rwanda (TPIR) et d’un nombre important de témoignages assermentés recueillis


par le bureau du procureur du TPIR, ces nouvelles données constituent un saut qualitatif et quantitatif de notre connaissance des crimes commis par le FPR. Surtout, ces données permettent


d’avancer la qualification de génocide, alors que la plupart des spécialistes du Rwanda, y compris moi-même, avaient jusqu’à présent rejeté la thèse du double génocide. Or des dizaines de


récits très concrets de massacres montrent l’intention de détruire les Hutu, comme tels, ce qui correspond à la définition de la Convention sur le génocide. Un indicateur très fort de cette


intention est la séparation de Hutus et de Tutsis, souvent avec l’aide de civils tutsis, après quoi les Hutus sont tués et les Tutsis épargnés. VÉRITÉ JURIDIQUE ET VÉRITÉ HISTORIQUE Claudine


Vidal estime, toutefois, qu’il n’est « pas nécessaire d’affirmer l’existence d’un génocide pour justifier des enquêtes sur des massacres (de Hutus). » Il lui suffit « de considérer que les


leaders du FPR ont effectivement mené une politique de terreur fondée sur des massacres de Rwandais hutus. » Cela est sans doute vrai, et les responsables du FPR auraient pu être poursuivis


pour crimes de guerre ou pour crimes contre l’humanité, deux qualifications que le TPIR avait dans son mandat. Le problème est que ces poursuites n’ont pas eu lieu pour des raisons bien


connues, et que le FPR a donc bénéficié de l’impunité la plus totale. Que ceux frustrés par cette injustice veuillent « susciter le scandale », comme le dit Claudine Vidal, n’est donc pas


étonnant. De toute façon, aucune juridiction n’est aujourd’hui compétente pour juger les suspects du FPR, dont les crimes resteront très probablement impunis malgré leur caractère


imprescriptible. Dès lors, si la vérité judiciaire ne sera pas établie, la vérité historique peut et doit être recherchée, et le livre de Rever contribue à cette quête. LE DROIT ET LE DEVOIR


DES CHERCHEURS Claudine Vidal a également raison de dire, en conclusion, que les sciences sociales ne sont pas limitées par les contraintes d’enquêtes judiciaires qui visent la poursuite et


la condamnation dans le contexte bien déterminé du droit et de la justice. Cependant, les sciences sociales, elles aussi, sont tenues d’utiliser les termes exacts pour décrire les


phénomènes qu’elles observent (un meurtre prémédité est un assassinat ; un homicide peut être involontaire). En 1994, tant Claudine Vidal que moi-même, ainsi que de nombreux autres, avons


qualifié de génocide les crimes dont les Tutsis venaient d’être victimes, et cela avant la première enquête judiciaire, et a fortiori des poursuites et des condamnations judiciaires. C’était


notre droit et notre devoir. Pourquoi Judi Rever n’aurait-t-elle pas aujourd’hui ce même droit et ce même devoir ? Je termine sur la question posée par Claudine Vidal dans le titre de sa


contribution. Je ne vois pas d’indication que Rever aurait voulu « à tout prix » rechercher un deuxième génocide. Voyant sa démarche, qui s’étale sur une vingtaine d’années, j’ai plutôt


l’impression que la possibilité que le FPR ait commis un génocide est venue se préciser, pour enfin être confirmée. Des éléments contingents, et surtout l’accès à de nombreux documents


confidentiels du TPIR, ont contribué à autoriser ce constat. Mais rien n’indique que Rever est partie de l’hypothèse d’un génocide et que toute sa recherche ait été orientée dans le sens de


prouver cette hypothèse.


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