S’adapter ou se transformer : quelle résilience souhaitons-nous ?
S’adapter ou se transformer : quelle résilience souhaitons-nous ?"
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Raphaël Mathevet a reçu, en tant que chercheur fonctionnaire CNRS, des financements de l’Union européenne, de l’État, de la Fondation MAVA, Fondation de France et Fondation F. Sommer.
Francois Bousquet a reçu des financements de l’État français en tant que chercheur CDI (salaire, moyens de fonctionnement, financements de recherche).
Olivier Barreteau est chercheur fonctionnaire du ministère de l’Agriculture en poste à INRAE. Il a reçu des financements publics pour la conduite de ses recherches (Agence nationale de la
recherche, Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse).
Depuis plusieurs semaines, le terme de « résilience » revient dans de nombreux discours politiques. Dans un tel contexte, un regard sur les productions scientifiques consacrées à ce sujet
peut contribuer au débat sur notre futur développement.
En France, ce concept a été popularisé en psychologie par Boris Cyrulnik, qui l’a défini comme la capacité à « reprendre un nouveau développement après une agonie psychique ». Cette notion
est aussi utilisée depuis le début des années 1970 à la suite des travaux de l’écologue C.S. Holling dans l’étude des interactions entre les sociétés et leur environnement.
La théorie de la résilience est fondée sur la complexité du monde, qui nous oblige à vivre des situations d’incertitude. Appliquée à un système socioécologique, elle désigne sa capacité à
absorber les perturbations d’origine naturelle (un feu, une sécheresse, une maladie, etc.) ou humaine (une coupe forestière, la création d’un marché, une politique agricole, etc.) et à se
réorganiser de façon à maintenir ses fonctions et sa structure.
En d’autres termes, c’est sa capacité à changer tout en gardant son identité.
Selon cette théorie, les moments de crise sont l’occasion d’une réorganisation qui nous permet de choisir de nouvelles trajectoires pour ensuite accompagner le processus de résilience. Ces
trajectoires résultent de stratégies qui trancheront entre deux types de changement : l’adaptation et la transformation.
L’adaptation désigne une réaction à un stress ou à une perturbation (on s’adapte à quelque chose), qui ne remet pas en cause l’essentiel des valeurs fondamentales du système, lequel conserve
ses grandes caractéristiques. La transformation découle du constat que le fonctionnement du système n’est plus tenable, que ce soit pour des raisons socio-économiques ou écologiques, et
qu’il faut en changer.
Dans le contexte de la crise actuelle, doit-on s’adapter aux nouvelles conditions ou penser la transformation ?
Les travaux sur la résilience s’attardent sur une analyse systémique pour comprendre la trajectoire et la position du système et étudier les réponses possibles aux perturbations. La
résilience s’intéresse aux processus qui rendent le système plus robuste aux multiples perturbations.
De leurs côtés les travaux sur la vulnérabilité portent davantage sur l’analyse des relations entre une perturbation donnée et un objet particulier et essaient d’évaluer la réponse de cet
objet, ses fragilités.
La vulnérabilité apparaît souvent comme l’équivalent de la « résilience spécifique » d’un objet (la résilience de certaines parties du système face à un ou plusieurs types de perturbations),
en opposition avec « la résilience générale » du système (la résilience de chaque partie ou de l’ensemble d’un système à tout type de choc).
Les grandes crises telles que celle que nous vivons actuellement peuvent être l’occasion pour les États de faire le choix de politiques d’adaptation, afin d’accroître leur résilience.
Pointant sur des risques déterminés, il s’agit toujours tacitement de résilience spécifique.
Ces politiques d’adaptation passent par la mise en place ou la révision de protocoles préventifs qui permettront de mieux traverser les prochaines crises qui ne manqueront d’arriver. Il
s’agit, par exemple, de mettre en place des réserves financières et de masques, un suivi des maladies émergentes, de réviser des systèmes assurantiels, des protocoles d’urgence ou de
renforcer son autonomie alimentaire et sanitaire.
Cet usage de la notion de résilience (spécifique) connaît un certain succès et peut être parfois instrumentalisé pour justifier l’action et la responsabilité individuelle aux dépens de
l’action et la responsabilité planifiées, centralisées ou partagées : les citoyens deviendraient alors les entrepreneurs de leur vie et de la capacité de leur système à se relever.
Dans cette perspective, ce sont aux victimes des catastrophes ou aux exploitants des ressources naturelles de se prendre en main et de s’organiser pour supporter les chocs que l’avenir
incertain leur réserve.
Les solutions proposées apparaissent sans alternative car elles sont raisonnées pour répondre à un enjeu de résilience spécifique. Le choix de l’adaptation ne pose pas la question des
valeurs fondamentales et se place donc dans une continuité implicite du système en place.
L’autre option consiste à raisonner ainsi : nous savons que de nouvelles crises nous attendent ; cela nous invite à une réflexion plus large sur une résilience générale à engager dès que
possible, sur les valeurs fondamentales sous-jacentes à la gestion et l’exploitation de nos environnements.
Les scientifiques qui travaillent sur la résilience des systèmes socioécologiques ont tiré sept principes généraux au cours des cinquante dernières années.
Premièrement, maintenir la diversité de gènes, d’espèces, de paysages, de groupes culturels, de styles de vie, de règles de gouvernance et leur redondance fonctionnelle.
Ensuite, gérer la connectivité au sein et en dehors des systèmes socioécologiques. Une connectivité élevée entre groupes sociaux permet de partager l’information, de développer la confiance
nécessaire à l’action collective. Si cette connectivité peut favoriser la diffusion rapide d’une épidémie ou de fake news, elle fait aussi partie de la solution en favorisant l’entraide
entre zones distantes ou la recolonisation d’espèces en provenance de zones épargnées par un fléau quelconque.
Il faut par ailleurs gérer les processus lents qui participent à la régulation des écosystèmes ou du climat, qu’ils soient écologiques comme l’érosion de la biodiversité, ou sociaux comme
les changements de valeurs et règles sociales pour l’accès et l’usage de l’environnement. Lorsqu’un seuil est passé, par le jeu des rétroactions, le système n’est plus régulé et s’emballe.
Ils invitent en outre à favoriser la pensée de systèmes adaptatifs complexes avec les approches interdisciplinaires et les outils de simulations. La résilience implique également
d’encourager les processus d’apprentissage et d’expérimentation, ainsi que d’élargir la participation aux citoyens.
Enfin, elle exige de promouvoir un système de multiples autorités à différents niveaux connectées entre elles. L’un des fondements clés de cette gouvernance polycentrique est de faire
correspondre les niveaux de gouvernance (entendue comme l’exercice de la délibération et de la prise de décision parmi les groupes de personnes qui ont l’autorité pour agir) à ceux où se
situe le problème.
Après la résistance à la crise sanitaire, c’est d’une résilience générale dont nous avons besoin. Donc d’une transformation. Celle-ci repose sur l’établissement d’une relation de nos
sociétés à la nature qui soit différente, fondée sur le respect des non-humains et des processus écologiques, où les questions économiques n’auront plus le primat sur les questions
environnementales.
Penser le monde, c’est penser l’environnement que nous construisons et qui nous englobe. Cela revient à examiner les conséquences qui en découlent : interdépendances, circularités et
co-évolutions. L’écologie et la science des systèmes complexes ont permis de mettre en avant nos interactions avec le vivant ; il est temps à présent de repenser l’idée que nous avons de
nous-mêmes comme des solidarités humaines et écologiques.
Cette transformation pose encore de nombreuses interrogations et le choix des trajectoires adéquates est complexe, c’est d’ailleurs pour cela qu’une résilience générale ne se décrète pas
mais se construit.
Qui a la légitimité pour ce choix ? Comme proposé récemment par Bruno Latour, chacun et collectivement, nous devons faire l’inventaire de ce qu’il convient de conserver ou de modifier.
À quelle échelle territoriale ce choix peut-il se faire ? La mise en œuvre de trajectoires correspondant à un nouveau projet de société nécessite des ressources et génère potentiellement des
effets au-delà des personnes impliquées dans le choix de cette trajectoire.
Comment prendre en compte ces interactions ? Il convient de rester critique envers celui qui déclare la crise comme envers celui qui déclare ou façonne la résilience du système. Celle-ci est
souhaitable si elle est décidée et mise en place au sein d’un projet collectif sur les relations entre les humains, entre eux et au sujet de la nature.
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