Licenciements, précarisation : les informaticiens et les ingénieurs, frappés de plein fouet par la crise
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Longtemps préservé des turbulences économiques, le secteur du numérique a bénéficié d’un important niveau d’investissement public et privé, éclipsant souvent d’autres industries plus
traditionnelles. Depuis 15 ans, sa croissance semblait inébranlable, atteignant 6,5 % EN 2023. Cependant, 2024 A MARQUÉ UN TOURNANT. La croissance du secteur ralentit, tombant à 3,5 % au
lieu de 5,8% estimés en juillet 2024. Les conséquences de ce ralentissement, bien qu’importantes, restent largement sous-estimées et échappent souvent aux radars médiatiques. France Travail
déclarait en début d’année que le marché du numérique restait « dynamique et en pleine croissance », tandis que le lobby du secteur numérique Numeum, se montre plus prudent en observant un
ralentissement des investissements, des tensions sur la croissance du secteur ainsi qu’un ralentissement du recrutement. S’il est vrai que certains domaines continuent leur progression tels
que l’IA, la cybersécurité et le Cloud Computing tirant la croissance du secteur vers le haut, d’autres domaines tels que le développement enregistrent un net recul avec -10% d’offres
d’emplois sur la dernière année. Bien que l’informatique reste le premier secteur pourvoyeur d’emplois de « cadres » avec une prévision de 55 500 embauches en 2025, la tendance à la baisse a
été confirmée dans la dernière étude de l’APEC (Association pour l’emploi des cadres) sur le marché de l’emploi des cadres : _« C’EST LA 1ÈRE FOIS DEPUIS 2009 (HORS CRISE SANITAIRE) QUE
CETTE FONCTION CADRE SUBIT UNE TELLE CONTRACTION. L’attentisme lié aux aléas politiques et budgétaires et la chute de l’investissement qui s’en est suivie ont particulièrement impacté les
activités informatiques »_. Plus largement, ce ne sont pas uniquement les emplois du numérique qui sont en recul, mais tout le marché de l’emploi des cadres. Après 8% de baisse des embauches
en 2024, l’APEC prévoit à nouveau une baisse de 4% en 2025 LES INFORMATICIENS, DE PERLE RARE À UN CAILLOU PARMI D’AUTRES Le cas des développeurs en informatique est le plus symptomatique de
cette dévaluation. Il y a deux ans encore, ils étaient de véritables perles rares que les entreprises s’arrachaient. Au point où certaines ESN (Entreprise de Services du Numérique - ex
SSII) recrutaient des ingénieurs venant d’autres secteurs qui ne trouvaient pas de débouchés, les formaient à la programmation pendant quelques mois avant de les intégrer à leurs équipes de
consultants en informatique. Cette rareté par rapport à la forte demande en développeurs, a donné à ces derniers une force de négociation leur permettant de faire grimper les enchères entre
les plus offrants. Pour toute une génération d’informaticiens, la principale manière de se faire augmenter était de changer d’entreprise, rendant cette génération peu encline à la
syndicalisation et à la défense de son droit à des augmentations ou à de meilleures conditions de travail. Conscients de leur potentiel et leur rareté, nombre d’entre eux ont poussé les
enchères plus loin en quittant le confort du CDI pour l’opulence d’une carrière en Freelance payée de 400 € à 700 € par jour de travail desquels il faut soustraire les charges. Le nombre de
freelance dans l’IT a ainsi augmenté de 15% chaque année. Ce genre de reconversions a été encouragé par le président de la « Startup Nation » qui a mis en place le dispositif
démission-reconversion, permettant de démissionner d’un CDI et de toucher les indemnités de chômage en vue de créer une entreprise. Ces milliers de freelances qui ont envahi le marché, ont
peu à peu déchanté face à sa morosité et le peu de missions disponibles, et s’orientent à nouveau vers les offres en CDI. Mais cette fois-ci, le rapport de force n’est plus en leur faveur.
Ils sont beaucoup plus nombreux sur un marché devenu concurrentiel, et où les entreprises sont attentistes et frileuses à embaucher dans un contexte économique atone. _« Auparavant
j’envoyais 2 CV j’avais deux propositions et je pouvais choisir le mieux offrant. Ces derniers temps, j’ai envoyé au moins 200 candidatures et j’ai reçu 100 réponses négatives, j’ai décroché
5 entretiens et zéro proposition »_ témoigne sur LinkedIn Yacine, développeur avec 10 ans d’expérience. De plus, les conséquences d’une telle crise ne concernent pas uniquement les
ingénieurs expérimentés mais touchent encore plus durement les nouveaux diplômés. C’est toute une génération à qui on a promis une carrière de rêve mais qui peine finalement à décrocher un
premier emploi, étant donné que la majorité des entreprises exigent désormais un minimum de deux ans d’expérience. Dans son étude, l’APEC prévoit une nouvelle année difficile pour les cadres
débutants déjà fortement impactés par la contraction des recrutements en 2024 (-19 % par rapport à 2023). Les entreprises prévoient d’embaucher seulement 41 000 cadres débutants cette
année, soit une nouvelle baisse de 16 % en un an. _« APRÈS PLUS DE 500 CANDIDATURES, JE ME RETROUVE SANS EMPLOI MALGRÉ UN BAC +5 ET 5 ANS D’EXPÉRIENCE EN ALTERNANCE »_. Témoigne Cathy, une
jeune diplômée en marketing digital sur LinkedIn. _« Cette situation m’amène à questionner l’efficacité des études supérieures et de l’alternance pour accéder à un emploi stable. Les
entreprises exigent des diplômes, 2 à 5 ans d’expérience professionnelle en dehors de l’alternance, tout en proposant souvent des salaires au SMIC »._ Au salon de l’emploi TAF à Toulouse,
les stands des entreprises du numérique attiraient une longue file d’attente. Parmi les candidats, Cyril, ancien technicien de support informatique, nous raconte son parcours : Après six ans
comme technicien de support, il a suivi une formation d’un an en développement web. À sa sortie, il décroche un CDD dans l’entreprise où il avait effectué son stage, mais celle-ci fait
faillite peu après. Depuis près d’un an, il enchaîne les candidatures, mais n’a obtenu qu’un seul entretien, et aucune offre d’emploi. UN MARCHÉ MONDIALISÉ EN CRISE POST-COVID L’atonie du
marché du numérique ne concerne pas uniquement la France mais il s’agit d’un phénomène mondial qui a commencé en 2023 avec la fin de la croissance post-pandémie. Un des exemples les plus
saillants est celui de Facebook devenu Meta en 2021 en pariant sur le Métavers et en embauchant des dizaines de milliers de développeurs jusqu’à être soupçonné de pratiquer le "Talent
hoarding" ou l’accaparement des talents. Cette pratique courante dans le secteur de la tech, consiste à embaucher un grand nombre de personnes talentueuses, parfois au-delà de ses
besoins immédiats, dans le but d’empêcher ses concurrents de les recruter. Mais le pari du Metaverse n’était pas un franc succès, l’entreprise a enchainé les mauvais résultats et les plans
de licenciement en 2022, en 2023 et tout récemment en début d’année 2025 Mais les ingénieurs du groupe de Mark Zuckerberg ne sont pas les seuls touchés par des licenciements massifs, le
secteur des jeux vidéo jadis très lucratif a connu une coupe drastique de 20% de ses effectifs en Europe. Au-delà du numérique, le secteur de l’automobile, autre secteur où les géants
européens sont en difficulté a perdu pas moins de 50000 emplois rien qu’en 2024. Bien que l’industrie ne précise pas spécifiquement le nombre de postes d’ingénieurs concernés, il est certain
qu’ils sont autant touchés que les ouvriers étant donné que la majorité de leurs bureaux d’études se trouvaient en Europe. La course vers toujours plus de rentabilité accentuée par la
pression des actionnaires et experts financiers fait que même les entreprises les plus rentables n’échappent pas aux suppressions de postes. En témoignent les récentes coupes dans les
effectifs de deux entreprises qui engrangent des millions de bénéfices chaque année que sont Airbus et Thales. De plus, cette crise d’employabilité a commencé à impacter les salaires à
l’embauche des ingénieurs. Dans son enquête annuelle, le forum mondialement utilisé par les développeurs, StackOverFlow révèle une baisse inédite des rémunérations médianes annuelles
touchant la majorité des langages de programmation. Cette baisse dépasse les 10000 € annuels pour les langages les plus utilisés tels que Java, Python et le langage C et atteint 12000 € pour
Kotlin le langage de développement des applications Android. L’OFFSHORING OU LA DÉLOCALISATION DU TERTIAIRE Cette casse de l’emploi des ingénieurs est aussi due à la pression à la
concurrence permise par UN RECOURS GRANDISSANT À L’OFFSHORING ET LE NEARSHORING, des termes qui cachent les dynamiques de délocalisation qui croissent dans le secteur. Autrefois réservé à
des activités tertiaires à faible valeur ajoutée, l’offshoring concerne de plus en plus des emplois d’ingénieurs. A titre d’exemple l’équipementier agricole américain AGCO a supprimé
récemment 133 postes sur son site de Beauvais après avoir perçu 16 millions d’euros d’aides publiques. _« On a le sentiment que les ingénieurs connaissent aujourd’hui le scénario vécu par
les ouvriers dans les années 1980 »_ témoigne Anthony, ingénieur au bureau d’études et militant CGT à AGCO avant de poursuivre : _« Ils utilisent le terme offshoring pour rendre le processus
plus acceptable, mais ils nous ont clairement dit qu’un rétroviseur dessiné en Inde était moins cher que le même modèle dessiné en France. »_ Au nom de la concurrence et la loi du marché,
les industriels français n’ont pas hésité à avoir recours à cette même pratique. Renault a par exemple délocalisé récemment tout le pôle R&D de la Twingo en Chine. De son côté Air France
a commencé à recourir à la main d’œuvre offshore pour ses activités informatiques en 2022, après avoir bénéficié de 15 milliards d’aides publiques pour surmonter la crise qu’a connu le
secteur au début de la pandémie du COVID. PATRIOTISME ÉCONOMIQUE OU UNITÉ DE CLASSE ? Lors du récent plan de licenciement chez Meta, plusieurs ingénieurs ont exprimé leur incompréhension
d’être sur les listes de départ, se croyant à l’abri car considérés comme très performants par leur hiérarchie. Cet exemple doit alerter l’ensemble des ingénieurs que les logiques de
compétition entre les salariés d’une même entreprise, ou entre les salariés de différents pays finissent souvent par se retourner contre eux et que les promesses de leurs patrons d’une
reconnaissance envers les éléments les plus performants sont assujetties aux bénéfices qu’ils peuvent en tirer. La guerre douanière qu’a déclenché Trump et le chaos qui a suivi ses décisions
erratiques laissent présager d’un approfondissement de la crise et des dynamiques en cours. En guise de représailles, l’Union Européenne envisage de taxer les services numériques
américains, et les fournisseurs américains répercuteront à leur tour les taxes décidées par l’UE sur leurs grilles tarifaires. Alors que la crise du secteur est déjà profonde, cette guerre
commerciale ne peut qu’aggraver la situation, avec pour conséquence une augmentation généralisée des prix. Ce sont encore une fois les travailleurs incluant nombre de ceux qu’on appelle les
« cadres » qui vont la payer. De même, le patriotisme économique revendiqué par des figures syndicales et politiques du NFP est une impasse dangereuse pour les travailleurs qu’il faut
combattre. Les travailleurs, dont les ingénieurs, n’ont rien à gagner dans cette guerre commerciale qui sert à maintenir la place du grand patronat français dans l’échiquier mondiale. La
grande majorité de ce qu’on l’on appelle les « cadres » doivent prendre conscience que leurs intérêts sont les mêmes que ceux des ouvriers, qu’ils soient français, chinois ou états-uniens.
Contre l’offensive patronale, il faudra répondre sur le terrain de la lutte. Pour cela, il faudra s’organiser. Dans un secteur où il y a peu de tradition de lutte, l’exemple de
Magellium-Artal où s’est construit en peu de temps un syndicat combatif montre qu’il est possible de dépasser l’individualisme et l’éclatement du collectif de travail.. Face à un patronat
qui s’apprête à se radicaliser, il n’y aura pas d’issue individuelle. C’est en luttant collectivement que nous serons à même d’opposer une réponse à la hauteur de l’offensive qui vient.
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