Le protectionnisme de la cgt peut-il nous sauver de la guerre commerciale?

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Le protectionnisme de la cgt peut-il nous sauver de la guerre commerciale?"


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À PEINE SORTIE DU CONCLAVE SUR LES RETRAITES, LA CGT REMET LE COUVERT POUR UNE « CELLULE DE CRISE » HEBDOMADAIRE AVEC LE GOUVERNEMENT. POUR L’OCCASION, ELLE PUBLIE SES « SEIZE MESURES CONTRE


LA GUERRE COMMERCIALE » QUI SONT AUTANT DE MESURES PROTECTIONNISTES QUI NE DISENT PAS LEUR NOM. TRAVAILLEURS ET SYNDICALISTES N’ONT RIEN À Y GAGNER. « Nous avons gagné », a affirmé Sophie


Binet le 18 avril dernier, à la sortie d’une énième rencontre avec le gouvernement. L’objet de la victoire ? La mise en place d’une « cellule de crise » hebdomadaire avec les ministres


macronistes pour discuter de la situation internationale. Après avoir cru pouvoir convaincre Bayrou de « _s’émanciper de la tutelle du patronat_ » en participant au conclave, la direction de


la CGT se précipite à nouveau à la table du dialogue social. Désormais il n’est plus seulement question de prétendre défendre par cette méthode une revendication progressiste comme


l’abrogation des retraites, la « cellule de crise », propose de participer à la défense de l’Etat français contre les « _ mesures agressives de l’impérialisme états-unien_ ». LES « 16


MESURES » DE SOPHIE BINET : UN MAUVAIS COUPLET TECHNOCRATIQUE « _Le patriotisme économique, c’est nous qui le portons_ » déclarait la dirigeante de la CGT le 10 avril dernier sur France 2 en


suppliant le gouvernement d’accepter son invitation au dialogue. Ses « 16 mesures » précisent le contenu de ce projet « _patriotique_ ». Les travailleurs qui se risqueront à le lire


comprendront vite qu’il ne leur est pas adressé. Le langage technocratique [1] du programme est parfaitement adapté aux cabinets ministériels et vise à faire apparaître la CGT comme un


interlocuteur « crédible » du gouvernement. Face aux fermetures d’entreprises et aux licenciements, un programme ouvrier digne de ce nom articulerait des mots d’ordre de lutte en partant des


besoins réels et concrets des travailleurs, pour être saisis par tous et donner envie de se battre, et défendrait par exemple l’interdiction des licenciements ou l’expropriation des grands


groupes qui licencient par milliers. Celui de la direction de la CGT s’en tient à une énumération de mesures techniques et institutionnelles : réforme des tribunaux de commerce, activation


de « _commissaires aux restructurations_ », mise en place d’index consultatifs sur les achats des entreprises, sollicitation d’organismes de l’État n’ayant pourtant rien de progressiste,


etc. La première mesure propose d’associer à la cellule de crise la banque BPI France et la Caisse des dépôts, véhiculant d’énormes illusions sur le rôle progressiste que pourrait jouer « 


_l’Etat actionnaire_ ». Faut-il rappeler que la BPI, institution née sous François Hollande, a des pratiques qui n’ont rien à envier aux fonds d’investissements et aux « fonds vautours les


plus agressifs quand ses intérêts s’y prêtent, malgré son statut de banque publique [2] Ces institutions ne sont faites que pour accompagner les fermetures d’entreprises tout en prétendant


défendre les salariés concernés. Que des salariés soient contraints par le rapport de forces d’accepter l’intervention de ces institutions est une chose, mais que la CGT les appelle au


secours en guise de programme en est une autre. Les mesures suivantes reprennent des revendications comme le « _moratoire sur les licenciements_ » ou le « _conditionnement des aides


publiques aux entreprises_ », dont nous avons déjà expliqué ailleurs qu’elles ne remettent en cause ni les licenciements ni les cadeaux d’argent public au patronat. Si la multiplication des


propositions donne aux « 16 mesures » un allure de « liste de courses », une cohérence se dessine : celle d’un protectionnisme qui ne dit pas son nom. UN PROTECTIONNISME QUI NE DIT PAS SON


NOM Si la direction de la CGT n’emploie pas ce terme comme elle le faisait encore il y a quelques années [3], « protectionnisme » étant désormais trop associé à l’extrême droite et à Trump,


c’est clairement sur ce terrain qu’elle se situe. Et ce malgré les contorsions du programme, qui affirme « _ni guerre commerciale et loi du plus riche, ni libre échange_ », mais demande en


même temps un « _mécanisme de modulation des droits de douane aux frontières de l’UE en fonction du respect des droits sociaux, environnementaux et fiscaux_ ». Ce système de barrières


douanières proposé par la CGT n’est pas seulement une mesure parmi d’autres mais occupe une place centrale. A la question « faut-il riposter à Trump par d’autres taxes ? », la direction de


la CGT répond oui, au nom des droits sociaux et environnementaux. Comme l’explique Virginie Neumayer, membre de la direction confédérale, plutôt que la « _mise en place de droits de douane


ciblés, les droits de douane doivent être adossés à des critères sociaux et environnementaux_ ». Le programme mentionne également d’autres mesures de ce type, comme une « _taxation


européenne spécifique des GAFAM_ », en s’alignant sur le discours macroniste qui fait de cette mesure un élément central de son dispositif. Sophie Primas, porte-parole du gouvernement,


expliquait ainsi : « _dans le rapport de forces avec Trump, [...] on va attaquer aussi les services, par exemple les services numériques [c’est-à-dire] les GAFAM_ ». L’effet recherché par ce


type de mesures ne fait aucun doute : montrer que « _nous sommes prêts à cette guerre commerciale_ ». D’autres mesures du programme CGT vont dans ce sens, comme la priorité au _made in


France_ ou _made in Europe_ dans les commandes publiques, une mesure non tarifaire mais pas moins protectionniste. Une taxe douanière d’un pays envers un autre est une mesure bourgeoise qui


vise à importer de l’inflation (les produits importés deviennent plus chers) en exportant du chômage (l’industrie du pays qui exporte perd des parts de marchés). Le bras de fer engagé par


l’augmentation des taxes douanières entre deux États revient à taper sur les classes travailleuses des deux pays pour voir quel gouvernement cède en premier. Dans la guerre commerciale,


comme dans la guerre au sens propre, les travailleurs sont la variable d’ajustement. La reprise de ces mesures, même dans une version édulcorée ou « sociale » revient à accompagner le


gouvernement dans la guerre commerciale en cours. LE PROTECTIONNISME, FORME ÉCONOMIQUE DE L’UNION SACRÉE Pour le mouvement ouvrier, participer à la guerre, même dans sa dimension


commerciale, revient toujours à rejouer une forme d’Union sacrée aux côtés de « son » gouvernement et « son » patronat. La logique qui sous-tend toute forme d’alliance nationale, c’est que


les « intérêts supérieurs de la nation » primeraient sur la lutte de classes et la solidarité des travailleurs par-delà les frontières. Cette idée repose sur une mystification totale :


l’illusion d’une communauté d’intérêts entre les classes d’un même pays. Pourtant, dans les moments de guerre et de guerre commerciale, les classes dominantes ont toujours servi leurs


intérêts sur le dos des populations. D’ailleurs, Macron et Bayrou ne cachent pas le fait que la militarisation et la crise internationale justifieront de nouvelles politiques austéritaires


et d’attaques sociales contre les retraites, le chômage et l’ensemble des droits des travailleurs. La direction de la CGT justifie cette politique de collaboration de classe par la lutte


contre l’extrême droite internationale, en assumant ces dernières semaines un positionnement plus politique contre l’Internationale réactionnaire et l’alliance « Trump, Poutine, Netanyahou


et Musk, [qui] veulent construire un ordre international basé sur la loi du plus fort ou du plus riche ». Les « 16 mesures » partent de la définition, correcte, que la politique de Trump est


« _une tentative brutale de reconfigurer l’ordre économique mondial au profit des États-Unis_ » mais cette surfocalisation sur l’extrême droite et l’impérialisme étasunien conduit la CGT à


occulter le rôle des secteurs « libéraux » de la bourgeoisie internationale ou celui de l’Etat français ou de l’Europe. Si ces derniers se (re)militarisent aujourd’hui, c’est pour tenter


d’avoir leur part du butin dans cet « ordre international basé sur la loi du plus fort », pas pour défendre le « doux commerce » ou la démocratie. Que les médias partent en croisade contre «


 l’impérialisme américain » sans jamais user du même qualificatif pour la France n’a rien de surprenant : la propagande pour « l’effort de guerre » consiste toujours à expliquer qu’on ne


fait la guerre que pour se défendre, que l’on se bat pour la démocratie, etc. Mais qu’une organisation du mouvement ouvrier reprenne ces discours sans critiquer son propre impérialisme ne


peut conduire qu’à désarmer les travailleurs et les syndicalistes. En se plaçant ainsi sur le terrain du protectionnisme, la direction de la CGT prétend combattre le nationalisme agressif de


Trump en défendant un nationalisme économique main dans la main avec certains secteurs du patronat national [4]. LIBRE-ÉCHANGE OU PROTECTIONNISME : DOUBLE IMPASSE POUR LA CLASSE OUVRIÈRE La


reprise de mesures protectionnistes par des secteurs de la gauche n’a rien de nouveau. On les retrouve dans les secteurs d’opposition interne à la CGT, autour de la FSM et de son « 


_bouclier anti-dumping social_ », à La France insoumise, qui défend un « _protectionnisme solidaire_ » et au _Monde diplomatique_. Les protectionnistes « de gauche » s’appuient sur la colère


légitime suscitée par les offensives néolibérales, les fermetures d’usine justifiées au nom des délocalisations, et les politiques anti-ouvrières menées ces dernières années par le patronat


sous la bannière du libre-échangisme. Récemment, Shawn Fain, dirigeant du syndicat de l’automobile UAW aux États Unis, expliquait soutenir les droits de douane imposés par Trump au nom de


la défense de l’emploi : « _lorsque l’ALENA [l’accord de libre-échange États-Unis, Canada, Mexique] a été mis en place en 1994, on a commencé à voir ces emplois disparaître_ […] _rien n’a


autant affecté la classe ouvrière américaine que notre système commercial défaillant_ ». Or, comme l’a montré l’économiste Michel Husson, cet argumentaire qui fait du libre-échangisme la


cause première de la régression sociale repose sur l’amalgame entre deux processus historique concomitants mais distincts : la contre-révolution néolibérale et la mondialisation. Cette


focalisation sur le libre-échange tend à mettre au second plan les causes principales que sont la hausse de productivité et la dégradation du rapport de force dans la lutte des classes,


tandis que les délocalisations ne sont en fait responsables que de 20 à 30% des suppressions d’emplois. Les protectionnistes de gauche justifient parfois leur politique au nom de


l’internationalisme. En justifiant les taxes par la question des « normes sociales », on prétend aider les travailleurs des pays où ils sont sous-payés, en sanctionnant les produits issus de


cette exploitation « anormale ». Ainsi, il n’y aurait plus d’avantage comparatif pour un pays à exploiter autant sa main-d’œuvre, et les salaires se mettraient automatiquement au niveau des


« pays développés ». C’est le cas par exemple de Bernard Cassen, engagé lors du mouvement altermondialiste en faveur d’un « _protectionnisme altruiste_ », pour « _protéger les modèles


sociaux plus avancés, comme les intérêts des travailleurs du Sud_ » en utilisant des taxes douanières. Michel Husson montre pourtant que le protectionnisme ne produit jamais cet effet de


convergence salariale, mais aboutit plutôt à une réduction de l’activité industrielle du pays visé ou un déplacement des chaînes de valeurs. En focalisant la question sur des pays qui nous


feraient la guerre via leur industrie, le protectionnisme tend à laisser de côté la responsabilité des multinationales des pays développés qui délocalisent justement dans ces pays à bas coût


ou y exportent leurs marchandises. L’Europe a beau jeu de critiquer la Chine qui s’apprête à nous « inonder de marchandises bon marché », quand ses propres entreprises comme Renault,


Airbus, BASF ou LVMH y profitent de la main d’œuvre pas chère. D’ailleurs, c’est le même argument qui est utilisé par la bourgeoisie pour justifier leurs mesures douanières. Bill Clinton


justifiait déjà dans les années 2000 l’introduction de « clauses sociales » dans les accords, cherchant à s’attirer les soutiens des syndicats américains et à maintenir les pays dit du Sud


dans une position subordonnée. Que le protectionnisme soit justifié par le « dumping social, environnemental et fiscal » ou par d’autres arguments, qu’il prenne la forme de taxes ou de


mesures non-tarifaires, le résultat est le même : une participation à la guerre commerciale et une politique de collaboration de classe. Les capitalistes cherchent toujours à enfermer le


mouvement ouvrier dans des choix de « moindre mal » entre deux variantes d’une même politique de domination sociale. Baisse de salaires ou licenciements ? Inflation ou chômage ?


Protectionnisme ou libre-échange ? Ces fausses alternatives ne sont que des impasses dans lesquelles le mouvement ouvrier ne doit pas se laisser enfermer. Pour se défendre et repasser à


l’offensive, les travailleurs doivent assumer une politique indépendante : ni libre-échange, ni protectionnisme, mais un programme de lutte qui cherche à faire payer les crises aux


capitalistes eux-mêmes. Par exemple, face à la casse sociale d’ArcelorMittal, ce ne sont pas les taxes à l’acier chinois ou américain qui sauveront les emplois des sidérurgistes, mais bien


un programme de lutte qui revendique l’interdiction des licenciements, la nationalisation sans indemnités ni rachat des outils de production et leur mise sous le contrôle démocratique des


ouvriers. REFONDER UN COURANT INTERNATIONALISTE DANS LE MOUVEMENT OUVRIER Le soutien de la direction de la CGT à l’impérialisme français a une longue histoire. En 1914, le secrétaire général


CGT Léon Jouhaux justifiait son ralliement à l’Union sacrée s’opposant au « _militarisme prussien_ », jugé seul responsable du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Pendant la crise


industrielle et la guerre commerciale des années 1930, le syndicalisme participe en défendant des barrières douanières. Depuis, l’intégration des directions syndicales à l’Etat n’a cessé de


se renforcer. Comme le montre l’historien Stéphane Sirot, 1945 a été un saut dans « l’institutionnalisation du syndicalisme ». Le tournant néolibéral des années 1980 a encore approfondi


cette tendance. Au cours de cette même décennie, la CGT réintègre à son programme des mesures protectionnistes contre la crise industrielle et aux délocalisations. Mais ce sont bien les « 


temps de guerre » qui poussent la bureaucratie syndicale à collaborer avec « son » État capitaliste. Comme l’écrivait Trotsky dans un article de 1940, l’approche de la guerre pousse chaque


bourgeoisie à centraliser au maximum son pouvoir à la fois politique et économique, au travers de son Etat et des grandes entreprises monopolistiques. Ces moments de tensions entre


puissances sont marqués par de grandes contradictions pour le mouvement ouvrier. D’un côté, l’État appelle le mouvement ouvrier à mettre la lutte de classes au second plan au profit de


l’unité nationale. De l’autre, le patronat en profite pour poursuivre et même redoubler sa lutte de classes, de même que le gouvernement cherche à renforcer son autoritarisme, attaquant tout


droit démocratique, comme on peut le voir aujourd’hui avec les dissolutions d’organisations, les procès de syndicalistes ou les interdictions de manifestation. Dans ce contexte, il n’y a


pas de juste milieu possible pour le syndicalisme. Ou bien celui-ci se prépare aux affrontements décisifs en s’armant d’un programme totalement indépendant des classes dominantes, ou bien il


se condamne à n’être qu’un appendice de la politique de son propre impérialisme. Alors que les tensions internationales et les efforts de guerre vont amener avec eux leur lot d’attaques


sociales, les organisations ouvrières devraient se préparer dès maintenant pour de possibles explosions sociales. Non pas « _rappeler aux patrons qu’ils ont une nationalité_ », comme le dit


Sophie Binet, mais montrer aux ouvriers « _qu’ils n’ont pas de patrie_ », comme le disait Marx.


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