Affaire betharram : le dossier s'alourdit, bayrou utilise sa fille comme alibi

Ce jeudi paraissait _Le Silence de Bétharram_, un livre d’Alain Esquerre, porte-parole et fondateur du collectif des victimes de Bétharram. L’ouvrage rassemble des dizaines de témoignages,

dont celui d’Hélène Perlant, la fille de François Bayrou, elle aussi victime de violences dont elle a gardé le secret pendant trente ans. Elle a accordé, pour l’occasion, un entretien

exclusif à Paris Match, publié le 22 avril. Elle y revient sur l’enfer de Bétharram, « _organisé comme une secte ou un régime totalitaire_ », et raconte son passage à tabac par un abbé, à 14

ans, lors d’un camp d’été : « _Un soir, alors qu’on déballe nos sacs de couchage, Lartiguet me saisit tout d’un coup par les cheveux, il me traîne au sol sur plusieurs mètres et me roue de

coups de poing, de coups de pied sur tout le corps, surtout dans le ventre._ » Ce témoignage et ce livre, accompagnés des deux cents plaintes portées par d’anciens élèves, viennent remettre

au cœur de l’actualité ce dossier déjà brûlant, autour duquel François Bayrou n’a eu de cesse de mentir depuis les premières révélations de Mediapart, le 5 février dernier. Si l’ignoble

système pédocriminel que l’on connaît aujourd’hui a pu tenir en place durant plus de cinquante ans, c’est en effet grâce à l’omerta entretenue par les pouvoirs locaux, et notamment François

Bayrou, qui exerçait de nombreuses fonctions dans la région et qui fut mis au courant de plusieurs actes de violence perpétrés à Bétharram, contrairement à ce qu’il prétend. Il avait alors

pris la défense de l’établissement et étouffé l’affaire. Pour répondre de ses mensonges à répétition, Bayrou sera auditionné le 14 mai par une commission d’enquête créée pour l’occasion.

Celle-ci a déjà entendu les témoignages d’un ancien gendarme et d’un ancien juge, qui allaient à l’encontre des allégations du Premier ministre, et recueillera également ceux de Jean-Michel

Blanquer, Pap Ndiaye, Ségolène Royal, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin. D’ici là, les témoignages accablants contre Bayrou et Bétharram continuent de s’accumuler. Le dernier en date

revient sur un drame ayant eu lieu en 1980, soit avant la prise de fonctions de Bayrou : le climat de peur existait déjà. C’est pourquoi, lorsqu’une nuit deux élèves en trouvent un troisième

« _très pâle, les lèvres violacées, les yeux creusés, dévoré par la fièvre_ », ils n’osent pas prévenir un surveillant, par peur des représailles. L’enfant est envoyé à l’infirmerie le

lendemain matin, inconscient, puis à l’hôpital en fin de journée, où il décèdera d’une méningite foudroyante, à l’âge de douze ans. Les responsables de Bétharram mentiront à sa famille,

prétendant que l’élève s’était réveillé avec des maux de tête. 45 ans plus tard, sa sœur, interrogée par Le Monde dans un article paru aujourd’hui, explique avoir enquêté sur cette mort à la

suite des nombreuses révélations, et porté plainte contre l’établissement pour non-assistance à personne en danger, malgré la prescription, afin que cette histoire « _soit rajoutée à cet

ensemble d’horreurs_ ». Un exemple extrême de la façon dont le « système Bétharram » détruisait les corps et les esprits, jusqu’aux conséquences les plus tragiques. Dans ce contexte, Bayrou

est cependant loin de plier sous le poids de ses mensonges. Ainsi, le témoignage de sa fille même est en train de servir, ces dernières semaines, d’alibi au Premier ministre. Au sujet de ses

justifications confuses à l’Assemblée Nationale, celle-ci a notamment affirmé qu’« _il n’a pas couvert, il est juste paumé au milieu de ce dispositif pervers_ ». Elle va même jusqu’à

présenter le Premier ministre comme « _un quidam quelconque_ ». Dans _Le Parisien_, un des fidèles de Bayrou assume sans détour l’opportunité de ce nouveau récit : « _on passe d’un Premier

ministre accusé à tort de mentir, à un père d’une victime qui apprend les faits quarante ans plus tard._ » Le but de la manœuvre médiatique est clair : il s’agit d’étouffer la polémique en

renversant le narratif, pour faire de Bayrou une victime supplémentaire du système destructeur de Bétharram. Mais personne n’est dupe : il en est bel et bien le complice et le protecteur. À

l’heure où des collectifs d’anciens élèves se forment partout en France, des Pyrénées au Finistère en passant par Paris, au point que Mediapart parle aujourd’hui d’un « #MeToo de

l’enseignement catholique », l’onde de choc provoquée par l’affaire Bétharram risque de faire des vagues encore longtemps. Pour faire toute la lumière sur ce système de violence généralisée,

et révéler l’ensemble des responsables, il faut exiger, en plus de ces collectifs, des commissions d’enquête indépendantes, constituées de victimes et de représentants du monde du travail.

Bayrou, dont on connaît déjà l’implication, doit démissionner. Mais, comme le montre son entêtement à mentir, il ne le fera jamais lui-même : c’est au mouvement ouvrier de l’y pousser avec

les méthodes qui lui sont propres, en exigeant des directions syndicales la rupture du dialogue social avec le gouvernement, ainsi qu’un plan de bataille pour imposer ses revendications et

combattre le budget austéritaire que le Premier ministre prépare déjà pour 2026.