Tout comprendre de la guerre entre semences contrôlées et paysannes
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Dans Semences paysannes, plantes de demain, Robert Ali Brac de la Perrière pose de manière claire et solide les problématiques liées aux semences et à la mainmise d’une poignée de semenciers
sur un marché mondialisé. Et raconte les combats engagés et la résistance. La bible des semenciers paysans.
Les grandes firmes semencières internationales n’ont pas bonne presse. Monsanto, Pioneer, Syngenta, Limagrain… Autant de noms qui évoquent confusément des groupes qui n’ont pour objectif que
de ligoter le monde agricole en lui imposant - au nom bien entendu du progrès de l’humanité -, des semences sélectionnées par eux, produites par eux, et commercialisées par eux.
Mais quelle est la réalité de cette image ? Comment une poignée de semenciers a-t-elle pu prendre le contrôle d’un marché mondialisé ? Pourquoi l’impuissance des Etats et les institutions
internationales spécialisées – telle la FAO ? Des îlots de résistance existent-ils ? De quel poids pèsent-ils ?
C’est à toutes ces questions que répond Robert Ali Brac de la Perrière dans son ouvrage. Il le fait en militant – l’aventure du Réseau semences paysannes, d’Inf’OGM, de l’ONG Grain, c’est
aussi la sienne – mais surtout en spécialiste des ressources génétiques, maîtrisant sur le bout des doigts les multiples aspects d’un dossier qui mêle la génétique et le droit, les
institutions internationales et les expériences locales - sur fond de gros sous.
Tout y est. Comme le dit dans la préface, Antonio Onorati, le président de Crocevia, l’une des plus anciennes associations italiennes de coopération internationale, Robert Ali Brac de la
Perrière « pose de manière claire les problématiques liées aux semences, aux droits de propriété, à l’innovation, au génie génétique ou à la transition vers l’agroécologie ».
Plutôt que de résumer cet ouvrage de référence, aussi dense que solide dans l’argumentation, on se bornera ici à extraire quelques idées forces, de celles qui permettent de faire le point
sur un dossier dont les aspects techniques masquent trop l’enjeu politique.
D’abord un constat : l’évolution des plantes a accompagné depuis la nuit des temps celle des communautés humaines. Autrement dit, une variété ancienne de blé, pour prendre cet exemple,
résulte du travail non pas d’un individu mais d’une communauté paysanne dont le savoir-faire en matière de sélection, de multiplication a abouti au fil des générations à adapter telle
céréale à un environnement bien précis. La variété est devenue un bien collectif.
Avec l’avènement de la société industrielle, une ère nouvelle commence. La variété de fruit, de légume ou de céréale change de statut et devient la propriété non plus d’une collectivité
humaine mais de celui - individu ou entreprise -, qui l’aura modifiée et « améliorée » pour « produire le plus possible [et] pour le plus grand nombre possible de consommateurs ».
Ce sont les semenciers qui, en s’appuyant sur le patrimoine végétal créé par les générations d’agriculteurs, vont faire ce travail. Mais ce ne sont pas des mécènes. Ils ne travaillent pas
gratuitement. En contrepartie de l’effort de sélection consenti l’Etat va garantir à l’obtenteur « une protection industrielle, un droit de propriété privée sous forme d’un monopole
d’exploitation » pendant des années.
Il faut bien que l’industriel s’y retrouve : « Il est important dans une économie capitaliste de savoir ce qui appartient à qui. Savoir quelle plante appartient à quel industriel permet à
chacun d’investir dans le développement d’un produit agricole en étant assuré d’être protégé de la concurrence et espérer un retour sur investissement. »
Voilà comment depuis 1949 en France ne peuvent plus être commercialisées que les variétés inscrites dans un catalogue officiel et que, pour y figurer, elles doivent être « distinctes,
homogènes et stables » (c’est le fameux DHS) – trois critères qui par nature ne sont pas ceux des variétés dites anciennes ou paysannes ainsi condamnées à mort ou à dormir dans des banques
semencières. C’est donc une sorte d’eugénisme que les pouvoirs publics ont institué au sortir de la guerre – le cas de la France n’a rien d’exceptionnel.
Depuis, c’est peu dire que le mal n’a fait qu’empirer. Des centaines de variétés anciennes ont été éliminées au profit de « variétés élites » incontestablement plus productives mais fragiles
et inséparables d’un environnement agricole spécifique qui fait la part belle aux engrais chimiques, aux traitements biocides et à l’irrigation.
L’apparition des « hybrides » - dits F1 - s’inscrit dans cette histoire. Ils ont pour caractéristique d’être d’une homogénéité remarquable. Leurs caractères sont uniformes. En revanche, à la
génération suivante (F2) cette homogénéité est condamnée à disparaitre du point de vue génétique et il faut pour la retrouver revenir à la souche parentale. Ce qui en clair signifie que
l’agriculteur qui serait tenté de récupérer des semences de l’année ne peut pas, sauf à voir dégringoler son rendement. Il est contraint de se tourner vers son marchand de semences, dont il
devient un client captif.
Mise en œuvre il y a près d’un siècle l’hybridation domine le monde de la sélection des plantes. Au catalogue ne figurent plus, par exemple, que des maïs hybrides. Les autres ont été
éliminés. Leur commercialisation est interdite.
Les défenseurs de l’hybridation voient en elle un outil d’amélioration des rendements spectaculaire. D’autres – et Brac de la Perrière est de ceux-là – l’analysent comme « une technique
d’expropriation » dont le monde paysan a fait les frais quasiment partout dans le monde.
Le recours aux hybrides renvoie à sa façon à l’obsolescence programmée qui fait que les consommateurs sont contraints de renouveler leur parc d’instruments ménagers, d’ordinateurs. Les
hybrides participent de ce mouvement.
Mais l’auteur ne se contente pas d’instruire le procès des semenciers. Dans des pages plus réjouissantes, il raconte les combats engagés et les batailles gagnées par ceux qui ne se résignent
pas à l’appauvrissement du patrimoine végétal.
Qu’il s’agisse de ressusciter des variétés de céréales anciennes, d’assouplir les règles de commercialisation pour des légumes oubliés, d’obtenir que les paysans puissent échanger leurs
semences comme naguère, une forme de résistante se développe sur tous les continents, dans les enceintes internationales aussi bien que dans des communautés villageoises.
Aujourd’hui enfermées dans des banques semencières aussi cadenassées que des coffres-forts les variétés anciennes seront peut-être libérées un jour.
Semences paysannes, plantes de demain, de Robert Ali Brac de la Perrière ; Préface d’Antonio Onorati, Ed. Charles Léopold Mayer, 226 pages, 20 euros.
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