Pour éviter le réchauffement, il faut laisser dans le sol la moitié des réserves en énergie fossile

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Des chercheurs britanniques ont étudié le « budget carbone » de la planète. Conclusion : il faut renoncer à exploiter une grande partie de nos ressources en combustible fossile pour espérer


limiter le réchauffement atmosphérique à 2°C à la fin du siècle.


Dans un article publié jeudi 8 janvier dans la revue Nature, les chercheurs britanniques Christophe McGlade et Paul Ekins se sont penchés sur ce « budget carbone » et leurs résultats sont


clairs : un tiers de nos réserves de pétrole, la moitié de nos réserves de gaz et plus de 80 % de nos réserves de charbon devront rester sous terre pour atteindre cet objectif. Un défi


crucial à relever, alors que le prix du baril, à environ 50 dollars, n’a jamais été aussi bas depuis le printemps 2009.


« Limiter le réchauffement dû aux seules émissions anthropiques de dioxyde de carbone (CO2) à moins de 2°C relativement à 1861-1880, avec une probabilité supérieure à 50 %, nécessitera que


les émissions cumulées de toutes les sources anthropiques de CO2 soient respectivement comprises entre 0 et environ 1 210 gigatonnes (Gt) de carbone (4 440 Gt de CO2) depuis cette période. »


Dans son cinquième Rapport d’évaluation, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ne laisse pas de place au doute : notre « budget carbone », c’est-à-dire la


quantité de carbone que nous pouvons encore rejeter dans l’atmosphère tout en restant sous la limite des 2°C de réchauffement à la fin du siècle, s’amenuise.


Il semble d’autant plus réduit que nous émettons de plus en plus de gaz à effet de serre. En 2011, à l’échelle mondiale, nous avions déjà émis 515 Gt de ce budget. Nous avons relâché dans


l’atmosphère 8,3 Gt de carbone par an en moyenne entre 2002 et 2011, par l’utilisation de combustibles fossiles et la production de ciment. Rien qu’en 2011, c’est 9,5 Gt de carbone qui ont


été libérées au-dessus de nos têtes, soit 54 % de plus qu’en 1990.


Le calcul est vite fait : sachant qu’il nous reste 695 Gt de carbone à « dépenser » si nous restons au niveau d’émissions de 2011, nous pourrons encore émettre du carbone pendant 70 ans


maximum. Mais en réalité, nous disposons de beaucoup moins de temps car notre rythme d’émissions augmente toujours et est déjà plus élevé qu’en 2011.


Sans compter que nos émissions de gaz à effet de serre ne se limitent pas aux secteurs de l’énergie et du bâtiment : la déforestation et d’autres changements de l’utilisation des sols par


l’homme ont aussi libéré quelque 180 Gt dans l’atmosphère entre 1750 et 2011, toujours d’après les données du Giec.


Il faut donc agir, et vite, en particulier en réduisant au maximum notre recours aux combustibles fossiles. Pour cela, deux chercheurs de l’Institute for Sustainable Resources (Institut des


ressources durables) de Londres, Christophe McGlade et Paul Ekins, ont établi un inventaire régional de nos réserves et ressources en pétrole, gaz et charbon, et évalué la quantité


d’émissions de carbone potentielles qu’elles renferment. Ils ont ensuite estimé la quantité de ces combustibles que nous devrions laisser sous terre, pour limiter le réchauffement à 2°C à la


fin du siècle.


Ils présentent ce travail dans leur article « The geographical distribution of fossil fuels unused when limiting global warming to 2 °C » (« La répartition géographique des combustibles


fossiles inutilisés, quand le réchauffement climatique est limité à 2°C »), publié le 8 janvier dans la revue Nature. Et leurs résultats sont édifiants : un tiers de nos réserves de pétrole,


la moitié de nos réserves de gaz et plus de 80 % de nos réserves de charbon devront rester inutilisés pour rester dans cette limite des 2°C.


Comment s’y prennent-ils ? Tout d’abord, ils dressent l’inventaire des ressources en pétrole, gaz et charbon (tableau 1 ci-dessous : a) pour le pétrole, b) pour le gaz et c) pour le


charbon). À ce stade, il est important de préciser la distinction qu’ils font entre une « ressource » en combustible fossile, qu’ils définissent comme « la quantité de pétrole, de gaz et de


charbon restante qui est recouvrable tout le temps avec une technologie actuelle ou future, sans tenir compte des conditions économiques actuelles », et la réserve, qui est pour eux « un


sous-ensemble des ressources qui sont définies comme étant recouvrables sous les conditions économiques actuelles et ayant une probabilité spécifique d’être produites ».


La quantité d’émissions potentielles de carbone qu’elles renferment est phénoménale : presque 11 000 Gt de carbone pour l’ensemble des ressources, 2 900 Gt rien que pour l’ensemble des


réserves. « La disparité entre les ressources et réserves existantes et la quantité maximale de carbone qui peut être émise pour éviter un réchauffement supérieur à 2°C est donc importante 


», soulignent les auteurs.


Mais alors, comment déterminer ce qui peut être utilisé ou non ? En utilisant un modèle d’évaluation intégré baptisé TIAM-UCL, Christophe McGlade et Paul Ekins se concentrent sur un scénario


de hausse à 2°C (tableau 3 ci-dessous) et s’attachent à évaluer les productions cumulées de pétrole, de gaz et de charbon compatibles avec cette hausse.


Ce ne sont que des propositions, précisent-ils : « Les résultats générés en utilisant TIAAM - UCL sont un produit de la solution économiquement optimale, et d’autres répartitions régionales


de réserves « non brûlables » sont possibles en restant dans la limite des 2°C (mais avec une protection sociale plus basse). » Les chercheurs distinguent deux sous-scénarios, incluant ou


non le déploiement d’une technologie de capture et de stockage de carbone (CCS en anglais) à partir de 2025.


Globalement, dans l’hypothèse où nous ne disposerons pas d’une technologie de CCS en 2025, nous devrions renoncer à 449 milliards de barils de pétrole d’ici 2050, soit 35 % de nos réserves


actuelles. A lui seul, Moyen-Orient devrait renoncer à extraire 264 milliards de barils de son sous-sol, soit 38 % de ses réserves actuelles.


Plus de la moitié (52 %) de nos réserves de gaz devront rester enfouies sous la roche, soit 100 millions de millions de mètres cubes. Là encore, le Moyen-Orient possède près de la moitié (47


 %) des ressources non utilisables de notre planète. Mais le renoncement le plus grand devra concerner le charbon : ce sont quelque 887 Gt de houille et de lignite qui devront rester


enfouies dans nos mines, soit 88 % de nos réserves actuelles.


Le déploiement d’une technologie de CCS ne permet pas des gains bien importants. Plus de 431 milliards de barils de pétrole devraient quand même rester sous terre d’ici 2050, soit 33 % de


nos réserves actuelles. Nous devrions aussi abandonner 95 millions de millions de mètres cubes de gaz, soit 49 % de nos réserves, et 819 Gt de charbon, 82 % de nos réserves.


Les chercheurs poussent l’analyse encore plus loin pour les cas particuliers du Canada et du Venezuela. « L’exploitation minière à ciel ouvert de bitume naturels au Canada devrait bientôt


tomber à des niveaux négligeables après 2020 dans tous les scénarios, parce qu’il est beaucoup moins économique que les autres procédés de production, affirment-ils. Quand le CCS n’est pas


disponible, toute la production de bitume cesse en 2040. […] Près de 99 % de notre estimation de ses ressources (640 milliards de barils), serait non utilisable. »


Idem au Venezuela, la production cumulée devrait être de 3 milliards de barils, ce qui signifie que près de 95 % de ses réserves d’extra-lourd et 99 % de ses ressources ne sont pas


brûlables, même lorsque le CCS est disponible.


Pas touche aux combustibles fossiles présents dans le Cercle arctique, ajoutent les chercheurs. « Nous estimons qu’il y a 100 milliards de barils de pétrole (y compris de gaz naturel


liquide) et 35 milliards de mètres cubes de gaz dans les sous-sols du cercle polaire qui ne devraient pas être produits à partir de 2010. […] Ces résultats nous indiquent que toutes les


ressources arctiques devraient être classées comme non-utilisables », indiquent-ils.


Au-delà de l’avalanche de chiffres, la leçon de ses travaux est claire : il nous faut renoncer à une grande partie de nos ressources en combustible fossile d’ici 2050 si nous voulons nous


laisser une chance de rester sous la barre des 2°C de réchauffement.


« Bien qu’il y ait déjà eu des craintes sur la rareté des combustibles fossiles, dans un monde de contraintes climatiques ce n’est plus une préoccupation pertinente », affirment les


chercheurs. Qui enfoncent le clou :


« Nos résultats montrent que les instincts des responsables politiques d’exploiter rapidement et complètement leurs combustibles fossiles territoriaux sont, dans l’ensemble, en contradiction


avec leurs engagements à l’égard d’une limite de la hausse de la température à 2°C. »


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