Malgré la menace d’expulsion, la Zad de Gonesse prend racine

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Malgré les échéances judiciaires imminentes sur le devenir de l’occupation, la jeune Zad du triangle de Gonesse, en région parisienne, continue de grandir. Ses habitants, qui s’opposent à la


construction d’une gare au milieu des champs, se préparent à tenir dans le temps. Et veulent continuer de lutter, quoi qu’il en soit, si la police venait les déloger.


Douze jours après avoir germé, la Zone à défendre (Zad) du triangle de Gonesse est en pleine floraison. Le terrain occupé, qui a servi de parking à des engins de chantier, se transforme peu


à peu en village autogéré. Des lieux de vie éclosent dans un tohu-bohu de marteaux qui cognent, de scies qui crissent et de perceuses qui vrombissent sur des morceaux de bois, de tôle, de


bâche et de polystyrène. « Ça s’urbanise ici », blague Jean-Marie Baty, président du Mouvement national de lutte pour l’environnement 93 (MNLE 93).


Des opposants historiques du Comité pour le triangle de Gonesse (CPTG) et des activistes de tous âges, rompus à la désobéissance civile et à la vie en Zad, se croisent dans l’allée sinueuse


qui traverse le village. Depuis le dimanche 7 février, ces militants écologistes érigent leurs cabanes en lisière des champs du triangle de Gonesse, dans le Val-d’Oise. Elles et ils


défendent ces terres fertiles, situées à une quinzaine de kilomètres au nord de Paris.


Les activistes veulent barrer la route aux engins du chantier de la société du Grand Paris, qui projette de construire une gare de la ligne 17 du métro à plus d’un kilomètre des premières


habitations. « Cette gare est un non-sens total, l’équivalent d’un aéroport au milieu du désert », dénonce Djissie, un habitant de la Zad. « Non à la gare égarée », peut-on lire parmi les


graffitis qui se multiplient sur les clôtures et les lieux de vie.


La première semaine, les conditions météorologiques étaient rudes, le mercure affichant -10 °C la nuit. « Le froid mordant nous a mobilisé de l’intérieur. Il nous a aguerris. Il nous a aussi


permis de montrer à quel point nous étions “déter de chez déter” », s’exclame Djissie, qui n’a pas quitté la Zad depuis sa création. « Je partirai d’ici quand le projet de gare sera


abandonné, assure-t-il. J’ai signé le serment du triangle et me suis engagé à protéger ces terres agricoles, quoi qu’il en coûte, contre les ambitions mortifères des bétonneurs. » Son vœu ?


Que les pouvoirs publics réorientent leur efforts vers « l’amélioration de leurs transports du quotidien comme nous l’avons défendu samedi dernier, devant la gare de


Villiers-le-Bel-Gonesse-Arnouville, avec les habitants de Gonesse ».


Dans la bonne humeur, Arsène et ses camarades installent une palette au-dessus de la porte d’entrée du « Saloon », pour mieux isoler la cabane la plus imposante de la Zad. Le jeune homme est


un habitué des lieux de vie alternatifs. Il a vécu dans des squats et sur plusieurs Zad : sur le chantier d’une église à Saint-Pierre-de-Colombier, d’un port de plaisance à


Brétignolles-sur-Mer en Vendée, ou encore au Carnet, une zone naturelle promise à l’extension du Grand Port maritime de Nantes-Saint-Nazaire. « Des projets d’un autre temps », tempête-t-il.


Il se dit mû par « le côté débrouille » de ces lieux façonnés « avec les mains et l’intelligence collective », où l’« on grignote des espaces de liberté à un pouvoir de plus en plus


autoritaire contre tout ce qui est subversif ».


Alex, elle, s’attelle à consolider l’« armoire à matos » où sont rangés les outils. Elle a le sentiment que la Zad « redonne du pouvoir d’agir dans un période où les luttes sont étouffées


par le Covid-19 » : « On expérimente un mode d’organisation, de décision, de vie en commun. On construit un rêve où les citoyens et leur intelligence collective ont leur mot à dire et ne


font pas que subir les décisions venues d’en haut ». Elle aurait néanmoins préféré « ne pas en arriver là ». « On y a été contraints, dit-elle, par des années de recours en justice épuisés,


et par un gouvernement qui force pour commencer au plus vite les travaux. » Alex estime que si l’État comptait sur le Grand Paris pour briller à l’international, « il fait fausse route » : «


 Nous aussi on porte un projet pour lui permettre de briller : prendre à bras-le-corps les enjeux sociaux et écologiques. »


Le projet Carma, un projet alternatif visant à développer une agriculture vivrière sur le triangle de Gonesse, « est justement prêt à démarrer, à l’instant même où la gare serait abandonnée 


», s’enthousiasme Bernard Loup, président du CPTG, qui lutte depuis plus de dix ans pour sauver les terres fertiles du triangle. « Une agriculture saine et locale, ce serait beaucoup plus


pertinent pour l’avenir de ce territoire que les propositions absurdes de la présidente du conseil départemental du Val-d’Oise Marie-Christine Cavecchi (Les Républicains, NDLR), qui souhaite


implanter une annexe de la Philharmonie à destination des publics jeunes, un conservatoire de la presse, une cité des médias ou encore un centre de conservation pour la Bibliothèque


nationale de France », soutient Djissie.


Malgré l’apparente sérénité des zadistes, la menace d’une expulsion se précise. L’avenir de la Zad de Gonesse se jouera au tribunal de Pontoise ce vendredi 19 février. Valérie Pécresse, en


tant que présidente de l’Établissement public foncier d’Île-de-France (EPFIF), a porté plainte contre le CPTG et son président, Bernard Loup, pour leur soutien à l’occupation d’un terrain


appartenant à l’EPFIF, où s’est installée la Zad de Gonesse.


La présidente du conseil régional d’Île-de-France demande au tribunal « d’ordonner l’expulsion immédiate et sans délai de M. Bernard Loup et de l’association « Collectif pour le Triangle de


Gonesse » dès le prononcé de l’ordonnance à intervenir, et ce sous astreinte de 800 euros pour chacun d’eux par jour de retard ».


Une première audience s’est tenue le mercredi 17 février. Une soixantaine de militants avec des casquettes et des drapeaux vert fluo « Oui aux terres de Gonesse » s’étaient rassemblés sur le


parvis du tribunal. « Un huissier de justice est passé à la Zad le lundi 8 février. Je lui ai tendu ma carte et il n’en a pas demandé d’autres », a expliqué Bernard Loup en s’époumonant


dans un mégaphone qui ne fonctionnait pas.


À l’issue de l’audience, les magistrats ont accordé aux zadistes un sursis de 48 heures. L’avocat de la défense, Me Étienne Ambroselli, ne pouvant pas être présent, « il y a un certain


caractère d’urgence mais il y a aussi nécessité de respecter le droit de la défense », a jugé le président de la chambre. Me Tanguy Salaun, l’avocat de l’Établissement public foncier


d’Île-de-France (EPFIF) avait plaidé « l’extrême urgence du dossier » : « L’occupation de la parcelle est mitoyenne de l’emprise de la future ligne 17 du GPE et sa volonté est de faire


obstacle à ce chantier », a-t-il argumenté. « Il n’y aura pas d’autre renvoi », a assuré le président de la chambre.


Même si une ordonnance d’expulsion immédiate était prononcée ce vendredi, Bernard Loup a promis que « la lutte ne s’arrêterait pas ». « Mais nous aimerions éviter l’affrontement militaire,


ajoute-t-il. Ce serait tout à l’honneur du gouvernement d’arrêter ce projet de gare avant. Le terrain occupé serait alors immédiatement libéré. » « Je sais que la police sera plus forte que


moi, mais de toute façon, s’ils nous délogent de là sans abandonner la gare, nous irons ailleurs », prévient Djissie. Derrière lui, un graffiti : « Ceux qui vivent sont ceux qui luttent ».


Personne ne modifie ce que nous publions. Nous n’avons ni actionnaire, ni propriétaire milliardaire — seulement une équipe d’irréductibles journalistes, pleine de détermination.


Source et photos : Alexandre Reza-Kokabi et Anne Speltz pour Reporterre


. chapo : Mercredi 17 février, un groupe de Gilets jaunes de Grigny a monté un dôme géodésique en bambou sur la Zad. Il pourrait servir de serre pour cultiver des légumes.


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