« Il m’a mis une main aux fesses » : face à l’insécurité, des joggeuses s’organisent en groupes

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« IL M’A MIS UNE MAIN AUX FESSES » : FACE À L’INSÉCURITÉ, DES JOGGEUSES S’ORGANISENT EN GROUPES


Janvier 2025. Le froid mordant n'avait pas dissuadé Aurélia Jourdan Garcia de s'élancer pour son jogging habituel dans les allées d'un parc dijonnais. Écouteurs vissés sur les


oreilles, cette diététicienne n'avait, a priori, rien à redouter dans cet espace vert relativement fréquenté. Pourtant, entre deux foulées, un cycliste surgit à sa hauteur et lui « met


 une main aux fesses ». Saisie par le choc, la coureuse voit son agresseur s'éclipser sans prononcer un mot. Aurélia Jourdan Garcia vient d'être victime d'une agression


sexuelle. « Cet acte m'a profondément traumatisée et révoltée », confie la diététicienne quelques mois plus tard.


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Une simple recherche sur Google associant les mots « agression » et « joggeuse » révèle une cascade d'articles de presse relatant l'histoire de femmes agressées pendant leurs


courses à pied. « Agression sexuelle d'une joggeuse à Saintes », 4 février 2025, France Bleu ; « Attaque au couteau d'une joggeuse à Vergèze », 17 mars 2025, _Midi libre _; « En


Loire-Atlantique, la joggeuse avait réchappé à une agression sexuelle », 17 mars 2025, _Ouest-France_ ; « Agression d'une joggeuse à Rouillon », 23 mars 2025, _Ouest-France_.


Force est de constater que courir quand on est une femme présente des facteurs de risque supplémentaires par rapport aux hommes. Selon une étude commandée par Adidas en 2023, qui a interrogé


9 000 pratiquants de course à pied, âgés de 16 à 34 ans, dans neuf pays différents (Japon, Chine, États-Unis, Royaume-Uni, Mexique, Émirats arabes unis, France, Allemagne, Corée du Sud), 92


 % des coureuses éprouvent des inquiétudes pour leur sécurité et la moitié (51 %) redoute d'être physiquement agressée, contre 28 % des hommes. En outre, 38 % des joggeuses ont déjà été


victimes de harcèlement physique ou verbal.


REMARQUES SEXISTES, MENACES, HARCÈLEMENT, AGRESSIONS SEXUELLES…


« L'insécurité fait partie intégrante de la vie de toutes les femmes ; c'est un constat sans appel », déclare Mathilde Castres, fondatrice de l'association de running Sine Qua


Non, qui lutte contre l'insécurité des femmes. En effet, selon une étude de l'Observatoire du running sortie en 2025, une femme sur deux a déjà fait face à des situations


problématiques lors de ses sorties. 56 % sont concernées par des regards, des remarques sexistes, des menaces, voire des agressions.


Aurélia Jourdan Garcia a été tellement traumatisée par son agression qu'elle en a « abandonné ses baskets ». Ce discours n'est malheureusement pas isolé : « C'était mon


ressenti et c'est aussi celui des femmes avec qui je pratique. »


C'est une réelle diversité et banalisation des situations problématiques auxquelles les coureuses doivent faire face : regards insistants, remarques sexistes, menaces, harcèlement


verbal ou physique, contacts physiques non désirés, la course à pied s'accompagne d'une longue liste de dangers pour ses pratiquantes.


L'insécurité ne s'arrête pas là, des coureuses ont rapporté avoir été suivies, repérées via des applications de jogging type Strava. C'est une problématique universelle,


indépendante du lieu, car ces agressions ne sont pas spécifiques à certains quartiers : elles surviennent en ville, à la campagne, dans les bois, sur les quais. Comme le rappelle Aurélia : «


 Ce n'est pas tant les quartiers que les comportements » qui posent un problème.


À LIRE AUSSI LES FEMMES, PREMIÈRES VICTIMES DU COMMUNAUTARISMECourir quand on est une femme, c'est adapter ses habitudes. Éviter la nuit est un réflexe et avec les contraintes qui


accompagnent l'hiver, les coureuses sont parfois obligées de laisser leurs baskets de côté pour quelques mois. Revoir son parcours, privilégier les lieux fréquentés, éviter certaines


zones. Modifier sa tenue et ses comportements, renoncer aux shorts et brassières par peur d'attirer l'attention. Prévenir un proche, partager sa position en temps réel, utiliser


des applications de tracking, s'équiper d'objets de défense (shocker électrique, bombe au poivre).


Et quand bien même sont-elles les plus préparées et précautionneuses, la charge mentale des coureuses ne s'allège pas. Face aux interactions impromptues, car des vêtements larges ne


sont jamais une garantie, il leur faut choisir la bonne attitude. Ni trop agressive pour ne pas provoquer une escalade, ni trop passive pour ne pas encourager un comportement indésirable.


L'approche d'un groupe d'hommes, même inoffensif, suscite de l'anxiété, cette vigilance constante imposée aux femmes semble être un effort sportif à part entière. Ainsi,


selon l'étude d'Adidas, près de la moitié des femmes victimes de harcèlement arrêtent la course à pied.


UNE SOLUTION POUR LUTTER CONTRE L'INSÉCURITÉ : DES CLUBS DE RUNNING


À la suite de son agression, Aurélia Jourdan Garcia a exprimé sur Facebook sa colère et sa tristesse : « Il devient difficile et dangereux pour une femme de faire son sport dans la rue


tranquillement. Par conséquent, je vous propose, pour celles que ça intéresse, de créer un groupe uniquement féminin durant la période du printemps, pour faire du sport. » Une initiative qui


a vu le jour, et qui connaît un vif succès pour Aurélia Jourdan Garcia et son groupe « Bouge ton body ! ».


Ces dernières années ont vu éclore, aux quatre coins de l'Hexagone, une myriade de collectifs de course à pied, mixtes et non-mixtes. Le Sine Qua Non à Paris, le Pimento Running Club à


Lyon, le Sunset Girls Run Club à Marseille, le Run VNR à Rennes… Autant de collectifs qui permettent à la fois de lutter contre l'insécurité, mais aussi de créer des moments de


convivialité autour de la course.


À LIRE AUSSI DÉCOUVREZ LES DÉPARTEMENTS OÙ LE SENTIMENT D'INSÉCURITÉ EST LE PLUS FORTQuand Mathilde Castres, la présidente de l'association Sine Qua Non, a été victime


d'agression sexuelle dans le cadre professionnel, elle s'est adonnée à la course et a découvert « un puissant vecteur de résilience ». Elle a ainsi souhaité transposer cette


découverte à grande échelle, en proposant des courses pour dire « stop aux violences sexistes et sexuelles ». Confrontée aux nombreux témoignages de femmes victimes d'agressions,


Mathilde Castres a décidé de combattre ce harcèlement de rue en s'affirmant, avec les autres membres de son association, là où les femmes seules s'effacent : la nuit, en tenue


courte et dans des quartiers présentant des taux d'insécurité plus élevés.


« Courir en groupe aide certainement, on se sent plus fortes, mais cela n'empêche pas complètement les remarques. Nous pouvons toujours en recevoir, mais le groupe permet une réaction


collective face à ces comportements », explique Mathilde Castres.


« Notre première édition en 2018, nous avions choisi de l'organiser à la tombée de la nuit, au départ de la place Stalingrad à Paris, en longeant le canal de l'Ourcq jusqu'à


Pantin », explique Mathilde Castres.


Ainsi, courir en groupe transforme le sentiment de vulnérabilité en véritable force collective. « J'ai été particulièrement attentive lors des premières sorties, et j'ai constaté


que l'effet collectif nous rendait invisibles », explique Aurélia Jourdan Garcia.


Courir à plusieurs permet aux femmes de reprendre possession de l'espace public, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, mais aussi de s'affranchir des contraintes


vestimentaires imposées par la peur. « Nous devons pouvoir nous habiller comme nous souhaitons. Quand il fait chaud, il est normal d'être en brassière, c'est plus confortable


qu'en jogging ou survêtement. Nous défendons ce message, particulièrement dans les quartiers où ce n'est pas habituel. »


À LIRE AUSSI SUR LEBONCOIN ET VINTED, LES VENDEUSES SUBISSENT DU HARCÈLEMENT SEXUEL À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre Aurélia Jourdan Garcia et Mathilde Castres ont pu créer, grâce à


ces groupes sportifs, un espace de dialogue où les femmes partagent leurs expériences, prennent conscience de la récurrence du problème et se soutiennent mutuellement. Par ailleurs, les


sessions mixtes jouent aussi un rôle clé dans la sensibilisation des hommes : « Ils découvrent qu'avant d'aller courir, une femme vérifie l'heure, reconsidère sa tenue, revoit


son parcours, prévient son compagnon ou sa compagne de sa distance, lance son application de suivi et partage son itinéraire en direct. Et quand nous leur faisons part des remarques que


nous subissons quotidiennement pendant nos courses, ils sont toujours surpris par leur caractère généralisé. C'est une véritable prise de conscience. »


Aurélia Jourdan Garcia ne cherche pas à stigmatiser les hommes mais plutôt quelques individus : « Il est vraiment dommage de renoncer à ce qu'on aime à cause du comportement de cette


petite minorité qui pollue nos loisirs. »


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