Pourquoi le dollar semble impossible à détrôner

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Pourquoi le dollar semble impossible à détrôner"


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Le dollar règne aujourd'hui en maître sur les échanges internationaux, servant de principale monnaie de facturation pour le commerce, d'endettement public comme privé, et de


réserves pour les banques centrales. Pourtant, son prestige génère un paradoxe : plus il est demandé, plus les États-Unis accumulent des déficits. Valéry Giscard d'Estaing, du temps où


il était le ministre des Finances et des Affaires économiques du général de Gaulle, avait parlé d'un « privilège exorbitant », fustigeant la capacité américaine à vivre au-dessus de ses


moyens. À raison.


Aujourd'hui, du moins pour Stephen Miran, conseiller économique en chef du président Donald Trump, ce privilège n'en serait plus tout à fait un. À l'en croire, son


attractivité maintiendrait une monnaie trop forte, encourageant la consommation de produits importés bon marché, ce qui aurait pour conséquence de défavoriser l'industrie manufacturière


nationale. C'est ce que les économistes appellent parfois le « dilemme de Triffin », thème également central dans les analyses de l'économiste américain Michael Pettis, qui


enseigne à l'université de Pékin.


Donald Trump, qui veut redonner du travail aux cols-bleus de son pays, s'est saisi de ce sujet. Mais, pour l'heure, sa stratégie est schizophrénique : il veut affaiblir le billet


vert pour tenter de doper la compétitivité de son pays, et, dans le même temps, il menace ses partenaires d'augmenter les tarifs douaniers les visant s'ils cessent de


l'utiliser pour leurs échanges et, donc, s'ils le laissent trop se déprécier. Quant aux pays qui réussiraient l'équilibre impossible voulu par Trump ? Ils ne seraient pas


exemptés de hausses douanières… Ce discours ne rassure pas les investisseurs, et les taux longs sur la dette américaine ont augmenté en partie à cause de cela.


Ce n'est pas la première fois que la monnaie américaine suscite la méfiance. Comment accepter que les États-Unis accumulent des déficits tout en étant considérés comme le pays le plus


fiable sur le plan monétaire ? Dès 1965, de Gaulle dénonça ce paradoxe, ordonnant, à la surprise générale, le rapatriement de l'or des Français stocké à Fort Knox. Six ans plus tard,


les États-Unis abandonnèrent la convertibilité en or de leur monnaie, la dévaluant aux dépens de leurs alliés, lesquels perdirent une partie de leur épargne au passage.


La fin du système de Bretton Woods et la crise inflationniste des années 1970 n'ont pas eu raison de la devise de l'Oncle Sam. Au contraire, elle est restée solidement implantée au


cœur des échanges mondiaux. Plus frappant : en 2007-2008, alors que l'Amérique plongeait le monde entier dans une crise financière majeure à cause du dysfonctionnement de son marché


immobilier, le dollar n'a pas été sanctionné. Il a été… renforcé ! Et pour cause : la panique économique mondiale avait conduit les investisseurs étrangers à acheter en masse des bons


du Trésor américain, considérés alors comme étant les valeurs refuges par excellence.


Le passé nous l'enseigne : déloger une devise dominante n'est pas chose simple. Les États-Unis sont devenus la première économie mondiale en 1914. Mais la livre sterling a résisté


deux décennies encore comme monnaie de référence. Il lui a fallu le choc de la Seconde Guerre mondiale pour que le billet vert finisse par lui ravir sa couronne. Du reste, l'économiste


de la Banque d'Angleterre Roger Vicquéry rappelle que, jusqu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le franc était aussi puissant que le dollar dans les échanges à Londres, la


première place financière de l'époque.


Même les désastres ne suffisent pas toujours à déloger une monnaie dominante sur le plan international. Ainsi, le solidus romain, devise impériale par excellence, a survécu plus de sept


siècles après la chute de l'Empire romain d'Occident, en 476. Il n'a disparu en effet qu'après une dévaluation par Constantinople, affaiblie par le siège des Croisés, en


1204. C'est alors seulement que les florissantes cités de Florence, Gênes et Venise ont émis leurs propres monnaies.


De nos jours, la devise chinoise semblerait être, sur le papier, une candidate naturelle pour remplacer le dollar. Pourtant, le yuan est encore loin d'inspirer totalement confiance aux


investisseurs. D'abord parce que le régime chinois, réputé agressif économiquement et politiquement par une bonne partie du monde, notamment en raison des tensions autour de l'île


de Taïwan, ne semble pas encore capable d'assurer le degré de confiance nécessaire à l'instauration d'une monnaie mondiale crédible. Et puis parce que le yuan n'est pas


librement convertible.


Et l'Europe, alors ? Elle avait débuté en fanfare au début de ce millénaire. Le rappeur new-yorkais Jay-Z avait même mis en scène des gangsters américains comptant des liasses


d'euros dans un clip de 2007 – une consécration inattendue pour Jacques Delors, le père de la monnaie unique ! Las, l'âge d'or attendu n'est pas venu : l'euro est,


certes, utilisé par les Européens et leurs partenaires commerciaux immédiats, ce qui n'est pas négligeable. Mais son poids dans les réserves des banques centrales plafonne à seulement


20 % contre près de 60 % pour le dollar.


À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre L'anthropologue français René Girard (1923-2015), étrangement en vogue dans les milieux trumpistes ces temps-ci, aurait pu expliquer la


puissance du dollar grâce à l'un de ses concepts phares : le « désir mimétique ». L'USD est attirant parce que tout le monde le désire. Autrement dit, même si je préfère m'en


départir, j'ai intérêt à attendre que les autres le fassent d'abord. Et réciproquement.


Prenons un exemple concret : lorsqu'un commerçant thaïlandais négocie avec un partenaire sud-africain, convertir directement des bahts en rands relève de la gymnastique bancaire. Mais


passer par le dollar est bien plus simple, rapide et efficace – tous les pays ont des banques qui échangent cette monnaie. Ainsi, même à des milliers de kilomètres de Washington, le billet


vert s'impose comme un intermédiaire privilégié. Il intervient dans 88 % des opérations de change dans le monde. Résultat : malgré les provocations du président Trump, malgré les


déficits abyssaux, malgré les crises et les doutes, le roi dollar reste solidement accroché à son trône. Cela durera-t-il encore deux ans ou cinquante ans ? Nul ne le sait.


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