Éric Fottorino ressuscite les années Pivot

Un écrivain se souvient, trente ans plus tard, de 1990. Une année éternelle. Celle d'_Apostrophe_ et de Pivot, et de sa venue au monde des mots. _« J'avais choisi ma naissance,_

écrit-il. _Je serais l'enfant de mes livres. »_ « Lui », le narrateur, c'est Jean Foscolani, dit « Fosco ». _« Retenez bien son nom »_, disait Clara, son attachée de presse, il a

une _« gueule d'écrivain »_ et _« a écrit le plus beau roman du monde »_, intitulé : _Des gens sensibles_. Fosco avait 20 ans et croyait tout ce que disait Clara, son aînée de quinze

ans, irradiante, adorée. _« Ce qui frappait dans son visage, c'était la blessure. Les cernes gonflés de mauvais sommeil _[…]_, des mauvais souvenirs qu'elle matraquait de bulles

millésimées. Clara avait été sublime. Ce qui survivait de son éclat était bouleversant. Cela vous prenait là, au creux du ventre, et vous serrait jusqu'à la gorge, de voir son air

espiègle et sombre à la fois, au bord de la détresse par instants, et de l'entendre se battre pour imposer ses auteurs. »_

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Avec Saïd, jeune écrivain algérien traqué par les intégristes religieux dont il dénonçait les crimes, ils formaient un trio fou de littérature. Clara était la maîtresse de l'un, la muse

de l'autre. _« Le siècle finissait »_, écrit Fottorino, et ces trois-là étaient pendus à leurs rêves, aux livres et à la poésie, ils « s'entrevivaient », aurait dit Prévert, ils

croyaient que _« seule l'écriture pouvait approcher le mystère de la vie »_.

Que Fotto soit Fosco et que Clara et Saïd aient été des personnes avant d'être des personnages importe peu, au fond. Ce qui compte, et demeure, c'est leur histoire, leurs

histoires, leurs combats, leurs amours et leur rage, le merveilleux parfum d'âme qui flotte au-dessus d'eux et de ce roman aussi bref que profond.

À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre _« Des gens sensibles »_, d'Éric Fottorino (Gallimard, 160 p., 18 €).

Retrouvez Éric Fottorino à 15 h 30 le 31 mai à l'espace Débats du Festival du livre, à Nice.