Pierre nora, académicien et historien de l’âme française, est mort
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L’historien, auteur des « Lieux de mémoire », vient de disparaître à l’âge de 93 ans. Il fut à la fois un grand éditeur et un intellectuel soucieux de comprendre la France et son évolution,
marquée par le triomphe du « mémoriel », qu’il déplorait. Publicité Il était une des plus grandes figures de la vie intellectuelle françaises de ces cinquante dernières années. L’historien
et académicien français Pierre Nora, qui vient de décéder ce lundi 2 juin 2025 à l’âge de 93 ans, était surtout connu pour être le maître d’œuvre des _Lieux de mémoire_. Cette très vaste
entreprise éditoriale, commencée au début des années 1980 et portant sur l’esprit de la France, avait contribué à réveiller les débats sur la question mémorielle, son rôle face à l’histoire,
ce qui n’empêchait nullement Pierre Nora d’avoir été un historien de grand talent et un intellectuel très influent, éditeur des sciences humaines chez Gallimard. Il s’était même découvert
sur le tard une vocation d’écrivain, ayant publié deux ouvrages de mémoires, _Jeunesse_ (2022) et _Une étrange obstination_ (2023), des livres marqués par un goût et un talent littéraire
certains, où il brossait le portrait d’un monde intellectuel et mondain parisien dont il était familier, étant né en 1931, dans une famille de la grande bourgeoisie juive parisienne. Il
était le frère cadet du haut fonctionnaire Simon Nora, homme clé des années Pompidou, dont il évoquera de façon touchante la personnalité brillante et complexe. Il avait suivi un parcours
classique, mais son échec à l’École normale fut, dit-il, _« la chance de sa vie »,_ car elle l’obligea à évoluer toujours entre plusieurs mondes, l’édition, les revues et le monde
académique, sans jamais se laisser enfermer dans aucun._ « À l’université, j’ai toujours été un mouton à cinq pattes. » _ FONDATEUR DE LA PREMIÈRE DES GRANDES REVUES INTELLECTUELLES
LIBÉRALES FRANÇAISES Il se fit d’abord connaître du grand public éclairé en fondant en 1980, avec son ami Marcel Gauchet, la revue _Le Débat_, qui témoigne d’une époque où certains ont cru
pouvoir changer l’état d’esprit de la réflexion intellectuelle en France. Cela n’a duré qu’une vingtaine d’années, au lendemain du bicentenaire de la Révolution française et à la faveur de
la chute du Mur. _Le Débat_ s’est imposé comme la première des grandes revues intellectuelles libérales françaises, en suivant la ligne tracée par ses aînés, comme Raymond Aron ou François
Furet, grand ami de Nora, avec Marcel Gauchet et Ran Halévi. Tous caressaient l’espoir de sortir le pays des ornières du marxisme et du _« catéchisme révolutionnaire »_ qui dominait depuis
1945. Mais cet espoir a vécu. Pierre Nora nous confiait en 2022 : _« Lorsque j’ai créé _Le Débat,_ je me trompais en croyant à un apaisement des radicalités. Cela n’a pas duré longtemps. »_
La parenthèse enchantée des années 1980-2000, qui ne le fut d’ailleurs que pour le monde intellectuel, car, dans le monde médiatique, régnait une étouffante _« pensée unique »_, n’eut pas de
suite et, dès 2001, à la faveur des dérives de la _« mondialisation heureuse »_ et des crises du Moyen-Orient, on a vu refleurir en France les pires travers du _« catéchisme révolutionnaire
»_, avec son sombre cortège d’exclusions, d’anathèmes et de proscriptions, favorisé désormais par l’évolution de la « cancel culture » anglo-saxonne. Nora voyait dans ce retour du folklore
révolutionnaire une expression de la faiblesse politique de la gauche : _« Plus la gauche politique est impuissante, plus la gauche intellectuelle se fait radicale. » _ Même s’il décida en
2020 de mettre fin à l’aventure du _Débat_, décision symbolique s’il en est, il aura tenté jusqu’à la fin d’entretenir cette flamme d’un libéralisme éclairé et modéré à la française,
s’écartant autant du libéralisme économique d’un Hayek que des dérives libertaires, s’inscrivant dans la longue lignée des Montesquieu et des Tocqueville, ce qui ne signifie nullement une _«
pensée tiède »_, comme certains ont tenté de dire. Car Pierre Nora avait le courage discret de certains modérés face aux passions obtuses et aux causes totalitaires. « MONSIEUR
NOTES-DE-BAS-DE-PAGE » Dès ses débuts aux Éditions Gallimard, où il avait été recruté en 1965 pour développer le secteur des sciences sociales, il avait tenu tête à Aragon, qui refusait la
publication de_ L’Aveu,_ d’Artur London. Nora ne céda pas et l’auteur maison _(Aurélien, La Semaine sainte), _ayant échoué à le faire exclure de la rue Sébastien-Bottin, le surnommera
désormais avec mépris Monsieur Notes-de-Bas-de-Pages. > Il est celui qui a anticipé le régime de post-vérité > Michel Foucault Nora en souriait, il racontera l’anecdote dans ses
Mémoires : le succès des livres qu’il publiait dans ses collections et le prestige qu’ils conféraient à la maison avaient balayé les préventions mesquines du poète. Désormais, l’histoire et
les sciences humaines auraient pignon sur rue dans le temple même de la littérature. L’historien polémiquera aussi avec d’autres « monstres sacrés », comme Pierre Bourdieu et certains
tenants de la French Theory, même s’il était l’ami de Michel Foucault, dont il fera un portrait ironique et touchant, le qualifiant d’_« esprit brillant, acrobatique et paradoxal (…). Il
prétendait faire la philosophie de la vérité et son travail aboutissait à ne pas dire le vrai. Il est celui qui a anticipé le régime de post-vérité. »_ CONTRE TOUTES LES CENSURES Nora
plaidera toujours pour la liberté du travail académique, contre toutes les censures, même inspirées des meilleures intentions. Il s’opposera ainsi dès 1990 à la loi Gayssot, craignant dès
cette époque qu’une « dictature de la mémoire » puisse un jour menacer le travail de l’historien. À noter qu’à l’époque il était rejoint par de nombreux intellectuels de gauche, comme
Madeleine Rebérioux ou Pierre Vidal-Naquet. On mesure l’involution ! Nora poursuivra son combat en lançant en 2005 une pétition, « Liberté pour l’histoire », contre l’inflation des lois
mémorielles. Il ne se sentait pas responsable de cette _« dérive mémorielle »._ Selon lui, le passage _« du mémoriel à l’identitaire »_ était à l’opposé du grand projet des _Lieux de
mémoire_ ; il ne s’agissait pas alors d’entretenir des blessures identitaires, disait-il, mais de libérer une parole émancipatrice pour ranimer la conscience de minorités que l’histoire
jacobine et républicaine officielle n’avait pas prise en compte ou avait rabotée. Ce projet éditorial, né lors d’un séminaire sur l’histoire contemporaine organisé à l’École des hautes
études en sciences sociales, avait pris dix ans et compte aujourd’hui sept énormes volumes (un pour « la République », trois pour « la Nation » et trois pour « les France »). Pierre Nora
était pour cette raison certainement l’un des meilleurs spécialistes des secrets de l’« âme française » et aussi l’un des mieux placés pour en commenter la crise. Ses derniers livres en
témoignent. Élu à l’Académie française au fauteuil du journaliste Michel Droit, Pierre Nora y reçut plus tard son cadet Alain Finkielkraut et, plus récemment, Antoine Compagnon. C’était au
fond un grand intellectuel qui ne cédait jamais aux modes, y compris celles de son milieu. Ainsi refusera-t-il toujours chez Gallimard de publier les « nouveaux philosophes », qu’il jugeait
trop faibles. Il refusa aussi de publier le livre de l’historien marxiste Eric Hobsbawm, _L’Âge des extrêmes _(1994), ce qui lui valut les attaques de l’historien Perry Anderson pour crime
de lèse-majesté marxiste. Pourtant, comme directeur de la « Bibliothèque des sciences humaines », de la « Bibliothèque des histoires », de la collection « Témoins », Nora fut très
éclectique, et il contribua à diffuser en France des auteurs très importants, comme Ernst Kantorowicz, que l’université jugeait alors « dilettante », Georges Dumézil, Claude Lefort, Elias
Canetti, Georges Duby, Jacques Le Goff, Maurice Agulhon, François Furet, Emmanuel Le Roy Ladurie et, bien sûr, Aron et Foucault. «UN CITOYEN LAÏQUE PUR ET DUR » Cet intellectuel élégant,
d’un caractère parfois compliqué, au physique racé et séduisant qui évoquait Paul Newman, passait pour l’archétype du _« grand bourgeois de gauche »_, comme l’avait portraituré Maurice
Clavel. Il était certes l’héritier d’une famille juive de l’« aristocratie républicaine », ancien mari de l’historienne de l’art Françoise Cachin, qui partageait la vie de la journaliste
Anne Sinclair. Mais il se voulait d’abord et avant tout _« un citoyen républicain laïque pur et dur »_ et il disait que son devoir était, sur le plan politique comme sur le plan culturel, de
_« défendre cette tradition »._ Il ne croyait ni aux vertus du « roman national » ni à celles des commémorations. _« Plus notre pays rétrécit, plus on rêve de sa grandeur. »_ L’école était,
selon lui, la clé de tout. _« Tout se joue au collège et au lycée »_, disait-il. Il ne fallait chercher nulle part ailleurs les causes de notre affaissement. Il plaidait, non pour la
culture générale,_ « notion très contestable qui s’apparente au concours Lépine »_, mais pour _« la culture humaniste »._ C’était cette culture qui avait donné cette époque de _« grande
fécondité »_ dont il craignait en 2023 d’être le dernier des Mohicans.
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