Faut-il avoir peur des crèmes solaires?

Les autorités sanitaires ont eu une petite frousse sur les crèmes solaires il y a quelques années. Jusqu’à maintenant ces inquiétudes ne se sont pas avérées fondées — c’est même pas mal le

contraire, comme on le verra —, mais disons que cela a quand même amplifié des rumeurs qui, malheureusement, couraient depuis longtemps sur les réseaux sociaux. Jusqu’en 2019, on présumait

que, quand quelqu’un s’enduit de crème solaire, les quantités d’ingrédients actifs qui traversent la peau et passent dans le sang sont négligeables. Mais, cette année-là, une petite étude

portant sur 24 participants a testé quatre lotions qui avaient le même ingrédient actif (avobenzone) et a trouvé que celui-ci se retrouvait systématiquement dans le sang, où il atteignait

des concentrations qui dépassaient systématiquement le seuil recommandé par la santé publique américaine (FDA) de 0,5 nanogramme par millilitre de sang (ng/ml). Un autre article, publié

l’année suivante dans le _Journal of the American Medical Association_, a confirmé ces résultats et les a étendus à quelques autres ingrédients actifs des crèmes solaires. Alors, est-ce

qu’il faut s’en inquiéter? Pas vraiment, en fait, du moins pas pour l’instant. D’une part, ont noté certaines critiques de ces travaux, les quantités de crème solaire testées n’étaient pas

particulièrement réalistes. Les participants devaient en effet s’enduire 2 milligrammes de lotion par centimètre carré de peau (mg/cm²) à toutes les deux heures alors que, dans la «vraie

vie», les gens s’en mettent généralement plutôt autour de 1 mg/cm² d’après certaines études, voire seulement 0,4 à 1 mg/cm² selon d’autres — et la plupart ne s’en remettent pas plusieurs

fois par jour. En outre, il faut comprendre ce que ce fameux seuil de la FDA (0,5 ng/ml) représente. Il ne s’agit pas d’une limite au-delà de laquelle des effets nocifs sont attendus pour

les ingrédients actifs des crèmes solaires. C’est plutôt une valeur _très générique_ indiquant un niveau où une exposition unique à _n’importe quelle substance_ devrait engendrer moins de 1

cancer par 100 000 cas. Bref, la FDA se sert de ce seuil de 0,5 ng/ml pour savoir s’il vaut la peine d’investiguer davantage, pas pour déterminer s’il y a un danger. SUIVIS RASSURANTS Or,

pas mal de ces investigations ont eu lieu depuis la publication de 2019, justement, et elles n’ont pas produit de motifs d’inquiétude. Par exemple, un article paru en 2020 dans

l’_International Journal of Dermatology_ a passé en revue toutes les études sur les effets secondaires deux ingrédients actifs (alors déjà interdits à certains endroits), tant chez les

animaux que chez l’humain. Mais elle n’a pas trouvé de signes le moindrement clairs de toxicité de ces deux produits quand ils circulent dans le sang. Par exemple, deux des études recensées

ont trouvé que l’un d’eux, nommé _oxybenzone_, semblait interférer avec l’activité de la glande thyroïde. Mais trois autres de ces études ont conclu à l’absence d’effet. Et l’article a

relevé le même genre de résultats contradictoires pour bien d’autres effets allégués. Ajoutons que d’autres exercices du même genre ont été menés et que leurs conclusions sont à l’avenant.

Fin 2020, le _Journal de l’Association médicale canadienne_ a publié un article qui faisait le tour des études pertinentes et a conclu en faveur des crèmes solaires — pas de données

probantes indiquant un danger, même si le texte appelait à faire plus d’études pour en avoir le cœur net. Et l’an dernier, des chercheurs anglais ont fait paraître une autre revue du même

genre, qui allait dans le même sens. Il faut dire que les bienfaits des crèmes solaires sont connus et bien démontrés, non seulement pour prévenir les coups de soleil, mais aussi d’autres

risques associés aux rayons ultraviolets. Une étude australienne qui a suivi près de 1400 personnes pendant 4 ans et demi a trouvé moins de «carcinomes épidermoïdes» (une forme de cancer de

la peau) chez les participants qui mettaient de la lotion comparé à ceux qui n’en mettaient pas. Ça ne valait pas pour tous les types de cancers, notons-le, mais une mise à jour de cette

étude (qui a suivi les mêmes participants pendant huit ans de plus) a confirmé ces résultats. Cette même étude n’a pas trouvé de signe que la crème solaire pouvait avoir des effets négatifs

par ailleurs. Il est évidemment difficile de tirer des conclusions qui valent pour toutes les marques de crème solaire puisque il existe une bonne vingtaine d’ingrédients différents qui

protègent contre les ultraviolets. Mais dans l’ensemble, ce qu’on sait plaide clairement en faveur de leur utilisation. * * * * * _Vous vous posez des questions sur le monde qui vous entoure

? Qu’elles concernent la physique, la biologie ou toute autre discipline, notre journaliste se fera un plaisir d’y répondre. À nos yeux, il n’existe aucune «question idiote», aucune

question «trop petite» pour être intéressante ! Alors écrivez-nous à : [email protected]._