Elle, monsieur farouk et les alliés

En cette année où on a pu percevoir un recul dans les droits LGBTQ+, c’est dans deux moments de la célèbre série _Heartstopper _que j’ai pu percevoir le reflet de notre société, l’un plus

sombre et l’autre plus lumineux. Tout d’abord, il y a Elle, la jeune femme trans de la série. Dans une scène, Elle, une artiste en pleine ascension, est invitée à une célèbre émission de

radio pour discuter de son art. Malheureusement, à peine l’entrevue commence que l’intervieweuse fait bifurquer l’entrevue de l’art d’Elle vers le débat sur les personnes trans. Alors

qu’elle croyait qu’on la valorisait pour son talent et ses réalisations, la voilà prise au piège à devoir défendre son existence. N’importe qui avec une once d’empathie peut comprendre la

violence de cette scène. Les droits des personnes trans et leur dignité ne devraient pas être matière à débat. Imaginez simplement vouloir vivre dignement en société et devoir être

constamment réduit à un aspect de votre identité (être gaucher, avoir les yeux bleus, être de petite taille), devoir quotidiennement justifier que cet aspect de votre identité n’est pas une

raison de restreindre vos droits. Ouvrir Internet ou un média quelconque et apprendre que pour la énième fois, un politicien d’envergure essaie de marquer des points politiques en mettant en

doute ce que vous êtes. Voir un gouvernement mettre sur pied un comité de sages pour discuter de votre identité… sans personne de votre communauté pour y parler de votre réalité. ALARMANT

Le fameux supplice de la goutte d’eau. Ce n’est pas une seule injure, mais le sentiment de devoir justifier son droit à la dignité tous les jours qui usent. Quand on sait que les jeunes

trans sont 6 à 7 fois plus susceptibles de faire une tentative de suicide, il y a quelque chose d’alarmant de voir une société continuer de les ostraciser «au nom du bien-être des enfants».

De les réduire à «une idéologie radicale» ou du «_wokisme_». Par contre, la série nous offre une autre scène qui nous montre une lueur d’espoir. On y voit M. Farouk, un enseignant austère et

homosexuel, qui tente de convaincre Charlie, personnage principal aussi homosexuel, de se présenter comme président de l’école en insinuant que plusieurs élèves aimeraient un modèle comme

lui. On le voit ensuite tourner la tête et regarder un jeune Monsieur Farouk assis bien droit sur sa chaise, doutant que l’absence de modèle ait pu avoir une influence négative sur son

épanouissement. BESOIN D’ALLIÉS La représentation. Les modèles. C’est de ça que notre société a besoin. Et je ne parle pas seulement de modèles appartenant à la communauté LGBTQ+ qui se

réalisent et s’épanouissent sans devoir se cantonner dans les clichés qu’on réserve à cette communauté. Pas seulement de modèles de cette communauté qui ne sont pas seulement réduits à leur

orientation sexuelle ou à leur identité de genre. La communauté a besoin de modèles d’alliés. De vrais alliés, pas seulement des entreprises qui changent leurs logos pour pouvoir capitaliser

sur la Fierté, mais qui retirent toutes mesures protégeant la communauté en voyant une administration anti-LGBTQ+ à la tête du pays. Elle a besoin de modèles d’alliés qui sauront autant

reconnaître et apprécier la valeur d’une Barbada, d’un monsieur Farouk ou d’une Fae Johnstone. Elle a besoin de personnalités médiatiques, culturelles et politiques qui dénoncent ceux qui

remettent en doute leur droit d’exister dignement pour marquer des points politiques. Elle a besoin d’alliés qui, dans un monde où l’homophobie gagnent du terrain et où le mot «gai»

redevient une insulte dans nos écoles, osent prononcer les mots transphobie et homophobie pour dénoncer ces fléaux, malgré les crises de bacon victimaires que ces mots provoquent. Elle a

besoin de modèles d’alliés qui leur font clairement savoir qu’auprès d’eux, ils sont des personnes à part entière qui ont droit à la dignité. Elle a besoin de modèles qui les inspireront et

qui laisseront savoir aux jeunes Elle que leur identité n’est pas matière à débats politiques et aux jeunes M. Farouk qu’ils peuvent être eux-mêmes sans avoir aucune crainte.

_FRANÇOIS-OLIVIER LOIGNON, M. MUS. CD., ÉTUDIANT AU DOCTORAT EN ÉDUCATION MUSICALE, DIRECTEUR MUSICAL - HARMONIE DE LA RELÈVE DE LA CAPITALE, DIRECTEUR MUSICAL - ENSEMBLE PHILHARMONIQUE DE

LA CAPITALE_