La fatalité de l’asphalte

Le passage du projet devant le comité consultatif d’urbanisme central de la Ville de Sherbrooke le 29 mai dernier a bien démontré que la proposition passait difficilement, comme l’expliquait

mon collègue. La conseillère Christelle Lefèvre avait même déclaré que le projet la faisait saigner des yeux. Le Groupe Laroche propose quelque chose qui est assez banal, dans le sens que

ça ressemble à plusieurs autres projets commerciaux, comme on retrouve d’ailleurs juste à côté sur la 12e Avenue, mais aussi un peu partout à Sherbrooke et ailleurs au Québec. Grosso modo,

c’est un bâtiment d’un étage avec quelques locaux commerciaux et une offre de restauration rapide, entouré de plusieurs stationnements. Certaines conseillères ont même dit «une mer de

stationnements». Ce type de développement respecte donc, sans surprise, les règlements actuels. Il y a des municipalités qui rêvent d’avoir ce genre de projets. Sauf que la Ville de

Sherbrooke travaille aussi, depuis plusieurs mois, avec d’autres promoteurs pour développer ce secteur autrement. Comme le projet Masson qui prévoit 800 portes. Le Groupe Custeau a revu son

projet afin de rendre ce développement immobilier plus dense et plus vert, comme le souhaitait le conseil municipal. Bien que ce secteur soit composé de plusieurs aménagements similaires,

une partie du conseil municipal ne veut plus ce genre de projets avec des commerces loin de la rue, réfléchis que pour l’automobile. Le projet du Groupe Laroche est donc à contrecourant de

tout ce travail fait depuis plusieurs mois et ne correspond pas à comment s’enligne le prochain plan d’urbanisme. Ce n’est pas très difficile de comprendre la volonté d’une bonne partie du

conseil municipal de regarder vers le futur plutôt que rester attaché au passé. On peut aussi facilement comprendre les doléances du Groupe Laroche qui rappelle avoir monté son projet selon

les règlements en cours et qu’un rejet aurait été, selon eux, incohérent. Quelques conseillères et conseillers ont plaidé que ce coin se prête plutôt bien à ce genre de commerces, alors que

la 12e Avenue est devenue une artère importante et qu’il est situé tout près de l’autoroute 610. Sa situation géographique en fait un pôle commercial qui ne sert pas seulement les résidents

du quartier, mais aussi les alentours, comme Stoke ou Ascot Corner. On manque toutefois d’imagination de croire que ce modèle est la seule manière de répondre à ce type de besoin. C’est

juste une question d’aménagement. Que ce soit un McDonald’s, avec du service à l’auto, qui s’y installerait, ce n’est pas vraiment ça l’enjeu. Plusieurs McDo ont le format «halte routière»,

mais la multinationale est capable de s’adapter à plusieurs types d’urbanisme, comme en témoigne sa présence dans plusieurs quartiers historiques ou sur des rues piétonnes. Peu importe en

fait que ce soit un McDo, un Starbucks, un Faro ou un Siboire, l’idée est que le lieu soit agréable pour les autres modes de transports, pas seulement pour les voitures, et que le paysage

urbain soit plaisant. Il y a une manière de créer des pôles commerciaux qui soient conviviaux pour les résidents du quartier et utiles pour les gens qui sont de passage ou qui viennent des

villes voisines. L’asphalte et le béton ne sont pas des fatalités. Mais il y aurait déjà beaucoup de travail à faire pour rendre ce coin agréable pour les piétons. La 12e Avenue est jusqu’à

maintenant, et depuis longtemps, conçue pour la voiture. Le Groupe Laroche a beau mettre des piétons sur ses images, en ce moment, ces piétons sortiraient de nulle part. Il ne suffira pas de

bâtir des logements pour rendre ce coin animé. Un peu plus tôt dans le conseil municipal, la conseillère Christelle Lefèvre rappelait l’importance d’embellir le boulevard Bourque. Une

grande source de la médiocrité visuelle de ce boulevard est justement ce type d’urbanisme avec des commerces et concessionnaires entourés de stationnements, éloignés du boulevard, avec peu

de densité et peu de mixité mobile. C’est un lieu où on circule beaucoup (quand ça ne bouchonne pas), mais étrangement sans âme, sans vie de quartier. Ce petit débat entourant ce projet

commercial du Groupe Laroche a au moins le mérite de démontrer l’importance de l’urbanisme. Comme l’ont souligné plusieurs personnes au conseil municipal, il y a une absurdité de juger un

plan sans le mettre en contexte avec le reste du quartier, sans réfléchir sur ce qu’on veut comme milieux de vie. Oui, ce coin de la ville regorge déjà de ce type de commerces, mais il y a

encore beaucoup d’espaces à développer. Assez pour offrir aussi autre chose. Si la population le souhaite. POUR RÉAGIR À CETTE CHRONIQUE, ÉCRIVEZ-NOUS À [email protected]. CERTAINES

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