Le raccourcissement des dates de péremption

À cette époque, on construisait pour toujours. Tout ce qui est d’origine chez moi dure. Tout ce qui a été «patché» après, non. Un toit en bardeau d’asphalte, on vous le garantit 20, 25, au

maximum 30 ans. Le mien en tôle d’origine aura duré plus de 140 ans. Tout est plus «cheap» de nos jours et le processus s’accélère. Une cuisine de 100 ans est encore jolie et fonctionnelle.

Une cuisine des années 80 en _mélamine_ est déjà due et jugée. Imaginez, chez moi, on avait décidé dans les années 70 («on» excluant la personne qui parle) de baisser les plafonds pour

mettre du «magnifique» suspendu. Ça faisait «pauvre» les murs en bois et les plafonds de 12 pieds, disait-on. Pourtant, le vieux dure. Le nouveau non. Et les murs en préfini qui cachent les

magnifiques murs et les lattes d’origine n’auront été à la mode que quelques années. > On dirait que notre égocentrisme humain nous fait maintenant > refuser que les choses doivent 

nous survivre. À quoi ressembleront > dans quelques décennies les condos neufs montés en deux secondes > avec leurs murs préfabriqués? Résisteront-ils à l’épreuve du > temps? 

Permettez-moi d’en douter. Prenons exemple sur le déclin de vinyle, amicalement appelé «clabord» qui a fait les choux gras des quincailleries de tout le Québec. En 2025, on est en mode

arrachage. Retour au revêtement d’origine de nos jolies maisons. Il en va de même pour les infrastructures. On veut faire plus vite et toujours moins cher. On n’apprend pas. On s’entend que

le pont de Québec, par exemple, vivra beaucoup plus longtemps que son voisin, le pont Pierre-Laporte. À Montréal, le pont Victoria date de 1898, le Jacques-Cartier de 1930. Ils seront encore

debout dans 100 ans tandis que le «feu» pont Champlain, terminé en 1964, est déjà à terre et le pont de l’Île-aux-Tourtes de 1966 est en fin de vie. > On fait «cheap». On pense à court 

terme et nullement aux futures > générations.  Autant dans notre sphère privée que pour nos infrastructures communes, on fait beau, bon, pas cher. On construit et on occulte les durées de

vie, l’investissement. Le principe du plus bas soumissionnaire ne nous aide certainement pas. Non plus le fait que nos représentants politiques pensent plus à leur réélection aux quatre ans

qu’à des legs durables. On est fier, par exemple, de notre Vieux-Québec. Place Royale a plus de 400 ans. Avait-on construit le tout pour du court terme? Non. On la voulait durable. Dans ce

temps-là, on construisait pour toujours, ou presque. Apprenons des anciens. > Imaginez, en construisant dans notre époque dite moderne, on ne > pense même pas à la fin de vie utile de 

ces créations. On pense > même à court terme même lorsqu’on bâtit à grande échelle.  En visitant le Stade olympique - en plein travaux de son nouveau toit - pour mon podcast sur les

grandes constructions canadiennes, j’ai appris qu’il est tout simplement impossible de le démolir. Vous avez bien lu. Le Stade qui fêtera ses 50 ans l’an prochain tient en un morceau par ses

immenses structures de béton en «C» qui tiennent grâce à des câbles tendus cachées dans ses consoles. Passer le démolisseur dedans le transformerait en «slingshot» géant et les morceaux de

béton armé revoleraient jusqu’à Longueuil. En gros, lorsqu’on l’a construit, on a simplement pas pensé au fait qu’il ne serait jamais «démolissable». Qu’il ne mourrait jamais. Spécial. À

l’image d’une génération faut croire. Pareil pour le barrage de Manic 5. On l’entretient de notre mieux. Il a maintenant plus de 50 ans et il retient un bassin d’eau qui a pris 13 ans à

remplir. A-t-on pensé à ce qu’on ferait lorsqu’il sera usé à la corde? Il vivra 100, 200 ans? Non, on n’y a pas pensé. On s’est sans doute dit que nous serions tous morts de toute façon

lorsque cela arrivera. Que les futures générations s’arrangent. Nous ne serons plus là… Nous sommes tous mortels, nos infrastructures aussi, on devrait penser à les élaborer pour le plus

longtemps possible, de les entretenir avec soin et avec une prévision de leurs durées de vie. Investir, faire du durable, cesser de «rafistoler». Vive le progrès! Mais à long terme… Vous

pouvez réagir à cette chronique en écrivant à MC Gilles à l’adresse suivante: [email protected]