Les rénos du chalet et le piège fiscal

Une histoire de chalet. Le problème est soumis par la lectrice Maryse, un cas classique, avec une variante qui rend l’affaire plutôt intéressante. Son père possède une résidence secondaire.

Au décès de celui-ci, le chalet reviendra à notre lectrice, ainsi qu’à sa sœur. Vous connaissez la rengaine, il y aura alors une facture d’impôt découlant du gain en capital (le profit). On

présume donc que le papa est également le propriétaire d’une résidence principale, sans quoi l’exemption sur le gain en capital pourrait s’appliquer sur le chalet. Celui-ci est mûr pour des

rénovations, précise Maryse. Son paternel compte s’y lancer prochainement. Sa sœur et elle songent à participer financièrement aux travaux, ce qui haussera le budget, donc l’ampleur du

projet. Elles hériteront ainsi d’une propriété revampée selon leurs goûts. «Je n’ai toutefois pas l’impression que c’est la meilleure façon de procéder, fiscalement parlant. Je crains que

l’on contribue à faire augmenter la valeur du chalet, ce qui fera monter le gain en capital, et la facture d’impôt qu’on aura à payer au décès de notre père. Y a-t-il une bonne façon de

procéder?» > Sage questionnement, d’autres n’y auraient pas songé. La > réponse pourra la surprendre, car le principal danger n’est pas > ici de nature fiscale. Mais il y a enjeu

fiscal, tout de même. Réglons cet aspect d’abord, pour conclure avec l’angle mort. DEUX TYPES DE DÉPENSES En investissement immobilier, on trouve deux types de dépenses, les courantes et les

capitalisables. Les premières sont déductibles des revenus de location quand l’immeuble en génère. Les deuxièmes viennent augmenter le prix de base rajusté (PBR) de la propriété, ce qui

réduira le gain en capital au moment de la disposition. Je vous rappelle que le gain imposable correspond à la juste valeur marchande (JVM) du bien, moins le PBR. En faisant monter celui-ci,

c’est comme on avait acquis la propriété à un prix plus élevé. «Le propriétaire d’un immeuble à revenus essaiera autant que possible de faire passer ses dépenses comme des dépenses

courantes pour réduire ses revenus de l’année, explique le fiscaliste Michel Lavoie. Si l’immeuble ne produit pas de revenus de location, on voudra plutôt qu’elles se qualifient comme

dépenses capitalisables.» C’est à ce niveau que se situe le nœud fiscal pour Maryse. Si sa sœur et elle contribuent aux projets de rénovation du chalet familial, ça doit être pour des

dépenses capitalisables. > Qu’est-ce qui distingue les deux? La question a déjà été > portée devant les tribunaux, elle a donc fait l’objet de > jurisprudence. De façon générale,

une dépense qui vise à maintenir un immeuble en état sera de nature courante. Si elle est réalisée en vue d’améliorer la propriété et d’accroître sa valeur, elle sera capitalisable. Ça ne

saute pas toujours aux yeux. Le toit est fatigué, on le remet à niveau en remplaçant le bardeau d’asphalte noir clairsemé par un autre brun, les frais engagés ne pourront pas être ajoutés au

prix de base rajusté. Il s’agit de dépenses courantes. En choisissant plutôt de l’ardoise, plus cher, plus beau et plus durable, on apportera une amélioration notable, la facture pourra

alors être capitalisée. Il y a des cas évidents: une rallonge au chalet ou des travaux qui permettent d’y vivre en hiver, ça entre dans la catégorie des dépenses qui seront capitalisables.

Le rafraîchissement de la cuisine vieille de 25 ans, avec une couche de peinture et des cabinets _cheapos_, c’est discutable. Selon les mots de Maryse, «le chalet _nécessite_ des

rénovations». Il y a des investissements qu’il faut consentir pour remettre un chalet droit et le préserver du dépérissement accéléré. Ces dépenses pourraient hausser la valeur de la

résidence secondaire tout en étant de nature courante. Elles doivent être assumées par le propriétaire, soit son père. Si les filles embarquent dans le projet, leur contribution doit servir

à bonifier la propriété par rapport à ce qu’elle offrait à l’origine, et les améliorations doivent être sans équivoque, autant que possible. Leur investissement relèvera le prix de base

rajusté, de sorte qu’il n’augmentera pas le gain en capital éventuel ni l’impôt qui incombera à la succession au décès de leur papa. Surtout, elles doivent garder les factures! L’ANGLE MORT

«Mais qu’est-ce qui se passera si tes lectrices n’héritaient pas du chalet, finalement?», demande le fiscaliste Michel Lavoie, également planificateur financier. > Elles risqueraient de 

perdre ce qu’elles ont investi. Je ne connais pas leur père, sans doute un très gentil monsieur dont l’action n’a pour objectif que le bonheur de sa progéniture. Dans son état actuel, le

scénario dans lequel il déshériterait ses filles est purement invraisemblable, mais une bulle au cerveau est si vite arrivée, ou une jolie veuve, ou encore les deux en même temps. Selon

Michel Lavoie, il serait plus prudent que Maryse et sa sœur accordent un prêt sans intérêt à leur père pour financer les rénovations plutôt que d’injecter directement leur argent dans le

projet. Le résultat, à la fin, sera le même, mais si elles n’héritent pas comme prévu du chalet familial, elles conservent un moyen de récupérer leur investissement. LES CHOSES SUR

LESQUELLES JE NE DÉPENSE PAS MON ARGENT Je m’inspire d’une chronique de l’estimé confrère Nicolas Bérubé, lui-même inspiré d’un billet de Ben Carlson. Nicolas ne dépense pas dans le

magasinage, les chars de luxe, le câble, les vélos en carbone, les pizzas livrées, les meubles neufs. Quant à Carlson, il ne met pas un sou dans le café Starbuck, les draps luxe, le golf,

l’alcool haut de gamme, les lunettes soleil trop griffées… En me livrant à mon tour à l’exercice, ça pourrait avoir l’effet d’une chaîne. Aux trucs qu’ils ont nommés (à part la pizza

graisseuse que je commande de temps en temps et mes New Balance blancs), voici mes ajouts: -Un souffle-feuille -Du fongicide à piscine -Les traitements pour le gazon -Un nettoyeur à pression

-De l’Armor all -Une plaque-personnalisée-si-j’avais-un-char Et vous ? (De retour jeudi prochain.) SI VOUS DÉSIREZ RÉAGIR À CETTE CHRONIQUE, ÉCRIVEZ-NOUS À [email protected]. CERTAINES

RÉPONSES POURRAIENT ÊTRE PUBLIÉES DANS NOTRE SECTION OPINIONS. SI VOUS VOULEZ CONTACTER DIRECTEMENT NOTRE CHRONIQUEUR, VOUS POUVEZ LE FAIRE À [email protected].