Journalistes dans la « bulle » : raconter l’ue depuis bruxelles

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Journalistes dans la « bulle » : raconter l’ue depuis bruxelles"


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Entre prises de parole officielles des acteurs des institutions européennes et échanges informels, les journalistes évoluent dans une sorte de bulle, à Bruxelles.  © Illustration : Chloé


Lelievre La capitale des institutions européennes est une des villes avec la plus haute concentration de correspondants de presse au monde. Mais à quoi ressemble le quotidien de ces


journalistes qui évoluent dans un écosystème unique et décryptent l’Europe pour vous ? Beniamino Morante Publié le 10 mars 2025 La rue de la Loi porte très bien son nom. Imposante et


austère, cette longue artère bruxelloise ponctuée d’énormes bâtiments anonymes, fend en deux le quartier européen. D’un côté comme de l’autre, des édifices administratifs en verre, autour


desquels fourmillent des femmes en tailleurs et des hommes en costume dans un foisonnement de langues. Au carrefour avec le boulevard Charlemagne surgit un palais moderne en forme de croix :


le « Berlaymont », siège de la Commission européenne depuis lequel Ursula von der Leyen oriente les destins du continent. En cette froide matinée de février, comme chaque jour de la


semaine, vers midi, une cinquantaine de journalistes s’y presse pour assister au briefing quotidien de la Commission. Tous écoutent distraitement Stefan De Keersmaecker, second porte-parole


de la Commission, égrener les infos du jour. Éparpillés par nationalités, les journalistes semblent n’attendre que le moment des questions pour harceler de demandes l’homme de main de von


der Leyen sur les droits de douane envisagés par Donald Trump. Mais, là encore, déception. Le journaliste espagnol qui interpelle De Keersmaecker n’obtiendra qu’une bribe de citation, aussi


vague qu’insignifiante. « DE L’EAU TIÈDE » _« C’est un peu le problème de ce briefing,_ soupire Clément Solal,_ les porte-parole sont des communicants hypercadrés, et souvent, ils vont te


servir de l’eau tiède », _regrette le correspondant en charge de l’UE auprès du _Parisien_. _« Nous sommes la voix officielle de la présidente de la Commission, on a des éléments de langage


à respecter, on ne peut pas improviser ce qu’on dit sur scène », _se justifie Guillaume Mercier, un des membres du puissant service des porte-parole de la Commission. _« Bruxelles a toujours


senti ce besoin pressant de communiquer, c’est sa grande obsession : montrer qu’elle n’est pas inutile, justifier son travail, l’expliquer »_, contextualise Pietro Romano qui, entre le


Parlement et la Commission, a passé plus d’une décennie au cœur des institutions. Hélas, « _elle ne donne pas forcément les informations qui nous intéressent_ », déplore Jean-Sébastien


Lefebvre,_ _rédacteur en chef du bureau bruxellois de _Contexte_, média spécialisé dans les affaires politiques françaises et européennes. Jean-Sébastien Lefebvre fait partie des plus de 900


journalistes accrédités auprès de la Commission. En comptant les cameramen et autres appuis techniques, ce sont presque 1 200 professionnels de l’info qui gravitent quotidiennement autour


de l’exécutif de l’UE, ce qui en fait, selon certaines estimations, la deuxième ville au monde en nombre de correspondants étrangers après Washington. Pourquoi tant de journalistes à


Bruxelles ? Jean-Sébastien Lefebvre sourit et nous invite à tourner le regard vers les palais du pouvoir qui encerclent, menaçant, les bureaux de _Contexte_. _« Vous voyez ce qui nous


entoure là ?_ _Ce sont des institutions qui ont été construites par les États membres pour faire des lois. Donc qu’est-ce que fait tous les jours cette machine européenne  ? Elle crée des


normes ! L’information est partout ici. »_ Subventions à l’agriculture, gestion des ressources de pêches, réglementation du commerce, lois environnementales, l’UE légifère dans une infinité


de domaines, et d’un certain point de vue, le journaliste n’a qu’à choisir où fourrer son nez. Et _« une fois qu’on a compris comment marche la machine européenne, on a une très forte valeur


ajoutée à apporter à une rédaction », _assure à ce sujet Clément Solal, qui, comme beaucoup de free-lances ici, tire profit de sa_ _connaissance des rouages bruxellois pour offrir ses


services à des revues de presse professionnelles. > « La communication officielle ne sert à rien ici » _« Il n’y a pas beaucoup de gens qui comprennent comment marche l’UE,_ confirme Joe


Barnes, correspondant bruxellois du _Telegraph_._ Et comment leur en vouloir ?_ _Tout ce langage technique, ces structures… Encore aujourd’hui, je découvre des comités dont je ne soupçonnais


pas l’existence »_, confesse ce jeune journaliste arrivé en Belgique en 2018 pour couvrir le Brexit. Il a tiré une leçon de cette époque : _« À Bruxelles, tous les meetings importants ont


lieu à huis clos, donc pour comprendre vraiment ce qui se passe, il faut parler à des sources en off. Avoir un bon réseau est indispensable. »_ _« La communication officielle ne sert à rien


ici, _appuie Jacopo Barigazzi, journaliste à Politico.eu. _Il faut parler avec les diplomates, les fonctionnaires, ou même avec les industries selon les dossiers, croiser les sources pour


comprendre qui a intérêt à parler sur un certain thème et pour quelle raison_. _Bruxelles est un lieu où le pouvoir n’a pas de visage et les visages n’ont pas de pouvoir. »_ PLUS DE 10 000


GROUPES DE PRESSIONS Avec plus de 10 000 groupes de pressions enregistrés auprès de la Commission, Bruxelles est une des capitales mondiales des lobbies. Et pour influencer le processus


décisionnel de l’UE, ces acteurs ont besoin d’une chose : être informés sur ce qui se trame dans les palais du pouvoir. Arrivé à Bruxelles en 2015, le média _Politico_ s’est rapidement


imposé dans le paysage, avec plus de 70 journalistes dévoués au suivi des affaires européennes. Une force de frappe sans égale ici. _« Lire la newsletter de _Politico-Pro_, c’est un peu la


routine matinale de tous les lobbyistes ici, _confesse Marine Faure, qui travaille au cabinet de conseil DGA. _Pour nous, c’est nécessaire d’avoir l’info en amont, qu’il s’agisse de


l’avancée d’une négociation ou d’un package qui va être voté, c’est ça qui va nous permettre d’agir. »_ Le business model de _Politico_, _Contexte_ et autres médias BtoB s’est structuré


autour de ce besoin des lobbystes, mais aussi d’autres décideurs qui, pour être au courant des coulisses de toutes les négociations sont prêts à payer des milliers d’euros d’abonnements. UNE


PETITE VILLE DANS LA VILLE Remplir son carnet d’adresses est donc le premier commandement du journaliste UE. Ça tombe bien, « _à Bruxelles il y a beaucoup de soirées diplomatiques, de pubs,


de restaurants », _sourit Joe Barnes, en faisant référence à tous ces établissements concentrés dans les quelques kilomètres carrés du quartier européen où tout l’écosystème lié aux


institutions s’agglutine. Ce qu’il faut, c’est d’abord fréquenter cette véritable petite ville dans la ville. _« Le quartier européen constitue une sorte de zone protégée où manger, boire,


se rencontrer, flirter… On déjeune le midi aux alentours de Schuman, on prend l’apéro le vendredi soir place du Luxembourg, et puis, l’usage de l’anglais y est quasi-systématique », _raconte


Jean-Pierre Stroobants,_ _journaliste au _Monde _qui a suivi l’UE pendant presque vingt ans._ « Le problème c’est qu’ainsi, fatalement, on fréquente très peu le reste de la population


bruxelloise et une forme de ghettoïsation se produit »,_ déplore ce Bruxellois de naissance. > « Les médias veulent comprendre ce qui se passe ici » Il voit un effet collatéral à cet


entre-soi des correspondants qui couvrent l’UE : celui de forger des « journalistes militants ». _« Certains se disent : ne soyons pas trop critiques, ne soyons pas tout le temps négatifs


sur l’UE comme dans nos propres pays », _Mais, nous explique-t-il, cela vient aussi du fait que ces journalistes basés à Bruxelles ont longtemps dû batailler avec leurs propres rédactions


pour « vendre » leur sujet. Cette époque semble révolue. _« En 2015, lorsque _Politico_ a débarqué à Bruxelles, c’était la crise migratoire, puis il y a eu le Brexit, ensuite l’arrivée de


Trump, le Covid, la guerre en Ukraine… Tous ces événements ont mis l’UE sur le devant de la scène »,_ analyse Jacopo Barigazzi. _« Les gens, et les rédacteurs en chef avec, ont pris


conscience que l’échelon européen est incontournable, même en France, où historiquement on se fichait un peu de Bruxelles,_ confirme Clément Solal. _Désormais, les médias veulent comprendre


ce qui se passe ici. »_ Jean-Pierre Stroobants a arrêté de s’occuper des affaires européennes il y a un peu plus d’un an. À ses débuts, un_ _confrère lui avait dit_ : « “Tu verras, tu


rentreras ici comme europhile et tu en ressortiras comme europhobe.” Ce n’est pas mon cas, mais on se demande quand même qui est aujourd’hui le pilote dans l’avion européen. » _Il repense au


 « mid-day briefing », n’en regrette pas _« les non-réponses » _des porte-parole de la Commission, mais plutôt une ambiance qui entourait ce rendez-vous et le rendait spécial, presque malgré


lui._ « Ce qui était intéressant, c’était de parler avec un collègue espagnol, un Italien ou un Suédois, et leur demander : “Tiens, mais dans ton pays, comment on voit ce problème ?”,


“C’est quoi l’actualité chez toi ?” “Comment ça évolue politiquement ce dossier ?” Ça, c’est vraiment ce que je retiendrai de plus intéressant de mon expérience européenne : cette proximité


entre confrères qui nous donne un éclairage sur une réalité qui n’est pas la nôtre. »_ Jean-Pierre Stroobants marque alors une pause et conclut : _« Au fond, c’est peut-être là que l’Europe


se fait. »_


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