Quand la géopolitique regarde les séries tv
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Les séries TV, populaires à l’échelle mondiale, sont pour le politologue Dominique Moïsi le reflet de nos angoisses. Du déclin occidental en passant par le terrorisme ou la fin de la
démocratie, les auteurs de séries semblent calquer le scénario de leurs créations sur notre réalité tourmentée. William Demuyter Publié le 04 mars 2019 LE PÉRIL NAISSANT D’UN MONDE
MULTIPOLAIRE Dominique Moïsi, spécialiste de géopolitique à l’Ifri, décrypte les séries télévisées à succès pour proposer un cours de relations internationales. _Game of Thrones_, _Downton
Abbey_,_ Homeland_,_ House of Cards_,_ Occupied_. Ces séries sont analysées par Dominique Moïsi dans son dernier essai, dont la composition s’est faite selon plusieurs critères. D’abord, le
succès à l’échelle mondiale : la série doit s’inscrire dans une « culture universelle ». Ensuite, la série doit pouvoir répondre à des problèmes de politique internationale. _Exit_, donc,
les _soap operas_, dont ce n’est bien souvent pas le propos. Troisième critère, une date de diffusion contemporaine, pour justifier la thèse de l’auteur défendant la concordance du scénario
des séries avec notre réalité présente. Enfin, il faut que la série soit bien reçue par la critique, gage de qualité. «_ Winter is coming_ ». Cette réplique récurrente dans _Game of
Thrones_, symbolisant le retour de la guerre à Westeros, contient en germe toutes les craintes de notre temps, concrétisées par l’entrée dans le XXIe siècle : réchauffement climatique,
terrorisme, déclin de l’Occident, fin de la démocratie, renouveau de la menace russe. Ces craintes influencent l’imaginaire troublé que l’on retrouve dans les séries. Comme si les auteurs
s’inspiraient du climat de peur de nos sociétés, comme si le public s’enivrait de scénarios catastrophes qui subliment leur quotidien. Historiquement, c’est aussi à cette période que les
séries ont commencé à attirer les meilleurs réalisateurs, les producteurs les plus ambitieux, et à susciter un tel intérêt auprès du public. Pour Dominique Moïsi, c’est le format sériel,
long et potentiellement riche en personnages, qui peut représenter le plus fidèlement une scène internationale aux menaces variées, héritée de la chute de l’URSS et marquée par l’émergence
du péril islamiste. Ces observations amènent Dominique Moïsi à prendre l’exemple des séries pour expliquer les relations internationales et donner un cours de géopolitique accessible à tous
au moyen d’analogies intéressantes. Entre le Moyen-Orient que nous connaissons et le Moyen Âge mis en scène dans _Game of Thrones_, il n’y a que la barrière invisible de la fiction. Le
politologue s’amuse ainsi à rapprocher les différentes maisons en concurrence pour le Trône de Fer, des forces en présence au Moyen-Orient.Ainsi Dominique Moïsi fait-il correspondre la riche
maison Lannister à l’Arabie Saoudite, les vaillants Stark aux mouvements insurrectionnels arabes, les Targaryens et leurs dragons aux États-Unis et leurs drones, les terribles Marcheurs
Blancs aux fanatiques de l’État Islamique. _Game of Thrones_ peut aussi faire écho à une réalité géopolitique plus ancienne, celle de la Guerre des Deux-Roses du XVe siècle en Angleterre,
guerre fratricide rappelant les sanglantes rivalités au sein de la famille Lannister, qui fait dire à l’auteur : « _Game of Thrones, n’est-ce pas “Hobbes au royaume des Dragons” ?_ »
Finalement, l’univers des séries, de _Game of Thrones_ en particulier, fait de dilemmes moraux, sources de réflexions sur la justice, fournit un support pédagogique pour comprendre la
géopolitique contemporaine. Si l’on en croit Dominique Moïsi, l’initiative controversée d’un Jon Snow de faire franchir le Mur aux Sauvageons permettrait de mieux appréhender celle d’Angela
Merkel d’accueillir les réfugiés à bras ouvert. Pour preuve, ces décisions renvoient à des sacrifices pour les deux personnages : Merkel est vivement critiquée par ses partenaires européens,
quant à Jon Snow, il paie son choix par la mort LES SÉRIES, LIEU D’INQUIÉTUDE FACE AUX FAIBLESSES DE LA DÉMOCRATIE Face à ce contexte international anxiogène, les responsables politiques,
dans les séries, se révèlent décevants, allant jusqu’à trahir les idéaux démocratiques qu’ils sont censés défendre. Créée en 1999, _The West _Wing (_À la maison blanche_) fait évoluer Josiah
Bartlet, président américain idéal, dans les coulisses du pouvoir. En 2013, _House of Cards_ montre un président sous un jour radicalement différent : Frank Underwood, qui ne recule devant
rien pour parvenir à ses fins. Entre ces deux séries traitant du même sujet, il y a la désastreuse guerre en Irak et la crise financière de 2007, qui minent la confiance des citoyens dans
des institutions politiques à la dérive, rappelle Moïsi. Le héros de _House of Cards_ ne déclare-t-il pas, avec un cynisme consommé, que _« la démocratie c’est très surfait_ » ? En réalité,
Underwood n’est pas seulement un de ces méchants typiques des séries actuelles qui, à la manière de Walter White dans _Breaking Bad_, plaisent autant qu’ils rebutent par leur morale
complexe. Il est également la transposition télévisuelle du sentiment d’abandon des citoyens par les politiques. Cette peur de la fin de la démocratie et de l’abandon des politiques est
aussi très présente dans la série _Occupied_, dans laquelle la Russie envahit progressivement la Norvège quand le nouveau Premier ministre norvégien, écologiste, annonce que son gouvernement
renonce aux énergies fossiles pour lutter contre le réchauffement climatique. Les États-Unis et l’Union européenne y sont présentés de façon particulièrement négative. Les premiers ont
quitté l’OTAN, délaissant lâchement leur rôle de gendarme du monde, quant aux Européens, ils trahissent la Norvège en la pressant de se soumettre au joug russe pour subvenir à leurs besoins
en gaz dans un contexte de pénurie énergétique. La série prend ainsi le contrepied de la série danoise _Borgen_ (2010) et de son modèle de Première ministre. Le cœur du sujet d’_Occupied
_réside dans le problème suivant : comment réagir à une occupation ? Par la collaboration ou la résistance ? Cette question de la faiblesse du gouvernement face à l’occupant renvoie, pour
Dominique Moïsi, à l’attitude de la Norvège durant la Seconde Guerre mondiale. À Moscou, ce rôle d’agresseur prêté à la Russie a choqué. Les diplomates russes se sont même indignés d’être
dépeints dans « _la pire tradition datant de la Guerre froide, terrifiant les téléspectateurs norvégiens avec une menace non existante venant de l’Est._ » Cette menace russe a pourtant fait
son retour en mars 2014 avec l’annexion de la Crimée. D’après Dominique Moïsi, Jo Nesbo, qui a écrit la série bien avant cet épisode, a su pressentir le durcissement politique d’une Russie
blessée par l’effondrement de l’empire soviétique. LES SÉRIES, MIROIRS DE LA PSYCHOSE AMBIANTE C’est peut-être_ Homeland_ qui illustre le mieux à la fois la psychose collective (Dominique
Moïsi parle de « culture de la peur ») et la critique de la politique américaine. L’héroïne, Carrie Mathison, agent des renseignements américains, bipolaire, peine à faire entendre ses
inquiétudes sur le retournement de Nicolas Brody, soldat de retour de captivité d’Irak, qu’elle soupçonne à juste titre de préparer un attentat sur le sol américain. _Homeland_ critique
également l'utilisation des drones par l'armée américaine (assassinat d'un chef islamiste causant la mort de civils). Plus généralement, Dominique Moïsi voit _Homeland_ comme
un catalogue des erreurs de l’administration américaine au Moyen-Orient, menant à l’émergence de Daesh. La saison 4 renforce le propos de la série par l’évocation de faits réels (exécution
du journaliste Daniel Pearl en 2002) ou en situant l’action au Moyen-Orient pour mieux montrer les profondes fractures nées de la guerre. Par le choix d’une représentation moins manichéenne
du conflit, la série dénonce la légèreté d’une intervention américaine qui a humilié les sunnites. Se pose finalement la question de l’autre en nous-même, de l’ennemi de l’intérieur à
l’identité floue. Ainsi la figure ambivalente de Brody peut-elle rappeler celle de nombreux radicalisés qui étaient auparavant des « Monsieur Tout-le-Monde ». Sur la question djihadiste,
c’est _Engrenages_, production française de 2005, qui retient l’attention de Dominique Moïsi. L’auteur interprète cette fiction au cœur du système pénal français comme une mise en garde
avant les attentats de janvier et novembre 2015, dont certains auteurs se sont radicalisés en prison. Dominique Moïsi le confesse, il n’a pris le train des séries que tardivement. Néanmoins,
son analyse repose sur une ambition originale : faire un cours de géopolitique à partir d’un contenu culturel grand public en plein âge d’or. Producteurs ambitieux, campagnes marketing
d’envergure, intérêt du public… Les séries contiennent des clés de compréhension de notre présent. Pour l’auteur, c’est la peur qui se dégage des superproductions actuelles, reflet d’un
climat géopolitique auquel il nous invite à nous intéresser.
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