Médias : comment représenter les terroristes?
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Plusieurs médias français, dont Le Monde, ont annoncé leur décision de ne plus diffuser le portrait des terroristes dans leurs actualités. Une initiative intéressante d’un point de vue
déontologique, mais à double tranchant. William Demuyter Publié le 02 août 2016 Europe 1 et La Croix ont décidé d’aller plus loin en ne divulguant plus les noms des auteurs d’attentats. Le
directeur de la rédaction d’Europe 1, Nicolas Encoulas, explique sur son antenne ne pas vouloir attirer une forme d’héroïsation sur les terroristes. Pour le journaliste, ne pas les nommer ne
nuit pas à l’information : « On peut tout dire : quelle est la religion, l’origine de la personne, raconter son parcours familial, sa trajectoire personnelle, donner énormément de détails
sur ce qui l’a conduit à cela, sans avoir besoin de donner son nom. » Le Figaro a pris le contre-pied de cette politique. S’il reconnaît, dans une interview sur le site du journal, que
montrer des images de terroristes requiert de la mesure, le directeur des rédactions du Figaro, Alexis Brézet, soutient que Daesh se glorifie par d’autres moyens : « Ce sont des combattants
qui poursuivent des objectifs idéologiques, politiques et religieux. Leurs potentiels épigones, qui ne s'informent pas dans les grands médias, ne rêvent pas de célébrité mais du paradis
d'Allah ! » Libération suit la même ligne. Dans son édito du 28 juillet, Laurent Joffrin, directeur de la publication du journal, estime que s’interdire de publier les portraits des
terroristes n’aura aucun effet sur leur stratégie. Pour sa part, Michel Field, directeur de l'information à France Télévisions, a laissé sa rédaction décider et mis les journalistes en
garde contre l’autocensure. LA REPRÉSENTATION DES CRIMINELS, UNE QUESTION RÉCURRENTE La question du traitement médiatique du crime n’est pas nouvelle. L’historien des médias Patrick Eveno
rappelle que les journaux se sont toujours vus reprocher de favoriser le crime en en faisant la publicité. « Au XIXe siècle, les juges et les politiques disaient qu’il ne fallait pas parler
des faits divers parce que cela crée des meurtriers. Mais ce ne sont pas les médias qui créent les meurtriers. » La représentation des figures du terrorisme a pu revêtir des connotations
relativement positives, du moins des aspects humanisants, comme l’explique François Jost, qui va publier Pour une éthique des Médias. Les images sont aussi des actes aux éditions de
l'aube le 1er septembre. Le professeur en sciences de l'information et de la communication cite deux couvertures-types, la première, dans Rolling Stone, le 18 juillet 2013, sur
Djokhar Tsarnaïev, responsable des attentats de Boston1, et celle de Libération, le 20 novembre 2015 à propos d’Abdelhamid Abaaoud, qui a organisé les attentats du 13 novembre 2015 à Paris2.
« Dans les deux cas, les journaux avaient choisi de mettre en avant un visage flatteur, souriant, de l’assassin. Cela avait soulevé une question, voire une indignation. Mais cela avait une
vertu difficile à expliquer, qui était de montrer la banalité du mal, si l’on peut dire, qui pouvait s’incarner chez des gens tout à fait ordinaires. » Le traitement du terrorisme bascule
depuis les premiers attentats islamistes, selon le sociologue Gérôme Truc. Moins porté sur les causes, les origines du terrorisme, il montre les conséquences de l’attentat et l’émotion qu’il
suscite. MONTRER, EST-CE GLORIFIER ? Si elles permettent de replacer le terrorisme dans un contexte humain et d’aider à appréhender l’ampleur inconcevable de l’horreur, ces connotations
données aux images de terroristes posent problème pour François Jost : « L’argument fort de la non-diffusion, c’est de veiller à ce que les assassins ne soit pas des idoles ou des martyrs,
pour des gens qui sont prêts à se radicaliser. Qu’on n’aille pas fleurir leurs tombes, qu’on ne leur voue pas un culte, ce qui est toujours possible. La décision du Monde, Europe 1 et
d’autres de ne pas incarner, donner forme à des gens qui sont l’essence même du mal, si l’on peut dire, est une décision assez sensée, justifiée. » Patrick Eveno fait remarquer que montrer
quelqu’un n’est pas nécessairement le glorifier. « C’est aussi montrer l’horreur. On peut avoir une face angélique et être un tueur de masse, comme il y en a eu d’autres, comme Anders
Breivik en Norvège, ou même Hitler qui étant jeune n’était pas si moche que ça. Il n’aurait pas fallu montrer Hitler parce qu’il a massacré des millions de juifs ? » DES POSITIONS CITOYENNES
AUX PRESSIONS DE L'OPINION À la suite de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, une pétition en ligne demandant l’anonymat pour les terroristes a été signée par plus de 150 000
personnes. Le texte d’argumentation s’indigne par exemple qu’on ait appris, notamment dans L'Obs, que l’auteur de l’attentat, Mohamed Lahouaiej Bouhlel aimait la salsa. > Comment
comprendre les causes d’une attaque si l’on n’évoque > pas l’itinéraire de ceux qui l’ont perpétrée ? Dans une démarche similaire, l’essayiste Bernard-Henri Lévy a appelé à ne plus
publier ni les portraits, ni les noms, ni les parcours de vie des terroristes. Cette approche, qui passerait sous silence toute information relative aux acteurs des attentats, pose problème.
Comment comprendre les causes d’une attaque si l’on n’évoque pas l’itinéraire de ceux qui l’ont perpétrée ? Peu après l’attentat de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015, Le Monde publiait un
article sur la jeunesse des auteurs, les frères Saïd et Chérif Kouachi, et la genèse de leur basculement vers le rejet total de la société. Des portraits qui passionnent, attirent la pitié
ou le dégoût, mais peuvent expliquer les motivations criminelles. Pour Patrick Eveno, ces prises de position sont le signe des reproches adressés communément aux médias. « Il me semble qu’il
y a une pression politique, une pression de l’opinion, note l’historien. Les médias, depuis quelques temps, face aux attentats, sont considérés comme des boucs émissaires voire comme des
complices. » Ce débat serait un cas particulier de la croyance selon laquelle les médias conditionnent les comportements individuels. NE PAS MONTRER, EST-CE EFFICACE ? Le risque de ne pas
montrer ou évoquer les figures du terrorisme commence par le soupçon de la population face à ce qu’elle pourrait percevoir comme de l’autocensure, voire de la censure, explique Patrick
Eveno. « C’est ce qu’on voit sur les sites ou les tweets d’extrême droite où l’on dit actuellement que les médias obéissent aux directives du gouvernement, qu’ils se censurent pour ne pas
montrer que ce sont des musulmans, des immigrés, etc. C’est essentiellement contre-productif à ce niveau-là. » > *Bip* a commis un *Bip* *Bip* dans la commune de *Bip* ce matin. >
Bilan : *Bip*. #Censure #LaFranceEn2016 > — Florian Philippot (@f_philippot) 27 juillet 2016 > Les médias ne fonctionnent pas en vase clos Par ailleurs, les médias ne fonctionnent pas
en vase clos. Sur les réseaux sociaux, où les principes déontologiques des médias traditionnels n’ont pas cours, les portraits seront publiés. La photo d’Abdel Malik Petitjean a été postée
sur Twitter le lendemain matin de la déclaration du Monde, et son nom figurait parmi les hashtags les plus populaires sur le réseau social. Une considération que François Jost nuance,
arguant que les médias ont leur propre responsabilité : « L’éthique, c’est quelque chose qui doit se juger à partir de soi-même. Chaque média doit se poser la question de l’éthique, et si un
journal ou une radio décide que sa conception est de ne pas montrer un criminel, tout en sachant que d’autres le feront, c’est tout à fait légitime. C’est la différence entre la morale
déontologique, qui est une morale a priori, et le contraire, qui est l’utilitarisme ». Un autre risque réside dans la volonté des politiques de prendre position et d’agir dans ce débat.
C’est le cas du député Les Républicains Hervé Mariton, qui s’est opposé à la diffusion de photos de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, et a saisi le CSA avec 50 parlementaires. En outre, les députés
Marine Brenier (LR) et Meyer Habib (UDI) ont déposé une proposition de loi afin de rendre les terroristes anonymes, de saper leur glorification potentielle et d’empêcher les vocations. Pour
Patrick Eveno, cette perspective n’est pas souhaitable : « J’ai très peur qu’on impose par l’intermédiaire du CSA ou de la loi des codes de bonne conduite ou prétendue telle aux médias et
que les journalistes perdent leur liberté rédactionnelle. Ce n’est pas à l’État ni aux politiques de décider de ça. La liberté d’informer et le droit du public à être informé est quelque
chose de trop précieux en démocratie pour qu’on légifère dessus. » À L'ÉTRANGER, UN AUTRE REGARD On peut comprendre la décision de certains médias hexagonaux de ne pas publier
l'identité des terroristes par la fréquence alarmante des attentats en France, qui pousse à une certaine réforme dans la manière de traiter l'information. Ainsi BFM TV a-t-elle
changé son fusil d'épaule après avoir été mise en demeure par le CSA pour des « manquements graves » dans le traitement des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher du 7 janvier
2015, et diffusé une vidéo du camion fonçant sur les victimes ainsi que des corps, lors des attentats de Nice du 14 juillet 2016. La chaîne a décidé de ne plus montrer les portraits des
auteurs d’attentats. À l'étranger, où l'urgence d'une couverture médiatique potentiellement plus éthique ne se pose pas, on observe le débat avec autant d'intérêt que de
scepticisme. Au Québec, où aucun média n'a officiellement décidé de suivre la politique du Monde et d'autres médias français, Le Devoir fustige au contraire ce qui s'apparente
à de l'autocensure, et s'inquiète que les politiques s'en mêlent. Le quotidien britannique The Guardian rappelle que Daesh et ses fidèles font un usage consommé de la vidéo
et des réseaux sociaux, et qu'exclure les photos des terroristes des colonnes du Monde, qui s'adresse à un autre public, n'empêchera pas l'iconographie terroriste de
circuler sur la toile. Les technologies modernes de capture d'image, comme les caméras portatives, et la diffusion en direct, favorisent cette circulation. Le débat français a suscité
d’intenses réflexions à La Repubblica. Le quotidien italien se rappelle le dilemme qui était le sien dans les années 1970, quand la rédaction se demandait s’il fallait diffuser les
communiqués des Brigades rouges. Pour le directeur du journal, Mario Calabresi, les médias sont pris dans une guerre du sens qu’ils doivent mener avec responsabilité, afin de ne pas
contaminer, par l’image, des citoyens qui ne partagent pas l’idéologie de Daesh. La Repubblica a donc décidé de ne plus diffuser de portraits de terroristes en une, et de couvrir les
événements avec mesure, en évitant de verser dans le sensationnel. Aux États-Unis, le journaliste de CNN Anderson Cooper a refusé de prononcer le nom du tueur de la boîte de nuit
d'Orlando en juin, préférant énoncer, pendant plus de cinq minutes et avec émotion, le nom et l'âge des 49 victimes de l'attentat. Cette initiative rappelle le mémorial du
Monde aux victimes de l'attentat de Paris du 13 novembre 2015, et témoigne de la « singularisation des victimes » selon Gérôme Truc, une tendance, depuis l’attentat du 11 septembre 2001
à New York, à accorder plus de place aux victimes dans le traitement du terrorisme. -- Crédits photos : Pixabay. Licence CC0 1.0 Une de _Libération _du 19 novembre 2015, photo non datée
d'Abdelhamid Abaaoud, publiée par le magazine de Daesh. Photo Reuters. Avec l'aimable autorisation de _Libération_. * 1Le magazine avait mis en couverture une photo de l’auteur des
attentats de Boston du 15 avril 2013, visage poupin et séduisant, titré The bomber et légendé « How a popular, promising student was failed by his family, fell into radical islam and became
a monster ». * 2Le journal avait mis en couverture une photo du terroriste à l'origine des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, joyeux, titré Le visage de la terreur.
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