L'inde ne connaît pas la crise de la presse
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Portée par la régionalisation, la presse écrite en Inde continue de se développer en termes de diffusion et de revenus. Restera-t-elle encore longtemps à l’écart de la tourmente mondiale qui
emporte le secteur ? Hélène Lecuyer Publié le 05 décembre 2013 Ailleurs, on sonne le glas. En Inde, on affirme que les lendemains chantent. La presse écrite indienne, indifférente à la
tourmente mondiale qui emporte le secteur, préservée, semble-t-il, du marasme économique ambiant, continue d’afficher une santé qu’on pourrait qualifier d’insolente. Les taux de croissance
sont à deux chiffres, entre 10 et 15 % par an. La diffusion augmente sur le deuxième marché mondial : d'après les chiffres du ministère des Statistiques, les quotidiens indiens, tous
titres confondus, sont diffusés à 160 millions d'exemplaires et ce chiffre s'élève même à 300 millions si on prend en compte la presse dans son ensemble (hebdomadaire, mensuelle,
etc.). Quant au nombre de publications enregistrées auprès du Registrar of Newspaper for India (RNI), il est de 80 000, un chiffre qui donne le vertige. Et le plus étonnant ? Le secteur est
profitable : 8,14 % de bénéfices après impôts en 2012. Les facteurs explicatifs de la crise de la presse écrite dans le monde : saturation du marché, concurrence du numérique, changement des
habitudes de lecture ne paraissent pas d’actualité ici. Et les spécificités indiennes rendent les différents acteurs confiants dans la pérennité de la prospérité. LA DÉMOGRAPHIE INDIENNE AU
SERVICE DE LA PRESSE Un des premiers facteurs qui soutient la croissance de la presse en Inde est évidemment la montée du taux d’alphabétisation, à 74 % aujourd’hui. Le pays compte 895
millions de personnes sachant lire. Même si 44 % d’entre elles déclarent ne jamais lire de journaux, ce sont autant de lecteurs potentiels. La montée de la classe moyenne et l’urbanisation,
particulièrement, soutiennent l’augmentation du lectorat et laissent présager un potentiel de croissance. En dépit de chiffres de diffusion qui donnent le tournis – un journal sur cinq dans
le monde est publié en Inde–, la pénétration moyenne des journaux dans le pays1 n’est que de 14,5 %, et de grandes disparités se cachent entre les zones urbaines et les zones rurales. Si le
taux de pénétration dans les zones urbaines, à plus de 70 %, peut apparaître relativement saturé, il est à moins de 5 % dans les zones rurales. Or, ces dernières regroupent encore les deux
tiers de la population et la hausse du pouvoir d’achat s’y accompagne généralement de l’augmentation des habitudes de lecture. Dans ce pays où une importance particulière est attachée à
l’éducation, la lecture est encouragée et le journal est encore perçu regardé comme le principal vecteur d’information, voire un guide de développement personnel2, particulièrement dans les
petites villes. Il est d’autant plus apprécié que, contrairement à la télévision, sa consommation n’est pas affectée par les coupures de courant chroniques qui sont le lot quotidien d’une
grande majorité de foyers indiens. UNE LOCALISATION DE PLUS EN PLUS MARQUÉE C’est la grande tendance de ces dernières années : un renforcement du contenu local, des éditions différenciées et
la montée des langues régionales. Cette réalité se retrouve dans l’ensemble du secteur des médias et la presse écrite ne fait pas exception. La presse indienne en anglais, considérée comme
la plus prestigieuse et la plus rentable est en recul relatif. Même si la diffusion augmente encore légèrement (2 % par an prévus pour la période 2012-2017) et les recettes publicitaires un
peu plus, la part de la presse en anglais diminue au profit de celle en langue régionale. On est loin du temps où l’emblématique Times of India se bornait à publier pour l’ensemble du
territoire les nouvelles de Delhi. Il faut maintenant multiplier les éditions locales, non seulement pour les grandes métropoles mais aussi pour les villes de 2ème et 3ème rang comme
Coimbatore, Madurai, Bhopal, Indore, villes où le Times of India a lancé de nouvelles éditions en 2011. Pour que l’identification et la fidélisation du lectorat fonctionnent, la moitié des
pages du journal sera généralement consacrée aux nouvelles de l’agglomération et les journaux s’établissent comme champions des causes locales : luttes de résidents contre des décrets de
démolition, dénonciation des nids de poule particulièrement profonds sur telle ou telle route ou encore état des lieux de la dangerosité des quais de gare, les éditions locales relaient
souvent à la Une les problèmes de leurs lecteurs et leur consacrent des pages entières. Si l’on prend également en compte le nombre de pages réservées au sport – et surtout au cricket –, aux
célébrités, à l’immobilier et aux petites annonces matrimoniales, il restera finalement peu de place pour l’actualité nationale et internationale. Mais ce n’est pas cette dernière qui
attire les lecteurs. Palmarès des 10 premiers quotidiens du pays (en termes de diffusion) Chiffres en milliers – 3e trimestre 2012 – Source : IRS Le multilinguisme de la nation indienne
limite le lectorat de la presse en anglais, en dépit de tous les efforts d’adaptation qu’elle fournit. Le premier journal du pays en termes de diffusion, Dainik Jagran, diffusé à plus de 16
millions d’exemplaires, est en langue hindi. Au palmarès des dix premiers journaux du pays, en langues régionales, le Times of India fait figure d'exception. Les perspectives de
croissance pour les années 2012 à 2017 laissent d’ailleurs la part belle aux journaux en hindi et en langues locales. Les facteurs de cette évolution sont à la fois économiques et
démographiques. Au fur et à mesure que la croissance indienne pénètre les villes de taille moyenne et les zones rurales, elle touche des populations moins voire non anglophones, qui
préfèrent lire dans leur langue maternelle. _Perspectives de croissance annuelle moyenne en % _ _selon la langue des quotidiens pour la période 2013-2017 en Inde (source : FICCI-KPMG)_ UN
MODÈLE ÉCONOMIQUE FONDÉ SUR LA PUBLICITÉ En Inde, la presse écrite est le premier bénéficiaire des dépenses publicitaires, devant la télévision, et capture à elle seule 46 % du marché. Cette
particularité indienne nourrit la dépendance des journaux envers la publicité. Les revenus publicitaires représentent 67 % du revenu total du secteur, et jusqu’à 85 % pour les journaux
anglophones (le groupe Times of India accapare à lui seul la moitié des recettes publicitaires de ce segment). Cette dépendance inquiète d’ailleurs le ministre de l’Information Manish Tewari
car elle rend le secteur vulnérable aux contractions économiques. C’est vrai … relativement. L’année 2012, qualifiée d’année « difficile » pour la presse écrite en Inde par le cabinet
d’audit KPMG, a tout de même vu le secteur croître de 7,3 % et les prévisions de croissance en ce qui concerne les recettes publicitaires s’établissent à 10 % par an pour la période
2013-2017. Les principaux annonceurs sont ceux du secteur de l’éducation, de l’automobile, des services financiers et de l’immobilier, mais les petites annonces constituent également une
source de revenu très lucrative, particulièrement les annonces matrimoniales dans la presse régionale3. Et pour amortir les aléas de la conjoncture et les contractions des budgets
publicitaires, il reste les publicités étatiques et partisanes, particulièrement importantes les années d’élection, les différents États, partis politiques, administrations achetant très
régulièrement des encarts de taille respectable pour exposer leurs succès en matière de gouvernance. Si les acteurs sont optimistes – en dépit des perspectives de croissance ralentie – sur
la pérennité des recettes publicitaires, c’est qu’elles s’appuient de plus en plus sur la presse régionale, dont le développement accompagne la montée du pouvoir d’achat dans les zones
rurales et l’augmentation du taux d’alphabétisation. Jusqu’à présent, la presse anglaise se taillait la part du lion. Le coût des annonces y est plus élevé, d’autant plus qu’elles ciblent
les populations privilégiées des grandes métropoles – l’édition de Bombay du Times of India reste ainsi la plus profitable du pays – et la presse anglaise, alors qu’elle ne représente que 15
% du marché comptabilise la moitié des dépenses publicitaires du secteur. Cette réalité est déjà en train de changer et le rééquilibrage va se poursuivre, alors que les prévisions de
croissance en termes de recettes publicitaires sont de 6 % par an pour la presse anglaise et de 13,3 % par an pour la presse en langue régionale pour la période 2012-2017. La prime réservée
à la presse anglaise est en diminution. Il en coutait autrefois dix fois plus cher de placer une annonce dans la presse en anglais. Aujourd’hui, on parle de tarifs 3 à 4 fois plus élevés
seulement. Surtout, c’est le volume des annonces qui augmentent rapidement dans la presse régionale. Les annonceurs ont compris l’intérêt de pouvoir faire des annonces ciblées envers les
populations rurales. Récemment sortis de la pauvreté, ces populations sont avides de consommation de prestige, en termes de téléphone mobile, d’automobile, d’immobilier…. et, à revenus
égaux, se montrent plus dépensiers que leurs concitoyens des zones urbaines. LES JOURNAUX INDIENS SONT LES MOINS CHERS DU MONDE Les journaux en Inde sont très bon marché. Certains analystes
arguent d’ailleurs du fait qu’on pourrait les considérer comme gratuits, puisque leur prix de vente est inférieur à leur coût de production. C’est la publicité qui sauve la mise. Même si un
réajustement à la hausse a été opéré en 2012, les prix restent très faibles. Cinq roupies, c’est-à-dire six centimes d’euros pour Times of India, y compris les nombreux et épais suppléments
; 3 roupies pour _DNA_, lancé en 2005 et déjà le deuxième quotidien en anglais le plus lu à Bombay ; 2,5 roupies pour Dainik Jagran ; en Inde, la presse est à la portée de tous les budgets,
à tel point que les abonnements simultanés à plusieurs journaux sont fréquents. D’autre part, les journaux indiens sont très facilement accessibles. 98 % des journaux sont livrés à domicile
par 300 000 livreurs à travers tout le pays. Aucun contact préalable avec les services d’abonnement des journaux n’est nécessaire, aucun enregistrement, aucun prélèvement. Il suffit de
signaler au livreur du quartier qu’on souhaite recevoir tel ou tel journal, payer la note à la fin du mois (le prix des copies reçues plus des frais de livraison de 10 ou 20 roupies4 pour le
mois) et l’on est assuré de trouver tous les matins son quotidien sur son palier. Ce système de distribution direct, combiné à un prix négligeable à l’achat, permettent aux journaux de
toucher un très grand nombre de foyers. Mais plus encore, le partage des journaux démultiplie le nombre des lecteurs : en Inde, il est d’usage de « passer » son journal à d’autres personnes
– à moins que, dans les foyers plus aisés, il ne soit récupéré par le personnel domestique qui le passera, à son tour, à ses voisins. On estime qu’en anglais, un même exemplaire sera lu par
2 ou 3 personnes différentes. Les journaux en langues régionales sont eux partagés par 7 à 8 lecteurs. Une situation qui plaît aux annonceurs puisqu’elle permet de démultiplier l’impact des
publicités. Enfin, le journal terminera son cycle de vie racheté au poids par le radhiwallah, ou chiffonnier, pour être recyclé. FAUT-IL AVOIR PEUR DU NUMÉRIQUE ? Ailleurs, le numérique avec
la gratuité de l’information qui l’accompagne et la révolution des habitudes de lecture a contribué à fragiliser la presse écrite. En Inde, les acteurs sont confiants. La faible pénétration
d’Internet, à moins de 10 % joue en leur faveur … pour le moment. Il y a aussi les habitudes de navigation des internautes : seuls 35,4 % d’entre eux se sont déjà rendus sur un site de
presse, et 9,9 % seulement des utilisateurs quotidiens du net consultent tous les jours le site de leur journal. Ces chiffres, pour rassurant qu’ils soient pour l’avenir de la presse papier
en Inde, dissimulent encore une fois des réalités différentes. La presse en anglais est probablement plus menacée par le développement des plateformes numériques, son marché, l’élite
intellectuelle et financière, étant le plus susceptible d’adopter l’internet mobile et de changer ses habitudes de lecture. Du côté de la presse régionale, la menace paraît plus lointaine,
avec une population plus rurale, aux moyens plus modestes, moins connectée, moins éduquée, alors que prise en charge des scripts des langues locales par les applications mobiles est plus
longue à mettre en place. D’autres signaux pourraient inquiéter les observateurs extérieurs. Si la diffusion continue d’augmenter, ce n’est pas tant que le lectorat augmente mais que les
journaux sont moins prêtés : le rapport nombre de lecteurs par exemplaire a commencé à diminuer. Certains aussi dénoncent la dépendance des journaux vis-à-vis des revenus publicitaires.
Cette dépendance n’est pas seulement néfaste économiquement, elle prive les journalistes de marges de manœuvre. Comment dénoncer efficacement la corruption dans le monde de l’immobilier
quand la Une est régulièrement reléguée à la deuxième page pour laisser la place à un encart publicitaire géant vantant les mérites de tel ou tel projet résidentiel ? Et récemment, la chute
de la roupie, alliée à l’augmentation des matières premières (70 % de l’encre d’imprimerie est importée) a créé une tension sur les coûts de production. Mais les Cassandres sont rares et la
profession ne cesse de réaffirmer sa confiance dans le secteur. Une confiance partagée par ses lecteurs : ils sont 63 %, parmi les 13-35 ans, à placer les journaux comme leur source préférée
d’information, loin devant Internet ou même la télévision. NB : les chiffres présentés dans cet article proviennent du rapport 2013 de FICCI-KPMG sur l’industrie des médias en Inde, sauf
indication contraire RÉFÉRENCES * 1À définir comme le taux de « possession ». * 2Même les journaux à vocation nationale comme le Times of India offriront des rubriques nutrition ou gestion
du stress voire conseils en relations conjugales. * 3Le mariage arrangé est la norme pour la plupart des mariages en Inde – à hauteur de 80 % du total des mariages- et le recours aux agences
matrimoniales est en augmentation, alors que l’expatriation des jeunes générations et le développement du travail des femmes rendent parfois plus difficile l’identification de partenaires
adaptés. * 412 à 24 centimes d’euros.
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