Le Web et les réseaux sociaux, dernière vague du féminisme ? | la revue des médias
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La parole féministe s’est fortement propagée dans l’espace numérique. Une jeune génération d’activistes s’est emparée du Web et des réseaux sociaux pour défendre l’égalité entre les sexes.
Cette parole participe d’un vaste mouvement social pour l’émancipation des femmes.
De fait, les nouvelles militantes reprennent les répertoires d’action mobilisés par les féministes historiques, mais leurs modes d’expression se ressourcent dans la culture numérique et
leurs discours sont amplifiés par leur diffusion via les réseaux sociaux. Néanmoins, le Web n’est qu’une des faces du féminisme contemporain qui interpelle aussi les pouvoirs publics et
recourt aux médias de masse pour défendre la cause des femmes.
À l’automne 2017, la déferlante de témoignages suscités par #MeToo demeure, à ce jour, comme le point culminant de l’utilisation des réseaux sociaux dans le combat contre les violences
faites aux femmes. Dans un tweet, le 15 octobre 2017, l’actrice états-unienne Alyssa Milano accusait de viol le producteur hollywoodien Harvey Weinstein, et invitait d’autres femmes victimes
à se manifester sur le fil #MeToo. L’appel s’est répandu comme une traînée de poudre, y compris en France où la journaliste Sandra Muller avait déjà publié, le 13 octobre, le mot-dièse
#BalanceTonPorc. Ces deux mots-dièses, puis #MoiAussi, seront suivis sur Twitter par des milliers d’abonnés et de nombreuses femmes, y compris celles qui ne se réclament pas du féminisme,
ont alors dénoncé les agressions dont elles ont été victimes dans leur vie privée ou professionnelle.
Toutefois, #MeToo n’est un phénomène inédit que par son ampleur car, en France comme dans d’autres pays, plusieurs associations et collectifs féministes avaient déjà lancé via Twitter ou
Facebook des campagnes contre les violences que subissent les femmes. Citons, par exemple, #StopViol du Collectif féministe contre le viol qui organise aussi des permanences téléphoniques à
disposition des victimes et la campagne Viol : la honte doit changer de camp de l’association Osez le féminisme.
Sur le Web, toutes les tendances s’expriment, allant d’un féminisme qualifié de réformiste pour ses appels à l’égalité femmes-hommes dans la vie professionnelle et sociale, à un féminisme
plus sectoriel.
Certains collectifs se cantonnent à un domaine particulier (les publicités sexistes pour Les Chiennes de garde ou la défense de la parité pour La Barbe), tandis que d’autres sont plus
généralistes comme Osez le féminisme ou Les Effronté.es, ces dernières étant aussi très actives dans la défense des minorités et se positionnant à l’extrême-gauche. Si toutes les militantes
condamnent le viol et les agressions physiques ou verbales, des lignes de fracture divisent les collectifs dans leur positionnement sur le voile ou sur la prostitution. Cette diversité des
groupes militants se greffe ainsi sur les tensions qui traversent aujourd’hui le corps social.
Tous les collectifs féministes veillent à s’assurer la visibilité la plus large possible par la publication régulière d’un flux abondant de posts. Les sites web constituent l’identité
pérenne des groupes qui y archivent leurs actions, par exemple, des campagnes comme celles d’Osez le féminisme ou des interventions en direct comme celles du collectif La Barbe dans les
tables-rondes de diverses manifestations constituées exclusivement d’hommes. Très actives sur les réseaux sociaux, les militantes y annoncent leurs actions (organisation d’événements,
campagnes, interventions, réunions) et visent à susciter des commentaires ou des témoignages de leurs abonnés. Elles nourrissent aussi leurs comptes Facebook ou Twitter par une veille sur le
sexisme, relaient des informations issues de plusieurs sources (médias, associations, recommandations d’événements culturels, ouvrages, films…) et elles renvoient à de nombreux liens
hypertextes ou comptes Twitter (Les Effronté.es, Les Chiennes de garde...).
L’image renvoyée est celle d’un féminisme hyper-connecté, jeune et joyeux tout en étant engagé.
Sur le Web, se déploie un féminisme vivant, imprégné par la culture pop qui recourt massivement aux images. Les collectifs travaillent leur identité numérique, affichent « leur marque » par
des logos et jouent sur les couleurs. Ainsi, La Barbe s’affiche avec des barbes postiches, tandis que Georgette Sand s’expose par un visuel rétro de teinte sépia avec un nœud dans les
cheveux. Le graphisme peut-être plus ou moins sobre ou sophistiqué, mais les posts font souvent une large place à l’humour — un mode d’expression déjà courant auprès des féministes de la
seconde vague — et à des photos déposées sur leurs comptes Instagram ou à des vidéos souvent diffusées sur YouTube. Les militantes produisent des contenus multimédias faisant montre de
qualités artistiques et elles n’hésitent pas, parfois, à se mettre en scène. Mentionnons à titre illustratif les vidéos des Effronté.es #JouirDeMesDroits ou la mise en scène « C’est la
chatte » produite par les militantes de Georgette Sand diffusée sur leur site et sur YouTube. L’image renvoyée est celle d’un féminisme hyper-connecté, jeune et joyeux tout en étant engagé.
Les nouvelles militantes ont majoritairement entre 20 et 35 ans et appartiennent à la génération qui, dès l’enfance, a été imprégnée de culture audiovisuelle et familiarisée avec l’internet
dont elles maîtrisent les codes d’usage (langage, buzz, etc.). Elles utilisent avec dextérité Wordpress et les outils du DIY (Do It Yourself) pour réaliser des publications créatives. Alors
que la technique a toujours été un bastion réservé aux hommes, la convivialité des dispositifs numériques leur a permis de s’affranchir du recours aux experts masculins et de gagner en
autonomie. Si l’appropriation de la culture numérique est un dénominateur commun à toutes les jeunes femmes, l’impératif d’une compétence technique conduit à l’émergence d’un nouveau profil
de militantes dans la hiérarchie des collectifs. Nos entretiens ont identifié que les sites web étudiés et les posts sur les réseaux sociaux sont souvent produits par des activistes qui
appartiennent au monde professionnel de la communication (journalistes, vidéastes, relations publiques...).
Ces femmes sont donc expertes dans l’élaboration de la stratégie éditoriale et dans la dimension communicationnelle du militantisme.
Ces femmes sont donc expertes dans l’élaboration de la stratégie éditoriale et dans la dimension communicationnelle du militantisme. Les générations antérieures du féminisme ont certes eu
recours aux médias alternatifs (les tracts, la presse militante, puis le cinéma et surtout la vidéo), mais elles étaient une poignée à maîtriser l’usage de ces médias à l’inverse
d’aujourd’hui. Il est d’ailleurs significatif que les sites des collectifs créés par des féministes de la seconde vague, Les Chiennes de Garde par exemple, fonctionnent davantage sur le mode
traditionnel des communiqués de Presse et sont moins créatifs en visuels numériques.
Un autre fossé générationnel se repère au niveau politique. Les femmes de la troisième vague sont très politisées envers toutes les questions touchant les droits des femmes et les
discriminations qu’elles subissent. Toutefois, elles ont majoritairement abandonné la matrice idéologique d’une transformation radicale de toute la société. À l’inverse des féministes des
années 1970 marquées par le courant marxiste-léniniste et par les écoles de critique sociale, les activistes du XXIe siècle font preuve d’un plus grand pragmatisme et concentrent leur
énergie sur les luttes des femmes. Pour être moins intellectuel, leur engagement n’en est pas moins vigoureux. Il se manifeste aussi sur un mode plus ponctuel, selon les causes à défendre, à
l’instar des mobilisations dans les autres mouvements sociaux3.
L’atout majeur de l’activisme numérique réside bien dans le relais instantané des informations postées sur les réseaux sociaux qui permet un grand élargissement de la diffusion.
La vivacité du féminisme numérique pourrait laisser penser qu’il s’agit d’un univers purement virtuel et clos sur lui-même. Or, il n’en est rien — à plusieurs titres. D’une part, si les
militantes utilisent leurs messageries personnelles pour échanger et organiser leurs actions, elles se rencontrent régulièrement. Elles organisent aussi des réunions ou des rencontres
conviviales, comme des apéros dans des cafés, pour accueillir des sympathisantes voire recruter de nouvelles activistes. D’autre part, elles font du lobbying auprès des médias en contactant
les journalistes sensibilisés au sexisme pour qu’ils couvrent leurs actions (événements, campagnes). Leurs comptes abondent de mentions d’articles de presse, de reportages télévisuels sur
divers sujets dont elles relèvent le contenu sexiste, mais elles peuvent aussi se féliciter de leur couverture favorable à la libération des femmes. Ainsi, la reprise, en juillet 2018, de la
vidéo diffusée par le quotidien Le Parisien d’un homme agressant une femme près d’un café souleva une vague d’indignation sur les réseaux féministes.
En un sens, le Web féministe est un espace médiatique alternatif qui apporte un regard critique sur les grands médias, mais qui les alimente aussi en informations sur les questions de
société touchant les femmes. Les féministes s’adressent également à des personnalités politiques favorables à leurs causes pour que leurs revendications aboutissent à des modifications de
textes législatifs ou réglementaires. Les campagnes menées en faveur des grandes causes, comme celle pour l’égalité professionnelle, sont soutenues par plusieurs collectifs qui font alors
preuve de solidarité. La campagne lancée par une association constituée en 2014 contre le harcèlement de rue, Stop harcèlement de rue, déclinée sur Facebook, Instagram et Twitter, fut
reprise par tous les collectifs féministes.
Toutes ces actions largement publicisées se sont traduites par une forte hausse des plaintes pour viols et agressions sexuelles.
La mobilisation générale la plus forte à ce jour, des militantes et des féministes ordinaires, s’est produite dans le sillage de #MeToo qui, devant le volume des témoignages, devint un
phénomène social très couvert par les médias et débattu dans l’espace public. L’appel à encourager les femmes à saisir la justice conduisit à la « Loi du 3 août 2018 renforçant la lutte
contre les violences sexuelles et sexistes », qui fut néanmoins jugée comme insuffisante pour la protection des mineurs (notamment par Le Groupe_F). La dimension consensuelle de la lutte
contre le viol et le harcèlement explique aussi le succès de la vaste manifestation du 24 novembre 2018, lancée sur Twitter par Caroline de Haas, NousToutes, qui rassembla 50 000
participants, des femmes mais aussi des hommes, appartenant à divers milieux sociaux et politiques. Toutes ces actions largement publicisées se sont traduites par une forte hausse des
plaintes pour viols et agressions sexuelles.
La prolifération de sites féministes et des campagnes sur les réseaux sociaux est significative d’une forte montée de la parole publique des femmes dans l’espace numérique qui déclenche des
soutiens, y compris de la part de quelques hommes, mais aussi de virulentes attaques. Sur le Web, le cybersexisme se déploie depuis des années et cela dans le monde entier, comme l’ont
étudié des chercheures anglophones@ Jessica KELLER, Kaitlynn MENDES, Jessica RINGROSE « Speaking “unspeakable things”: documenting digital feminist responses to rape culture » in Journal of
Gender Studies, Vol 27, N°1, p.23-36, publié en ligne le 28 juillet 2016.@. Les commentaires misogynes dans les fils de discussion sur Twitter ou Facebook sont repérés et effacés par les
modératrices des sites, mais les militantes féministes sont aussi victimes d’insultes graves, d’intimidations, voire de menaces de mort, et certaines ont dû fermer leurs comptes de réseaux
sociaux.
Sur le Web, le cybersexisme se déploie depuis des années et cela dans le monde entier.
L’expansion des violences en ligne envers les femmes a été mentionnée dans un rapport de l’Assemblée nationale en 2015 (Rapport d’information fait au nom de la délégation aux droits des
femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le projet de loi pour une République numérique ), et a conduit en octobre 2016 au lancement, par le centre Hubertine
Auclert, de la campagne Stop cybersexisme. Alors que des attaques informatiques sont fomentées par des hackers qui, de concert, se livrent à des raids numériques pour bloquer les sites
féministes, ces actes sont condamnés par l’article 11 de la loi du 3 août 2018. Cet encadrement juridique, certes nécessaire, s’avère néanmoins insuffisant comme l’atteste le rapport Premier
état des lieux du sexisme en France publié le 17 janvier 2019. De fait, davantage encore que dans l’espace physique, le Web se prête au déchaînement de propos haineux et sexistes émanant,
le plus souvent sous couvert d’anonymat, des défenseurs de la domination masculine et du patriarcat. En témoigne notamment la récente « affaire » de la « Ligue du Lol », qui affecte une
partie du monde journalistique français...
C’est bien cette suprématie patriarcale qu’attaquent les féministes d’aujourd’hui, tout comme celles d’hier. Sur le Web, les féministes prolongent les répertoires d’action traditionnels
(informer, alerter, mobiliser), mais elles en renouvellent aussi les modes et les formes d’expression. Depuis une petite quinzaine d’années, le nouveau féminisme se greffe sur les évolutions
sociétales pour la revendication de nouveaux droits comme, par exemple, la PMA (procréation médicalement assistée) ou le respect des identités sexuelles et ethniques, tout en poursuivant
les luttes pour l’égalité des droits dans tous les domaines.
Les activistes font un plein usage des dispositifs numériques par une intense activité de publication, de partage et de tissage de liens.
Pour mener ces combats, les activistes font un plein usage des dispositifs numériques par une intense activité de publication, de partage et de tissage de liens. Elles maîtrisent la
communication numérique, savent faire le buzz pour obtenir l’égalité et le respect de leur corps et de leur identité, tout en menant des actions dans l’espace public. Elles font aussi se
lever, via les réseaux sociaux, des voix de femmes non militantes mais sensibilisées et engagées dans la cause des femmes. Le Web bruit de cette parole publique qui se décline aussi dans les
médias et dans la rue, et qui a conduit à placer l’égalité entre les sexes et l’émancipation de toutes les femmes comme une question capitale dans la transformation de notre société.
Pour en finir avec la sous-représentation des femmes dans les médias et mieux refléter la réalité, plusieurs rédactions à travers le monde ont choisi de nommer des « gender editors ». Voici
comment ces responsables éditoriales chargées des questions de genre s’y prennent pour changer les pratiques journalistiques au sein de leurs rédactions.
Quel meilleur genre que la fiction pour observer... les représentations du genre sur le petit écran ! Synthèse de la production fictionnelle télévisée française des dernières décennies, au
prisme des rapports de sexe et des stéréotypes. Une famille très diverse où les représentations évoluent en dents de scie.
L’expansion de la télévision a accompagné l’évolution de la société française d’après-guerre. Jusqu’à quel point ? Retour au travers du petit écran sur soixante-dix années très diverses,
parfois contradictoires, de représentations des femmes et de luttes pour les droits des femmes.
La féminisation des rédactions, tous supports médiatiques confondus, est réelle depuis quelques années. Oui, mais... cette féminisation ne veut pas dire totales égalité et parité. Des
hiérarchies, des clivages, des stéréotypes genrés perdurent. Mais les femmes journalistes se sont emparées de leur cause !
Depuis la fin du XIXe siècle, la parole des femmes s’est peu à peu affirmée dans l’espace public et médiatique. De Marguerite Durand à Caroline de Haas, en passant par Ménie Grégoire, elles
ont apporté leur expertise dans la presse ou l’audiovisuel. Mais aujourd’hui encore, leur présence reste marginale...
Les médias ne sont pas le fidèle miroir du monde, ils contribuent à la fabrication de normes structurant la société. Aussi sont-ils au cœur de la représentation du genre et de sa
construction, comme en témoigne ce panorama des stéréotypes véhiculés sur les femmes à la radio et à la télévision.
Pour la première fois, une intelligence artificielle a mesuré le temps de parole des femmes et des hommes dans les médias français. Réalisée sur 700 000 heures de programmes, soit le plus
gros volume de données jamais analysé au monde, cette étude dresse un état des lieux, chaîne par chaîne, depuis 2001.
Quelle place pour les femmes dans les médias ? Cette question récurrente fait l’objet de nombre d’enquêtes depuis plus de 20 ans. Sans surprise, en ressort une constante : les femmes sont
peu et mal représentées. Pourquoi ce plafond de verre ? De quoi s’interroger sur les présupposés de ces enquêtes.
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