Le monde : « une inventivité que l'on ne retrouve pas dans la presse écrite »
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© Crédits photo : Steve Buissinne / Pixabay. ENTRETIEN AVEC CLAIRE BLANDIN Alors que la mobilisation des salariés du groupe Le Monde s’est conclue par la signature d’un droit d’agrément et
le projet de création d’une fondation, Claire Blandin, historienne des médias, analyse comment les conflits entre actionnaires et journalistes ont permis de protéger davantage la profession.
propos recueillis par Juliette Labracherie Publié le 30 septembre 2019 _LES ÉVÉNEMENTS QUI ONT EU LIEU AU SEIN DU GROUPE LE MONDE ONT-ILS UN CARACTÈRE EXCEPTIONNEL POUR UNE ENTREPRISE DE
PRESSE ? _ CLAIRE BLANDIN : Ce conflit s'inscrit dans des luttes qui se développent depuis le début du XXe siècle, en particulier depuis la période de la Libération. Ce sont des luttes
de concurrence, de pouvoir et d'influence entre les rédactions et les propriétaires de journaux. La question centrale est de savoir quelle est la responsabilité des uns et des autres
dans le contenu éditorial des journaux. _Y-A-T-IL DÉJÀ EU DES CONFLITS D’AMPLEUR SIMILAIRE, AVEC, À TERME, DES DÉCISIONS D’UNE TELLE IMPORTANCE POUR UNE RÉDACTION ?_ CLAIRE BLANDIN :
L'histoire de la presse est jalonnée par ce type de conflit et par des décisions d'une grande importance. Il faut d’abord revenir à la loi sur la carte de presse en 1935, qui
instaure la clause de conscience. C'est la première fois qu'il y a une véritable reconnaissance de la responsabilité des journalistes dans le contenu éditorial. La loi estime que
le journaliste vend sa plume mais n’abandonne pas son libre-arbitre : il est responsable de ce qu'il écrit. S’il est en désaccord avec la ligne éditoriale du média, il est dans son
devoir de le quitter. C'est très important, car c'est ce qui positionne les médias dans l'espace public comme acteurs de la démocratie. C’est aussi ce qui fonde la
responsabilité collective des journalistes, qui est de représenter la diversité du paysage politique, et ce, afin d’informer les citoyens et leur permettre de faire un choix à chaque moment
de la vie démocratique. > « L'État reconnaît que la responsabilité morale des journaux > revient aux journalistes » Il y a ensuite eu la refondation du paysage médiatique à la
Libération, encore plus stricte et ferme. Tous les journaux encore imprimés sous contrôle allemand sont interdits de reparution, et des autorisations de paraître sont données aux nouveaux
titres de presse ; c’est ce qui a construit notre paysage médiatique actuel. Mais ces autorisations de paraître ne sont pas accordées aux propriétaires de titres de presse, elles sont
accordées aux équipes de journalistes. L'État reconnaît ainsi que la responsabilité morale des journaux revient aux journalistes. Par exemple, _Le Figaro_ est dirigé pendant et après
l’Occupation par Pierre Brisson. C’est donc lui qui obtient, avec son équipe de journalistes (dont François Mauriac et Louis-Gabriel Robinet), l'autorisation de reparaître. Celle-ci ne
revient pas à la propriétaire du journal, qui voulait intervenir dans le contenu éditorial. Après une série de conflits, une loi, dite « loi Brisson », est votée en 1948. Elle reconnaît
cette distinction entre la responsabilité financière du propriétaire et la responsabilité éditoriale de l'équipe de journalistes. _Le Monde_, créé à la Libération, doit aussi se
positionner par rapport à cette loi. C'est dans ce contexte qu’une société des rédacteurs est créée en 1951. Une série de conflits a donc mis ces luttes de concurrence, des journalistes
vis-à-vis de leurs actionnaires, en évidence. Au _Figaro_, le plus gros conflit a eu lieu en 1969. Pierre Brisson est mort en 1965, et l'actionnaire principal, Jean Prouvost,
souhaitait directement intervenir dans le contenu du journal. Les journalistes n’étaient pas d’accord, ils ont fait un mois de grève pour revendiquer cette « loi Brisson ». _LA MOBILISATION
DES LECTEURS ET DE 500 PERSONNALITÉS A AUSSI PERMIS LA SIGNATURE DU DROIT D’AGRÉMENT. A-T-ON DÉJÀ VU UNE AUSSI FORTE MOBILISATION DU PUBLIC LORS D’UN CONFLIT OPPOSANT JOURNALISTES ET
ACTIONNAIRES ? _ CLAIRE BLANDIN : Ce n'est pas exceptionnel, même si les mobilisations de lecteurs sont rares. Le soutien est plus diffus pour les autres journaux. Il y a eu une
mobilisation des lecteurs pour certains groupes de presse, comme pour le journal _Paris Normandie_ dans les années 1970, lors de la prise de contrôle par Philippe Hersant. C’était aussi le
cas en 1969 _pour_ _Le_ _Figaro_. Mais le soutien est toujours plus important _pour_ _Le Monde_. > « Il y a une relation très spécifique entre _Le Monde_ et ses > lecteurs » Il y a une
relation très spécifique entre le journal et ses lecteurs, qui sont plutôt parisiens, très éduqués. Les lecteurs ont déjà sauvé une fois le quotidien, en 1985. S’en est suivie la création
de la Société des lecteurs, qui a une véritable place, importante, au sein du journal. Ils apportent un soutien politique et financier. _Le Monde_ est un cas particulier. Pour la crise
actuelle, les lecteurs étaient nombreux à se mobiliser, car les conflits tournaient autour de l’indépendance des rédactions. C’était comme revenir sur la loi de 1935, à l'essence même
de ce que sont le journalisme et la place de la presse dans notre démocratie. _LES CRISES SONT-ELLES UN MOYEN NÉCESSAIRE DANS L’OBTENTION D’OUTILS DE PROTECTION DES JOURNALISTES CONTRE LES
ACTIONNAIRES ? _ CLAIRE BLANDIN : Il n'est pas nécessaire qu'il y ait des crises, mais elles sont souvent révélatrices de dysfonctionnement. Les changements viennent souvent après
des conflits. C'est ce qu’il s’est passé pour la « loi Brisson », et le conflit très politique avec la propriétaire du _Figaro_ en 1948. Cette dernière souhaitait faire un journal qui
ne correspondait pas du tout à la vision de Brisson. C'est à la suite de cette crise que la loi et l’organisation des rédactions ont changé. Les conséquences d’un conflit au sein d’un
groupe de presse amènent souvent à faire évoluer la loi pour renforcer la protection à chaque fois qu’une dérive est observée, généralement une manipulation négative des journalistes. Quand
Robert Hersant, dans les années 1980, désire construire un empire médiatique, les lois sur la concentration de la presse régionale sont renforcées. Au départ, c’est-à-dire après la
Libération, la création des sociétés de rédacteurs relevait plutôt de l'organisation du journalisme comme profession et de l'inventivité utilisée pour essayer de trouver les voies
qui la protège le mieux. _DEPUIS LES ANNÉES 2010, LES ENTREPRISES DE PRESSE FONT FACE À DE MULTIPLES MOUVEMENTS ACTIONNARIAUX. LES DÉCISIONS PRISES À LA FIN DE LA CRISE AU MONDE
MARQUENT-ELLES UN TOURNANT POUR CE MODÈLE D’ENTREPRISE QUE NOUS CONNAISSONS ? _ CLAIRE BLANDIN : C'est plutôt une confirmation de ce qu'est _Le Monde_, qui se réinvente en tant que
journal. Je ne pense pas que ces décisions puissent s'étendre à l'ensemble du système médiatique, c'est un cas particulier. Il est vrai qu’aujourd’hui, la concentration des
entreprises médiatiques pose de gros problèmes d’indépendance. La presse magazine est, en France, entre les mains de deux ou trois groupes de presse, mais ce n'est pas un enjeu dans le
débat public. > « _Le Monde_ est une spécificité » Le groupe Le Monde est une spécificité, mais c’est l’arbre qui cache la forêt. Le nouveau modèle de fondation est astucieux,
intelligent, et ce qu’il vient de se passer est très important. Cela montre que l’invention d’un nouveau modèle est possible. C’est une inventivité qui se retrouve beaucoup dans la presse
alternative et dans les nouveaux médias, mais on ne la retrouve pas dans le reste de la presse écrite.
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