Le cinéma pakistanais : une industrie en voie d’extinction?
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Le cinéma pakistanais survivra-t-il à l’année 2012 ? Trois films seulement devraient sortir cette année dans les salles de Lahore. L’absence de financement, la concurrence de Bollywood et
les lois islamiques menacent le secteur. Hélène Lecuyer Publié le 02 octobre 2012 Le cinéma pakistanais1 n’a pas toujours été l’industrie moribonde que l’on connaît aujourd’hui, surtout
dominée par des films _punjabi _aux scénarios ultra-violents truffés de clichés, que son public a déserté. Lollywood, comme on l’appelle parfois en référence à la ville de Lahore, qui fut
l’un des principaux centres de production de films du pays, eut sa période dorée. À cette époque, dans les années 1960, le pays produisait jusqu’à 200 films par an et s’enorgueillissait de
plus de 1 500 salles de cinéma. Le 7e art pakistanais avait introduit la musique pop en Asie du Sud, il drainait les foules et mettait en scène les acteurs et chanteurs les plus populaires
dans des films qui restaient à l’affiche plus de 75 semaines. Le recours au _playback_, largement développé, avait permis le développement d’une véritable industrie musicale dont le
rayonnement dépassait largement les frontières du Pakistan. Les productions étaient réalisées en _urdu_, en _punjabi _ou en _pushto_, les trois principales langues du pays. Aujourd’hui,
seuls 160 des 385 cinémas référencés au Pakistan seraient encore opérationnels, le nombre de films produits et distribués dans le pays n’excède pas une quinzaine les bonnes années et le
public n’est pas au rendez-vous, bien plus intéressé par le cinéma piraté d’Hollywood ou de Bollywood. Dans un pays où les taxes sur le prix du ticket sont très élevées, et où le couvre-feu
des salles est à 20 heures, la rentabilité est difficile à atteindre pour les producteurs comme pour les exploitants. Koko Korina_ chanté (en play-back) par Ahmed Rushdi, roi de la pop
pakistanaise_ UNE HISTOIRE MOUVEMENTÉE Lollywood avait pourtant su se réinventer face aux coups du sort que lui a imposés l’histoire complexe du pays. En 1947, la partition d’avec l’Inde
avait immédiatement privé l’industrie du cinéma de fonds et de nombre de ses stars et réalisateurs qui avaient fui vers Bollywood. Mais la popularité de ce divertissement était très grande
et, soutenu par un gouvernement qui y voyait l’occasion d’affirmer une identité nationale, les productions en _urdu _– langue unificatrice du pays – se développèrent pour faire tourner
toujours plus les studios de Lahore. C’était l’époque où des films comme _Shaheed_ exaltaient le patriotisme sous couvert de romance, tandis que des documentaires officiels de propagande,
commandités par le ministère de l’Information, étaient diffusés obligatoirement dans les salles avant chaque long-métrage. En 1971, l’accès à l’indépendance de la partie est du Pakistan,
devenue désormais l’État du Bangladesh, constituait un nouveau coup du sort, amputant l’industrie d’un de ses trois principaux centres de production, la ville de Dhaka. Mais en dépit de ces
aléas, la production cinématographique continuait à croître et les records de longévité au box-office s’enchainaient – le record maximum étant détenu par le film _Aina_ qui fut projeté
pendant 400 semaines consécutives et fait aujourd’hui encore figure de film culte pour le public pakistanais. CENSURE, CORRUPTION ET CASSETTES VIDÉO L’industrie ne réussit cependant pas à
résister à deux événements survenus à la fin des années 1970 : l’essor du magnétoscope – et la circulation de films piratés qui s’ensuivit ainsi que la dictature du président Zia-ul Hak et
sa politique d’islamisation. Celle-ci dégrada l’image du cinéma, qui fut soudainement perçu comme un art et une profession peu respectable. Dans le même temps, le président mit en place
toute une série de nouvelles règles qui contribuèrent à l’effondrement de l’industrie nationale, comme l’obligation pour les réalisateurs d’être diplômés de l’enseignement supérieur, la
fermeture de nombreux cinémas, la mise en place de nouvelles taxes et surtout un renforcement de la censure qui nuisit particulièrement à la production urdu dont les scénarios portaient
souvent sur les relations amoureuses – par exemple, en raison du respect des lois islamiques, il n’était plus possible de montrer un homme et une femme seuls dans une pièce, même s’ils
étaient mari et femme. Cette montée de la censure se traduisit par un appauvrissement scénaristique, comme le déplore Nasir Adeeb, un célèbre scénariste pakistanais. Face à l’interdiction
d’évoquer la politique ou l’amour, il ne restait, finalement, que la grossièreté et la criminalité. Cette période correspond également à l’augmentation de la corruption et au développement
d’une production parallèle qui bénéficia au cinéma _pashto_. Grâce à l’appui de puissants politiciens originaires de cette région située en bordure d’Afghanistan, les films tournés en
pashto, le deuxième groupe linguistique du pays, violèrent délibérément et impunément la censure pour prendre le tournant d’un érotisme _soft_. Mais le grand gagnant de cette période fut le
cinéma _punjabi_. Principalement fondé sur l’action et la violence - il se disait qu’il n’y avait pas de bon film _punjabi _sans au moins un massacre à la mitraillette -, il ne subissait pas
les foudres de la censure. Et son essor correspondait à celui de la vaste classe moyenne _punjabi _en plein exode rural. BOLLYWOOD ET LOLLYWOOD, FRÈRES ENNEMIS Bollywood et Lollywood
seraient, pour certains, les deux facettes d’un même cinéma, celui de la Partition. En témoignerait la popularité des scénarios fondés sur la séparation des amants, métaphore d’un pays
déchiré en deux. Il est indéniable que les liens entre les deux industries sont forts et controversés. Bollywood, pour Lollywood, cela pourrait être la fuite des talents. Celle qui s’est
produite en 1947, bien évidemment, mais aussi tout au long des décennies qui ont suivi. De nombreux techniciens, acteurs, chanteurs décident alors de tenter leur chance à Bollywood, comme le
célèbre chanteur Adnam Sami. Atif Aslam, un autre chanteur pakistanais, admet que l’Inde offre aux jeunes artistes plus d’espoirs de succès commerciaux. Certains professionnels de
l’industrie n’hésitent pas à souligner que cet exode vers le pays voisin pourrait être bénéfique, puisqu’il est l’occasion pour les techniciens et acteurs d’acquérir un professionnalisme
qu’ils pourraient remettre ensuite au service du cinéma pakistanais. Mais le grand sujet de dissension est celui de la levée de l’interdiction de diffusion des films de Bollywood au
Pakistan. Existant depuis 1952, mais étant strictement en place depuis 1965 suite à un conflit armé, elle était en partie censée protéger le cinéma pakistanais. Dès le début des années 2000,
la levée de l’interdiction est réclamée par l’association des exploitants de salles de cinéma du Pakistan, au motif que la production cinématographique pakistanaise n’est désormais plus
suffisante pour faire vivre les salles 52 semaines par an. Le gouvernement est d’abord réticent, et il faudra attendre le succès de _Khuda Ke Liye_ – qui sortira simultanément en Inde et au
Pakistan, et ce pour la première fois depuis 40 ans, pour voir l’interdiction finalement levée. Le film raconte l’histoire de deux frères musulmans de Lahore aux destinées divergentes, l’un
tombant au Pakistan sous l’influence des fondamentalistes, tandis que l’autre, à la foi plus modérée, émigre aux États-Unis et se retrouve victime de discriminations en raison de son nom.
L’ouverture nouvelle du marché pakistanais aux films de Bollywood est accueillie diversement. Très positivement par le public, qui était déjà gros consommateur de films piratés ;
positivement également par les exploitants de salles, heureux de multiplier leur offre, évolution nécessaire à la reprise de leur activité. Mais les réalisateurs sont partagés entre ce
qu’ils perçoivent comme un pas en avant - en attirant les spectateurs dans les salles, les films de Bollywood contribuent à recréer une culture du cinéma - mais aussi comme une concurrence
contre laquelle ils ne peuvent pas lutter. RENOUVEAU ET TENTATIVE DE REPROFESSIONNALISATION Au tout début des années 2000, le cinéma pakistanais fait pâle figure. Les salles obscures sont
désertées et souvent transformées en centre commerciaux. Des studios, autrefois célèbres, sont reconvertis en entrepôts industriels ou en parking. Quant aux techniciens, s’ils n’ont pu se
reconvertir dans la télévision, se faire embaucher à Bollywood ou encore à Dhaka, ils deviennent, parfois, vendeurs de thé ou vivent d’autres petits métiers. Mais en 2003, alors que le
président Musharraf arrive au pouvoir, un groupe de jeunes réalisateurs pakistanais entreprend de faire revivre l’industrie nationale. Ils réalisent des films de niche, auto-financés, qui
collent désormais aux préoccupations socio-économiques de la population. Et rencontrent quelques succès d’estime, si ce n’est commerciaux. Des réalisateurs tels que Shoaib Mansoor (_Khuda Ke
Liye,_ _Bol_) ou Mehreen Jabbar (_Ramchand Pakistani_) réussissent à s’exporter hors des frontières. De nouvelles écoles s’ouvrent, témoignant de l’optimisme qui règne pour la profession
(la section « film » du National College of Arts de Lahore en 2005, la section vidéo de l’Indus Valley school of Arts and Architecture et en 2010 l’école spécialisée SAAMPT à Karachi).
Parallèlement, le lancement de Filmazia, une chaine de télévision consacrée à la diffusion de films pakistanais apporte un bol d’air frais au secteur. Mais les réalisateurs déplorent en bloc
: la pauvreté des infrastructures, le triste état des studios, l’absence d’un vivier d’acteurs, l’absence de festivals, l’inexistence de canaux officiels ou simplement professionnels de
financement (en 2012, le gouvernement n’a alloué aucun budget au cinéma). Il faut également mentionner les problèmes importants rencontrés par l’industrie du DVD face au piratage rampant et
à la faiblesse de la régulation su r la propriété intellectuelle. _La chaine Filmazia diffuse uniquement des films de Lollywood _ L’année 2012, donc, verra-t-elle la mort d’une des plus
vielles industries du cinéma mondial ? Certains signaux laissent présager un répit. En dépit de l’atonie de la production, le cinéma pakistanais atteint une certaine visibilité avec, pour la
première fois dans l’histoire du pays, une nomination – et un prix – aux Oscars pour _Saving Face_, un documentaire réalisé au Pakistan par une réalisatrice pakistanaise sur le sort des
femmes attaquées à l’acide. Également en 2012, le court-métrage _Kingdom of Women_ de la réalisatrice Amna Ehtesham Khaishghi a été nominé à Cannes. Et la Pakistan Films Producers
Association (PFPA), dissoute en 2006, envisage de se reformer. On annonce également pour 2013 la sortie de huit films à gros budget (pour le pays). Il est sans doute trop tôt, en revanche,
pour prédire si tous ces signaux sont ceux d’une renaissance ou d’une simple rémission. -- Crédits photos : - Image principale : cinéma à Lahore - Zerega / Flickr - Annonce publicitaire de
la chaine Filmazia, page Facebook SOURCES - Naveeda KHAN, _Beyond crisis : reevaluating Pakistan_ (Critical Asian Studies) - Gita Viswanath et Salma Malik,_ Revisiting 1947 through popular
cinema: a comparative study of India and Pakistan_, _Economic and Political Weekly_, 5 septembre 2009 - Simon Wille, _Evaluating identity in Pakistani art today_,_ Vaslart.org_ - Aijaz Gul,
_A short history of Pakistani films_, _Fipresci_, 16 février 2009 - Sara Faruqi, _The death of Pakistani cinema_, _Dawn.com_, 15 décembre 2010 - Anuj Chopra, _How Pakistan fell in love with
Bollywood_, _Foreign Policy_, 15 mai 2010 - Javed Yousaf, _The story state of cinemas in Pakistan_, _The Express Tribune_, 3 mai 2010 - Sher Khan, _The end of the road for Lollywood_, _The
Express Tribune_, 10 juillet 2012 - Sher Khan, _Pakistani film industry: ethics in entertainment_, The Express Tribune, 28 février 2012 - Hataf Siyal, _The revival of cinema in Pakistan_,
_Pakium.com_, 9 avril 2011 - Shiraz Hassan, _Rise and Fall of Pakistani Cinema_, _WSN features_, 17 décembre 2011 - Pakistani cinema : _Promising projects in the pipeline_ (Pas d’auteur,
notre correspondant), _The Express Tribune_, 15 mai 2012 - Saadia Qamar, _The revival (or re-birth) of Pakistani cinema_, _The Express Tribune_, 15 septembre 2012 * 1Au sens strict, le
cinéma pakistanais nait en 1947. Cependant, l’industrie du cinéma de la ville de Lahore – qui sera surnommée bien plus tard Lollywood, existe depuis 1924.
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