La presse innove : est-ce vraiment rentable?

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La presse innove : est-ce vraiment rentable?"


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Retour sur les tables rondes organisées au ministère de la Culture et de la Communication à l’occasion de la remise du rapport Presse et Numérique – L’invention d’un nouvel écosystème de


Jean-Marie Charon. Emeline Gaube Publié le 05 juin 2015 Selon une idée répandue, il suffirait de trouver une idée innovante pour que succès et rentabilité suivent. Les journalistes novateurs


présents à l’occasion de la remise officielle du rapport de Jean-Marie Charon à la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, n’en sont pas là. En créant leurs propres


entreprises, ces visionnaires cherchent à combler une lacune de l’offre médiatique actuelle. Julia Tissier, une des intervenantes, explique ainsi son agacement face aux magazines féminins et


leurs sempiternels sujets beauté, consommation, famille. Avec son pure player Cheek Magazine, elle prend le parti de parler société et culture à ses lectrices. Estelle Faure et ses six


camarades du centre de formation des journalistes (CFJ) sont fatigués par le flux continuel d’informations. Leur site Lequatreheures permet aux internautes de prendre connaissance d’une


actualité sélectionnée et présentée de manière approfondie avec de longs articles immersifs. Une autre alternative permet de pallier ce flux : la curation de contenus. C’est le pari qu’a


fait Mélissa Bounoua avec Reader. La plupart de ces jeunes innovateurs ne se rémunèrent pas, l’innovation éditoriale ne suffisant pas à établir la rentabilité. Dans son rapport, Jean-Marie


Charon évoque les cas de Owni, Quoi.info ou encore Marsactu, qui malgré des projets éditoriaux passionnants, n’ont pas trouvé de modèle économique viable. S’insérer dans l’écosystème et


trouver son audience sont autant de clés pour connaître succès et rentabilité. Ces aspects de l’entreprenariat sont difficiles à appréhender pour de simples journalistes. En plus d’une aide


financière, un accompagnement sur la durée, comme l’incubation d’entreprise, pourrait contribuer à l’épanouissement de ces idées novatrices. CRÉER SON RÉSEAU « Une formation de journaliste


ne suffit pas pour monter un média. C’est difficile de se faire un réseau. On ignore ce qu’il faut faire » réalise Julia Tissier. « Le numérique c’est le chaos par rapport à l’organisation


de la presse imprimée » commente Jean-Christophe Boulanger, créateur du journal spécialisé d’affaires européennes Contexte. En effet, Jean-Marie Charon met en évidence dans son rapport la


complexité de l’écosystème de la presse numérique, avec son nombre de prestataires, start-ups, studios, agences… S’intégrer dans une pareille fourmilière apparait bien compliqué pour les


nouveaux arrivants sur le marché. Pourtant, l’innovation naît de la communication entre tous ces intervernants. « C’est en mixant le côté technique et le côté contenu, la forme et le fond,


que les rédactions pourraient inventer des formats narratifs encore plus performants. » estime Karen Bastien, à la tête de Wedodata, agence de data visualisation. Le lien entre journalistes


et professionnels de la technique n’est pas si évident. Lors de leur création, bon nombre de pure players sous-estiment les aspects techniques et s’entourent uniquement de journalistes. « Au


début, on avait oublié qu’il fallait une équipe technique et [une équipe NDLR] marketing » confie Marie-Hélène Smiejan, directrice générale de Mediapart. « C’est une erreur classique de ne


pas avoir de techniciens. Au début, on externalisait les activités techniques, maintenant on fait tout en interne ! » renchérit Jean-Christophe Boulanger. Dans son rapport, Jean-Marie Charon


insiste sur l’importance de faire des ponts dès la formation entre journalistes, graphistes et développeurs web. « Avant on ne mettait pas en lien médias et incubation. Il faudrait un lieu


où se réuniraient jeunes pousses, développeurs, graphistes et autres penseurs du web de demain » propose Karen Bastien. Les pure players sont réceptifs à ce type d’accompagnement, qui pallie


l’isolement et au manque de connaissances en gestion d’entreprises. « Il existe plein d’incubateurs, mais rien de spécifique à la presse. » regrette Jean-Christophe Boulanger. GAGNER EN


VISIBILITÉ Outre un accompagnement spécifique à leur activité, les jeunes pousses du web attendent une plus grande reconnaissance de la part des institutions, des bailleurs de fonds, du


public et des autres journalistes.  « Quand on est un petit pure player lu par 15 personnes, toutes les portes ne s’ouvrent pas. C’est difficile d’être pris au sérieux. C’est tellement plus


facile de venir de la part de Libération ! » déplore Julia Tissier. Une légitimité qui s’acquiert en partie grâce au réseau. « C’est mes quinze années d’expériences dans les médias qui m’ont


apporté le terreau pour commencer tout de suite à travailler » explique Karen Bastien. La prise de parole de ces innovateurs lors de la remise officielle du rapport de Jean-Marie Charon


constitue un premier pas vers cette quête de reconnaissance. Celle-ci s’associe à un besoin de visibilité. Alors que la faible mise financière nécessaire à la création d’un pure player a


multiplié le nombre de sites d’information - un capital de 20 000 euros suffit pour se lancer - il est difficile de se faire une place dans ce fourmillement créatif. Que le modèle économique


repose sur l’abonnement ou la publicité, l’audience reste la clé de la réussite d’une entreprise médiatique. « Une fois qu’on a l’audience, on trouve le modèle économique. Sans audience, on


n’a pas de modèle économique » tranche Daniel Daum, éditeur de Prisma Media TV - Entertainment. Pour attirer les lecteurs, ce doctorant en marketing a choisi de délivrer des services sur


support web et mobile : programme télévisé, météo… « On donne un service pour que les gens viennent lire les nouvelles sur notre site au moins cinq à dix minutes ». La solution d’Alexandre


Malsch, cofondateur de meltygroup est encore plus radicale : chercher directement ce qui intéresse sa cible, repérer les tendances et en parler du mieux possible. Un modèle inspiré des sites


viraux tels que Minutebuzz ou Buzzfeed. Pour Mediapart, pas de secret, pour attirer les lecteurs, il faut leur proposer un contenu exclusif et de qualité. « Si vous apportez le même contenu


que tous les autres, le lecteur ne va pas s’abonner. C’est avant tout une question de projet éditorial. ». explique Marie-Hélène Smiejan. Karen Bastien partage son point de vue : « 


Aujourd’hui, il est indispensable d’innover. La production web est immense, seules les choses les plus innovantes, les plus intéressantes éditorialement émergent ».Une fois l’internaute


captivé par son offre éditoriale, il faut toutefois le fidéliser, comme le rappelle la directrice générale de Mediapart : « Notre vrai savoir-faire c’est la fidélisation. En général, il faut


recruter trois abonnés pour en garder un. ». TROUVER SON MODÈLE ÉCONOMIQUE > C’est là tout l’enjeu : donner la capacité aux médias > d’associer innovation éditoriale et innovation 


économique  « Si l’innovation c’est comprendre comment fonctionne son marché, être intelligent, produire des choses de qualité et réussir à les monétiser, alors oui, on peut dire que


l’innovation va nous sauver. Mais si on parle de l’innovation au sens de l’innovation digitale, qui est de comprendre les nouveaux usages, inventer de nouvelles formes journalistes, alors


non l’innovation ne suffira pas à sauver le journalisme… » estime Cécilia Gabizon, rédactrice en chef de Madame Figaro. C’est là tout l’enjeu du rapport de Jean-Marie Charon : donner la


capacité aux médias d’associer innovation éditoriale et innovation économique. Si la plupart des éditeurs de presse présents lors de la remise du rapport reproduisent les modèles classiques


de l’abonnement ou de la publicité, certains des intervenants proposent des modes de rémunération alternatifs. Julia Tissier a transformé son pure player en agence de brand content. Avec


l’essor du web 2.0 les marques émettent du contenu au même titre que les médias. Les entreprises commerciales ont besoin aujourd’hui des compétences des journalistes, c’est ce qu’offre Cheek


Magazine. Le milieu de la publicité inspire également Alexandre Malsh, qui propose aux marques des articles sponsorisés,sous la forme du native advertising, directement introduits dans le


contenu éditorial du site Melty par les journalistes. « Le contenu ne parle pas de Coca Cola directement, mais du jeu vidéo de Coca-Cola » justifie-t-il. L’imprévu, dirigé par Claire


Berthelemy, prévoit de se rémunèrer en partie grâce à des prestations de formation. « Notre métier de journaliste c’est transmettre l’information, la formation c’est une autre façon de faire


notre travail. » explique-t-elle. Jean-Marie Charon cite dans son rapport l’exemple des MOOC créés par Rue89, sur le web journalisme. Plus surprenant, Le Télégramme réalise 40 % de ses


revenus avec des services totalement annexes au métier de journaliste, comme l’organisation d’évènements ou les annonces de recrutement. Le journal profite de son implantation en Bretagne


pour vendre courses à la voile, festivals musicaux et autres activités sur des thématiques locales. À l’heure du diktat de l’information gratuite et de la chute des revenus publicitaires,


les journaux n’ont pas d’autre choix que d’imaginer d’autres sources de revenus. Les nouveaux modes narratifs ne suffiront pas à sauver la presse française, si celle-ci ne réinvente pas son


modèle économique. -- Crédit photo _Un journaliste photographie avec son smartphone la ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin avec Jean-Martie Charon_. Emeline Gaube /


Ina


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