« l’itinérant », dernier journal de rue en france

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« l’itinérant », dernier journal de rue en france"


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La vocation du journal « L’Itinérant » est d'aider à sortir les personnes de la précarité : les vendeurs l'achètent 60 centimes et le revendent 2 euros dans la rue.  © Crédits


photo : montage La Revue des médias L’hebdomadaire, également vendu sous le nom de « Sans-Abri », « Sans-Logis » ou « Macadam », est le dernier représentant de « la presse de rue », une


tendance journalistique apparue subitement dans les années 1990. Martin Fort Publié le 12 février 2025 Le 3, rue de l’Atlas, à Paris, aurait, jadis, abrité une maison close. Désormais, une


partie de ce petit bâtiment de deux étages du quartier parisien de Belleville (19e arrondissement) accueille l’équipe du dernier « journal de rue » de France, _L’Itinérant_. L’expression est


un aller simple pour les années 1990. De cette décennie date la naissance de ces titres de presse qui fonctionnaient tous sur un même modèle. Une équipe de journalistes plus ou moins


professionnels fabrique un journal à la ligne éditoriale sociale, le cède à un prix modique à des personnes précaires qui se chargent de le vendre plus cher aux badauds. Le bénéfice glané


par les vendeurs est censé les aider à affronter le chômage et l’exclusion, en plein essor (le taux de chômage atteint 10,6 % en 1997, contre 6,6 % en 1981). _« Nos vendeurs nous achètent le


journal 60 centimes et le vendent 2 euros dans la rue. Ils récupèrent donc 1,40 euro sur chaque exemplaire »_, détaille Gilbert Caron, l’imprimeur et directeur de la publication de


_L’Itinérant_. Leur activité, déclarée à l’Urssaf dès le centième exemplaire vendu mensuellement, doit également leur faire profiter de la protection sociale. 400 COLPORTEURS Reconnaissable


à sa couleur verte et rouge, le journal est trouvable dans les mains des derniers vendeurs-colporteurs de presse de France au nom de _L’Itinérant _à Paris et en Île-de-France et, sur le


reste du territoire, sous ses alias _Sans-Logis_, _Sans-Abri_ et même _Macadam_ — un ancien concurrent que l’hebdomadaire a désormais phagocyté. _« Généralement, nos colporteurs se placent à


la sortie des grandes surfaces, _explique Caron. _Nous en avons environ 400 dans toute la France_. _En moyenne, ils vendent 50 exemplaires par semaine, en sachant qu’une partie des gens


donnent une pièce de 2 euros sans prendre le journal. » _Interrogé sur la solidarité des Français, le septuagénaire la dessine à grands traits. Les femmes donnent plus que les hommes, les


pauvres davantage que les riches, et les Français sont plus généreux quand il fait froid_. _ > _« Son but, c’était éradiquer la misère »_ Lancé le 26 septembre 1994, _L’Itinérant


_revendique un ton militant _« de lutte contre la misère et la précarité »_, assure Samy Abtroun, chef d’une petite équipe de trois rédacteurs et un dessinateur. À ses lecteurs, le journal


fournit des dossiers sur des actualités _« classiques »_ : rentrée scolaire, pollution plastique et élections européennes. _« Pour les dernières, on a interrogé les candidats sur leurs


mesures pour lutter contre la précarité, accompagnées d’un sondage Ifop »_, choisit-il comme exemple. L’actualité locale francilienne lui tient également à cœur et s’étend sur une dizaine de


pages. _« Tout ce que nous ne voulons pas, c’est être marqué politiquement »_, reprend Gilbert Caron. Cela pourrait nuire aux vendeurs. Il y a quelques années, _Le Monde_ le décrivait comme


l’ami de Patrick Buisson, l’imprimeur de Nicolas Sarkozy et du journal d’extrême droite _Minute_. Lui préfère rappeler qu’il a aussi imprimé _Charlie Hebdo_ ainsi que _Libération_, et qu’il


a fait sortir de ses rotatives les affiches de campagne de José Bové. _« Je n’ai jamais pris de carte dans un parti politique »_, prend-il soin d’indiquer. « LES SENTIMENTS À L’OMBRE » Au


fil de la baisse des ventes — 15 000 par semaine aujourd’hui contre 75 000 à ses débuts selon Gilbert Caron — l’ambition éditoriale du journal s’est étiolée. Aux reportages sociaux a succédé


la progressive diffusion des annonces légales, désormais installées sur un bon tiers de la pagination. Salutaire pour les finances du journal, leur publication est insérée juste avant l’une


des rubriques qui fait le charme du canard, « Les sentiments à l’ombre ». Dans celle-ci, les prisonniers peuvent s’épancher : _« Ludo, 39 ans, originaire de Toulouse, cherche l’âme sœur


pour des jours meilleurs… Je suis au centre de détention de Muret (31). J’espère trouver l’amour. Écrire au jrnl qui transm. »_ Envoyé aux bibliothèques carcérales, _L’Itinérant_ est


apprécié des privés de liberté. Marie Aschehoug-Clauteaux, responsable du courrier des lecteurs, revendique même _« cinq ou six mariages » _depuis la création du journal. Également pigiste


pour le journal, elle a été plongée dans la marmite de _L’Itinérant_ par son père, Rodolphe Clauteaux, co-fondateur du journal et présent jusqu’à sa mort en 2013. _« Quand j’étais en


terminale, dans le cadre d’un reportage sur le quotidien des SDF pour le journal, mon père a vécu une semaine dans la rue et s’est rendu compte que l’on y perdait la notion du temps, _se


souvient Marie Aschehoug-Clauteaux_. Il pensait que _L’Itinérant_ pouvait permettre aux exclus de retrouver le temps social. Avec l’idée que ceux qui faisaient la manche puissent proposer


quelque chose en échange. »_ CHERCHEUR D’OR Fils du fondateur de la revue _Pilote _(et chef de la publicité de L’Oréal), Rodolphe Clauteaux était un personnage romanesque qui conjugua son


passé d’enfant star — égérie de la marque de la beauté, il apparaît notamment dans les réclames pour les shampoings Dop — à une vie d’aventures au Venezuela, où il sera un temps chercheur


d’or. Rentré en France dans les années 1990 pour vivre de sa plume, il souhaite alors s’engager socialement et éditorialement. C’est à ce moment-là qu’il rencontre l’imprimeur Gilbert Caron


qui, lui, cherche à se venger d’un mauvais payeur, Georges Mathis, l’ancien directeur de publication d’un journal de rue aujourd’hui disparu, _Le Réverbère. _Celui-ci tirait alors à


plusieurs centaines de milliers d’exemplaires mais ne payait pas les frais d’impression qu’il devait à Caron. En créant _Le Lampadaire_ avec Clauteaux,_ _Caron espérait imposer une


négociation à Mathis. « _Je lui ai dit_ : “Si vous me réglez ma dette, j’arrête” », se souvient Caron. Mathis répond en l’attaquant devant la justice pour plagiat_. « ll ne m’a jamais payé


et donc j’ai continué dans ma lancée. »_ _Le Lampadaire_ change de nom, devient _L’Itinérant_, et embauche… le rédacteur en chef du _Réverbère_, excédé par la personnalité de Georges Mathis,


qui sera par la suite condamné à la suite d’articles antisémites. La presse de rue n’a effectivement pas attiré que des bons samaritains. Cette mode journalistique concentrée autour de


l’année 1993 — et dont la plupart des titres ont très vite périclité — a vu défiler les arnaqueurs guidés par leur enrichissement personnel. Tous n’utilisaient pas les bénéfices de leur


entreprise pour abonder des œuvres sociales — une autre promesse de ce mouvement initié en 1989 à New York avec _Street News _puis Londres avec _The Big Issue_. BRIGITTE BARDOT ET BARBARA À


_L’Itinérant_, rue de l’Atlas, Rodolphe Clauteaux se démène et utilise son réseau pour organiser des actions sociales tous azimuts : petit-déjeuner entre SDF et parlementaires, lobbying


auprès de Christine Boutin, alors ministre du Logement et avec qui il partageait une foi catholique, mais aussi levée de fonds pour… la défense d’un condamné à mort au Texas, Michael Toney.


Des célébrités y signeront, elles, un article : Brigitte Bardot, Barbara, Bernadette Chirac, notamment. René Goscinny illustra deux Unes de l’hebdomadaire. Comme tous les titres de presse,


l’avenir du journal est conditionné par les difficultés financières — augmentation des coûts et baisse des ventes — auxquelles s’ajoute la disparition de l’argent liquide, indispensable à la


rémunération des vendeurs. _« Mon père n’aurait pas voulu que le journal dure aussi longtemps, _conclut_ _Marie Aschehoug-Clauteaux_. Son but, c’était éradiquer la misère. » _Une gageure._


_Le slogan de l’hebdo propose, lui, quelque chose de plus réaliste : « Liberté, Égalité, Fraternité : “Appliquons au quotidien notre devise”. » DATA Cette année encore, de nombreux


quotidiens revoient leurs tarifs à la hausse pour faire face à l’augmentation des coûts de production et à la baisse des ventes en kiosque et des recettes publicitaires. En quinze ans, les


prix des quotidiens papier ont plus que doublé.


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