Jean-marie le pen : « je suis quand même bien gentil de vous recevoir, avec les unes de votre journal de merde! »
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Renaud Dély et Jean-Marie Le Pen sur un bateau entre les îles de Houat et Hoëdic (Morbihan) en mars 1995 (collection particulière). © Crédits photo : Didier Lefèvre ENTRETIEN AVEC RENAUD
DÉLY Renaud Dély fait partie des journalistes qui ont suivi Jean-Marie Le Pen à partir des années 1990. À l'époque, il avait 24 ans et travaillait depuis peu à _Libération_. Durant
trois décennies, il n'a quasiment « jamais coupé le cordon »_. _À quoi ça ressemblait de suivre le président du FN ? propos recueillis par Marie-Joëlle Gros Publié le 07 janvier 2025
Jean-Marie Le Pen est mort ce mardi 7 janvier 2025. La succession s’ouvre, la bataille du legs commence, mais une chose est déjà certaine : ses idées vont bel et bien lui survivre. La _«
décadence de la France »_, refrain qu’il aimait tant, et son couplet sur _« la submersion migratoire » _est largement repris en chœur à l’extrême droite, notamment à travers le _« grand
remplacement »._ Le Pen aimait qu’on lui donne du « président ». Il se vivait en victime des médias, ostracisé par les intellectuels, mais adorait endosser le costume du _« grand
perturbateur du système »,_ de _« l’establishment »_. La presse était à ses yeux un objet de fascination et de répulsion. Renaud Dély fait partie des journalistes qui l’ont suivi à partir
des années 1990. L’intervieweur de « 28 Minutes », sur Arte, et de la matinale de France Info, ex-directeur de la rédaction de _L’Obs_ puis de la rédaction de _Marianne_, a été formé à
_Libération. _C’est ce quotidien qui lui a confié, à 24 ans, le dossier du Front national, lui proposant de suivre son chef, Jean-Marie Le Pen, ses lieutenants à l’appétit vorace, et son
bruyant clan familial. Suivre sur la longueur la vie du parti d’extrême droite et de ses dirigeants nécessite une certaine endurance. Flegmatique, Renaud Dély s’y est attelé avec un
professionnalisme salué par ses confrères, et reconnaît n’avoir _« jamais vraiment coupé le cordon »_. Il a signé plusieurs livres sur le FN, dont une BD, et écrit des documentaires radio
sur le sujet pour France Culture. Pour _La Revue des médias_,_ _il revient_ _sur trois décennies au contact de Jean-Marie Le Pen (entretien réalisé en février 2022). _VOUS IREZ À
L’ENTERREMENT DE JEAN-MARIE LE PEN ?_ RENAUD DÉLY : Bien sûr ! Je veux voir qui vient. Toute l’histoire de l’extrême droite française sera réunie ce jour-là. _QUAND L’AVEZ-VOUS RENCONTRÉ
POUR LA DERNIÈRE FOIS ?_ Je l’ai vu le 27 septembre 2021, pour _Vanity Fair_. L’idée était de faire raconter Zemmour par Le Pen. À l’époque, à l’orée de la campagne présidentielle, Éric
Zemmour s’envolait dans les sondages. Plus dure fut sa chute… J’ai fait parler Jean-Marie Le Pen pendant près de trois heures. Il avait beaucoup de choses à raconter sur Éric Zemmour qu’il
connaissait depuis près de trente-cinq ans. Le rendez-vous a eu lieu dans son bureau, au premier étage de son hôtel particulier de Montretout, sur les hauteurs de Saint-Cloud. Je l’avais
calé avec Lorrain de Saint-Affrique [proche de Jean-Marie Le Pen, NDLR], comme d’habitude. Il y a eu une hésitation : est-ce qu’on allait se voir à Montretout, ou à Rueil-Malmaison, où
Jean-Marie Le Pen vit chez sa femme Jany depuis 1991 ? Je ne suis jamais allé à Rueil. On ne s’était pas vus depuis un an. J’ai retrouvé un très vieux monsieur de 93 ans, en fin de vie, qui
se déplaçait très difficilement, très lentement, avec une canne, l’ouïe de plus en plus défaillante. Mais il était intarissable. Sa mémoire était un peu confuse, il m’a fallu vérifier
beaucoup de choses. Mais comme ma présence lui rappelait sa carrière politique, l’époque où il avait 60 ou 70 ans, il avait eu du mal à me laisser partir, me serrant la main longuement comme
le font les petits vieux qui s’accrochent à vous au moment où vous devez filer. Sur la fin, plus personne ne venait le voir. _VOUS AVEZ SUIVI JEAN-MARIE LE PEN SUR TROIS DÉCENNIES. EST-CE
QU’ON FINIT PAR S’ATTACHER ?_ Non, il n’y a jamais d’affection, ni aucun sentiment particulier. Il a toujours été à mes yeux un objet journalistique. Mais un objet bien plus intéressant que
n’importe quel énarque de droite ou de gauche. Toute la question, quand on est amené à fréquenter « le diable de la République », c’est de savoir jusqu’où on va, et de ne pas se laisser
attendrir par un personnage avec lequel il est possible de discuter, car ce n’est pas un monstre. C’est une question qu’on a toujours en tête quand on couvre les activités de Jean-Marie Le
Pen. _VOUS EST-IL ARRIVÉ DE TOMBER D’ACCORD AVEC LUI ?_ Sur des questions politiques, non, jamais. Jean-Marie Le Pen était raciste, tenaillé par une forme de complotisme antisémite,
homophobe. Mais quand il m’expliquait qu’il en voulait à sa fille parce qu’il lui avait transmis le parti, après avoir pris soin d’écarter un à un tous ceux qui ne voulaient pas qu’elle lui
succède entre 2003 et 2011, pour finalement être exclu en 2015 — ce qu’il avait humainement très mal vécu — oui, je pouvais convenir qu’elle n’avait pas été très reconnaissante à son endroit
! D’ailleurs, elle culpabilise, elle sait bien qu’il lui a tout donné et qu’elle s’est vite débarrassée de lui. Même s’il avait avec elle, c’est vrai, un petit côté Tatie Danielle… > «
Pour un journaliste, c’est bien plus intéressant de se > confronter à d’autres que des reflets de soi-même » _VOUS ÉTIEZ UN JOURNALISTE DÉBUTANT QUAND ON VOUS A CONFIÉ LE FN, NON ?_ Oui,
j’avais 24 ans, je sortais du CFJ. Je venais d’arriver au service politique de _Libé_. Gilles Bresson suivait le RPR qui venait d’exploser, Chirac d’un côté, Balladur de l’autre ; le FN en
plus, ça faisait beaucoup. Je l’ai remplacé une fois, deux fois, cinq fois sur des meetings, les samedis, les dimanches… Je me précipitais, j’étais aux anges. Le FN faisait 15 % en 1995 :
personne ne pensait que Le Pen pouvait arriver au pouvoir, c’était moins important que le reste. Et moi, ça m’intéressait énormément. J’ai toujours été passionné d’histoire et de politique.
Or, l’extrême droite, c’est l’un des courants les plus historicisés. J’ai lu Charles Maurras, et de nombreux écrivains de la Collaboration, comme Drieu la Rochelle, Brasillach et beaucoup
d’autres. Les discours de Le Pen, et des leaders d’extrême droite, font sans cesse référence à l’histoire. C’est un parti de revanchards. Le FN a été créé en 1972 par un noyau d’anciens
collaborateurs et un autre d’anciens de l’Algérie. J’avais de la curiosité pour cette matière, pour ceux qui défendaient des valeurs et des idées à l’opposé des miennes. Pour un journaliste,
c’est bien plus intéressant de se confronter à d’autres que des reflets de soi-même. Il y a un côté _Alice aux pays des merveilles_ : on pousse une porte et il y a un autre monde derrière.
Je savais pourquoi j’étais en désaccord, et ça raffermissait mes valeurs. _CELA VOUS A-T-IL APPORTÉ DES CLÉS DE COMPRÉHENSION DU PAYS ?_ Oui, le FN devenu RN a gagné beaucoup d’audience au
fil du temps, et je pense percevoir ce qui incite les électeurs, nombreux, issus des classes populaires autrefois ancrées à gauche, à aller vers ce vote-là. Ça me sidère toujours quand des
gens font mine de ne pas comprendre les scores de l’extrême droite. Il n’est pas question d’excuser les ressorts qui y mènent, il faut les combattre, mais pour cela il ne suffit pas de
culpabiliser ses électeurs, il faut comprendre les frustrations qui les conduisent à ce vote. L’extrême droite sait exploiter nos fractures. Le lepénisme ronge le corpus républicain par tous
les bouts, il gratte sur les plaies. _COMMENT SE PASSAIT LA CONFRONTATION AVEC JEAN-MARIE LE PEN ? ÉTAIT-IL AGRESSIF, ÉRUPTIF ?_ Oui, il était fougueux, impulsif. Il s’était beaucoup battu
pendant sa jeunesse. La relation était conflictuelle. À l’époque, _Libération_ prenait des positions éditoriales fortes contre le FN. Entre 1995 et 1998, on relayait tous les appels à
manifester. Le 1er mai 1995, en marge d’une manif du FN célébrant Jeanne d’Arc, des skins avaient jeté Brahim Bouarram, un jeune Marocain, à la Seine, et il s’était noyé. L’année suivante,
la veille du 1er mai, on avait publié un virulent dossier anti-FN et j‘étais allé à Montretout. Le Pen m’avait accueilli en me jetant au visage la Une de _Libé_ qu’il avait roulée dans sa
main. Il avait hurlé : _« Je suis quand même bien gentil de vous recevoir, avec les unes de votre journal de merde ! »_ Ça m’a plutôt fait rire. À la limite, je suis plus à l’aise avec ce
genre d’agressivité qu’avec les politiques qui recherchent de la connivence. _QUELLE LANGUE UTILISAIT-IL ? AVAIT-IL L’INSULTE FACILE ?_ Il adorait le subjonctif, c’était son côté passéiste.
Il avait la nostalgie d’un âge d’or où, selon cette mystique, les Français respectaient et maîtrisaient la langue. C’était une forme de coquetterie un peu surannée. Mais il s’énervait vite.
Un jour, au téléphone, en 1995, j’ai évoqué sa succession au FN. Il s’est emporté, vexé : _« Mais qu’est-ce que vous en savez, Monsieur Dély ? Vous serez peut-être mort du sida avant,
n’est-ce pas, le sida, Monsieur Dély ! » _C’était son obsession du moment, le sida, les _« sidaïques »_. Il était très homophobe et dans son imaginaire, _Libé_, c’était le règne de
Belzébuth, ou plutôt Sodome et Gomorrhe. _AVEZ-VOUS EU PEUR PARFOIS D’UNE FORME DE VIOLENCE PHYSIQUE ?_ Non, je me sentais protégé par _Libération_, le titre pour lequel je travaillais. Le
risque existait, mais pas tant avec Jean-Marie Le Pen qu’avec les militants, en marge des manifs. Le Pen savait qu’il ne pouvait pas m’envoyer une baffe sans se discréditer. Mais avec les
militants, les seconds couteaux, on faisait attention. Un jour, après l’élection de Bruno Mégret à Vitrolles, je me suis fait coincer dans une petite rue par des militants très violents. Je
les ai mis en garde : _« Les mecs, si vous me tapez dessus, demain il y a dix pages dans _Libé_ pour dénoncer le fascisme et les atteintes à la liberté de la presse. »_ Les journalistes
freelance étaient sans doute plus fragiles, et les électeurs, les militants et les cadres du FN beaucoup plus durs et lâches avec eux. _ÉTAIT-CE DIFFICILE DE GARDER SON CALME ?_ En juillet
1996, à l’université d’été du FN à Saint-Martin-de-Crau, en Camargue, à la fin du discours de Le Pen, les militants attablés, avinés, se lèvent et chantent _La Marseillaise, _comme à leur
habitude. Nous, à la table de presse, évidemment, on ne se lève pas pour chanter à tue-tête. Des militants sont venus nous chercher, et Daniel Simonpieri, maire de Marignane, proche de
Mégret, tape dans ma chaise : _« Lève-toi, petit merdeux ! Tu vas te lever, crevure ?! »_ On s’est levés, on s’est barrés. > « Les journalistes qui suivaient le FN formaient une petite
bande > très solidaire _»_ _COMMENT ÉTIEZ-VOUS PERÇUS ?_ Ce n’était jamais dit comme ça, mais pour le FN, il y a deux types de presse : la presse amie (_Minute_, _National-Hebdo_,
_Présent,_ _Rivarol_)1 et les autres… c’est-à-dire nous, qui suivions le FN. On formait une petite bande, très solidaire. Il y avait Michel Soudais (_Politis_), Romain Rosso (_L’Express_),
Christiane Chombeau (_Le Monde_), Patrick Cohen (RTL), Thomas Legrand (RMC), Michaël Darmon (France 2) et Serge Faubert (_L’Évènement du jeudi_)… En fin de manif, on veillait toujours les
uns sur les autres, pas envie que l’un de nous prenne une baffe ou un crachat. On fonctionnait en bande, on se voyait beaucoup en dehors du boulot. _VOUS RESSENTIEZ LE BESOIN DE FAIRE BLOC
?_ Oui, la presse « amie » était comme _« embedded »._ Ces journalistes-là avaient droit à un traitement de faveur, à la fin des congrès ou des meetings, ils s’attardaient dans des
discussions avec les membres du FN. Notre petite bande, au contraire, gardait une distance et était de fait tenue à l’écart. L’atmosphère était hostile à notre égard. On se concertait avant
les conférences de presse, on organisait entre nous le jeu des questions. Lors de l’université d’été du FN à la Grande-Motte, en août 1996, on avait remarqué sur les stands les dépliants
d’une librairie néonazie parisienne qui proposait des cartes postales des aquarelles d’Hitler. C’est Michel Soudais, je crois, qui a eu l’idée d’entamer les questions de la presse par cette
observation, et chacun a rebondi derrière. Le Pen, qui avait prôné _« l’inégalité des races »_ dans son discours, a très vite éructé, hors de lui. On cherchait les moments qui révélaient la
vraie nature, les vraies dimensions du Front national. _AVEZ-VOUS LE SENTIMENT D’AVOIR MIS LE FN SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE, D’AVOIR CONTRIBUÉ À SON SUCCÈS ?_ Non, pas du tout. Peut-être que
la télé l’a beaucoup invité, et un peu trop tôt, notamment dans « L’Heure de vérité ». À _Libé_, on a raconté les tiraillements internes, les clans, ça attisait les querelles qui ont conduit
à la scission de 1998-99. Ça a plutôt fait perdre du temps au FN. Parfois aussi, le parti a cartonné, alors qu’il était très peu médiatisé. Comme aux régionales de 1992, ou bien sûr lors de
la présidentielle de 2002. Cette année-là, on parlait très peu de Le Pen, tout le monde était sur le face-à-face Chirac/Jospin. > « Le but, c’est d’effacer l’ignominie, de rendre >
l’extrême droite à nouveau fréquentable » _QUE RETIENDRA-T-ON FINALEMENT DE JEAN-MARIE LE PEN ?_ Il restera celui qui, à partir des années 1980, a remis durablement sur la scène politique un
courant d’extrême droite anéanti après la Collaboration. C’est son héritage politique, Le Pen adorait en parler. Il a cherché toute sa vie à laver Pétain de sa responsabilité dans la
déportation des Juifs, d’où les chambres à gaz « détails » de l’histoire. Zemmour reprend ce discours en minimisant l’implication de Pétain dans la Shoah. Le but, c’est d’effacer
l’ignominie, de rendre l’extrême droite à nouveau fréquentable. Le Pen a été l’artisan de ça. Sur le plan familial, il a su renouer le dialogue avec les femmes de sa vie. Pierrette, sa
première épouse et mère de ses trois filles, était de retour à Montretout. Yann, la mère de Marion Maréchal Le Pen, y vivait aussi. Il avait renoué le dialogue avec Marine Le Pen, avec
Marion Maréchal aussi. C’est sans doute un effet du grand âge, l’imminence de la fin, mais il avait choisi de pardonner les siens. * 1Présent a disparu en 2022 ; Minute en 2020 ;
National-Hebdo en 2008.
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