« halo » ou microsoft au pays des gamers

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QU'EST-CE QUE LE TRANSMÉDIA ? - ÉPISODE 6/11 Halo est le succès transmédia de Microsoft qui lui a permis de lancer sa Xbox. Grâce à cette franchise, l'entreprise a pu conquérir les


gamers du monde entier et créer un nouveau modèle d'interaction entre joueur et producteur de jeux vidéo. Nadia Elmrabet Publié le 23 mars 2012 En 1999, alors que Sony s’apprête à


lancer sa deuxième console Playstation, Microsoft qui s’était jusque-là cantonné au développement sur PC, se met à travailler sur sa propre console de salon, la Xbox. La même année, Steve


Ballmer, président du groupe, décide de sectionner la multinationale informatique en cinq divisions spécialisées, dont l’une d’entre elles se dédiera au divertissement et aux appareils


embarqués (« Entertainment and Devices »). Pendant près de dix ans, la division fera office de placard aux incursions semi-ratées de Microsoft dans le marché du divertissement, du mobile et


des produits technologiques innovants, en regroupant en son sein la console Xbox puis Xbox 360, le studio de jeux vidéo Microsoft Game Studios et Windows Phone. En 2007, cette division


enregistre les pires résultats du groupe en totalisant jusqu’à 1,9 milliards de dollars de pertes, mais dès 2008, le revenu de la division gagne 90 % et en 2011 elle enregistre le meilleur


premier trimestre de l’entreprise avec des bénéfices s’élevant à 4 millions de dollars. Cet îlot d’infortune s’avèrera cependant être une véritable niche, un lieu d’expérimentations où


naîtront les jeux en réalité alternée (_Alternate Reality Game_) modernes (l’ARG de référence _The Beast_ y sera créé) ainsi que les grands noms du mouvement transmédia (42Entertainment,


Fourth Wall Studios, No Mimes Media, Six to Start…). Au demeurant, elle entretiendra l’un des plus grands environnements expérimentaux et de référence en la matière, avec la franchise


_Halo_. La franchise multi-supports _Halo_ ne serait cependant jamais devenue transmédiatique (au sens d'un univers éclaté mais cohérent et alimenté par des auteurs distincts) sans le


passage par le carrefour de la culture numérique au sens large - informatique, vidéoludique, digitale. D'un blockbuster ou d'une série d'un nouveau genre au phénomène de


divertissement global, _Halo_ est nourri depuis dix ans de cette culture du remix, de l’expérimental et de campagnes de publicité maintes fois récompensées. Aujourd'hui, le studio de


développement historique Bungie, créateur originel de la saga laisse la main à Microsoft : 2012 marquera le début, avec la sortie de _Halo 4_, d'une nouvelle trilogie - la trilogie du


Reclaimer. Ce dossier, accompagné de trois interviews d'un chercheur (Alexis Blanchet), d'un essayiste (Daniel Ichbiah) et de deux pro-amateurs (Antoine Martin et Juan G. Gonzalez,


_community managers_ de Halo France), se propose donc d'analyser comment la firme de Redmond a transformé une série de jeux vidéo sur console en une saga renouvelée cette année avec la


sortie de _Halo 4_, premier opus d'une nouvelle trilogie. DES FEUILLES EXCEL AU FIRST PERSON SHOOTER À l’aube du XXIe siècle, Microsoft, l’entreprise emblématique de la révolution


informatique des années 1980, vieillit et comprend rapidement qu’une nouvelle révolution, à la fois numérique et du divertissement, est en marche. Numérique, car la massification de l’accès


à Internet et l’ « humanisation » de la technologie succèdent à une technologie du hardware et des feuilles EXCEL. Les populations s’équipent et recherchent de plus en plus des services


conviviaux, aussi bien au niveau fonctionnel, dans ce que la technologie peut offrir en termes de loisir, dans le quotidien, qu’en termes de facilité d’utilisation, de design, d’expérience


utilisateur, ce que le groupe Apple comprendra mieux et plus rapidement. En 2001, 42 % des foyers américains possèdent une console de salon. Appareils technologiques souvent lourds, les


consoles réussissent à faire oublier leur nature informatique, pour se rapprocher d’un appareil de lecture comme un lecteur DVD. L’objectif est de procurer une expérience de divertissement,


différente de celle du cinéma car basée sur la simulation et l’évolution à la première personne d’un utilisateur dans l’espace, à l’aide d’une manette. En faisant abstraction de la nature


informatique de l’appareil, on est en réalité bien loin du cœur de métier de Microsoft comme l’explique un article du _New York Times_ en 2001 s’intéressant au lancement en grande pompe de


la console Xbox, véritable gageure du groupe. La console aura en effet nécessité trois ans d’investissements en recherche et développement, de consultations d’experts et de réflexions


commerciales quant à son positionnement. Microsoft explore là, comme l'exprime très justement le _New York Times_, un territoire méconnu de l’acteur informatique : le territoire du « 


fun », du divertissement, du storytelling. N’étant pas en position de force sur la chasse gardée de Sony et Nintendo, Microsoft décide de façon plutôt étonnante, d’adresser sa console à un


public particulièrement exigeant et connaisseur : celui des _gamers_. En martelant que la Xbox « a été conçue par des _gamers_, pour des _gamers_ », Microsoft prend beaucoup de risques mais


justifie ce positionnement d’entrée de jeu. Les _gamers_ seraient des férus de performance et de sophistication technique : Microsoft leur offre une console sous stéroïde, basée tout


simplement sur ce qu’elle sait faire, à savoir la technologie des ordinateurs PC. La Xbox est ainsi la première console a bénéficié d’un disque dur de 8 gigabits, d’une mémoire vive


conséquente et d’un cache de données. Elle recèle de nouvelles possibilités graphiques, des expériences de jeu plus confortables là où la Playstation doit être couplée à une multitude de


cartes mémoires externes vendues séparément. La Xbox promet d’ores et déjà un accès à Internet et la consommation de services en ligne en streaming. Par ailleurs, Microsoft mise sur un


dialogue serré avec ce qu’ils considèrent être des « ambassadeurs » en puissance de la Xbox : les _gamers_ sont consultés dans des bus qui sillonnent les Etats-Unis et qui permettent de bêta


tester la console. Ces tests itinérants sur machine, qui vont vers le public, préfigurent pour Microsoft une stratégie inédite mais payante. La console obtient sa sortie la bienveillance


des joueurs qui se sentent inclus dans la production et l’histoire de ce qu’on considère être UNE CONSOLE RÉVOLUTIONNAIRE. Or, la performance technique de la console ne permet pas à elle


seule d'asseoir dans la durée sa console. Microsoft sait qu'il lui faut trouver un _system seller_ : comme le nom l'indique, un contenu moteur des ventes d'un système,


d'une technologie et en l'occurrence d'une console, à l'image de ce que sont les logiciels de système d'exploitation Windows aux machines PC. Microsoft maintient


donc son positionnement et son coeur de cible gamer en choisissant un genre particulier, le _First Person Shooter_ (FPS). Si le choix n’est a priori pas très audacieux et le concept plutôt


faible pour enthousiasmer les foules, il s'agit dans le détail d'une exécution radicale qui revisite et améliore de fond en comble le genre, par et pour la console Xbox. En 1999,


Bungie, un éditeur indépendant qui compte moins de cinq salariés, est contacté par Microsoft pour créer cette machine de guerre exclusive à la Xbox. Le jeune développeur, apprécié des


_gamers,_ s’était déjà illustré avec un FPS disponible sur Mac et des jeux tactiques disponibles sous environnements Mac et PC. Microsoft confie donc à l’indépendant la tâche de fabriquer le


_system seller_ ou _killer app_ de la Xbox : le jeu en question devra non seulement exalter la machinerie, et devenir une grande franchise fédérant une communauté autour d'elle et de


la Xbox dont elle deviendra synonyme (et vice versa). L'enjeu de la pérennité, de la longévité et de l'alimentation à l'infini de cette franchise en germe est stratégique pour


Microsoft. C'est là un enjeu économique - relancer régulièrement les ventes de console à chaque sortie de jeux de la franchise - et politique - prouver une vraie légitimité au sein des


industries culturelles _et_ inscrire au panthéon de la pop culture l'un de ses jeux qui serait connu au-delà du cercle restreint des gamers. Pour se faire, le jeu et la console doivent


séduire d'abord leurs ambassadeurs et créer une relation forte. DE LA CONSTRUCTION D’UN BLOCKBUSTER HYBRIDE SANS PASSER PAR LA CASE CINÉMA _Halo : Combat Evolved_, le premier opus de


la franchise, sort sur Xbox en 2001. Très attendu, le jeu de tir subjectif à la première personne aux airs d’aventure épique dans un décor futuriste, est très bien reçu et permet de marquer


le lancement de la console. Les aventures du Master Chief, ce héros masqué mi-humain mi-machine, posent les bases d’un univers aux ramifications étendues colonisant d’autres supports. Comme


la chronologie ci-dessous permet de le constater, les sorties des épisodes console de la trilogie sont espacées de quatre ans pendant lesquels Microsoft et Bungie coopèrent parfois (mais pas


toujours) pour proposer des adaptations romancées, des récits secondaires inédits sous forme de livres papier, romans, recueils de nouvelles, comics, etc. Ces récits sont la plupart du


temps focalisés sur des événements et des intrigues, ou des personnages qui apparaissent ou sont mentionnés dans la trilogie principale dont l’intrigue est centrée sur le Master Chief que le


joueur incarne. _Chronologie des produits de la franchise _Halo_ : les pastilles BLEUES correspondent aux sorties jeux vidéo (console et ordinateur), les ORANGES aux formats livres (guides,


comics, romans) et les VIOLETTES aux formats audiovisuels et expériences interactives promotionnels._ Parallèlement, une branche interne de la division Entertainment & Devices est créée


spécialement pour faire face à l’extension grandissante du périmètre de la franchise. Prénommée 343 Industries, elle travaille conjointement avec le studio Bungie et la direction de


Microsoft. La cohabitation entre les deux acteursse se passe relativement bien la majeure partie du temps, chacun ayant son périmètre d’action défini. Bungie, en tant que primo-auteur,


s’occupe essentiellement des jeux et de la communauté de _gamers_. 343 Industries se charge de la cohérence globale de l’univers étendu, du développement d’œuvres « compagnons » et


secondaires, du merchandising, des partenariats, des opérations spéciales (de promotion, de communication, liées à la communauté). Des premières tensions affleurent cependant en termes de


contrôle et d’orientation de la franchise. Bungie subit le contrecoup du succès du titre, notamment après le premier opus, avec le développement chaotique de _Halo 2_ sur lequel repose la


pression d’exprimer au mieux les fonctionnalités en réseau de la Xbox. Le second opus, toujours sur Xbox, finit par sortir mais la pression se fait à nouveau sentir avec la perspective de la


nouvelle console Xbox 360. Microsoft espère faire coïncider la sortie de _Halo 3_ avec celle de la Xbox 360 : Bungie se rebiffe contre un timing que le studio juge bien trop court et


déclare par voie de presse que le jeu sortira quand le studio estimera que la qualité du titre sera optimale et non pas pour accompagner la sortie de la console. La Xbox 360 sort donc en


2005 et _Halo 3_ en 2007. Bungie annonce la même année que le studio reprendra son indépendance et ne développera plus de titres _Halo_ pour Microsoft après deux titres « bonus », hors


trilogie principale. La rupture paraît amicale, du moins Microsoft n’entreprend aucun recours pour forcer la main du studio qui a fait le succès de sa console. En fait, la firme garde le


contrôle de la licence _Halo_ (et donc de la franchise), débauche un certain nombre d’employés de Bungie, fait de 343 Industries un ersatz de Bungie et a désormais toute latitude pour


orienter la franchise comme elle le souhaite. De son côté, le studio redevenu indépendant, signe un partenariat avec l’éditeur Activision pour produire des jeux vidéo qui seront cette fois


disponibles sur plusieurs plateformes et consoles. _Halo 3 : ODST_ sort ensuite en 2009 et propose un arc narratif suivant le point de vue d’une unité de soldats d’élite dont l’histoire est


parallèle à l’intrigue principale de _Halo 2_. Bien qu’on reste dans le genre du FPS, l’esthétique et la narration diffèrent des titres précédents et s’inspirent du roman noir. Un récit


caché fragmenté en plusieurs unités, s’inspirant du feuilleton radiophonique _I Love Bees_, est inséré dans le jeu et propose encore un autre point de vue, celui d’une jeune civile. _Halo :


Reach_, sort en 2010 et doit en principe clore la franchise : cet épisode _prequel _permet au joueur d’intégrer une autre unité d’élites, cette fois de Spartans (avant que le Master Chief ne


devienne l’unique représentant de ces soldats transhumains suite à leur extermination), lors de l’invasion de la planète Reach qui ouvre la guerre contre le Covenant. Au total, Microsoft


annonce avoir vendu 52,7 millions de Xbox en 2011. La franchise _Halo_ aurait généré 2,3 milliards de dollars en ventes et en 2010,et 6,3 millions de livres liés à l’univers auraient été


vendus. Entre 2010 et 2011, la division Entertainment & Devices enregistre des bénéfices de 4 millions de dollars ainsi qu’une augmentation de 60 % de son revenu. _Évolution des ventes


accumulées des jeux sur console (de la première trilogie aux deux derniers épisodes additionnels, _Halo ODST_ et _Halo Reach_). À titre indicatif, une seconde courbe d’évolution des joueurs


_Halo_ enregistrés sur le Xbox Live (application permettant de jouer en réseau). La possibilité de jouer en réseau n’est disponible qu’à partir de _Halo 2_. _ Début des années 2010, la Xbox


360 connaît un nouveau souffle avec le périphérique de reconnaissance gestuelle et vocale Kinect. Microsoft annonce alors le développement d’une nouvelle trilogie _Halo_, dont le premier


épisode _Halo 4_ sortira en 2012. Par ailleurs, 343 Industries, qui développera désormais les nouveaux titres de la franchise, poursuit sa politique de partenariats avec des auteurs de


science-fiction reconnus ou d’illustrateurs de comics (entre autres issus de Marvel). Seule inconnue restante de la franchise : le passage par l’adaptation cinématographique ou télévisuelle


que Microsoft n’arrive toujours pas à solutionner après cinq ans de tentatives ratées, y compris avec de grands noms de l’industrie (Peter Jackson, Neill Blomkamp, Steven Spielberg). La


mécanique plurimédia et de diversification marche à pleine vitesse et même le départ de Bungie ne semble pas mettre en péril l'équilibre d'une saga qui s'est autonomisée au


fil de son expansion et de la délégation auctoriale(1) dont elle fait l'exercice. Néanmoins, la seule déclinaison multi-supports n'est pas synonyme de transmédia: c'est bien


la délégation auctoriale (par qui ? avec quel public ?) et l'éclatement de l'univers (cohérence diégétique, expériences proposées) qu'il faut interroger pour examiner la


nature transmédiatique de _Halo_. FONDER L’EXPÉRIENCE TRANSMÉDIA : DU PHÉNOMÈNE DE DIVERTISSEMENT PLURIPLATEFORME À L’ENVIRONNEMENT OUVERT Si dans un premier temps Microsoft était entré dans


le marché des consoles par la porte _gamer_, la firme prépare en réalité la transformation de la Xbox en périphérique multimédia et de divertissement pour le grand public. Dix ans durant,


l’entreprise contrôle la communication autour de sa console et de la franchise _Halo_ dans cette optique : les commentaires autour des chiffres des ventes sont systématiquement mis en


comparaison avec des produits culturels de masse à succès (cinéma, littérature), le FPS phare est systématiquement qualifié de « phénomène de divertissement » et non simplement de jeu vidéo.


Microsoft investit chaque fois plus en dépenses marketing, y compris expérimental, pour faire de la franchise un objet de culte et attirer de nouveaux consommateurs. La dimension sociale de


la franchise fait partie intégrante de la stratégie promue par la qualification de « phénomène ». Rapidement, la figure du Master Chief devient une icône de la pop culture. La communication


elle-même, paradoxalement très rarement basée sur les réseaux sociaux, est prise en charge par des agences de publicité et des studios transmédia réputés pour leur créativité et leur


capacité à créer une mythologie et des dispositifs immersifs dans les campagnes produites. La campagne emblématique de la franchise, « Believe » pour _Halo 3_, aurait coûté 40 millions de


dollars à Microsoft. Cette campagne comprend un diorama (maquette muséographique servant de reproduction de scènes de guerre), une vraie-fausse exposition d'un photoreporter de guerre


(Jack Courage) à Londres, des courts métrages documentaires interrogeant des vétérans de guerre ayant combattu « aux côtés du Master Chief ». L'ensemble joue sur le brouillage des


genres (esthétiques, muséographique) et des cadres de l'expérience (le vrai-faux, le réalisme, la suspension de l'incrédulité) de façon à charger de réalité cet univers imaginaire,


d'immerger les spectateurs et de rallier autour d'une histoire transfigurée en Histoire. On joue donc sur les aspects de l'expérientiel, de l'émotionnel, du vécu,


dimensions qui entretiennent la connivence avec les habitués et invitent le grand public à s'aventurer dans cette histoire en marché, à la trame riche et à la narration sophistiquée.


Les jeux en réalité alternée _I Love Bee_s et _Iris_, ainsi que les formats associés intégrés dans les jeux eux-mêmes, comme _Sadie's Story_, s'appuient sur les mêmes ressorts. En


2011, Frank O’Connor, autrefois Content Manager de Bungie devient directeur en charge du développement de la franchise chez 343 Industries (division de Microsoft en charge de _Halo_). Il


revendique lors d'une interview 5 à 6 millions de fans de la série. _Campagnes promotionnelles et jeux en réalité alternée (récit interactif multiplateforme) : le feuilleton « 


radiophonique » _I Love Bees _et le comics – jeu de piste _Iris UN TOURNANT DÉCISIF : L’IMMERSION DANS LA CULTURE NUMÉRIQUE Dans son article sur les différentes formes de « faire soi-même »


dans les jeux vidéo (2008), le chercheur Sébastien Genvo part du constat qu’il existe une grande variété de formes de créations amateures autour de la pratique vidéoludique des joueurs


transposées dans l’environnement en ligne : tantôt pour améliorer les jeux (création d’outils), tantôt pour transposer dans des montages vidéo l’expérience du joueur (_walkthroughs_,


_machinimas_, montages musicaux). L’auteur questionne cette tendance qu’a le monde numérique à « favoriser l’acte de l’utilisateur ». Cette interrogation mène à trois grandes catégorisations


de la posture des utilisateurs-joueurs : l’attitude ludique, l’attitude exploratoire, l’attitude autotélique ou réalisée en et pour elle-même. Dans le cadre de _Halo_, on retrouve diverses


actions destinées à exploiter ces caractéristiques liées au milieu numérique. Ainsi, en 2003, un groupe d’amateurs de _Halo_ décide de faire une série de _webisodes _en empruntant un genre


audiovisuel particulier : le _machinima. _Tournés à l’intérieur de l’environnement virtuel des jeux et doublés avec leurs propres voix, le genre est propre à la culture vidéoludique. La


série appelée _Red vs Blue_, oscille entre la rigolade entre amis et la satire existentialiste. Elle se compose d’épisodes hebdomadaires de cinq minutes chacun. En 2004, le _Wall Street


Journal_ estimait les téléchargements hebdomadaires de la websérie entre 650 000 et un million pour un revenu annuel de 200 000 dollars par an pour ses créateurs, qui produisirent une


compilation DVD. Bungie contacta assez rapidement les auteurs (Rooster Teeth Productions), pour les féliciter et Microsoft alla jusqu’à les contacter pour produire d’autres formats courts.


Par ailleurs, _Red vs Blue_ créa un précédent inattendu : non seulement les producteurs autorisent le détournement de leurs produits à des fins créatives, y compris si cela génère des


recettes pour les créateurs de ces détournements, mais au-delà de ça, Microsoft encadre juridiquement et promeut ces pratiques avec l’aménagement d’une licence de contenus (la « Game Content


Usage Rules ») inspirée de licences numériques ouvertes _creative commons_. Réalisant que le communautaire doit s’accompagner d’une reconnaissance des actions des joueurs au-delà de la


simple consommation, d’une légitimation des productions et d’une réciprocité des efforts engagés (productions, attention), Microsoft développe des contenus inédits en ligne et soigne ses


rapports avec ses fans, notamment ceux qui entretiennent des sites de fans. En France par exemple, la page Facebook_ Halo_ _France_ est créée à l’initiative de Microsoft mais elle est


entretenue par deux gérants de sites de fans (Halo.fr et Halo Destiny) qui gardent certes le contrôle éditorial des publications, mais qui font office de courroie de transmission au sujet


des mises à jour de la franchise. En échange, les pratiques communautaires inhérentes aux sites de fans (tels que les concours), sont dotées de lots mis à disposition par Microsoft. La


logique permet aux producteurs de s’inspirer et d’intégrer les pratiques liées à la culture numérique pour proposer une expérience continue, notamment avec des contenus inédits, tant sur la


forme que sur le contenu. En 2011, le portail Halo Waypoint s’inscrit dans la tendance : on y retrouve une encyclopédie multimédia, reprenant aussi bien des caractéristiques d’un guide


interactif et d’un annuaire de contenus amateurs ou même secondaires (feuilleton audio _I Love Bees_ ou comics interactif _Sadie’s Story_ qui deviennent ainsi authentifiés) que des éléments


de coulisse (interviews, documentaires) ou des espaces personnalisés socialisant et étendant l’expérience du joueur (mini jeux pour augmenter son niveau). Enfin, le portail s’illustre en


véritable chaîne médiatique en proposant une programmation (par exemple, la diffusion d’un comics animé inédit tel que _Halo : The Mona Lisa_) ou en se déployant sur plusieurs plateformes


mobiles. _HALO WAYPOINT__ : portail encyclopédique et plateforme communautaire ludique. Disponible en tant que disque additionnel pour console (ou via Xbox Live), sur Internet et appareils


mobiles._ Avec l’annonce de la sortie d’une nouvelle trilogie, 343 Industries espère aujourd’hui pouvoir séduire un public plus jeune. En dehors d’une pléthore de romans formant la vaste


histoire de la mythologie de _Halo_, _Halo 4_ devrait être en 2012 un véritable test pour le studio de Microsoft, anciennement chargé de la licence et non pas du développement. En 2011 déjà,


le remake du premier _Halo (Combat Evolved)_ offre des fonctionnalités nouvelles, rendues possible par la Xbox360 munie de l’accessoire Kinect, parmi lesquelles la possibilité pour le


joueur de recharger son arme par commande vocale. Une bibliothèque d’artefacts, à compiler progressivement au fil de la partie, revisite l’idée d’encyclopédie interactive et reprend


certaines caractéristiques du genre du jeu d’aventure sans pour autant nier l’ADN de base du jeu : le FPS. L’exemple de _Halo_, en tant que fiction transmédia, est emblématique et permet de


tirer quelques enseignements en termes de DESIGN D’EXPÉRIENCE et de DISPOSITIF DE RELATION. D’une part, on constate que l’univers et la mythologie développés sont en expansion permanente.


Loin d’être le simple fait du récit de cette épopée et de la richesse mythologique, cette autoalimentation du système découle d’une compréhension affinée des interactions entre culture


vidéoludique, culture amateure en ligne et culture de la consommation médiatique. Affinée car, comme le montre l’entretien avec deux gérants de sites de fans (Halo.fr et Halo Destiny),


Microsoft est passé maître dans ce qu’on appelle la gestion communautaire. Celle-ci constitue le ciment d’un paradigme de la relation qui organise l’édifice complexe constitué par la


narration officielle, les contenus des fans et la réécriture « du sens » de l’ensemble. Ensuite, cet effort de relation (au sens de relater, de rendre compte, de témoigner) est rejoint par


une logique qui encourage et produit des mises en relation d’éléments épars, multiformats, de sources multiples, à reconstituer à l’infini. Pour cela, il faut effectivement ménager des


marges et des trous dans la structure, de façon à alimenter l’activité de spéculation et de mise en ordre toujours recherchée mais jamais résolue par ceux qui font office d’autorités


auctoriales (les « producteurs officiels »). Enfin, le système s’appuie sur une dimension relationnelle, que d’aucuns qualifierait d’émotionnelle au sens où il s’agit de l’aspect le plus


social et identitaire de la réussite du dispositif. Il permet en effet de fonder une communauté _Halo_, où la passion devient « fiction utile », support identitaire de relations sociales,


s’insérant dans le quotidien des individus, parfois sur plusieurs années. À juste titre, l’objet du transmédia est le design d’expérience : inspiré du _game design_, il s’agit de fonder


l’expérience, notamment l’expérience sociale et l’expérience personnelle d’immersion, pour activer le sentiment d’être pris dans, d'avoir une prise et que ses actions soient prises en


compte, de mise en dialogue des espaces et des temps de l’expérience vécue. On peut estimer qu’Internet et les cultures numériques (dont la culture vidéoludique fait déjà partie dès les


années 90) constituent par ailleurs la pierre angulaire de ce système. Le « phénomène _Halo_ » s’est exprimé dès lors qu’a été activée la logique de recours systématique au marketing


alternatif ou digital(2), et que fût investi cet immense territoire numérique composé de productions de fans, de métadiscours, de spéculation, d’interactions et de contenus interstitiels


(entre les jeux) pour maintenir une relation long terme. _Halo_ a su créer au cours des dix dernières années, un monde avec ses propres codes, sa propre histoire sans cesse déblayée,


réinterprétée. Éclatée en une multitude de points de vue, dans laquelle a su s’emboîter l’expérience _fictionnalisée_ des fans et des joueurs, le récit réussit à ne jamais s’épuiser.


Aujourd’hui érigé au statut d’icône culturelle, ce monde à explorer, même à habiter, tire sa force de sa constante (ré)actualisation. Grande fresque de science-fiction ou récit de guerre,


l’ouvrage devient toujours plus multidimensionnel, toujours plus chargé de densité, de réalité jusqu’à montrer de vrais visages humains en gros plan lors des derniers spots audiovisuels. Là


où il n’y avait que le masque du Master Chief et des images 3D, des visages et de la granularité apparaissent : le rideau du _puppet master_ est en réalité un miroir permettant d’entrevoir


une réalité mixte faite de notre propre mise en narration. Une _fictionnalisation_ ancienne, mais à l’image de la complexité et de la sophistication des médias de notre époque. Une époque


qui cherche peut être, au-delà des mascarades récréatives à tous azimuts, à retrouver le rôle social et le sens des grands récits. RÉFÉRENCES * Marc AUGÉ, George DIDI-HUBERMAN, Umberto ECO,


_L’expérience des images. Les entretiens de médiamorphoses_, Ina Éditions, 2011. * Dina BASS, « The Halo Effect of Microsoft's Halo », _Bloomsberg Business Week_, 2011. * Jay CORMIER, «


 For the Love of Halo: Halo’s Fan Base and Microsoft’s Marketing », _Examiner_, 2012. * Tom MAGRINO, « Halo 4 has been in development for 'a couple of years », _Gamesspot_, 2011. *


Frank ROSE, _The Art of Immersion_, W. W. Norton & Co, 2011. * Étienne ROUILLON, « Game Stories : l’histoire secrète du jeu vidéo », _Trois Couleurs_ Hors Série N°7 édition collector,


2011. * Éric SADIN, _La société de l’anticipation_, Incultes éditions, 2011. * Clive THOMPSON, « Halo 3: How Microsoft Labs Invented a New Science of Play », _Wired_, 2007. * Convergence


Culture, blog de Henry Jenkins * _Halo: 10 Years of Building Communities_, (Fan Documentary) * O Brave New World (documentaire « d'adieu » de Bungie) QU'EST-CE QUE LE TRANSMÉDIA ?


- ÉPISODE 8/11 [ENTRETIEN] Les gérants de HaloDestiny.net et Halo.fr reviennent sur dix ans d’investissements bénévoles dans la franchise Halo. Ils nous font partager leur expérience et de


leur rôle de community manager officieux de la communauté française. QU'EST-CE QUE LE TRANSMÉDIA ? - ÉPISODE 7/11 [ENTRETIEN] Alexis Blanchet, chercheur et auteur du livre « Des Pixels


à Hollywood » (Pixn’ Love, 2010), entre dans la complexité des récits médiatiques éclatés.


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