En formation « climat » avec les journalistes de france télévisions

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Le chercheur François Gemenne et la journaliste Sophie Roland devant des « stagiaires » de France Télévisions. © Crédits photo : Marine Slavitch Depuis la publication, en septembre 2022, de


la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique, plusieurs médias se sont engagés à former leurs rédactions aux enjeux du climat. Reportage à France Télévisions, où ces


formations permettent des rencontres entre journalistes et scientifiques. Marine Slavitch Publié le 18 avril 2023 La télévision aime les histoires simples. Celles que l’on peut raconter en


une minute et trente secondes. Le climat, c’est compliqué. Surtout pour la mise en images. Prenez l’exemple de la Saint-Sylvestre 2022, la plus chaude jamais mesurée en France depuis 1947.


Ce 31 décembre, le mercure indique 16°C à Paris et plus de 20°C à Bordeaux. Comment illustrer cette douceur hivernale, conséquence du changement climatique autrement qu’en filmant des


vacanciers profitant d’un bain de mer ? La question résume tout l’enjeu des formations au climat rendues obligatoires pour les journalistes et cadres de France Télévisions depuis octobre


2022, après des premières « sensibilisations » initiées sept mois avant. Pour l’heure, environ un tiers de la rédaction nationale aurait déjà été sensibilisée ou formée à ces enjeux selon la


direction de la rédaction de France Télévisions. Quelques jours avant, le 14 septembre 2022, la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique, initiée par le média


indépendant _Vert_, qualifiait les formations aux enjeux climatiques comme un « _droit essentiel pour la qualité du traitement de l’information _» et encourageait les rédactions à se


transformer pour mieux traiter le climat. Depuis, le journal chrétien_ La Croix _a intégré l’environnement au sein de sa rubrique Économie. Initiative similaire du côté du quotidien _Sud


Ouest_ avec le lancement de « Déclic », une rubrique qui propose des articles pour s’informer et se mobiliser sur les enjeux climatiques. À France Télévisions, le 13 mars, les bulletins


météo se sont à leur tour transformés pour mieux expliquer les conséquences du changement climatique sur le temps qu’il fait. Ce jeudi 6 avril justement, les Universités France Télévisions,


situées en plein cœur du quartier Beaugrenelle à Paris (XVe arrrondissement), s’apprêtent à ouvrir leurs portes à une quinzaine de journalistes. Au programme : deux jours de formation animés


par Sophie Roland, journaliste indépendante et formatrice certifiée sur les questions climatiques, aux côtés de scientifiques spécialistes du climat et de la biodiversité. Parmi les


stagiaires — douze femmes, trois hommes — un petit nombre a fait le trajet en train depuis Lille, Clermont-Ferrand, Orléans, Toulouse et Aurillac. Les autres, en poste aux rédactions


nationales, ont pris le métro. Point d’avion ni de taxi en vue même si, ce journaliste-présentateur préfère prévenir, sa rédaction en chef lui a demandé de partir plus tôt le lendemain pour


commenter une course automobile. PRISE DE CONSCIENCE À peine installée, Sophie Roland avertit l’auditoire. « _La première journée est souvent un poil démoralisante. _» Aujourd’hui seront


abordées les causes et les conséquences du changement climatique et son impact sur la biodiversité. Le premier scientifique à se présenter à nous, François Gemenne, est le directeur de


l’Observatoire Hugo sur la gouvernance du climat et des migrations à l’Université de Liège. Membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), également « 


_sosie de Messmer et Garou _» selon une stagiaire physionomiste, le chercheur a le parler cash. « _Soyez-en certains, il n’y aura pas de retour en arrière. Le changement climatique est un


voyage sans retour à l’échelle de nos vies et nous ne verrons pas les températures baisser de notre vivant._ » Silence. « _Les Belges ne sont pas censés nous faire rire, normalement ?_ »,


ose un journaliste. Le scientifique sourit. Son but consiste avant tout à provoquer une prise de conscience des médias sur l'irréversibilité de la situation. « _Vous évoquez souvent la


crise climatique. Ce terme est trompeur parce qu’il donne aux gens l’illusion qu’un retour à la normale est toujours possible._ » Première leçon : parler de changement climatique. Pas de


crise. > « _Les gens qui achètent une Tesla ne le font pas pour des > raisons écologiques, mais pour dire qu’ils sont riches _» D’autant que les titres de presse se demandant «_ s’il


est encore temps d’agir _» ou si la prochaine COP sera « _celle de la dernière chance_ » participent, selon le scientifique, à un phénomène de démobilisation et de découragement de la


population. Comme si tous les efforts que nous pourrions entreprendre ne seraient, de toute façon, que des gouttes d’eau dans l’océan. « _Dans ce cas, que raconter dans nos journaux


télévisés ?_ questionne Marc Dana, grand reporter au service Société de France 2. « _Toute action contre le changement climatique est utile_, juge le chercheur. _Mais il nous faut décorréler


le climat de la notion d’effort. Nous agissons pour le climat seulement si c’est dans notre intérêt, pas si on nous dit que c’est un devoir moral. C’est une illusion que de penser que nous


sommes des êtres altruistes. Les gens qui achètent une Tesla ne le font pas pour des raisons écologiques mais pour dire qu’ils sont riches. _» Seconde leçon : présenter l’action contre le


changement climatique comme quelque chose que le téléspectateur peut désirer et a intérêt à faire. DES CONTRAINTES DE RYTHME ET DE MOYENS La prise de conscience, c’est fait. Vient alors


l’heure de la mise en pratique. Pour mettre en images des sujets complexes, le premier réflexe, c’est souvent le micro-trottoir. « _Quand je demande aux gens s’ils sont contents qu’il fasse


chaud en décembre, 9 sur 10 vont me répondre que oui. Je ne vais pas mentir en ne passant à l’antenne que la minorité qui s’inquiète du réchauffement climatique _», soupire une journaliste


reporter d’images. Sa crainte ? Que des reportages de ce type soient associés à une posture militante, à l’opposé d’un journalisme neutre et objectif. « _Alors arrêtez les micro-trottoirs !


_», rétorque François Gemenne. Si la solution paraît évidente, elle se heurte à des contraintes liées aux moyens et au rythme des rédactions télévisuelles qui échappent aux journalistes. « 


_Je suis toujours à la merci du service graphique pour expliquer des phénomènes météorologiques_, confie une journaliste du service Société de France 2. _Qui peut te fabriquer un truc


ambitieux le matin pour le soir ? La rédaction en chef a tendance à nous demander de faire au plus simple. _» Même quand les journalistes trouvent par leurs propres moyens des infographies


suffisamment parlantes pour illustrer ces phénomènes, celles-ci ne correspondent jamais en tout point à la charte graphique de la chaîne et tout est alors à refaire. ESCROLO ! Au tour de


Philippe Grandcolas, directeur adjoint scientifique de l’Institut Écologie et Environnement du CNRS, de se présenter devant les journalistes. De son exposé axé sur le déclin de la


biodiversité, le chercheur tient à ce que les journalistes retiennent deux choses. D’abord, dépasser leur empathie pour certains sujets (on ne parle pas autant — et pas de la même façon —


des pandas que des vers de terre). Ensuite, croiser leurs sources en interrogeant différents experts pour un même sujet, car eux aussi ont leurs propres biais. Certains font de la biologie


de terrain, d’autres restent dans leurs laboratoires. Certains sont plus militants que d’autres. Sur ce dernier point, justement, le chercheur tient à développer. « _La crainte d’un


journaliste d’être taxé de militantisme existe aussi chez les scientifiques. Mais avec le Giec, l’ensemble de la communauté scientifique est arrivée à un consensus. Il est exaspérant de voir


que ce que nous constatons de manière collégiale depuis des années est battu en brèche ou insulté. Sur les réseaux sociaux, certains élus me traitent d’escrolo ! _» Chez les journalistes,


la question fait débat. Si certains s’agacent en constatant que les jeunes générations ont tendance à aborder le climat de manière _« trop frontale »_, d’autres considèrent que le débat est


dépassé. « _Peut-on affirmer que la douceur hivernale est une conséquence du changement climatique ou doit-on systématiquement prendre des pincettes en justifiant chaque événement par une


source scientifique ? _», s’interroge une journaliste. Pour convaincre le public — et plus particulièrement l’audience vieillissante de la télévision, l’option « appel à un expert » semble


majoritairement privilégiée. ADAPTER LES SUJETS À L'AUDIENCE Pour trouver ces fameux spécialistes, certains journalistes font face à des contraintes liées, cette fois, à leurs


territoires. « _Les scientifiques sont moins présents en région_, souligne Laurence Laborie, journaliste à France 3 Auvergne, _il est rare de les avoir en plateau, sauf en faisant preuve


d’anticipation, ce qui n’est pas toujours possible. Et Skype, ce n’est pas l’idéal. _» La journaliste pointe un autre enjeu : celui d’adapter les sujets climat à une audience rurale. « _On


travaille sur des territoires où les agriculteurs sont très présents, il me semble compliqué de leur taper dessus toute l’année. Et les gens n’ont pas les mêmes préoccupations. La question


du pouvoir d’achat est centrale. _» Dans ce cas, comment traiter le climat de façon équilibrée et sans se montrer moralisateur ? Pour Sophie Roland, fil rouge de ces deux journées de


formation, la réponse consiste à regarder du côté des solutions pour « _être source d’inspiration plutôt que donneur de leçons_ ». En présentant une histoire non pas axée sur une personne ou


une organisation mais sur la réponse à un problème, en fournissant des preuves de son efficacité, des éclairages qui peuvent aider les autres à faire de même et sans oublier de mettre en


avant les limites ou les faiblesses de cette réponse. Une solution éditoriale qui a justement sa propre limite puisque tous les sujets diffusés au journal de 20 heures doivent présenter au


moins deux exemples chacun. Donc moins de temps pour présenter des initiatives, et un risque d’effet catalogue. > « _Plus les journalistes seront formés, plus la rédaction en > chef 


sera forcée de traiter ces sujets correctement_ » Un atelier bilan carbone plus tard, les stagiaires sont lessivés. Malgré la mise à disposition d’un répertoire de scientifiques par régions,


certains se demandent si les exemples et ressources présentés suffiront à convaincre les rédacteurs en chef de donner plus de place au climat dans les journaux télévisés. « _Plus les


journalistes seront formés, plus la rédaction en chef sera forcée de traiter ces sujets correctement_ », estime Sophie Roland. Du côté des scientifiques, l’espoir est au rendez-vous. « _Les


députés ont un égo phénoménal. Les journalistes, c’est différent. Ils sont curieux et ont une exigence d’explication rationnelle _», souligne François Gemenne. Un constat partagé par


Philippe Grandcolas. « _Je sens leur volonté de progresser. En trente ans de carrière, je n’ai jamais vu autant d’implication des médias dans les problématiques environnementales, c’est très


rassurant. _» Parmi les stagiaires, certains, qui affirmaient au départ suivre cette formation pour des raisons civiques plus que professionnelles confient leur envie naissante de faire un


jour partie « _de l’aventure d’un magazine climat _». Une présentatrice a gagné en confiance, se dit heureuse de bénéficier aujourd’hui « _de références comme des ordres de grandeur, des


chiffres, des contacts _» pour mieux animer des débats en plateau et confronter ses invités à ces sujets. Ici, un journaliste regrette que des sujets clivants comme le nucléaire n’aient pas


été abordés. Une autre réfléchit à réaliser des maquettes pour mieux expliquer ses prochains sujets, un peu comme dans « _C’est pas sorcier _». Pourvu que tous les maillons de la chaîne


suivent.


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