En géorgie, l’hostilité monte contre les journalistes

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La loi sur l’influence étrangère éloigne la Géorgie d’un avenir européen. En Russie, une loi similaire « sur les agents étrangers » existe depuis 2012. © Crédits photo : Nolwenn Jaumouillé


Après l’adoption d’une loi sur l’influence étrangère, les médias indépendants, directement visés, voient leur avenir menacé et un climat de pression monter à leur encontre. Nolwenn


Jaumouillé Publié le 21 mai 2024 Sur l’avenue Roustaveli à Tbilissi, Natia se dirige d’un pas décidé vers la manifestation d’étudiants qu’elle couvre ce soir pour _Publika_. _« On est


prévenu des lieux de rendez-vous au dernier moment »_, explique-t-elle. Depuis des semaines, les dix journalistes de ce pure-player se relaient nuit et jour pour suivre le mouvement social,


porté par la jeunesse, qui agite la capitale de ce petit pays du Sud-Caucase. Pour les médias indépendants comme le sien, l’enjeu dépasse cette fois le rôle d’informer : c’est leur propre


survie qui se joue dans cette mobilisation. _« C’est triste car on se retrouve à devoir se positionner aussi comme des activistes. »_ Le 14 mai, la majorité parlementaire du parti Rêve


géorgien, au pouvoir depuis douze ans, a en effet adopté une législation décriée : elle obligera les organisations financées à plus de 20 % par des fonds étrangers — à savoir les ONG et


médias indépendants — à s’enregistrer comme_ « organisations servant les intérêts d’une puissance étrangère »_._ _Accusé de marquer le retour de ce pays dans le giron du Kremlin où une loi


similaire « sur les agents étrangers » existe depuis 2012, ce texte qui éloigne aussi le pays d’un avenir européen, viserait _« à marginaliser la société civile avant l’élection législative


d’octobre »_, selon Kornely Kakachia, de l’Institut de politique géorgien. UN PAYSAGE MÉDIATIQUE DIVISÉ Une intention dont le pouvoir se défend, vantant une loi de transparence. Nata


Dzvelishvili, de la revue _Indigo_, rétorque : _« Nous rendons déjà des comptes, à nos donateurs et à l’État_, _nous sommes les plus transparents du paysage médiatique. » _Ce dernier, dominé


par la télévision_,_ _« se divise entre d’un côté les chaînes de télévision du gouvernement qui distillent de la propagande pro-russe, et de l’autre des chaînes critiques, qui ont le mérite


d’exister mais sont financées par les partis d’opposition »_, explique Lia Chakhunashvili, directrice de l’ONG Charte géorgienne pour l’éthique journalistique. _« Entre les deux, les médias


indépendants n’ont d’autres recours que les donateurs : la Géorgie est un pays pauvre, le marché de la pub est petit, bourré d’intérêts divers et la population ne peut pas payer des


abonnements. »_ Minoritaires mais en croissance, ces médias en ligne touchent une audience jeune et éduquée, là où la télévision demeure dominante. Mais _« l’enjeu concerne aussi les médias


communautaires en zone rurale, cruciaux pour la démocratie locale »,_ ajoute Natia Kuprashvili, directrice de l’Alliance géorgienne des diffuseurs régionaux. Avec la loi, ils s’exposent soit


à disparaître, s’ils refusent de s’y plier — l’amende est colossale — soit à tomber sous un contrôle administratif strict. Cette mesure qui s’abat sur la presse s’inscrit dans un processus


plus ancien en Géorgie, qui a perdu 26 places au classement 2024 de RSF. Nombre de journalistes interrogés pointent l’invasion de l’Ukraine comme un moment charnière. _« Le gouvernement


s’est mis à verrouiller l’accès à l’information publique et à refuser les demandes d’interview dans les médias critiques », _poursuit Lia Chakhunashvili. S’y est greffé une entreprise_ _de


_« dénigrement systématique »_ des journalistes et médias indépendants, dans les discours politiques, les médias pro-gouvernementaux et par des posts sponsorisés sur les réseaux sociaux,


comme l’explique Eto Buziashvili, spécialiste des opérations d’influence. Le service de communication du parti Rêve géorgien au pouvoir a ainsi créé une page Facebook nommée « En fait », qui


prétend rétablir la vérité contre _« certains médias »_ qui _« sciemment ou inconsciemment, deviennent des vecteurs de désinformation »._ Sur son smartphone, Lika Zakashvili, rédactrice en


chef de _Publika_, ouvre la page en question. Elle y apparaît dans un post présentée comme « propagandiste pro-LGBT ». > « Être signalée comme agent de l’étranger, c’est si > humiliant


 » Agiter ce chiffon rouge est l’une des nombreuses marottes du gouvernement pour stigmatiser les médias indépendants auprès d’une société très conservatrice_. « Une diversion qui cache les


vrais problèmes de pauvreté, d’emploi, de corruption », _soupire Lia Chakhunashvili, pour qui cette rhétorique a contribué à alimenter un climat d’hostilité à l’égard des journalistes. En


2021, lors de la marche des fiertés à Tbilissi, 53 journalistes ont été frappés par des groupes d’extrême droite, l’un d’entre eux est mort. CAMPAGNE D’INTIMIDATION Désignant le badge presse


autour de son cou, Natia, la journaliste de _Publika_, me prévient. _« Cet insigne, mieux vaut le cacher en ce moment. »_ Depuis début mai, la pression à l’égard des journalistes (et


opposants) prend une dimension nouvelle. Si la police _« se montre plus brutale en manifestation qu’avant »_, constate Aleksandr, un photojournaliste qui en a été victime, un phénomène


d’intimidation plus glaçant et plus insidieux s’installe, ciblant des milliers de voix dissidentes. _« Je reçois des appels quotidiens. Ils me parlent de ma mère, de mes enfants, menacent de


les frapper. Je suis suivie dans la rue_, raconte Natia Kuprashvili. « _Nous avions les problèmes_ _d’une démocratie défectueuse. Là, on vire à l’autoritanisme. » _ Dans les locaux de son


média Studio Monitori, Nino Zuriashvili, journaliste d’investigation très réputée, désigne une pile de posters qu’elle a décrochés des murs de sa maison et de son bureau : sa photo y


apparaît avec la mention _« Nino Zuriashvili, agent vendu pour de l’argent »_. Sa voiture a été taguée en rouge. _« Mon média a gagné plus de 30 prix de journalisme. Être signalée comme


agent de l’étranger, c’est si humiliant. »_ Pour les opposants, la responsabilité du gouvernement dans cette campagne d’attaques tous azimuts ne fait aucun doute. _« Pour les appels en tout


cas,_ _c’est hautement probable tant c’est organisé et centralisé _», analyse Eto Buziashvili_. _Des embuscades et passages à tabac se sont aussi multipliés, selon un mode opératoire


similaire. Universitaire, Gia Japaridze a été roué de coups de battes de baseball devant chez lui. Dénonçant des _« méthodes mafieuses à la russe »,_ il attribue son agression à des « 


titushkis », terme ukrainien désignant des hommes de main du gouvernement. GUERRE D’INFORMATION Dans l’attente de la promulgation de la loi, les médias indépendants retiennent leur souffle.


_« Désolée, c’est un peu sommaire ici… avec cette situation, je n’ose rien dépenser »_, s’excuse avec un sourire gêné Lia Chakhunashvili en m’accueillant dans le bureau de son ONG. _« Je


disais aux médias de se préparer au pire scénario, ils me répondaient que l’heure était à la lutte. Nous n’osions y croire. » _De peur d’être court-circuité par le gouvernement, personne ne


veut dévoiler ses intentions. _« Plusieurs options sont sur la table, mais une chose est sûre, personne ne s’inscrira comme agent d’une puissance étrangère. » _ L’espoir d’un retrait de la


loi s’éloigne à mesure que les jours passent et se dessine désormais la prochaine bataille : les élections législatives d’octobre, seule chance d’espérer un rétropédalage. Alors que


l’opposition politique est très fragmentée, les journalistes entendent eux travailler d’arrache-pied à contrer la désinformation du gouvernement. Nata Dzvelishvili a bon espoir. _« Nous ne


sommes pas en Biélorussie : la jeunesse est tellement attachée à sa liberté. Je ne crois pas que l’on puisse en trois mois se retrouver avec un pays anti-démocratique. »_ Sur la place des


Héros où des milliers d’étudiants scandent dans une ambiance bon enfant leur rejet de la « loi russe », Natia tâche aussi de faire bonne figure. _« C’est effrayant car il ne s’agit pas juste


de perdre ton salaire, ou le travail que tu adores. Le risque, c’est de perdre ton pays. Mais les voir ici, déterminés, cela redonne de l’espoir. »_


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