Philippe Corbé, décrypteur en chef de l’Amérique de Trump | la revue des médias
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Philippe Corbé, intervenant ici dans « Quotidien » (TMC), RTL, « C dans l'air » (France 5) et France Inter.
Directeur de la rédaction de BFMTV jusqu’en octobre 2024, ce spécialiste des États-Unis multiplie les interventions à la télévision et à la radio, en plus de son podcast et de sa newsletter.
Plusieurs médias lui tournent autour, pour signer des chroniques ou diriger une rédaction.
C’est curieusement parce qu’il ne peut pas travailler qu’il est partout. Invité à « C dans l’air » et « Quotidien », au « Téléphone sonne » et dans « On refait le monde », Philippe Corbé,
l’ancien directeur de la rédaction de BFMTV, est devenu le décrypteur en chef de l’Amérique de Trump. En octobre 2024, il a reçu un recommandé de son ancien employeur lui rappelant sa clause
de non-concurrence de six mois. « J’ai été blessé par le fait qu’on m’empêche de faire mon boulot. On est au moment où se passe l’histoire la plus importante du monde ! J’ai envie de la
raconter et je n’ai pas le droit de le faire… » Il se dit alors qu’il n’a pas besoin de contrat pour travailler, pense à ce qu’il pourrait créer. Un podcast — il en avait lancé un sur les
États-Unis à l’époque où il y était correspondant de RTL. Plus une newsletter quotidienne — il en dévore déjà beaucoup de journalistes américains. C’est d’ailleurs Lauren Collins du New
Yorker qui le convainc de passer à Substack. Vahram Muratyan, le graphiste célèbre pour son petit livre Paris vs New York, lui fait son logo. Ça s’appellera Zeitgeist, comme l’esprit du
temps.
Depuis novembre, qu’il soit à New York, Paris ou ailleurs, Philippe Corbé, 45 ans, l’envoie à 7 heures du matin. Elle compte environ 5 000 abonnés dont bon nombre de confrères qui s’amusent
de retrouver les échos de ses analyses chez d’autres dans les jours qui suivent. Il y pointe derrière le vacarme Trump ce à quoi il ne faut pas faire attention (l’annonce de la disparition
du ministère de l’Éducation) et ce qui se joue vraiment (le pouvoir des juges), zoome sur la plante verte du Bureau ovale qui a disparu, explique pourquoi il faut prendre au sérieux le
sénateur de Pennsylvanie en sweat à capuche… Le podcast, lui, s’attaque aux sujets qui réclament le plus de remise en perspective (l’obsession de Trump pour les barrières douanières depuis
les années 1980). Il y pose des questions auxquelles il n’est pas certain d’avoir les réponses (« comment doit-on appeler le type de régime dans lequel on vit ici depuis deux mois ? »).
« Il épate tout le monde non seulement pour tout ce qu’il a le temps de voir avant les autres, mais aussi parce qu’il trouve le temps de l’écrire », dit de lui Patrick Cohen — Philippe Corbé
lui succède au service politique de RTL en 2004. Dans la même rédaction à l’époque, Thomas Legrand remarque aussi ce gars « sur qui on peut compter, très bosseur, à l’affût de tout, pas
idéologue mais pas neutre non plus ». Au service politique de France Inter à l’époque, c’est Hélène Jouan qui couvre la droite. « On sentait tout de suite qu’il était plus intelligent, qu’il
ne suivait pas la meute en politique. »
« Dans notre métier, on croise plutôt des gens contents d’eux »
Les souvenirs de Philippe Corbé pour le journalisme politique sont plus ambivalents. « Parfois, tu commences assez jeune, et à 24 ans, tu te retrouves vite à couvrir des grands personnages.
Il y a un côté grisant, les dorures, tu mets un costume, tu prends des avions, t’entends parler de décisions qui vont avoir des effets sur la Bourse, tu te mets à regarder les autres
journalistes de haut… » Le malaise qu’il éprouve se transforme en vraie dépression. Il demande à arrêter le journalisme politique. Hervé Béroud, alors directeur de la rédaction, s’en
souvient, comme il se souvient de lui effondré après avoir fait son premier flash sur RTL parce qu’il s’était trouvé catastrophique. « Dans notre métier, on croise plutôt des gens contents
d’eux. »
Pendant ces années, sa bouffée d’air frais, ce sont les États-Unis qu’il arpente l’été en vacances. C’est en partie grâce à cela qu’il y est nommé à New York pour RTL en 2015. « Il a cassé
le game comme correspondant », plaisante Rémi Sulmont à qui il a succédé. Avec des références qui courent de Mark Twain à Lady Gaga, il couvre les institutions américaines autant que la pop
culture. Son intérêt pour la culture tabloïd et la télé-réalité est parfaitement taillé pour couvrir la présidence de Donald Trump. Il s’efforce de le voir en meeting une fois par mois.
Quand il démarre son podcast Une lettre d’Amérique en 2019, il consacre son premier épisode à Kamala Harris que trois journalistes et demi suivent alors. En 2020, pour donner les clés de
Trump, il consacre un livre à celui qui fut son mentor, Roy Cohn, l’avocat du diable (Grasset), bien avant qu’Ali Abbasi n’en fasse un personnage clé du film The Apprentice (« Il est mieux
raconté dans le livre de Philippe Corbé que dans le film », note un confrère).
Rémi Sulmont admire « quelqu’un de complet, cultivé et modeste, qui ne s’adresse pas au public en sachant qu’il sait tout ». Je me souviens qu’à l’époque où je revenais des États-Unis et où
nous parlions des difficultés à réexpliquer les institutions américaines dans des sujets courts, Philippe Corbé m’avait expliqué que sa mère était sa boussole. « Je me dis : "Cour suprême",
est-ce que j’ai besoin de réexpliquer ça pour ma mère ? » Denise Corbé est secrétaire, son mari chauffeur routier. Philippe Corbé, qui revendique cette extraction modeste, a gardé la paire
de chaussures achetée avec son premier salaire de RTL.
Le point de bascule de ses années de correspondant se situe sans doute le 12 juin 2016. La veille, il est allé danser à l’Industry, un club gay de New York. Au petit matin, appel de la
radio. Une fusillade au Pulse, boîte gay d’Orlando, a fait 49 morts. À son retour à New York, il est incapable de refaire tourner la machine normalement. Un ami lui conseille de mettre par
écrit ce qu’il a sur le cœur. Il le fait, puis le publie sur Medium. Un long texte dans lequel il égrène les bars, clubs, troquets gays dans lesquels cet « agoraphobe, parfois misanthrope »
s’est toujours senti chez lui, depuis une nuit, à Lille, absolument déterminante : « C’est là, en dansant, que j’ai pris la décision de ne pas abandonner l’école de journalisme où j’étais
arrivé quelques semaines plus tôt et où je ne me sentais pas à ma place. » Ces clubs sont « des sanctuaires où les laissés-pour-compte peuvent se mettre à l’abri de l’ordre moral et de la
norme sociale, construire patiemment la confiance pour affronter les médisances, les moqueries, l’arrogance, soigner les blessures », écrit-il. Pour le comprendre, « il a fallu [qu’il se]
retrouve entouré de sirènes du FBI et d’ambulances près d’un bar gay au milieu de la Floride, après un attentat où une centaine d’innocents sont tombés sous le feu de la haine. » Et si
c’était son père, sa mère, son frère qui avait reçu un appel pour lui dire qu’il avait été tué parce qu’il était sorti danser ?
En quelques heures, des milliers de lecteurs l’ont lu, y compris des proches à qui il s’ouvrait peu de sa vie. « Orlando a décoincé un truc », dit-il pudiquement. Désormais, les abonnés à
son podcast ou à sa newsletter l’entendent régulièrement parler de « [s]on mari », lequel vient apporter des astérisques à l’actualité. Le mauvais anglais de Zelinsky dans le Bureau ovale a
pu mal passer pour les Américains, lui souffle-t-il. Les deux hommes se sont mariés le 1er juin 2019 à Marfa, au Texas, lieu improbable et mythique. Entre les parents Corbé, Jérôme Godefroy,
ancien de RTL, leur traduit la cérémonie. Le soir, tout le monde dîne au Paisano Hotel, l’hôtel qui hébergea Rock Hudson, Elizabeth Taylor et James Dean pendant le tournage de Giant en
1956. Un orage magnifique éclaire le ciel. Les invités sont déjà repartis le lendemain quand la mère de Philippe Corbé fait une embolie pulmonaire. Elle mourra à l’hôpital d’El Paso.
Le journaliste y fera référence sur le plateau de « C à vous » alors qu’il est interrogé sur l’assassinat du PDG d’United Healthcare. « Ma mère est morte aux États-Unis. Elle a eu une crise
de santé intense. Elle est allée moins de 24 heures à l’hôpital : plusieurs dizaines de milliers de dollars de facture… » Il explique que tous les Américains ont une histoire de santé qui
les a fait basculer.
Un pied dans la société française, un pied dans l’américaine, « Américain de cœur », pour reprendre les mots de Thomas Legrand, c’est peut-être ce qui explique son œil, insider et outsider à
la fois : « Par ses origines, son mariage, sa foi, il est toujours en léger décalage avec le milieu dans lequel il évolue. » Sa foi chrétienne (il est épiscopalien) lui a valu de se faire
charrier régulièrement au boulot. Sur son compte Instagram, on trouve occasionnellement des photos d’églises, des versets. « Je ne le cache pas, un peu comme quand je vais à un concert
important, c’est important pour moi », en dit-il. « Après tout, il y a des gens qui postent des photos de ce qu’ils mangent au restaurant. »
Au retour des États-Unis, début 2021, il entre à BFM comme chef du service politique. Oui, il avait dit « plus de politique », mais Hervé Béroud, qui le recrute, lui trouve une relation
d’attraction-répulsion avec le sujet. « On ne peut pas avoir une telle culture politique, être capable d’échanger des anecdotes sur la IIIe République avec Gérard Larcher sans s’y intéresser
», plaisante-t-il. Quand Philippe Corbé prend la direction de la rédaction, il disparaît de l’antenne. « Je n’ai jamais eu autant de retours de téléspectateurs qui regrettaient qu’il ne
soit plus là, les gens trouvaient son point de vue passionnant », se souvient Hervé Béroud. De la première réunion, à 5 h 45, jusqu’à minuit, « c’est assez vertigineux et ça ne s’arrête
jamais », se souvient Philippe Corbé, qui continue à lire la presse américaine et à regarder des extraits d’émission. « Ça me servait de bouée pour respirer… »
« J’ai repris du plaisir à faire mon métier de façon artisanale »
Alors qu’il n’a rien posté sur Medium depuis la fusillade d’Orlando, il recommence à y commenter l’actualité américaine. Il a beau avoir retiré le nom de son média de ses bios Twitter et
Medium, en interne à BFM, ça se complique. Comment faire plusieurs tweets sur un sujet américain qui l’intéresse et, en tant que directeur de la rédaction, conseiller de ne pas trop en faire
sur un sujet ? Quand Biden se retire de la campagne, pendant l’été 2024, alors qu’il est en vacances aux États-Unis, il passe à un rythme quotidien. « J’ai repris du plaisir à faire mon
métier de façon artisanale. »
Certains de ses posts ont un effet viral, dont un de trop, celui dans lequel il explore les raisons pour lesquelles Kamara Harris pourrait remporter la présidentielle. Il a beau annoncer
qu’il en publiera l’antithèse quelques jours plus tard, multiplier les précautions (son texte compte huit « je crois »), c’est celui dont se souviennent ceux qui se sont laissés convaincre.
« Il s’est bien gouré sur "Trump va être battu" », dit Philippe Antoine, qui estime que l’erreur n’était pas tant dans l’analyse que dans l’imprudence de formuler un pronostic. « Ça ne lui
ressemble pas », insiste cet ancien correspondant de RTL aux États-Unis, par ailleurs très admiratif de sa capacité de travail et de son humilité. Mais comment ne pas donner son avis quand
tout le monde vous le demande ? Philippe Corbé rappelle qu’il n’a fait que donner son intuition. Son erreur, il l’explique par mille petits détails captés dans l’air des dernières semaines,
comme cette famille qu’il a vue partir avant la fin lors du meeting du Madison Square Garden…
Ce qui amène à un des dilemmes les plus intéressants du métier. Que doit-on garder pour soi et que doit-on partager ? Le 22 juillet 2016, à Cleveland, lors du discours d’investiture de
Trump, la foule vibre aux mots du leader : « I’m your voice. » Philippe Corbé en sent un frémissement le long de la colonne vertébrale qui l’amène à croire que celui qui passe pour un clown
à l’époque a ses chances. « Je l’ai raconté à Christopher Baldelli, directeur de RTL, mais je ne l’ai pas raconté à l’antenne. J’aurais fait Zeitgeist en 2016, je l’aurais raconté avec le
frisson de la colonne vertébrale… »
Il a bien observé que dans la crise de défiance à laquelle les médias font face, le travail artisanal rassure plus que la grosse machine avec bandeaux et jingles. À BFM, il a été fasciné par
ce que disaient les participants des focus groups des études qualitatives à propos des relations de confiance qu’ils établissaient avec certains reporters jugés sincères. « Les gens
s’informent sur des groupes via des gens qu’ils connaissent, se réfèrent davantage à des personnes qu’à leurs médias, enregistre-t-il. Les youtubeurs ont donné un coup de vieux à la télé.
Les podcasts se sont détachés des codes de la radio pour aller vers ceux du récit. » C’est ce qui le pousse à rédiger Zeitgeist avec une écriture orale, détachée des mots qui font sérieux
dans les dépêches. Dans le podcast, on l’entend souvent dire « je vais vous raconter ».
Et puis il y a Trump. Paradoxalement, le traitement des caricatures demande de la nuance. Comment expliquer qu’il soit à la fois au niveau de popularité de son premier mandat et un des
présidents les plus impopulaires ? « 44 % des Américains pensent que le pays va dans la bonne direction ! Ils n’ont jamais été aussi nombreux depuis 2012 ! Ça ne veut pas dire qu’ils ne
trouvent pas le président grossier mais ils pensent que le pays est sur de bons rails… » Comment ne pas se laisser happer par les provocations du jour, celles-là même dont il dira deux jours
plus tard qu’il ne faut pas les prendre au sérieux ? « Les seaux de merde comme arme de destruction massive, c’est hyper efficace et j’y tombe parfois. » La frénésie des annonces l’a amené
à caler l’envoi de sa lettre sur les heures de sommeil de Trump, l’amenant ainsi à l’écrire à 4 heures du matin lorsqu’il se trouve en France.
Jusqu’à quand peut-il tenir ce rythme ? Sa clause de non-concurrence, qui ne concerne que la télévision, s’arrête le 18 mai. Un grand quotidien lui a proposé de reprendre Zeitgeist. France
Inter, France Info, RTL et la presse écrite lui tournent autour, pour signer des chroniques ou diriger une rédaction… « Mettre autant d’énergie et de travail à parler bien des choses et que
ça soit récompensé par des gens qui vénèrent ce que vous faites, c’est très rare, il n’y a pas dix personnes dont on dit ça dans ce métier », souligne Hervé Béroud, à présent directeur de
l’information du groupe M6-RTL, convaincu que Philippe Corbé « suivra ses envies plutôt que le sens du vent ». Preuve en est, le journaliste a déjà refusé une proposition parce qu’elle ne
lui permettait pas de continuer Zeitgeist : « Ça me ferait mal au cœur d’arrêter. »
L’ancienne correspondante de Canal+ aux États-Unis a mené une carrière parallèle, sous le nom de Laura Haïm, dans les médias américains. Elle vient d’achever un documentaire sur Donald
Trump, produit par Luc Besson.
Au moins 11 enfants ? Au moins 12 ? Voire 14 ? S’y retrouver dans la descendance protéiforme du milliardaire-entrepreneur est un challenge pour les journalistes.
Un mois après le début de son second mandat, Donald Trump fait figure de casse-tête pour les journalistes français. Comment parler de l’homme le plus puissant du monde sans servir sa
stratégie consistant à inonder l’espace médiatique ? Le débat anime les rédactions.
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