Des biens culturels aux biens symboliques
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Théorisation des logiques de fonctionnement, d’élaboration et de diffusion des produits des industries culturelles. Jean-Stéphane Migot Publié le 04 mars 2019 Été 2013 : deux annonces de la
part d’Amazon et de Facebook, viennent symboliquement rappeler la puissance financière et le gigantesque appétit de ces « majors » de la « nouvelle économie ». En juillet, Jeff Bezos,
fondateur d’Amazon, a racheté (sur ses fonds propres) le _Washington Post_, encore auréolé d’avoir fait tomber le Président Nixon dans l’affaire du Watergate en 1972. La presse mondiale a
alors titré sur l’offensive victorieuse de ces nouveaux _tycoons_, sur la « vieille » presse papier traditionnelle. Fin août, Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, s’allie à six autres géants de
l’internet et des équipements de télécommunication (Nokia, Samsung, Ericsson, Opera, Qualcomm et MediaTek). Objectif avoué : rendre accessible encore davantage le Web dans le monde entier,
y connecter encore plus de personnes pour achever de conquérir le marché mondial. Il est vrai, rappelle le communiqué des fondateurs de ce projet baptisé internet.org, que « seuls » 2,7
milliards d’habitants de notre planète sont connectés à Internet, alors que le nombre de clients potentiels des réseaux sociaux existants est de l’ordre de 5 milliards. Ces deux initiatives
rappellent le poids jamais atteint auparavant de ces multinationales sur l’économie mondiale et leurs rapports aux consommateurs, cibles sans distinction géographique, débarrassées de leurs
spécificités culturelles par leurs prédateurs. UNE DÉMARCHE SCIENTIFIQUE RIGOUREUSE Les trois universitaires eux-mêmes le soulignent : leur entreprise est fastidieuse, les modèles divergeant
selon les entreprises, leur histoire, leur culture, leurs ambitions à l’échelle planétaire. Elle est ardue, quand on pressent que ces entrepreneurs transgressent les codes déjà complexes de
la socio-économie et inventent de nouvelles tendances qui intègrent le consommateur comme co-créateur d’une stratégie commerciale : quelle place pour les intermédiaires, les sous-traitants
économiques, qui tentent de faire entendre leur originalité ? Et le peuvent-ils réellement quand les concepts sont verrouillés ? Peut-on traiter les différentes filières des industries
culturelles sur le même modèle ? Quelle est la véritable place des clients dans la conception de ces « biens symboliques_ _» ? Les pouvoirs publics, le plus souvent bousculés par la
puissance de ces géants, ont-ils encore les moyens d’intervenir pour réguler les flux des réseaux sociaux, par exemple ? Et comment l’action publique les aide-t-elle à se développer ?
Constat, hypothèses, principes : C’est à partir de cette grille de réflexion, rigoureuse, fidèle aux canons de la démonstration scientifique, que les trois auteurs déroulent leurs arguments.
Le constat d’abord : « des transformations profondes et apparemment durables affectent les conditions de la production et de la consommation des produits culturels industrialisés (produits
des industries de programmes et des industries de matériels et de réseaux) ainsi que le statut de ces produits, leurs contenus et leur signification sociale. (…) En outre, ces
transformations affectent aussi d’autres produits dont, cette fois, la conception, la production et la diffusion sont fortement industrialisées mais qui n’avaient jusqu’alors rien à voir
avec l’art et la culture ». D’un côté donc, des produits « grand public », de l’alimentation à l’automobile en passant par les boissons alcoolisées, qui se targuent de leur « créativité »
(pensons au modèle Picasso de la marque de voitures Citroën, au jambon vendu comme un produit de luxe…) et de leur caractère unique, original, voire exceptionnel ; de l’autre, des artistes
mondialement connus (Jeff Koons , Damien Hirst…) se réclamant de la démarche décalée du précurseur Warhol, dont les œuvres sont reproduites et déclinées de façon quasi industrielles pour
inonder le marché de l’art. Les auteurs, synthétisent ainsi ce rapprochement industrie/art : « la figure d’un artiste devenu entrepreneur tend-elle (idéalement sinon réellement) à se faire
le pendant de celle d’un entrepreneur gagné aux habitus de l’artiste. (…) Au point de rencontre de ces deux tendances – industrialisation de la culture et culturisation de l’industrie – se
développerait à nouveau frais le projet d’une économie politique des biens symboliques ». DES « BIENS CULTURELS » AUX « BIENS SYMBOLIQUES » Mais comment arrive-t-on, selon eux, à,
transformer ces « produits culturels » en « biens symboliques » ? Philippe Bouquillion Bernard Miège et Pierre Moeglin font intervenir, à ce stade-là, deux hypothèses et recourent aux
sciences sociales appliquées au modèle économique des biens culturels pour accréditer ce qualificatif. Première hypothèse, la « culture industrialisée » bénéficie aujourd’hui des mêmes
méthodes de management que les autres secteurs marchands traditionnels, adaptés néanmoins à leur spécificité. Seconde hypothèse, les marketeurs et créateurs des produits de consommation «
ordinaires » considèrent que mettre en avant le caractère original d’un produit de la vie quotidienne, jusqu’à le rendre à la fois rare et incomparable (cf. les séries limitées, les
invitations de personnalités artistiques à signer une griffe exclusive, etc.) lui donne une plus-value économique incontestable : c’est bien les dimensions culturelles et artistiques, voire
de design, qui flattent le mieux l’ego du consommateur. Cette métamorphose des objets, qui confine à l’idéalisation et à la sublimation a été révélée par Barthes ou Baudrillard, rappellent
les auteurs. Cette référence permet ce crochet par les sciences sociales, pour mieux définir le « symbolisme » avancé par les trois universitaires. La dimension symbolique des produits est
présente à trois niveaux. Elle tient d’abord au « coefficient d’imaginaire qu’ils véhiculent, qui tend à les convertir en médias et moyens de communication et qui en surdéterminent la valeur
économique ». Elle touche ensuite, au « profit symbolique » que ces objets promettent et/ou procurent à leurs acquéreurs. Enfin, elle renvoie aux « conditions par lesquelles la mise au
point de ces produits, la mobilisation des ressources nécessaires à leur conception, les modalités de leur production et la prévalence de la recherche systématique de la nouveauté visent à
aligner – sans d’ailleurs forcément y parvenir toujours – les facteurs matériels et infrastructurels sur les impératifs de la gestion des (et par les) symboles ». Pour appuyer leur
démonstration, les auteurs se fondent sur trois principes. Premièrement, ils puisent dans « l’héritage (…) des contributions de la socio-économie des médias, de la théorie des industries
culturelles et de l’économie politique de la communication_ _». Plus précisément dans les travaux d’Horkheimer et d’Adorno, notamment sur Hollywood et la production culturelle. Leur second
principe est celui de la pluridisciplinarité : ils observent les industries créatives en croisant les travaux d’économistes de l’information, des réseaux et de la culture (citant David
Throsby, Tyler Cowen, Alan Peacock, Françoise Benhamou) ; les sociologues des « mondes de l’art_ _», dont Howard Becker est pour eux la principale référence ; et les sociologues des
industries culturelles (Scott Lash et Celia Lurry). Enfin, l’ambition de ce livre leur confère un troisième et ultime principe de « critique », dans la mesure où les auteurs observent ce
secteur hétérogène dans sa dimension pleine, assumant les conflits de culture d’entreprise par exemple, les rapports de forces induits par la concurrence et la diversité des métiers qui le
composent. « UNE CERTAINE CONCEPTION DE LA SOCIÉTÉ » Pour mieux embrasser leur objectif, les auteurs ont finalement décomposé leur ouvrage en cinq chapitres : « Trois paradigmes spécifiques
des industries spécifiques » ; « Filières industrielles et stratégies des acteurs » ; « Les transformations du secteur des industries de la culture et de la communication » ; « Modèles
socio-économiques, entre industries culturelles et industries créatives » ; « L’industrialisation des biens symboliques et l’adaptation des politiques publiques et de régulation ». Ils
examinent ainsi ces « biens symboliques_ _» sous tous les angles : dans leur environnement économique premier, mais aussi bien au-delà, puisque cette « nouvelle » économie veut se mêler
aussi de données sociologiques. « Les biens symboliques industrialisés incorporent une certaine conception de la société, du politique, des rapports sociaux et de la culture. L’incorporation
de ces dimensions ne se produit pas seulement via les discours promotionnels des acteurs industriels mais ces diverses conceptions de la société, de la culture, etc. sont inscrites dans les
modalités mêmes de création, de production et mise en marché ». Au final, _L’industrialisation des biens symboliques _se révèle un ouvrage fouillé, très charpenté. Exigeants, les trois
chercheurs poussent leur démonstration au plus loin. Quitte à rendre quelques fois la lecture moins fluide pour le lecteur, quand les besoins de la démonstration les obligent à revenir sur
l’explication d’un concept, le rappel d’une définition, etc. Le lecteur attentif y trouvera cependant source de réflexion pour prolonger ses impressions de consommateur embarqué parfois de
force par la publicité… Il comprendra mieux les mécanismes généraux échafaudés par les industriels, alimentés par les nouvelles technologies de l’information, pour le flatter et le placer au
centre de toutes les attentions. Et avec cette sensation amère qu’il lui sera de plus en plus difficile d’échapper aux sirènes de la consommation, même réfugié sur les rivages de la culture
et de l’art.
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