« la dépêche du midi » engage-t-elle des journalistes low cost ?

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« la dépêche du midi » engage-t-elle des journalistes low cost ?"


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_La Dépêche du Midi_ a créé une agence de presse, La Dépêche News, pour recruter des journalistes à des conditions « légèrement différentes » de celles du journal. Ce sont les mots de


Jean-Michel Baylet, PDG du groupe.  © Crédits photo : PASCAL PAVANI / AFP Les dernières cohortes de journalistes recrutées par le quotidien régional ont été engagées par son agence de presse


 La Dépêche News. Un tour de passe-passe que l’inspection du travail suspecte d’être un moyen de réaliser des économies sur le dos des salariés. Vincent Bresson Publié le 14 novembre 2023 À


sa sortie d’école de journalisme, Juliette* est vernie. Elle trouve immédiatement un CDI dans un grand titre de presse régionale. Embauchée lors des salves annuelles de recrutement lancées


par _La Dépêche du Midi_ en 2017, 2018 et 2019, elle passe sa première année à changer de service tous les trois mois, avant d’être affectée à une locale. Un métier qu’elle décrit comme « 


_super_ », tout en ajoutant avoir beaucoup aimé travailler en presse régionale. Plusieurs années après avoir rejoint le groupe de Jean-Michel Baylet, Juliette fait pourtant le choix de le


quitter. Sa situation était à ses yeux moins enviable que celle des anciens. Ceux du temps où le quotidien ne recrutait pas des journalistes sous un contrat différent. Juliette et les


différentes promotions de journalistes embauchés ces dernières années n’étaient pas engagées par _La Dépêche du Midi_, mais par l’agence de presse La Dépêche News. Son contrat a beau être


différent, elle assure avoir fourni un travail équivalent à celui de ses confrères et consœurs ayant signé avec _La Dépêche du Midi_. Et même peut-être davantage : « _Les Dépêche News, on


travaille autant, si ce n’est plus. On écrit des papiers pour le web alors que d’autres salariés [dont les contrats, anciens, ne prévoyaient pas la publication en ligne] peuvent le refuser,


on était même amenés à faire de la vidéo._ » Une situation qui concernerait _« près de la moitié des 175 journalistes écrivant à ce jour »_ dans _La Dépêche du Midi_, selon _Le Monde_. TF1


ET MUTATION NUMÉRIQUE Lors de sa création en 2002, La Dépêche News rassemblait initialement des pigistes auxquels faisait appel TF1. « _Ces partenariats ont été impulsés par Jean-Pierre


Pernault il y a très longtemps_, explique Nicolas*, un journaliste La Dépêche News travaillant pour TF1._ Il voulait développer des bureaux en région, ils ont donc souvent été adossés à des


groupes de presse régionale._ » C’était aussi, aux dires d’un ancien responsable du journal, une « _volonté d’accélération de la mutation numérique_ », autrement dit une manière de


moderniser les contrats pour les adapter au journalisme 2.0. Nicolas estime que ce système ne lèse pas seulement les journalistes de presse écrite. La petite équipe de journalistes télé de


La Dépêche News serait aussi perdante : « _Ce contrat de correspondance entre TF1 et La Dépêche permet à la chaîne d’externaliser et de sous-traiter._ » L’équipe toulousaine de la première


chaîne de France ne compte que quelques contrats à durée indéterminée et les salaires y seraient moins élevés que ceux de leurs semblables de TF1 à Paris. > _« Le dialogue social a 


toujours été compliqué à “_La > Dépêche” » Le reporter ajoute que cet accord passé avec TF1 serait très avantageux pour l’entreprise détenue par la famille Baylet. Impossible de s’en


assurer : joint par e-mail, le directeur général Jean-Nicolas Baylet n’a pas souhaité répondre aux questions de _La Revue de Médias_. Ce qui est certain, c’est que les bilans financiers de


l’ensemble du groupe La Dépêche du Midi sont bons, ces dernières années. En 2021, son bénéfice en nette progression a ainsi atteint deux millions et demi d’euros. Interrogé sur La Dépêche


News lors de son audition au Sénat en février 2022 (voir ci-dessous à partir de 23'40), Jean-Michel Baylet avait déclaré : _« La rentabilité des journaux est “ric-rac” : 1 à 2 millions


d'euros de bénéfices ou de pertes, pour un chiffre d'affaires consolidé de l'ordre de 200 millions d'euros, sur lequel nous avons perdu, en cinq ans, quelque 50 millions


d'euros de recettes... Nous devons donc rationaliser et mutualiser, à la fois la rédaction, mais aussi les ouvriers. »_ UN SALAIRE INFÉRIEUR Contrairement aux anciens journalistes, les 


« nouveaux » n’ont pas droit à une rémunération lorsque leurs photos illustrent des articles et, jusqu’en 2022, ils bénéficiaient d’un nombre inférieur de jours de RTT. Leur point de salaire


ne progresse pas non plus à la même vitesse. « _Leur grille de salaire ne dépend pas de la convention collective de _La Dépêche du Midi_, mais de celle des agences de presse, moins


avantageuse_ », raconte Patrick Guerrier, élu du syndicat national des journalistes (SNJ) au comité social et économique de _La Dépêche du Midi_. Le syndicaliste explique qu’il est difficile


de quantifier le manque à gagner puisqu’il est intimement lié à la singularité de chaque situation. La SNJ a tout de même sorti la calculette : les journalistes de _La Dépêche du Midi


_gagneraient 2 627 euros bruts à la fin de leur progression automatique de dix ans. À situation équivalente, on serait à 2 226 euros bruts côté La Dépêche News. Un écart amplifié dans les


rédactions sans photographe. Cette nouvelle réalité salariale n’est pas sans conséquence. Juliette assure que cinq des dix salariés recrutés en même temps qu’elle ont déjà quitté


l’entreprise. Quant à Patrick Guerrier, il s’est retrouvé dans une étrange situation : le rédacteur en chef de sa locale est un salarié Dépêche News, tandis que le journaliste est sous


contrat avec _La Dépêche du Midi_. Avec qui alors passer son entretien professionnel ? La situation a dû être clarifiée lors d’un CSE en octobre 2022 : avec un salarié de _La Dépêche du


Midi_ et non avec un de La Dépêche News. « L’EMPLOYEUR AVAIT DEUX TÊTES » Claire Raynaud se présente comme la première salariée à avoir fait les frais de ce système. En 2015, elle signe un


premier CDD en tant que rédactrice. Elle assure avoir alors remarqué le nom de La Dépêche News dans le contrat et en avoir fait part à sa direction. En retour, on lui rétorque que tout cela


est temporaire. Mais quand elle passe en CDI huit mois plus tard, rebelote. « _J’étais en pleine séparation, donc je n’étais pas dans une situation où je pouvais me dire :_ “_Ils se foutent


de ma gueule, je m’en vais.”_ _À Toulouse, il n’y a que France 3, France Bleu et _La Dépêche_. J’ai fait avec._ » Claire Raynaud ajoute que, de toute façon, on lui fait comprendre que tout


le monde serait désormais recruté sous ce statut. Elle n’a pas le choix. En interne, cette différence de traitement interroge. Un journaliste ne peut s’empêcher d’être fataliste : « _Il


aurait fallu faire grève avant que le statut Dépêche News ne soit adopté pour l’empêcher._ _Mais les anciens n’étaient pas vraiment prêts à perdre des jours de salaire pour les jeunes,


malheureusement. Et puis, le dialogue social a toujours été compliqué à _La Dépêche_._ » L’indignation du SNJ auprès de la direction n’aura pas suffi : le statut inauguré par Claire Raynaud


s’est retrouvé généralisé. > « _Ça m’a fait douter de mes capacités et de moi-même_ » S’ensuivent des semaines de travail « _rarement en dessous de soixante heures et pouvant aller


jusqu’à quatre-vingt_ ». Ses heures supplémentaires, Claire Raynaud assure qu’elles ne sont « _pas récupérées_ »_ _et « _non payées_ » et estime avoir été payée 30 % de moins que les autres,


avec un tiers de congés en moins et pas de primes. La journaliste voit, au fil du temps, de nombreux jeunes Dépêche News quitter le journal par dépit. « _En quelques mois, ils sont devenus


désabusés et écœurés_, se désole-t-elle_. Je l’étais moi aussi, et encore, le mot est faible._ » La quinquagénaire finit elle-même par quitter le groupe après une rupture conventionnelle à


l’été 2019. Une nouvelle vie commence : Claire Raynaud fait une croix sur le journalisme et monte sa propre entreprise de communication. L’année suivante, elle engage, avec le SNJ, une


longue procédure aux prud’hommes. La cour d’appel de Toulouse conclut le 30 juin 2023 qu’il « _existe bien un lien de subordination non seulement avec la société La Dépêche News, qu’aucune


partie ne remet en cause, mais également avec la société Groupe La Dépêche du Midi _» et précise que _« les intimées étaient ainsi co-employeurs_ ». La notion de travail dissimulé n’est


retenue que sur la question des heures supplémentaires, mais pour son avocate Pauline Le Bourgeois l’essentiel est d’avoir montré que « _l’employeur avait deux têtes_ ». Le groupe La Dépêche


du Midi a décidé de former un pourvoi en cassation. L’enjeu est de taille : la décision de justice peut offrir pour un solide point d’appui pour la petite centaine de salariés concernés,


s’ils arrivent à démontrer leur lien de subordination avec _La Dépêche du Midi_. L’INSPECTION DU TRAVAIL S’EN MÊLE Clément s’est quant à lui rendu compte de cette différence de traitement « 


_un peu bêtement_ ». Dans le bureau de sa supérieure, cet ancien journaliste de la maison aperçoit au bout d’un mois deux plannings avec les noms des salariés : un pour les journalistes


estampillés _Dépêche du Midi_, l’autre pour les _Dépêche News_. « _Quand j’ai demandé pourquoi, on m’a dit répondu que c’était pour être en règle en cas de visite de l’inspection du


travail._ » Et quand il interroge par e-mail ses supérieurs hiérarchiques sur cette différenciation, Clément n’obtient que des réponses orales. De quoi faire naître des suspicions : « _Ça


donnait la sensation qu’ils cherchaient à dissimuler cette situation_ ». Le jeune journaliste finit en burn-out. S’il l’impute davantage à la gestion de ses supérieurs, il pense que la


différence de traitement a participé à cet épuisement professionnel. « _Le fait de me sentir humilié par cette situation, ça m’a fait douter de mes capacités et de moi-même_ »,


explique-t-il. Lessivé, Clément finit par quitter le média après une année à travailler pour le groupe. En 2023, le SNJ le contacte et lui propose de se porter partie civile à la suite d’une


enquête relative à un délit de marchandage. Plusieurs dizaines de journalistes souhaiteraient s’associer à la procédure, selon _Le Monde_. À l’été 2022, l’inspection du travail s’était


rendue dans les locaux de _La Dépêche du Midi_ de différents départements_._ À la suite de cette enquête, le parquet de Toulouse a été saisi en janvier, et le dossier déposé au parquet en


octobre. Les suites données à ces procédures seront observées avec attention dans les autres groupes de presse régionale. La création d’une agence de presse externe avait un temps été


envisagée par _La Voix du Nord__,_ avant que la direction ne recule devant l’opposition des syndicats. *Les prénoms ont été modifiés à la demande des interviewés


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