Comment rémunérer les artistes-interprètes aujourd'hui?
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Fragilisés par la révolution numérique, les artistes-interprètes plaident pour un plus juste partage de la valeur. Décryptage à l’occasion des Rencontres européennes de l’Adami. Rémi Jacob
Publié le 13 mai 2014 L’inquiétude est palpable ! Dans un écosystème en pleine mutation, les artistes-interprètes s’interrogent sur leur avenir. Ces dernières années, l’apparition de
nouveaux modes de consommation des œuvres a fait voler en éclat les modèles établis. À tel point que la pertinence du cadre juridique planté en 1985 est aujourd’hui questionnée. Avant cette
date phare, les artistes-interprètes ne percevaient en France aucun droit pour la diffusion ou la rediffusion des œuvres qu’ils interprétaient. La loi 85-660 du 3 juillet 1985 est venue
remédier à cela en leur accordant des droits voisins du droit d’auteur. Défini par l’article L212-1 du Code de la propriété intellectuelle comme « la personne qui représente, chante, récite,
déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes », l’artiste dispose depuis lors d’un droit
patrimonial et moral sur son interprétation. Mais aujourd’hui, nombreux sont les défis pour les membres de cette corporation qui a subi de plein fouet la crise du numérique. L’Adami –
société de gestion collective qui gère les droits de plus de 60 000 comédiens, chanteurs, danseurs solistes, chefs d’orchestre et musiciens solistes – organisait mi-avril à Metz ses «
Rencontres européennes ». Un rendez-vous qui a mis en lumière la nécessité d’établir un plus juste partage de la valeur. À l’heure actuelle, la rémunération des artistes-interprètes n’est
pas en phase avec les nouveaux usages de la musique et de l’audiovisuel. De plus en plus d’artistes sont frappés par la précarité et le combat contre les géants du net est pour le moins
déséquilibré. « Il est nécessaire de mieux protéger les artistes-interprètes. Avec le numérique, les modèles économiques ont changé et il faut garantir un plus juste partage de la valeur » a
reconnu la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, présente lors de ces Rencontres européennes de l’Adami. Cette thématique figurera au menu de la prochaine loi
Création. LE STREAMING MUSICAL FAIT DÉBAT Dans le domaine de la musique, la question du streaming est au cœur des débats. Ce mode de consommation des œuvres est en forte croissance et
affiche désormais une solide part de marché. Selon les chiffres dévoilés en début d’année par le Syndicat national des éditeurs phonographiques (SNEP), il a généré 43 % des revenus du marché
numérique de la musique en 2013. Il fidélise 1,4 million d’utilisateurs en France et la concurrence accrue liée à l’arrivée de nouveaux acteurs devrait accélérer le basculement des usages,
prédit le syndicat. De Spotify à Deezer en passant par la Fnac, l’offre est pléthorique et les perspectives réjouissantes pour ces acteurs. « L’année 2013 a été une année très riche pour le
streaming et pour Spotify », explique Yann Thebault, directeur général de Spotify France dans un dossier réalisé par le centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles
(IRMA). « En un an nous sommes passés de 15 à 55 pays, nous avons reversé 500 millions de dollars aux ayants droit, nous avons lancé une offre mobile gratuite, l’industrie musicale a
commencé à renouer enfin avec la croissance au global dont certains cas exceptionnels comme celui de la Suède (+ 14 % de croissance des revenus du marché de la musique en 2013 en grande
partie grâce au streaming et à Spotify) et de nombreux nouveaux acteurs se sont lancés sur le secteur », souligne-t-il. En creux, la question du partage de la valeur générée par le streaming
échauffe les esprits. Avec à la clé un fossé idéologique entre d’un côté les producteurs de disques et de l’autre les artistes interprètes. Dans ce contexte explosif, un rapport baptisé «
Musique en ligne et partage de la valeur – État des lieux, voies de négociation et rôles de la Loi » a été remis à Aurélie Filippetti en décembre 2013. Rédigé par Christian Phéline, il
invite les partenaires sociaux à une « négociation conventionnelle des rémunérations des artistes-interprètes pour les exploitations numériques en prévoyant, à défaut d’aboutissement dans un
délai raisonnable, une gestion collective obligatoire de ces rémunérations ». En attendant, les sommes qui reviennent en bout de course aux artistes-interprètes sont dérisoires : pour qu’un
musicien puisse espérer gagner 1 000 €, il faut que son titre soit écouté près de deux millions de fois. L'AVENIR NUMÉRIQUE DES COMÉDIENS EN QUESTION Dans le domaine de l’audiovisuel
et du cinéma, la situation est sensiblement différente. L’offre de vidéo à la demande par abonnement (SVoD) est nettement moins aboutie que celle de streaming musical. Aucun acteur français
n’a su s’imposer sur ce marché complexe à de multiples égards (chronologie des médias, modes d’accès…). Dans le même temps, les autres modes de consommation numérique des œuvres présentent
des perspectives guère plus enthousiasmantes pour les comédiens. Ni la vidéo à la demande à l’acte, ni la télévision de rattrapage ni même les plateformes de partage de vidéo ne parviennent
à leur garantir des revenus dignes de ce nom. In fine, pratiquement aucun artiste-interprète n’est intéressé au succès numérique de l’œuvre à laquelle il a pourtant contribué. Seules
quelques « superstars » du cinéma et de la télévision parviennent à négocier une rémunération proportionnelle aux recettes des exploitations secondaires. Mais il ne s’agit que d’une caste de
privilégiés, la norme demeurant la forfaitisation des exploitations digitales. En attendant l’instauration d’une rémunération minimale garantie sur Internet, les artistes-interprètes de
l’audiovisuel et du cinéma voient le train de la révolution numérique leur passer sous le nez. D’autant que leurs rémunérations « classiques » se réduisent comme peau de chagrin. Selon une
étude réalisée par Marie Deniau pour l’Adami en 2008, une majorité de comédiens disposent de revenus modestes voire très faibles. « Les chiffres disponibles nous autorisent à penser que 50 %
des comédiens peinent à gagner plus de 8 000 € par an, au titre de leur interprétation » peut-on lire dans cette étude. Une autre source d’inquiétude concerne la durée de protection des
droits. En France, la loi de 1985 avait défini une période de protection longue de 50 ans après la première divulgation de l’œuvre. Une directive adoptée par le Parlement européen et le
Conseil de l’UE le 27 septembre 2011 est venue l’étendre à 70 ans. Si ce texte a été transposé à ce jour par une vingtaine de pays – parmi lesquels l’Allemagne, le Danemark ou encore le
Royaume-Uni –, il n’en est rien de la France. Au-delà de ce retard à l’allumage, le principal problème est que cet allongement ne s’applique qu’aux droits voisins des artistes interprètes et
des producteurs de disques et nullement à ceux des producteurs et artistes de l’audiovisuel et du cinéma ! Ces derniers verront donc leur droits maintenus à 50 ans, sans que cette disparité
entre audiovisuel et musique ne puisse se justifier d’une quelconque manière. LA COPIE PRIVÉE SÉCURISÉE En revanche, l’avenir semble s’éclaircir sur le terrain de la rémunération pour copie
privée. Inventé par les allemands en 1965 et en vigueur en France depuis 1985, ce système permet de compenser le préjudice engendré par l’exception de copie privée prévue dans le Code de la
propriété littéraire et artistique. Cette rémunération est perçue auprès des fabricants et importateurs de supports de stockage (disques durs externes, ordinateurs, smartphones,
tablettes…). Après une âpre bataille, les opérateurs SFR et Free ont accepté l’an passé de contribuer à la rémunération pour copie privée et signé un accord à portée rétroactive. Il s’agit
d’une étape importante car le secteur des télécoms est aujourd’hui le principal pourvoyeur d’appareils de copie. L’année 2013 a été marquée par une autre lutte autour d’un volet méconnu de
la copie privée : l’action culturelle. Alors que 75 % de la somme collectée auprès des fabricants est répartie entre les ayants droit, la législation impose aux sociétés de perception et de
répartition des droits que les 25 % restant soient affectés à des « actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation d’artistes ». À cet égard, une menace
de taille a plané au niveau communautaire sur le financement de l’action culturelle. Dans une affaire qui l’opposait à une société de gestion collective autrichienne, Amazon estimait que la
part prélevée sur le butin de la copie privée et affectée aux actions culturelle était illégale. Amenée en juillet dernier à se prononcer sur cette question, la Cour de justice de l’Union
européenne (CJUE) a au contraire considéré qu’une législation nationale pouvait parfaitement affecter une partie de la rémunération pour copie privée à des activités de promotion culturelle.
Une décision saluée par Aurélie Filippetti lors des Rencontres européennes de l’Adami. « Il faut maintenir ce système astucieux qui a fait ses preuves pour aider les artistes », estime la
ministre tout en appelant de ses vœux une « meilleure transparence ». _Aurélie Filippetti aux Rencontres européennes de l'Adami (avril 2014) _ Dans les prochains mois, les ayants droit
resteront sur leur garde. Car il ne fait nul doute que les industriels – dont la puissance « lobbystique » n’est plus à démontrer – tenteront de donner dès qu’ils le pourront quelques coups
de griffe à la copie privée. UNE FORTE DIMENSION EUROPÉENNE Désormais, une grande partie des combats se joue à l’échelle européenne. Et c’est peu dire que l’année 2014 sera décisive au
regard des échéances électorales qui la rythment. Après la constitution d’un nouveau Parlement au printemps, ce sera au tour de la Commission d’être renouvelée à la fin de l’année. « Nous
sommes à un moment charnière pour la politique européenne culturelle » assure Aurélie Filippetti. À son initiative, le Forum de Chaillot sur l’avenir de la culture et l’avenir de l’Europe a
permis début avril de dégager une feuille de route quinquennale pour la nouvelle Commission. Une cinquantaine d’actions concrètes y figurent, dont certaines concernent directement les
artistes-interprètes, à l’image du plan de soutien à la mobilité des artistes et des œuvres. Dans le même temps, le travail mené par l’actuelle Commission européenne dans le domaine des
droits d’auteur pourrait apporter son lot de surprises. En décembre, une consultation publique été lancée. Avec un objectif clairement affiché : « revoir et à moderniser les règles
européennes sur le droit d’auteur ». Plus de 10 000 réponses ont été apportées à cette consultation qui englobe dans son périmètre les questions relatives aux droits voisins des
artistes-interprètes. Du côté des sociétés de gestion collective chargées de les défendre, on tente de s’organiser pour mettre en place des outils adaptés à cette nouvelle donne européenne.
« Nous travaillons avec les autres sociétés d’artistes à la création d’une gigantesque base de données recensant tous les interprètes (musiciens, comédiens, danseurs…) et leurs
enregistrements, pour mieux les rémunérer où que ces enregistrements soient exploités », expliquait mi-avril le président de l’Adami Jean-Jacques Milteau au quotidien _Libération_. Très
mobilisés, les artistes eux-mêmes font également entendre leur voix et commencent à se structurer. Lors des rencontres européennes de l’Adami, six fédérations nationales d’artistes
(Allemagne, Belgique, États-Unis/New-York, France, Grande-Bretagne et Norvège) ont annoncé la création d’une coordination internationale : la WAO (World Artists Organisation). Elles estiment
que l’épanouissement du numérique doit et peut se faire « en harmonie avec l’épanouissement des artistes ». -- Crédits photo : Visuel presse des Rencontres européennes de l'Adami
(Thomas Bartel)
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