« un baptême du feu » : quelles traces ont laissé les attentats chez les jeunes journalistes
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À peine diplômés, ces jeunes journalistes ont été confrontés au stress de la couverture des attentats. Pour certains, ces événements ont agi comme un test pour la suite de leur carrière. ©
Illustration : Lucile Farroni « Charlie Hebdo », Bataclan, Nice, Saint-Étienne-du-Rouvray… Quelles conséquences ont eu les attentats de 2015 et 2016 pour les journalistes qui entraient dans
la profession et qu'en retiennent-ils, dix ans après ? Témoignages. Camille Regache Publié le 02 avril 2025 Le 13 novembre 2015, il est près de 21 h 30 lorsqu’une agitation soudaine
dans la rue pousse Gwladys Laffitte à sortir du café dans lequel elle prend un verre, à Paris. Elle remonte la rue Marie-et-Louise et arrive devant le Carillon. _« Sur le moment, je ne
réalise pas qu’il y a des gens morts devant moi. Je suis en tenue de soirée, robe et talons. »_ Sortie du CFJ quelques mois plus tôt, la journaliste de 23 ans vient de commencer un contrat à
« C dans l’air » (France 5). Elle appelle ses chefs. Ils lui envoient un journaliste reporter d’images (JRI) pour tourner _« au cas où »_. Quand elle apprend que « quelque chose » est en
cours au Bataclan, elle décide de s’y rendre. Place de la République, la police parle de terroristes en fuite dans Paris. « _Je comprends que ce qui se passe devient délirant. » _Sa carte de
presse lui permet de franchir les barrages. Avec son JRI, elle assiste à l’assaut de la salle de spectacle._ « Je compte le nombre d’explosions, je m’accroche au moindre détail pour
raconter au mieux. »_ À quelques mètres d’eux, Théo Maneval enchaîne les directs pour Europe 1 : _« un baptême du feu », _se souvient celui qui est sorti de l’École de journalisme de
Sciences Po la même année. _« C’était la première fois que je prenais l’antenne sans notes, sans lire un texte déjà préparé. »_ Il se demande s’il va être à la hauteur mais est vite happé
par la succession de directs et d’interviews. « SE CONCENTRER SUR LE FACTUEL » Couvrir l’événement était émotionnellement moins difficile _« que de le voir à la télé »_, explique-t-il. _« Si
j’avais regardé BFMTV plutôt que d’être sur le terrain, ça m’aurait rendu dingue. » _Les réflexes professionnels ont pu, sur le moment, aider à mettre à distance les scènes d’horreur. « _Si
tu te laisses emporter par les émotions, c’est difficile d’analyser, de se concentrer sur le factuel. Avant les attentats, je n’avais encore jamais été confrontée à cette situation »_,
témoigne Gwladys Laffitte. C’est aussi le cas de Yann Plantier. Le 9 janvier 2015, l’apprenti JRI à iTélé se trouve dans les locaux de _Libération_. Le journal accueille les rescapés de
_Charlie Hebdo_, dont la rédaction a été décimée deux jours plus tôt, pour les aider à sortir leur prochain numéro. _« Le téléphone sonne, le red chef nous dit qu’il se passe quelque chose à
Nation et que grosso modo le code de la route n’existe plus. » _Direction la porte de Vincennes, où 17 personnes sont retenues en otages dans l’Hyper Cacher. Il y passe l’après-midi,
rédacteur en chef dans l’oreillette, à vérifier son cadre de caméra. _« J’ai documenté sans m’investir, pas parce que je me suis volontairement mis à distance, mais parce que je n’avais pas
le temps de penser à autre chose. »_ Il garde de cet après-midi l’image _« des colonnes de CRS qui [l]’entourent puis le champ de [s]a caméra qui se remplit d’hommes en armes »_. Le reste,
_« aussi chiant qu’un conseil des ministres ». « C’est en regardant l’enterrement de Charb que les digues ont lâché »_, confie-t-il. Pour le photojournaliste Nicolas Serve, alors étudiant au
Cuej, la prise de conscience du choc émotionnel intervient également à J + 7. Lors du 13-Novembre, il réalise un portfolio sur la fermeture de la frontière avec l’Allemagne. Une semaine
plus tard, alors qu’il couvre une battue dans les Vosges pour son journal école, les cris, les coups de feu et les bêtes tuées ravivent le souvenir des attentats. Il préfère se tenir à
distance des armes. De retour à l’école, deux profs le prennent à part. _« Ils m’ont dit que si j’étais incapable de mettre mes émotions de côté je ne serai pas un bon journaliste, que ce
n’était pas une carrière pour moi. »_ UN MARCHÉ DU TRAVAIL COMPÉTITIF Théo Maneval, Gwladys Laffitte ou Yann Plantier ont été envoyés sur le terrain par leur rédaction. D’autres, freelances,
ont saisi leur chance. _« Il y avait une opportunité, j’y suis allée »_, explique Teresa Suarez, qui rédige sa première pige en couvrant l’attentat contre _Charlie Hebdo_ pour la presse
locale espagnole. En fin de carence de CDD lors du 13-Novembre, Charlotte Peyronnet se manifeste auprès de RMC, son ancienne rédaction. _« Je n’ai pas pu m’empêcher de penser _“tant mieux,
on va me faire bosser, pourvu qu’on m’appelle_._”_ C’est horrible de se dire ça. »_ La sortie d’école signe une entrée sur un marché du travail compétitif, souvent synonyme de précarité. _«
Jeune journaliste, on n’est personne au sein de nos rédactions, on a besoin de faire ses preuves, on veut en être. »_ Elle découvre que l’expérience ne garantit pas forcément la maîtrise. Le
15 juillet 2016, au lendemain de l’attentat de Nice, Charlotte Peyronnet gère la matinale de RMC. _« C’est la première fois que j’ai vu des journalistes expérimentés paniquer en matinale,
parce que tous les journaux étaient écrits deux minutes avant l’antenne. C’était rassurant, on était tous au même niveau. »_ Après l’intervention de la BRI, de la BI et du Raid au Bataclan,
les survivants sont évacués dans des véhicules de la RATP. Les caméras les filment. « _Les gens à l’intérieur étaient scandalisés, ils tapaient sur les vitres et faisaient des doigts
d’honneur »,_ se rappelle Théo Maneval. Il se souvient d’un « _seul moment d’inconfort », _quand il s’excuse _« de tendre [s]on micro à des gens ensanglantés avec des couvertures de survie._
»_ _Certains refusaient de parler, quand_ « d’autres avaient besoin de raconter ce qu’ils venaient de vivre »._ Gwladys Laffitte retient la décision prise avec son JRI de ne pas filmer les
personnes couvertes de sang. _« À quoi ça sert journalistiquement de filmer cette personne ? Même à 23 ans, il n’y a pas besoin d’avoir une expérience démesurée pour comprendre cela. »_ « JE
ME SUIS SENTI SALE » Au-delà des scènes violentes, les attentats ont surtout représenté pour les entrants dans la profession une forme de loupe sur les pratiques journalistiques, les
meilleures comme les plus discutables. Nicolas Serve est envoyé par un grand titre de presse régional_ _à Notre-Dame de Paris pour couvrir le rassemblement d’hommage au prêtre assassiné à
Saint-Étienne-du-Rouvray. « _On m’envoie un peu en catastrophe, je n’étais pas accrédité, les gens de l’église ne me laissent pas rentrer. »_ Il appelle alors sa cheffe qui lui ordonne de se
débrouiller pour rentrer et faire une photo déchirante, pleine d’émotion. _« Je planque mon appareil photo, je me fais passer pour quelqu’un qui va prier, les gens me regardent de travers,
je me suis senti comme un paparazzi qui va voler une image. »_ Ses chefs sont dithyrambiques, il fait la Une du lendemain, sa première. Il se dit content _« mais à quel prix ? Je me suis
senti sale, le plus pouilleux de toute ma carrière de journaliste. »_ > « C’est important de prendre nos émotions en considération > pour écrire » Cyrielle Bedu avait 27 ans lors du
13-Novembre. Elle sert de fixeuse à une journaliste de télévision allemande. Fait « _le pied de grue devant l’hôpital où étaient soignées des victimes »_ pour « _trouver des personnes pour
témoigner, attendre les familles, leur tirer les larmes…_ » Cherche les numéros de parents de victimes dans les Pages jaunes, appelle, insiste. Son malaise grandit quand elle se rend dans un
quartier d’Île-de-France où aurait séjourné un des terroristes._ « On ne savait pas quelle question poser aux habitants du quartier, on est allés devant la mosquée du quartier, demander
“_est-ce que vous êtes radicaux ?”_ Même la journaliste voyait dans mon regard que c’était gênant. » _Un soir, de retour chez elle, l’envie de vomir est trop forte. _« C’est là que j’ai
arrêté. »_ TERRAINS DE GUERRE Tous les journalistes interrogés se disent marqués par leur expérience. « _Comme être humain avant d’être journaliste »_, précise Nicolas Serve, qui a co-fondé
_Disclose_ en 2018_. « Si tu regardes la sociologie de la presse et des journalistes, on est issus de ce sérail visé par [les attentats contre] _Charlie_ et le Bataclan. » _L’attitude de ses
confrères à cette période a conforté son envie de temps long. Il conteste la possibilité d’une neutralité face aux événements. _« Je raconte encore beaucoup ce qui m’est arrivé quand
j’interviens en école de journalisme. C’est important de prendre nos émotions en considération pour écrire plutôt que choisir le déni. »_ Cyrielle Bedu, est aujourd’hui journaliste au
_Monde_. Elle y produit des podcasts et poursuit également un travail sur le temps long. _« Il m’arrive d’avoir des témoignages de personnes qui ont vécu des choses difficiles. Tu mets les
formes, tu restes longtemps au téléphone. »_ Cette expérience influence de même les pratiques de Théo Maneval, encore aujourd’hui. Devenu reporter pour « C dans l’air », il en retient
surtout les conseils de journalistes plus expérimentés qu’il a ensuite appliqués sur des terrains de guerre, sept à huit ans plus tard, en Ukraine, au Liban et en Israël. _« Ce soir-là, on
était la fleur au fusil en plein cœur de Paris »_, se souvient le journaliste. Il lui aurait été utile de savoir se protéger physiquement, _« savoir quelle position adopter, se positionner
derrière l’essieu d’une voiture plutôt qu’une portière s’il y a des tirs »_. Ou ne pas regarder directement les corps mais juste à côté, _« pour pouvoir décrire la scène sans avoir l’image
qui s’imprime dans la rétine et dans le cerveau »._ > « Il y a eu un avant et un après cette matinale de Nice » De terrains de guerre, il en a aussi été question pour Teresa Suarez, et
les attentats de janvier 2015 ont eu valeur de test. _« J’ai toujours voulu être photographe de guerre, mais tu ne peux pas partir sur le terrain comme ça. » _Alors elle se dit : _« Si je
sais gérer et garder mon calme, je peux continuer ma carrière. »_ Quelques mois plus tard, elle ira en Ukraine, puis en Syrie. Charlotte Peyronnet a, elle, quitté le journalisme._ « Quand on
me demande ce que je fais, je dis que j’ai été reporter, et que j’ai débuté au moment des attentats. »_ Comme une part d’identité professionnelle à part entière. _« Il y a eu un avant et un
après cette matinale de Nice, ça m’a confortée dans le fait qu’à 25 ans, je me sentais à ma place avec ce genre d’actualités complètement folles. »_ Jusqu’à récemment rédactrice en chef
adjointe au _Berry Républicain_, Gwladys Laffitte n’avait pas vraiment d’appétence pour les sujets « police-justice » avant les attentats. Ils deviennent sa spécialité, y compris le
terrorisme, « _sans fin à cette époque-là »_. Elle suit tous les procès des attentats de la période, pour RMC puis Europe 1, jusqu’en 2022. _« J’ai adoré traiter ces sujets,
journalistiquement c’était hyper intéressant,_ insiste Gwladys Laffitte, _mais je me suis rendu compte que je voyais tout via un prisme sombre. J’ai développé une méfiance forte, une sorte
de paranoïa. Quand j’ai arrêté après le procès du 13-Novembre, j’ai réalisé qu’il y avait de la lumière ailleurs. » _C’est pendant ce procès qu’elle découvre, dans le discours d’un
psychiatre, le terme de « traumatisme vicariant », une forme de trauma vécu par des personnes ayant reçu le témoignage de victimes. Elle s’y reconnaît. Entrer en journalisme en 2015-2016
aura été une expérience hors normes. _« Inconsciemment, je trouve peut-être aujourd’hui que le reste de l’actualité est fade, _souligne Gwladys Laffitte. _Il n’a pas le même relief quand tu
commences avec l’intensité des scènes de guerre. »_
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